Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 7, part. 3, Erl-Ez.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée

ÈtJLË

successivement comme référendaire et assesbout à l’administration judiciaire en Prusse, il embrassa la carrière diplomatique, et, après avoir été quelque temps conseiller de légation, devint consul général à Anvers. En 1859, il fut nommé envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la Prusse prés des cours de Pékin, d’Yeddo et de Siaiii, et placé en cotte qualité à la tête de l’expédition prussienne envoyée dans les mers do l’Asie orientale. Il fut en même temps chargé de diriger tous les préparatifs de départ de l’escadre, qui quitta la Prusse dans l’automno de 1859, avec une partie du personnel de l’ambassade, tandis que le comte d’Eulenbourg et sa suite se rendaient, par l’isthme de Suez et par Ceylan, à Singapore, où ils arrivèrent le 2 août 1860. Parvenu en septembre suivant à Yeddo, le représentant de la Prusse s’occupa aussitôt de négocier avec le Japon la conclusion d’un traité d’alliance, de commerce et de navigation, établi sur les mûmes bases que ceux qui avaient été conclus précédemment avec les États-Unis, l’Angleterre, la France et la Russie. Bien que ni le gouvernement ni la population du Japon ne fussent désireux do conclure un nouveau traité avec une cinquième puissance extérieure, il parvint à surmonter tous les obstacles que lui opposait ce mauvais vouloir et signa le traité, le 24 janvier 1861. Cinq jours après, il quitta, avec son escadre, le port d Yeddo et fît voile pour la Chine, où, le 2 septembre de la même année, il conclut au nom de la Prusse un traité de commerce et de navigation avec la cour de Pékin. Il repartit aussitôt pour l’Europe, et, peu de temps après son retour, le 9 décembre 1862, reçut le portefeuille de l’intérieur dans le nouveau ministère prussien. Il s’y est montré le digne second de son chef de cabinet, le prince do Bismark, dont il a constamment suivi et défendu la politique. — Le comte Botho Henri d’Eulenbourg, son cousin, né en 1804, fut, pendant la suspension d’armes d’août 1849 jusqu’en juillet 1850, membre du gouvernement national du Sleswig, et, de 1855 à 1858, membre de la Chambre des députés prussienne. Plus tard, il est devenu président de la régence de Marienwerder.

EULENCEBIUGE, littéralement ’’Monts des’’ ’’hiboux’’, montagnes de Prusse, dans la haute Silésie, projection de la chaîne des Sudètes, entre la YVeistritz et la Neisse. Leur aspect est des plus accidentés. Les points culminants sont : le Hohe-Eub (1,112 mètres), le Kuhberg (1,001 mètres) et le Glaserberg (02C mètres).

EULENSP1EGEL (Tyll), personnage légendaire allemand. V. Eulespiegus.

EULÉPIDE s. f. (eu-lé-pi-de — du gr. eu, bien ; ’’lepis’’, écaille). Erpét. Genre de reptiles sauriens, formé aux dépens des scinques.

EULÉP1E s, f, (eu-lé-pî — du gr. ’’eu’’, bien ; ’’lepis’’} écaille). Entom. Genre d’insectes lépidoptères nocturnes, comprenant deux espèces’, que plusieurs auteurs réunissent aux lithosies.

EULEPTE s. m. (eu-lè-pte — du gr. ’’eu’’, bien ; ’’leptos’’, doux, uni). Entom. Genre d’insectes pentamères, de la famille des carabiques, tribu des féronies, dont l’espèce type habite Madagascar.

EULEPTOSPERME s. m. (eu-lè-pto-spèr-me — du gr. eu, bien, et de ’’leptosperme).’’ Bot. Section du genre leptosperme.

EULER (Léonard), l’un des plus illustres géomètres des temps modernes, membre de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg et de l’Académie des sciences et belles-lettres de Prusse, associé étranger de l’Académie des sciences de Paris, de la Société royale de Londres, etc., etc., né à Bâle le 15 avril 1707, mort à Saint-Pétersbourg le 7 septembre 1783. Son père, Paul Euler, ministre du culte réformé, avait étudié avec succès les mathématiques sous Jacques Bernouilli et put en enseigner les principes à son fils. Envoyé à Bâle pour y faire sa philosophie, le jeune Euler ne tarda pas à y fixer l’attention de Jean Bernouilli, qui lui accordait chaque samedi la faveur d’un entretien sur les parties des mathématiques que son élève avait étudiées pendant la semaine.

