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la société tant qua sa réhabilitation n’était pas prononcée, rendaient l’union des deux parents encore, une fois impossible. Cette réhabilitation, M. de Saint-Florentin la refusa avec opiniâtreté. Cependant, Fabre était de plus en plus célèbre, quoiqu’il y songeât peu dans la petite ville de Ganges, où il avait repris la fabrication des bas de soie. De hauts personnages s’intéressèrent à lui. La duchesse dû Grammont, sœur de M. de Choiseul, voulut, à son passage à Nîmes, voir la mère du forçat ; le duc et la duchesse de Fitz-James, le prince de Beauvau, gouverneur du Languedoc, la duchesse de Villeroi, s’inquiétèrent de ce fils héroïque, martyr de sa foi religieuse. On essaya, à la même époque, de reléguer au rang des faibles le sacrifice du jeune protestant. L’offtcier qui commandait les troupes envoyées au désort le 1 or janvier 175S nia le fait. Mais le sergent qui avait consenti k rechange rétablit la vérité. Ce sergent, nommé Massol, était devenu aitle-major du même régiment et se trouvait à Die au moment où

l’acte généreux de Fabre était discuté. Fabre, voulant effacer toute ombre de soupçon dans l’esprit du prince de Beauvau et de la duchesse de Villeroi, partit sur-le-champ pour Die, quoique malade, en plein hiver et par des chemins impraticables. Massol lui donna le certificat le plus affirmatif. Muni de preuves authentiques, M. de Beauvau finit par arracher k M. de Saint-Florentin une réhabilitation qui devenait chaque jour plus-difficile à refuser. Jean Fabre reçut son brevet de grâce et de réhabilitation au mois de mai 1768. Déjà à cette époque son dévouement filial avait fourni k Fenouillot de Falbaire le sujet d’un drame : l’Honnête criminel, qui, joué on 17S7 chez la duchesse de Villeroi, avait obtenu un rand succès d’attendrissement. Fenouillot (îe Falbaire, dont la.pièce avait été interdite à Paris, ne fut pas étranger h l’entière réhabilitation de son héros. C’était sur l’indication daMarmontel que Fenouillot de Falbaire avait écrit son drame. Cet ouvrage, traduit en plusieurs langues, obtint un succès presque universel, mais ce ne fut qu’au bout de vingt ans et quand la Révolution eut triomphé que Paris put aller l’applaudir sur le théâtre de la République. V. I’Honkètb criminel et Falbaire (Fenouillot de) dans ce Dictionnaire.

Un jour, a son extrême surprise, Fabre avait reçu du duc de Choiseul un paquet où sa propre histoire était racontée dans ce drame, intitulé l’Honnête criminel, titre prétentieux et mal choisi, car Fabre n’avait rien d’un criminel, et l’épithète d’honnête rendait bien incomplètement les sentiments qu’inspire sa conduite. En écrivant ce drainé, l’auteur croyait que son héros avait cessé de vivre ; c’était la mort de Fabre père qui avait donné lieu k ce bruit. Dès qu’on découvrit que l’honnête criminel existait encore, la pièce lui fut envoyée par les soins du ministre qui l’avait rendu à la liberté, et depuis les diverses éditions du drame parurent précédées d’une lettre modeste, où l’ancien forçat remerciait le poète qui, en le faisant connaître, avait si puissamment contribué à lui faire rendre son humble place dans la société.

■ M. de Saint-Florentin, qui arrêta les représentations du drame de Falbaire, empêcha

en même temps le développement d’une souscription de 100,000 livres, proposée en faveur de Fabre et destinée à réparer largement la perte de sa petite fortune. Plus tard, la duchesse de Grammont ayant prié le duc de • Choiseul, son frère, de dédommager le fils héroïque de la persécution dont Saint-Florentin l’avait accablé, Fabre reçut une invitation de*se rendre à Paris ; mais, le sur lendemain de son arrivée, une intrigue de cour précipita M. de Choiseul de sa haute position, et ainsi fut perdu pour le malheureux tout le fruit d’un voyage commencé sous de si favorables auspices. De retour à Ganges, qu’il habitait depuis son mariage avec celle qui l’avait si fidèlement attendu, Jean Fabre chercha dans lo commerce et les revenus de son patrimoine les ressources nécessaires au soutien de sa famille. Ayant perdu sa femme en 1795, il se retira auprès de son fils aîné, à Cette, où il mourut après avoir langui deux ans. À cette époque, 1 Honnête criminel, qui avait pu être enfin représenté à Paris, le 4 janvier 1700, après une proscription de plus de vingt années, n’avait pas encore épuisé sa vogue immense", et Talma avait prêté son admirable talent au personnage d André le galérien, ou plutôt île Jean Fabre, sur le théâtre de la République.^Une Autobiographie de Jean Fabre, l’honnête criminel, ternjinée et certifiée par le fils de Jean Fabre, a été publiée dans le Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme français (premier trimestre, 1865), précédée d’une notice sur Jean Fabre, due a M. le pasteur Athanase Coquerel fils, et d’une lettre de Jean Fabre au pasteur Paul Rabaut, datée de Toulon, 25 mai 1757.


