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Ces dernières contiennent :

Silice
2,56
Chaux
1,55
Soude et potasse
1,31
Magnésie
0,46
Acide phosphorique
0,40
Soufre, fer, alumine, chlore et charbon
1,32

Les analyses comparatives faites par M. Langlois sur les foins anciens et les foins nouveaux tendent à démontrer que les fibres ligneuses sont en plus forte proportion dans le foin ancien que dans le foin nouveau, ce qui résulte probablement d’une perte de substances solubles que le foin ancien éprouve par la fermentation qu’il subit. S’il en est ainsi, le foin nouveau serait un peu plus nutritif que le foin ancien, toutes choses égales. Il résulte des expériences provoquées par la commission d’hygiène hippique, que l’on peut sans inconvénient substituer le foin nouveau à l’ancien : les animaux gagnent en embonpoint sans perdre leur vigueur.

Au point de vue de leur composition botanique, les foins des divers points de la France diffèrent considérablement, sous le rapport de l’habitat des plantes et de leurs propriétés fourragères. Dans le midi, le foin est plus fin, plus aromatique, plus tonique ; dans le centre, il est abondant, nutritif et odorant ; dans le nord, il est grossier, aqueux, peu aromatique et peu excitant. Ce sont les graminées et les légumineuses qui forment la base des bons foins ; elles dominent dans les prairies moyennes ; les joncées, les cypéracées, les ombellifères, dans les prairies basses ; les labiées, les graminées, les papilionacées composent en grande partie les foins des prairies élevées. En outre, les propriétés des herbes varient suivant leur âge, la nature du sol, et la manière dont elles ont été arrosées et fumées.

Altérations du foin des prairies naturelles. Le foin bien récolté, bien emmagasiné, se conserve très-bien d’une année à l’autre ; mais, au bout de dix-huit mois, il devient sec, sans arôme, sans goût, et constitue une mauvaise alimentation. Le foin passé, brûlé, est celui qui a été récolté trop tard ; il est jaunâtre, insipide et de faible qualité. Le foin lavé est celui qui a été rentré pendant les pluies ; il est pile, peu aromatique et de mauvaise qualité. Le foin rouillé, qui résulte de l’envahissement des plantes par des cryptogames, détermine, chez les animaux qui en font un usage habituel, des maladies avec altération du sang ; aussi, dans aucun cas, ne doit-on faire consommer ces fourrages. Le foin moisi prend d’abord une teinte blanchâtre, puis noirâtre, répand une odeur de moisi caractéristique, possède une saveur acre et est d’un usage dangereux. C’est aussi à un cryptogame microscopique qu’est due cette altération.

Lorsque le foin a été chargé de limons par une eau vaseuse, on dit qu’il est vase, mare ou marné. Ces foins, ainsi que le foin trop gras, doivent être rejetés de la nourriture des animaux.

La ration d’un cheval est d’environ 15 kilogrammes de foin par jour ; pour un bœuf, elle est, par jour, de 10 kilogrammes, et pour un mouton, de 2 kilogrammes. On compte en moyenne que trois bœufs ou quinze moutons consomment le fourrage nécessaire à deux chevaux.

1,000 quintaux métriques de foin occupent : non bottelés, 430 mètres cubes, et bottelés, 860 mètres cubes. Le foin soumis à l’action de la presse hydraulique peut être réduit à un dixième de son volume ; une balle de 1 mètre de longueur, 0m,60 de largeur et 0m,47 de hauteur pèse 105 kilogrammes.

Presse à foin. Le pressage du foin employé depuis longtemps dans les ports, ou l’on fait habituellement des envois de chevaux et de bestiaux, pour les besoins des armées ou ceux du commerce, a pour but de réduire le volume de cette matière encombrante et de former des balles, qui permettent le transport, en grande masse, par mer ou par les chemins de fer. Le pressage permet de diminuer à peu près des trois quarts la capacité des magasins destinés à la conservation des foins, et, par suite, dans une proportion correspondante, les dépenses de constructions.

M. le général Morin, dans un mémoire publié dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, au sujet de la compression du foin, montre comment, à l’aide de presses hydrauliques, les foins gros peuvent être condensés au point de peser, hors de presse, 350 kilogrammes le mètre cube, et, le foin tendre 440 kilogrammes au lieu de 80 à 90 kilogrammes le mètre cube, lorsqu’ils sont à l’état de bottes ordinaires empilées dans les greniers. Nous extrayons du mémoire de M. Morin les passages suivants, qui ont rapport aux opérations du pressage.