Reçu maître es arts en 1723, après avoir prononcé un discours latin sur les principes philosophiques de Newton et de Descartes, Euler aborda les cours de théologie et de langues orientales, pour complaire à son père, qui le destinait à l’état ecclésiastique ; mais son goût le ramenait sans cesse à la géométrie, et il obtint bientôt la permission de s’en occuper exclusivement. Il se lia alors d’une amitié que rien n’a pu altérer depuis avec les deux fils de Jean Bernouilli, Nicolas et Daniel, qui lui facilitèrent les premiers débuts d»ns la carrière scientifique. L’impératrice Catherine Ire venait de fonder l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg ; Nicolas et Daniel Bernouilli y avaient été appelés en 1725, et ils ne s’étaient séparés de leur jeune ami qu’en lui promettant de le faire venir aussitôt qu’ils le pourraient. Dès l’année suivante, ils lui firent, en effet, savoir qu’il pourrait entrer, comme physiologiste, dans la section de médecine de la nouvelle Académie. L’ouverture pouvait paraître singulière ; aussi Euler se fit simplement inscrire sur la liste des étudiants en médecine de Bâle, et se mit à suivre les cours de la Faculté, comme si l’entreprise dans laquelle il se trouvait jeté ne présentait pas d’autre difficulté que d’y consacrer quelque temps. Il était tellement sûr de lui, que, à la même époque, il écrivait une dissertation sur la propagation du son, envoyait à l’Académie des sciences de Paris un mémoire sur la nature des vaisseaux, qui obtint l’accessit en 1727, et soutenait une thèse pour se faire nommer à la chaire de physique vacante à Bâle. Il partit peu de temps après pour Saint-Pétersbourg, avec le titre d’adjoint à l’Académie pour les mathématiques ; il ne fut pas autrement question de physiologie. Il épousa, peu de temps après, une de ses compatriotes, fille d’un peintre nommé Gsell, dont il eut une nombreuse famille.

La mort de Catherine Ire paraissant devoir entraîner la dissolution de l’Académie des sciences, Euler songea un instant à entrer dans la marine et accepta même une charge de lieutenant de vaisseau. Mais les circonstances redevinrent plus favorables en 1730, et il fut pourvu de la chaire de physique, qu’il conserva jusqu’au départ de Daniel Bernouilli en 1733 ; il remplaça alors ce dernier. Une congestion cérébrale, provenant d’un excès de travail, lui fit perdre l’œil droit en 1735 : « J’aurai, dit-il, moins de distractions. »

Élevé dans une république et doué, comme tous les savants de génie, d’une humeur libérale et tolérante, Euler voyait avec tristesse le sombre despotisme que l’autocrate Anne Ivanowna faisait peser sur la Russie. Il se tint à l’écart de la vie publique, et s’enferma tout entier dans le sanctuaire de la science et des affections privées. Si c’est à cette circonstance qu’il dut l’opiniâtreté de son travail, c’est aussi à elle que l’on attribue la tristesse profonde et l’expression d’inquiétude qu’on remarqua toujours sur le beau front de cet homme si doux, si bienveillant et de mœurs si pures. Cette impression fut si forte sur son esprit, écrit Montferrier, qu’en 1741, lorsque Euler se rendit à Berlin, la reine de Prusse, qui l’accueillit avec une noble bonté, ne put obtenir de lui que des monosyllabes. Et comme elle s’étonnait de la timidité et de l’embarras d’un savant aussi distingué, Euler lui répondit naïvement : « Madame, c’est que je viens d’un pays où, quand on parle, on est pendu. »

En 1741, Euler avait déjà publié un Traité complet de mécanique, où les principes de la science se trouvaient pour la première fois exposés avec assez de méthode pour que les théories particulières pussent en être déduites analytiquement, c’est-à-dire sans l’intervention de ces procédés artificiels, d’origines diverses, qui avaient été mis en œuvre par les premiers inventeurs ; une théorie nouvelle de la musique, à laquelle on a seulement reproché de contenir trop de géométrie pour les musiciens et trop de musique pour les géomètres ; une introduction à l’arithmétique ; d’importants mémoires sur les tautochrones, les brachystochrones et les trajectoires, sur les séries, sur l’attraction mutuelle des sphéroïdes, sur le problème des isopérimètres. Il avait remporté, en 1738, le prix proposé par l’Académie des sciences de Paris, sur la nature du feu. et partagé, en 1740, avec Daniel Bernouilli et Mac-Laurin, un autre prix pour un travail relatif au flux et au reflux de la mer. Sa réputation était devenue immense. Frédéric II, profitant de l’état précaire où étaient tombées les sciences à Saint-Pétersbourg pendant la régence, lui fit faire des propositions séduisantes et l’attira à Berlin au mois de juin 1741. Le roi avait déjà résolu de fonder son Académie des sciences, et voulait placer Euler à sa tête ; la guerre retarda l’exécution de ce projet jusqu’en 1744 ; mais Euler profita habilement du temps que les circonstances lui laissaient pour réunir à l’avance autour de lui les principaux savants de l’Allemagne et les disposer à entrer dans les vues de son nouveau maître. En attendant, il publia, dans les ’’Miscellanea’’ de l’ancienne Société scientifique de Berlin, différents mémoires sur la comète de 1742, sur les intégrales définies, sur la sommation de nouvelles séries, sur l’intégration des équations d’ordres supérieurs, etc.