FABRE (Jean-Antoine), ingénieur français, né à Saint-André (Basses-Alpes) en 1749, mort après 1812. Il quitta la carrière de l’enseignement pour s occuper d’architecture

hydraulique, fut nommé ingénieur hydraulique des états de Provence et devint, par la suite, ingénieur en chef des ponts et chaussées, fonctions qu’il remplit jusqu’en 1812, Fabre a exécuté de nombreux travaux de canalisation et publié, entre autres écrits : Mémoire sur, l’irrigation artificielle de ta Provence (Aix, 1790) ; Essai sur la théorie des

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torrents et des rivières (Paris, 1737, in-4o) ; Traité complet sur la théorie et la pratique du nivellement (Paris, 1812).


FABRE (François-Xavier-Pascal), peintre français, élève de David, membre correspondant de l’Institut, né à Montpellier en 17G6, mort dans la même ville en 1837. Il remporta le grand prix en 1787, séjourna longtemps à Rome, puis à Florence, où l’on prétend qu’il épousa secrètement la célèbre comtesse d’Albany, qui le fit, du reste, son légataire universel en 1824. Revenu à Montpellier, Fabre laissa au musée de cette ville une précieuse collection de livres, de tableaux et d’objets d’art, à laquelle, par reconnaissance, l’administration municipale a donné son nom. Les

ouvrages de Fabre se distinguent par une grande richesse de couleur, unie à une pureté de style toute classique. On cite particulièrement : la Mort de Milon de Crotone ; Suzanne entre les deux vieillards ; la Sainte Famille ; la Mort de Philopœmen. Fabre réussit également dans le paysage, dans le portrait et dans la peinture d’histoire.


FABRE (Marie-Joseph-Victorin), littérateur français, célèbre par les nombreuses palmes académiques que lui ont valu ses écrits, né à Jaujac (Ardèche) en 1785, mort en 1831 ; 11 fit ses études à Lyon, vint à Paris à l’âge de dix-huit ans, et débuta par un Éloge de Boileau (1805) et des Opuscules en vers et en prose (1806, in-8o) qui, lui méritèrent l’honneur d’être admis dans le cercle littéraire et philosophique d’Auteuil. Outre deux prix-qu’il remporta en province, il fut couronné cinq fois par l’Institut, pour les ■ ouvrages suivants : Discours en vers jw les voyages (1807) : Éloge de Pierre Corneille (1808) ; Éloge de La Bruyère (1810) ; Tableau de. la littérature auxvnic siècle{l&) ; les Embellissements de Paris, poème (1811). Le style de Victorin Fabre est k la fois coloré et nerveux, souple et élevé. Dans ses Éloges, il s’élève à des mouvements d’éloquence qui éclipsent tout ce que Thomas avait écrit de meilleur en ce genre. L’indépendance dont il fit preuve lui ferma les portes de l’Institut. Il refusa seul, avec Delille, de répondre à l’appel fait aux poètes pour célébrer le mariage de Napoléon et la naissance du roi de Rome. En 1813, l’empereur, désirant que l’oraison funèbre du maréchal Bessières fût confiée à sa plume, dit, k cette occasion : « M. Fabre refuse tout ; mais il s’agit ici de réveiller le sentiment de la défense nationale : il ne refusera pas. » Il accepta en effet, mais à la condition qu’on n’ajouterait pas un mot à son discours. De 1810 a 1811, et en 1823, il fit à l’Athénée de Paris un cours Sur les principes de la société civile, travail de longue haleine, qui convenait peu k la nature de son talent et qu’il ne devait pas achever. En 1829, il fonda le journal la Tribune, qui devint, en 1830, l’organe de l’opinion, républicaine modérée, mais qui, après sa mort, prit, des allures beaucoup plus hardies. Ses œuvres ont été réunies et publiées par Sabatier (Paris, 1844-1845, 4 vol. in-8o).