« À cet effet, l’on découpe dans les meules, avec de larges couteaux faits exprès, des prismes de foin d’une superficie égale à celle du plateau de la presse et d’une épaisseur de 0m,40 à 0m,50, que l’on pose successivement les uns après les autres sur un chariot. Quand ils sont empilés à une hauteur de 1m,50 à 1m,60, on passe par-dessus deux cordes que l’on serre avec des treuils, puis on continue le chargement jusqu’à ce qu’il ait atteint une hauteur qui peut aller à plus de 2 mètres. On passe alors deux autres cordes par-dessus, on les serre avec les treuils, on lâche et on enlève les premières, et le chariot chargé est conduit à la presse.

» Cette opération, qui s’exécute aux meules à fourrages, ne retarde en rien le service de la presse, et donne déjà au foin un certain degré de compression et une densité de 120 à 130 kilogrammes au mètre cube ; on peut ainsi former des chargements de 400 kilogrammes, que l’on introduit facilement sous la presse et que l’on y comprime d’un seul coup.

» Le plateau en bois du chariot et celui que l’on place au-dessus du foin portent des rainures de 0m,01 de profondeur et de 0m,35 de largeur, destinées à loger des bandelettes qui forment la ligature de la balle.

» Sur le plateau inférieur et sous le plateau supérieur, on place, dans le sens de la longueur de la balle, trois planchettes de sapin de 0m,12 de largeur sur 0m,020 d’épaisseur, destinées à empêcher les ligatures de pénétrer dans le foin. Ces préparatifs terminés, on met la presse en action, soit à bras, en la faisant manœuvrer par trois hommes, soit à l’aide d’un moteur. Quand le foin a été comprimé du tiers ou de la moitié de son volume, on passe les quatre bandelettes de fer feuillard de 0m,030 de largeur sur 0m,0015 d’épaisseur, coupées d’avance à la longueur convenable, qui est d’environ 12m,40. On continue ensuite à presser jusqu’à ce que la soupape de sûreté commence à laisser échapper l’eau, ce qui correspond ordinairement, avec du foin tendre, au moment où il est réduit à une épaisseur de 0m,38 à 0m,40. Dans l’une des épreuves, par exemple, la balle pesant 396 kilogrammes, et dont la section horizontale avait de 1m,63 de longueur sur 0m,96 de largeur ou 1m,9565 de surface, a été réduite sous la presse à la hauteur de 0m,38, ou au volume de 0mc,595, ce qui correspond à une densité moyenne de 665 kilogrammes au mètre cube, supérieure à celle des bois d’aune, de merisier, d’érable, de noyer, de peuplier, de sapin de France et autres.

» Quand la pression est terminée, on tend les bandelettes à l’aide des treuils placés sur le devant de la presse et d’une tenaille à anneaux, et l’on a soin d’enfoncer dans les rainures des plateaux de petits coins en bois, qui maintiennent ces bandelettes tendues lorsqu’on lâche la tenaille. À l’aide d’un outil facile à manier, deux hommes percent les bandelettes de deux trous qui correspondent à ceux qui ont déjà été préparés à l’une de leurs extrémités, et l’on réunit les deux bouts par de petits boulons à écrous que l’on place rapidement.

» La ligature étant terminée, on laisse descendre le piston et l’on enlève la balle que l’on ébarbe sur les bords au moyen de grands couteaux à poignée coudée, pour achever de régulariser sa forme. Elle se gonfle et reprend une épaisseur de 0m,57 à 0m,60 environ. La balle dont nous avons donné plus haut le poids et les dimensions est revenue, hors de presse, à une épaisseur moyenne de 0m,572, correspondant à un volume de 0mc,896, et, par conséquent, à une densité de 442 kilogrammes au mètre cube.

» Pour le service d’un atelier de pressage, il faut trois ou quatre hommes au plus à la presse et deux aux meules pour le chargement des chariots, et ceux-ci pourraient servir au moins deux presses. L’opération du pressage exige de une heure à une heure quinze minutes ; dans ce temps, on peut faire dix balles de 400 kilogrammes, et presser ainsi 4,000 kilogrammes de foin par jour. La ligature en fer emploie 5kil,35 de bandelettes par balle de 400 kilogrammes, ou 1kil,32 par 100 kilogrammes de foin.