Il n’avait pas, toutefois, interrompu ses communications avec l’Académie de Saint-Pétersbourg, dont il ne cessa pas de faire partie, et il les continua durant tout le temps de son séjour à Berlin. Le gouvernement russe lui avait, du reste, laissé la jouissance de sa pension d’académicien. Les anciens et les nouveaux ’’Commentaires’’ de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg contiennent encore un nombre prodigieux de mémoires qu’il lui avait adressés de 1741 à 1766, époque où il retourna en Russie,

Nommé, en 1744, directeur de la classe mathématique de l’Académie de Berlin, il jeta aussitôt le plus grand éclat sur cette société, et commença à enrichir son recueil à l’égal de celui de Saint-Pétersbourg.

Il mit, cette année, la dernière main à sa théorie des isopérimètres, qui ne laissait déjà plus rien à désirer, quant aux résultats auxquels elle pouvait conduire, lorsque Lagrange entreprit de la simplifier et d’y substituer la méthode des variations ; il publiait, la même année, sa théorie du mouvement des planètes et des comètes, remportait le prix proposé par l’Académie des sciences de Paris sur la théorie de l’aimantation, et résolvait pour le roi de Prusse les principaux problèmes de la balistique.

Il donna, en 1746, sa Théorie nouvelle de la lumière, où l’hypothèse de l’émission était pour la première fois soumise à une critique impartiale et élevée, depuis que Newton l’avait systématisée. Euler se rangeait à l’opinion de Descartes, que la lumière se propage à la manière du son par l’intermédiaire d’un fluide appelé éther, dont les vibrations impressionneraient nos yeux, comme celles de l’air impressionnent nos oreilles. C’est à lui qu’est dû le premier mouvement de retour à l’hypothèse des ondulations, dont Huyghens avait tiré déjà un si grand parti dans l’explication des phénomènes de double réfraction, mais que Newton avait presque fait oublier. Vers la même époque, Euler se délassait de ses recherches de mathématiques pures en réfutant le système philosophique de Wolff, et en substituant à l’activité des monades le principe plus sérieux de l’inertie de la matière.

Les grands problèmes qui se rattachent à la construction, à l’aménagement et à la manœuvre des vaisseaux, l’avaient préoccupé dès son entrée dans la carrière des sciences et lui avaient fourni l’occasion de son premier succès. Il s’y attacha d’une manière plus persistante à partir de 1749, et publia sur cette théorie difficile des ouvrages qui, traduits en français et en anglais, lui valurent des distinctions flatteuses et d’importants témoignages de reconnaissance de la part des deux gouvernements. Turgot lui écrivait en 1775 : « pendant le temps, monsieur, que j’ai été chargé du département de la marine, j’ai pensé que je ne pouvais rien faire de mieux pour les jeunes gens élevés dans les écoles de la marine et de l’artillerie que de les mettre à portée d’étudier les ouvrages que vous avez donnés sur ces deux parties des mathématiques ; j’ai, en conséquence, proposé au roi de faire imprimer votre Traité de la construction et de la manœuvre des vaisseaux, et une traduction française de votre Commentaire sur les principes d’artillerie de Robins.

Si j’avais été à portée de vous, j’aurais demandé votre consentement, avant de disposer d’ouvrages qui vous appartiennent ; mais j’ai cru que vous seriez bien dédommagé par une marque de la bienveillance du roi. Sa Majesté m a autorisé à vous faire toucher une gratification de mille roubles, qu’elle vous prie de recevoir comme un témoignage de l’estime qu’elle fait de vos travaux et que vous méritez à tant de titres. »

Euler publiait en même temps ses deux grands ouvrages d’analyse, ’’l’Introduction à l’analyse des infiniment petits ’’et les ’’Institutions de calcul différentiel et intégral’’, qui restèrent classiques pendant tant d’années et que tous les géomètres lisent encore aujourd’hui.