FABRE (Jean-Raymond-Auguste), poëte français, né à Jaujac (Ardèche) en 1792, mort en 1839. Il était, frère du précédent. 11 fut lié de la plus profonde affection avec Victorin, qu’il, suivit à Paris et ’qui lui apprit les secrets de la composition, du style et les délicatesses du goût..Auguste Fabre a écrit

avec succès des ouvrages en vers et en prose, et a collaboré à la rédaction de la Tribune jusqu’en 183 !. On a de lui : la Calédonie, poëme (1823, in-8o), où l’on trouve des beautés épiques de premier ordre et de nobles sentiments exprimés en beaux vers ; Histoire du siège de Missolonghi (1826) ; la Révolution de 1830 et le véritable parti républicain (1833, 2 vol. in-8o), ouvrage destiné à combattre les théories nouvelles préconisées par les hommes ardents du parti auquel appartenait l’auteur.


FABRE (Jean-Antoine), économiste français, né à Clairac (Lot-et-Garonne) en 1794. lise livra quelque temps k l’enseignement,

Euis devint avocat à Toulouse en 1823. M. Fare a publié, outre des articles dans les journaux, les ouvrages suivants : Solution du problème social par l’association de l’agriculture et des capitaux (Paris, 1848, in-8o) ; Crédit foncier ou Banque immobilière (Paris, 1849) ; De la prospérité publique (Paris, 1855). FABRE (Antoine-François-Hippolyte), médecin français, né à Marseille en 1797, mort en 1853. Il fut reçu docteur k Paris en 1824, eut la rédaction en chef de la Clinique des hôpitaux (1827), fonda, en 1828, la Lancette française, où il défendit la liberté de l’enseifnement médical et attaqua, avec le zèleun apôtre, le monopole de la Faculté, les cours des professeurs, les travers des étudiants, les abus de toute sorte, dans une série de satires en vers pleines de verve, qu’il réunit, en 1840, sous le titre de Némésis médicale (2 vol. in-8o). On lui doit encore : Du choléra-morbus âe Paris (1832, in-12), qui valut à l’auteur le prix Montyon de 1,000 fr. ; ■ Mémoire sur la méningite tuberculeuse chez tes enfants (183C), excellente monographie, qui obtint un nouveau prix de 3,000 fr. ; Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers (1840-1841, 8 vol. in-S°), etc.


FABRE (Paul-André), magistrat français, né à Paris en 1809, mort àVersailles en 1871. Il fit ses études de droit dans sa ville natale

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et acheta, en 1839, une charge d’avocat au conseil d’État et k la cour de cassation. Une rare intelligence du droit, une parole élégante toujours, souvent éloquente, le mirent au premier rang de son ordre, dont il fut le président de 1856 à 1859, et il devint l’avocat le plus occupé de la cour de cassation. Ce fut fui notamment%qui fut chargé do soutenir les droits de la famille d’Orléans, spoliée par le décret du 22 janvier 1852. En 1861, il se démit de sa charge et fut nommé, à la fin de l’année suivante, avocat général à la cour de cassation. M. Paul Fabre a rempli ces fonctions avec beaucoup de distinction. Le discours de rentrée qu’il prononça en 1805, et qui a pour sujet les Etablissements de saint Louis, fut particulièrement remarqué. L’année suivante, il devint officier de la Légion d’honneur. Le 22 janvier 1870, cet éminent magistrat fut nommé procureur général près la cour de cassation, en remplacement de M. Delangle. « La distinction de ses manières, dit M. X- Feyrnet, son aménité, une gravité mêlée de charme lui gagnent aisément toutes les sympathies, et il n’est pas d’homme de talent pour qui il ait paru plus facile et plu doux d’être juste. On pourrait d’un mot définir M. Paul Fabre : le contraire de M. Dupin. » Il était le neveu de M. Odilon Barrot. Outre ses plaidoyers et ses réquisitoires, on lui doit une Notice sur le président Nicias Gaillard (1865, in-8o).


FABRE (Jean), jurisconsulte français. V. Faber.


FABRE DE L’AUDE (Jean-Pierre), président du Tribunat, sénateur et pair de France, né à Carcassonne en 1755, mort du choléra en 1832. D’abord avocat au parlement de Toulouse, puis procureur-syndic de son département en 1791, il sortit de France pendant la l’erreur, rentra après le 9 thermidor, et siégea au conseil des Cinq-Cents de 1795 au 18 brumaire. Il devint alors membre du Tribunat, puis président de ce corps, passa au Sénat en 1S07, avec le titre de comte, fut nommé, en 1810, -procureur général du conseil du sceau des titres, et n’en vota pas moins, en 1814, la déchéance de Napoléon, dont il avait été un des plus intrépides adulateurs dans les jours de prospérité. Il prit part k la rédaction des bases constitutionnelles que Louis XVIII adopta à. Saint-Ouen, fut élevé par ce prince a la pairie, eut assez de souplesse pour conserver son siège au retour de l’empereur, se prononça de nouveau contre lui après la défaite de "Waterloo, fut exclu de la Chambre des pairs à ]a seconde Restauration, mais obtint d’y rentrer en 1819. Il faut lui rendre cette justice qu’il défendit, dès lors, les libertés constitutionnelles. Pendant sa carrière législative, il montra beaucoup de talent dans les questions financières. La France lui doit la régularisation de l’impôt sur les boissons, l’unité de la contribution foncière, la création de la régie des droiisréunis (1804), etc.