» Les presses employées pour opérer ce pressage sont de 600 à 650 tonnes ; on se sert encore de presses à vis en fer ou en bois et de petites presses hydrauliques, dont la force varie de 150,000 à 300,000 kilogrammes.

» À la facilité et à l’économie des transports s’ajoutent d’autres avantages importants qu’il est utile de signaler. Le foin comprimé ne se charge pas de poussière et conserve sa graine ; exposé à la pluie, il ne se mouille qu’à l’extérieur, et par conséquent se sèche facilement. La grande densité qu’il acquiert le rend moins combustible, et l’on peut essayer d’arrêter les progrès d’un incendie dans les magasins aux fourrages, ce que l’on ne songeait pas à tenter autrefois. On le coupe facilement avec de grands couteaux à main pour le diviser et le donner aux chevaux. De plus, la réduction de son volume à un septième de celui qu’il occupe dans les magasins a pour conséquence de faciliter beaucoup la formation des approvisionnements des armées aussi bien que ceux des particuliers, puisqu’il suffit de 5 à 6 mètres cubes de capacité pour contenir la ration d’un cheval pendant une année, au lieu de 40 à 50 qu’il fallait autrefois. »

Foins (les), tableau de Wouwermans. V. Chariot de foin (le).

FOIN interj. (fouain). On se sert de cette interjection pour marquer le dédain, le mépris, l’aversion. Elle est le plus souvent suivie de la préposition de, et se place alors devant le terme sur lequel on veut déverser le mépris : De ces faces violâtres, de ces cous goitreux, de ces ventres hydropiques, foin ! (Chateaub.) Foin des rébus! Jehan, le vin est mieilleur. (V. Hugo.)

Foin du loup et de sa race !
La Fontaine.
Foin de la vanité ! foin des princesses maigres !
Au diable les plats d’or qui partent des fruits aigres !
E. Augier.

FOINARD (Frédéric-Maurice), théologien français, né à Conches, près d’Évreux, mort en 1743. Il fut curé à Calais, puis sous-principal du collège du Plessis à Paris. Ses principaux ouvrages sont : Breviarium ecclesiasticum, etc. (Emerick, 1726, 2 vol. in-8o) ; la Genèse en latin et en françois (1732, 2 vol. in-12), qu’il accompagna d’explications, dont plusieurs, aussi hasardées que singulières, firent beaucoup de bruit. Foinard se vit exposé à des désagréments qui l’obligèrent à se cacher pendant quelque temps, et son livre fut supprimé. Citons encore de lui : la Clef des Psaumes (Paris, 1740, in-12).

FOINE s. f. (foi-ne). Pêche. Sorte de trident pour harponner certains poissons. V. FOÈNE, qui est plus usité.

— Agric. Fourche de fer à trois dents, qui sert à charger le foin et le fumier.

FOINETTE s. f. (foi-nè-te — dimin. de foine). Agric. Fourche de fer à deux dents, qui sert à charger le foin.

FOINIER s. m. (foi-nié — rad. foin). Comm. Marchand de foin.

FOIRANDE s. f. (foi-ran-de). Bot. Nom vulgaire de la mercuriale.

FOIRE s. f. (foi-re — du lat. feria, fête, solennité, que Delâtre croit mis pour fesia, de la racine sanscrite bhas, briller, en grec phainô. Le mot feria est employé au moyen âge dans l’acception de marché, à cause de la vieille coutume de tenir des marchés aux lieux où l’on célèbre des fêtes). Grand marché pour toutes sortes de denrées, qui se tient dans un même lieu une ou plusieurs fois l’année : Foire du Landit. Foire de Beaucaire, de Leipzig. Ouvrir la foire. Aller de FOIRE en foire. Il y a tels électeurs que l’on ne ferait pas renoncer à une foire pour aller voter. (Dupin.) La foire de Nijni est la plus grande foire du monde. (De Custine.)

— Par ext. Cadeau qu’il est d’usage de faire à certaines personnes, à l’époque de la foire ; Que me donnerez-vous pour ma foire ?