FABRE DE CASTELNAUDARY (Pierre-Jean), médecin français, né à Castelnaudary, où il vécut durant la première moitié du XVIIe siècle. Fabre fit ses études et fut reçu docteur à la Faculté de Montpellier, puis alla exercer la médecine dans sa ville natale, où il acquit une grande renommée. De sa vie, on ne sait que peu de chose ; lui-même, dans un de ses livres (Curationes variorum morborum), nous apprend qu’à Toulouse, où il était fréquemment appelé, « il traita Mlle Charles, âgée d’environ vingt ans, d’une affection grave, qu’il la guérit, et que cette demoiselle, noble et riche par son origine, voulut l’épouser en récompense de ses services : il en eut plusieurs enfants. On ignore la date de sa mort ; mais on sait qu’en 1650 il vivait encore, puisque, à cette époque, Auguste Hauptmann, le médecin de Dresde, lui adressa un ouvrage : De viva-mortis imagine, imprimé à Francfort. Fabre de Castelnaudary était autant alchimiste que médecin ; il dut sa célébrité à l’emphase avec laquelle il vanta l’efficacité de ses remèdes chimiques et de ses préparations hermétiques. À tout propos il faisait intervenir l’alchimie ; selon lui, « la chirurgie n’a d’autre but que de nous apprendre à connaître le baume interne naturel du corps humain, par lequel toutes parties sont conservées, nourries et réparées. » Tous ses ouvrages sont écrits dans ce style et ont été fort en vogue, quoiqu’ils ne soient que ridicules. On les réimprima plusieurs fois, et on les traduisit en diverses langues, ce qui, dit la Biographie médicale, fait peu d’honneur aux lumières et à la sagacité de ses contemporains. On a de Fabre de Castelnaudary : Palladium spagyricum (Toulouse, 1624, in-8o ; Strasbourg, 1632) ; Chirurgia spagyrica, in qua de morbis cutaneis omnibus méthodice agitur, et curatio eorum cita, tuta et jucunda tractatur (Toulouse, 1626 ; Strasbourg, 1632) ; Insignes curationes variorum morborum, quos medicamentis chymicis jucundissima méthodo curavit (Toulouse, 1627 ; Strasbourg, 1632) ; Myrothecium spagyricum, seu pharmacopea chymica, etc. (Toulouse, 1628, 1646 ; Leipzig, 1632) ; Traité de la peste selon la doctrine des médecins spagyriques (Toulouse, 1629 ; Castres, 1653) ; Thesaurus utriusque medicinæ (Toulouse, 1632) ; Alchymista christianus (Toulouse, 1632) ; Hercules pio-chymicus, etc. (Toulouse, 1634) ; l’Abrégé des secrets chimiques, où l’on voit la nature des animaux, végétaux et minéraux entièrement descouverte, avec les vertus et proprietez des principes qui composent et conservent leur estre, et un traité de la médecine générale (Paris, 1630, in-8o) ; Hydrographum spagyricum (Toulouse, 1639-1646) ; Repugnaculum alchymiæ (Toulouse, 1645) ; In currum triumphalem antimonii Fr. Basilii Valentini annotationes (Toulouse, 1646) ; De auro potabili medicinali (Francfort, 1678) ; Panchymicum seu anatomia totius universi (Toulouse, 1655) ; Sapientia universalis, seu anatomia hominïs et metallorum (Toulouse, 1654) ; Theses medicochymicæ ; Manuscriptum ad serenissimum ducem Frédéricum, res alchymicorum explanens, etc. (Nuremberg, 1690), traduit en allemand par Conrad Horlacher (Nuremberg, 1705). La plupart de ces écrits ont été réunis et publiés collectivement sous le titre de : Opera medico-chymica (Francfort, 1652, 2 vol. ; 1656), traduit en allemand (Hambourg, 1713, 1730).


FABRE D’ÉGLANTINE (Philippe-François-Nazaire), poëte dramatique, conventionnel, né à Limoux en 1755, décapité le 5 avril 1794. Sa famille, sans être riche, jouissait d’une certaine aisance qui lui permit de donner à l’enfant une éducation très-convenable. Fabre étudia chez les doctrinaires, à Toulouse. Ayant obtenu aux jeux floraux, pour une pièce de vers dont on ignore le titre et la date, une églantine d’or, il ajouta à son nom celui de cette fleur. La jeunesse de Fabre fut, parait-il, assez orageuse. Un instant professeur chez les doctrinaires de Toulouse, il sortit du collège pour se faire comédien. On pense qu’une intrigue amoureuse le détermina à monter sur les planches. Mais l’amour de la gloire et des lettres l’attirait irrésistiblement vers Paris. Déjà, dans sa carrière de comédien, il avait essayé sa verve naissante. À Liège, il avait lu devant une foule venue pour l’inauguration du buste du célèbre musicien, le Triomphe de Grétry, poème dans lequel on trouve de la force et, malgré un certain nombre d’incorrections, des vers bien frappés, comme celui-ci :

Le cri d’un peuple libre est le cri de la gloire !

Un peu plus tard, se trouvant à Chalon-sur-Saône, il composa sur cette ville un poëme en quatre chants. À Lyon, il publia l’Amateur chagrin.

C’est en 1787 qu’il vint à Paris tenter la gloire et la fortune, qui lui firent chèrement payer leurs faveurs. Les Gens de lettres ou le Provincial à Paris, tombèrent à la première représentation (Italiens, 21 septembre 1787) ; Augusta, représentée au Théâtre-Français le 8 octobre, subit à peu près le même sort et provoqua les sifflets d’une foule irritée. Le Présomptueux ou l’Heureux imaginaire fut victime d’une cabale organisée par les ennemis assez nombreux de l’auteur ; cette comédie, jouée de nouveau le 20 février 1790, obtint alors un succès d’estime. Fabre supportait ces échecs sans sourciller, et il n’en croyait pas moins à sa vocation dramatique. Le Collatéral ou l’Amour et l’intérêt réussit, en dépit des envieux ; le public redemanda la pièce pour le lendemain. L’auteur, enflammé par le succès, composa ensuite sa belle pièce du Philinte de Molière ou la Suite du Misanthrope, qui est restée son chef-d’œuvre. Cette comédie est bien conçue et parfaitement conduite, les caractères y sont fermement tracés ; mais, à côté de cela, on est choqué par une versification pénible, des locutions incorrectes et beaucoup d’expressions impropres. La Harpe y trouve bien d’autres défauts ; heureusement nous savons que c’est la passion qui les lui fait trouver ; l’auteur du Lycée n’aimait pas les révolutionnaires. On raconte qu’il entra dans une fureur presque comique en écoutant cette pièce fameuse ; aussi son jugement mérite-t-il d’être reproduit. « Le titre même de la pièce, s’écrie-t-il, est une fausseté et une ineptie. C’est calomnier ridiculement Molière que de faire du complaisant Philinte, qu’il a fort à propos opposé au misanthrope Alceste, un homme dénué de toute morale et de toute humanité, en un mot, parfait égoïste, ce qu’est véritablement le Philinte de Fabre. Molière opposait un excès à un excès, celui de la douceur à celui de la sévérité ; mais il en savait trop pour mettre sur la même ligne les vices du cœur et les travers de l’esprit... Quand le règne dos bienséances sera rétabli, l’on effacera cette insulte publique à la mémoire de Molière, et la pièce sera intitulée ce qu’elle est : Philinte ou l’Égoïste, etc. »

L’Apothicaire suivit de près le Philinte et fut joué avec succès au théâtre Montansier, en 1790. L'Aristocrate ou le Convalescent de qualité excita de chaleureux applaudissements au théâtre Favart (1791). Cette pièce s’attaquait aux gens de cour, dont elle bafouait les ridicules et les prétentions avec une verve pleine d’énergie. L’Intrigue épistolaire, qui mit encore une fois La Harpe hors de lui, renferme des situations amusantes ; le caractère comique du peintre Fougère y est excellemment tracé ; aussi cette pièce est-elle restée au répertoire (Palais-Royal, 1791). Isabelle de Salisbury, opéra en trois actes, avec musique de Mengozzi, fut froidement accueillie au théâtre Montansier. Le talent du machiniste et du décorateur put seul la faire vivre quelques jours. Mentionnons encore l’Héritière, le Sot orgueilleux et l’Usurier, comédie en un acte, jouée au théâtre de la Cité, et nous en aurons fini avec l’auteur dramatique. Quant à l’homme politique, nous lui devons