— Fam. La foire n’est pas sur le pont, Il n’y a rien de pressé. || S’entendre comme larrons ou comme frères en foire, Être parfaitement d’accord pour tromper quelqu’un.

— Comm. Foire de respect, Temps accordé au commissionnaire pour payer les marchandises qu’il a vendues à crédit, et dont il s’est porté garant.

Encycl. C’était presque toujours des solennités religieuses qui, dans le moyen âge, donnaient naissance aux foires. Elles avaient alors une importance qu’elles n’ont pu conserver dans les temps modernes. À une époque où les communications présentaient de grandes difficultés, il était nécessaire qu’à des jours déterminés les habitants des campagnes pussent venir s’approvisionner dans quelques centres principaux. Dès les temps de la première race, il y avait en France beaucoup de ces centres commerciaux ; mais, sans doute, le commerce se réduisit longtemps à une sorte de colportage sans débit assuré ; les marchandises n’étaient pas exposées dans un lieu désigné, avec certaines immunités attachées au temps et au lieu. Ce fut sous le règne de Dagobert que fut donnée la charte la plus ancienne dont nous ayons connaissance, au sujet des foires. Ce fut, en effet, ce prince qui fonda, en 629, la foire de Saint-Denis, si fameuse dans la suite. Ouverte le jour de la fête de l’apôtre de la France, elle durait quatre semaines, « afin, dit Dagobert dans la charte qui vient d’être mentionnée, que les marchands de l’Espagne, de la Provence et des autres contrées, même ceux d’outre-mer, pussent y assister. » Par le même acte, le roi autorisait l’abbé de Saint-Denis à percevoir à son profit tous les péages de la foire. Pendant tout le temps que durait cette solennité, il était défendu, sous peine d’amende au profit de l’abbaye, de faire le commerce ailleurs dans les environs de Paris. Les marchands de la Neustrie et de l’Armorique y vendaient beaucoup de miel et de garance ; les Saxons y apportaient des fers et des plombs ; les habitants des provinces méridionales de la France, de l’huile, des vins, du suif ; mais les principales marchandises étaient des objets venus du Levant. Deux peuples orientaux vendaient seuls les objets de luxe : c’étaient les Syriens, qui formaient à Paris une puissante association, et les juifs ; mais ceux-ci faisaient un autre commerce qui les rendait odieux ; ils venaient vendre à Saint-Denis des esclaves qu’ils avaient achetés dans les pays lointains, et acheter des enfants dont ils allaient trafiquer ailleurs. La gente Bathilde, d’esclave devenue reine, fut la première qui leur défendit d’exercer un pareil trafic. La foire de Saint-Denis se perpétua en passant par des phases diverses jusqu’en 1789 ; toutefois, dans les derniers temps, elle ne durait plus que huit jours ; mais elle conserva son double caractère commercial et religieux. Les moines exposaient, en effet, à la vénération publique de saintes reliques et un morceau de la vraie croix, et la population de Paris s’y rendait tout entière comme en pèlerinage. À la foire de Saint-Denis succéda celle qui est restée si célèbre sous le nom de Landit.

Paris eut encore quelques foires plus ou moins célèbres : celles de Saint-Lazare, de Saint-Laurent, de Saint-Germain, des Jambons et de Saint-Ovide. La foire de Saint-Lazare ou de Saint-Ladre fut d’abord accordée par Louis VI à la maladrerie ou léproserie de Saint-Lazare. Elle durait alors huit jours et se tenait hors de l’enceinte de la ville, sur le territoire de ce prieuré, sur le parcours de Paris à Saint-Denis. Louis le Jeune y ajouta huit autres jours ; mais Philippe-Auguste la réunit à son domaine et la transporta dans le grand marché des Champeaux ou des Halles, vaste enclos couvert de hangars et ceint de murs à grandes portes. Non-seulement les marchands y venaient par intérêt, mais plusieurs métiers s’y rendaient par obligation. En effet, pour augmenter les revenus du roi, qui percevait un droit sur les étaux et les huches, les changeurs, les pelletiers, les marchands de soie, les ciriers, les selliers et même les bouchers, étaient contraints de fermer leurs boutiques et ouvroirs pendant toute la durée de la foire, et de n’étaler qu’aux halles ou aux environs, dans des limites déterminées. C’était une servitude réelle ; aussi certaines professions, les bouchers surtout, préféraient s’arranger avec le roi et lui payer une somme d’argent pour s’exempter de cette servitude. D’autres métiers, qui trouvaient au marché même une compensation suffisante à leur déplacement et à l’impôt qu’on exigeait d’eux, ne demandaient pas une pareille composition, et fermaient leurs maisons pour grossir le nombre des étalagistes des halles. Le roi affermait souvent le produit de la foire de Saint-Lazare ; alors le fermier percevait les droits d’usage ; de plus, il exerçait la justice sur le terrain de la foire, tenant ses plaids quatre fois par jour. « C’est assavoir, dit un manuscrit du xiiie siècle cité dans le Livre des mestiers, d’Étienne Boileau, à huit heures du matin, à douze heures, au premier cop de vespres à Saint-Eustace, et aux chandelles allumans. » Quiconque faisait défaut à son ajournement devait une amende de dix-sept sous et demi au profit du fermier. À celui-ci appartenaient aussi « tous les exploicts de justice, tant confiscation, comme autres amendes advenues, durant et es fins d’icelle foire, jusqu’à soixante sous parisis et au-dessoubz, » On appelait de sa sentence au prévôt de Paris. Enfin, durant quinze à dix-huit jours, ce fermier était en quelque sorte le roi des halles. Pendant cette quinzaine, on portait dans l’enceinte des halles le poids du roi, c’est-à-dire les balances et les poids déposés dans une maison de la rue des Lombards, où on l’employait à constater, moyennant un impôt d’usage, le poids légal des marchandises. En échange de la foire qui avait été transférée aux Champeaux, Philippe-Auguste fit donation aux lazaristes d’une autre foire qui ne devait être que d’un jour et se tenir le 11 août, le lendemain de la fête du saint. Dès que le soleil était couché, les sergents de la douzaine du roi au Châtelet avaient l’usage de venir fondre sur les loges et de tout mettre en pièces. Philippe de Valois eut beau défendre ces violences, les mêmes excès se perpétuèrent longtemps par la faute du prévôt de Paris. L’ancien emplacement du marché était une plaine de 36 arpents, s’étendant depuis le faubourg Saint-Laurent, près de l’église de ce nom, jusqu’au Bourget. Dans la suite, la durée de la foire fut prolongée ; elle eut huit et même quinze jours jusqu’à 1616. Les prêtres de la Mission, successeurs des lazaristes, obtinrent, en 1661, des lettres qui les confirmèrent dans la possession du marché de Saint-Laurent, et les autorisèrent à le transporter dans un enclos de cinq arpents, ceint de murs et situé entre Saint-Lazare et les Récollets. Ils s’y firent construire, par une amélioration toute nouvelle, des loges et des boutiques fermées, et percer des rues bordées d’arbres. La foire commença alors le 28 juin, pour finir avec le dernier jour de septembre. Le Châtelet, ayant à sa tête le lieutenant général de police, venait en corps en faire l’ouverture, et prendre possession de la justice haute, moyenne et basse. Ces messieurs allaient dîner ensuite chez les missionnaires, qui, dit-on, leur faisaient faire une excellente chère. L’enceinte était franche pour toute sorte de marchands et de marchandises. Colletet fit, en 1666, une description en vers burlesques de la foire Saint-Laurent. Il nous la représente peuplée de marchands de jouets et de pâtisseries, de limonades, d’ustensiles de ménage, fréquentée par une foule de filous ; offrant au public des théâtres de marionnettes, des cabarets, et surtout force baladins. Malgré tant d’attraits, les prêtres de la Mission virent leur établissement délaissé, puis fermé en 1775. Ils ne se rebutèrent pas et redoublèrent de soins pour attirer les marchands, les acheteurs et les oisifs. Ils rouvrirent leur foire en 1778 ; on y trouva des cafés, des salles de billard, une redoute chinoise avec toute espèce de jeux nouveaux, des salons et bâtiments chinois, une salle où se jouaient des pièces du genre poissard, et d’autres où les acteurs des boulevards et de l’Opéra-Comique étaient obligés de venir donner des représentations.

Quoique la nouveauté y attirât d’abord la foule, et que cette foire fût dotée de franchises pareilles à celles dont se prévalait la foire de Saint-Germain, elle fut peu à peu