L’Académie des sciences de Paris se l’associa en 1755, quoiqu’il n’y eût pas alors de place vacante. Le roi décida que la première place qui viendrait à vaquer ne serait pas remplie. « L’extrême rareté de ces sortes d’arrangements, écrivait à Euler le marquis d’Argenson, est une distinction trop marquée pour ne pas vous en faire l’observation et vous assurer de toute la part que j’y prends. L’Académie désirait vivement de vous voir associé à ses travaux, et Sa Majesté n’a pu qu’adopter un témoignage d’estime que vous méritez à tant de titres. »

Euler était souvent revenu sur la théorie de la lumière et se séparait de plus en plus de Newton. L’opinion admise, d’après l’illustre géomètre anglais, que l’achromatisme des verres de lunettes était impossible à obtenir, ne lui paraissait pas probable ; les propriétés merveilleuses de l’œil, considéré comme instrument d’optique, lui semblaient fournir une preuve décisive en faveur de l’opinion contraire, et il proposa, dès 1747, des objectifs composés qu’il pensait devoir réaliser le progrès si désiré. C’est à Dollond, comme on sait, que l’on est redevable de la grande découverte qui a rendu tant de services à l’astronomie ; mais le génie de Dollond avait été excité par les objections faites par Euler à la théorie de Newton. Depuis cette découverte, Euler ne cessa pas de s’occuper de tous les perfectionnements à apporter à la construction des télescopes dioptriques.

D’Alembert venait de résoudre l’important problème de la précession des équinoxes et de la nutation de l’axe de la terre. Cette découverte fut pour Euler l’occasion de publier sa belle théorie du mouvement des solides, qui parut en 1765.

En 1760, la Prusse et la Russie étant en guerre, les Russes ravagèrent une métairie qu’Euler possédait près de Charlottonbourg ; mais, dès que le général russe Tottleben en fut informé, il s’empressa de faire réparer tous les dommages par une indemnité considérable, à laquelle l’impératrice Elisabeth ajouta un don de 4,000 florins.

Nous avons déjà dit qu’Euler n’avait jamais cessé de se considérer comme appartenant à l’Académie de Saint-Pétersbourg. L’avènement de Catherine II fut l’occasion qui l’y ramena. L’impératrice ayant accédé à toutes les conditions qu’il avait faites, il quitta la Prusse en 1766, au grand regret du roi, qui voulut garder au moins son plus jeune fils près de lui.

À peine arrivé à Saint-Pétersbourg, Euler perdit l’œil qui lui restait ; mais il possédait une mémoire si prodigieuse, que cette perte ne l’arrêta même pas dans ses travaux. Les années 1768, 1769, 1770 et 1771 virent encore paraître de lui les ’’Éléments d’algèbre ’’et trois gros volumes sur la dioptrique, qu’il dictait à son domestique ; en même temps, l’Académie publiait ses Lettres à une princesse d’Allemagne, les calculs de la comète de 1709, celui du passage de Vénus de la même année et la Théorie nouvelle de la lune, qui lui avait valu une gratification de 300 livres sterling, votée, en 1765, par le Parlement anglais, « pour le récompenser d’avoir fourni à Mayer les théorèmes au moyen desquels il était parvenu à résoudre le problème des longitudes. »

L’Académie des sciences de Paris avait déjà couronné trois mémoires d’Euler Sur les inégalités des planètes ; elle proposa, pour sujet des prix de 1770 et 1772, de nouveaux perfectionnements à la théorie de la lune, et Euler remporta encore l’un et l’autre. Il avait eu le courage, a un âge si avancé, et quoique devenu complètement aveugle, de refondre, avec l’aide de son fils, de Krafft et de LexeU, tous ses ouvrages antérieurs sur cette importante question, et de reconstruire de nouvelles tables de notre satellite, fondées sur une distinction neuve de ses inégalités considérées comme dépendant de l’élongation moyenne, de l’excentricité, de la parallaxe ou de l’inclinaison de l’orbite. Ajoutons qu’il entreprenait ce grand travail au moment où sa maison venait d’être incendiée, et au milieu, par conséquent, des embarras d’un nouvel établissement.

C’est en 1771, lors de l’incendie de Saint-Pétersbourg, que cette nouvelle épreuve lui était survenue. Un de ses compatriotes bâlais, Pierre Grimm, sans songer au péril qui menaçait sa propre demeure, accourut en toute hâte, chargea le vieillard sur ses épaules et le déposa sain et sauf en lieu sûr. La bibliothèque et la maison furent brûlées ; mais les manuscrits furent sauvés par les soins du comte Orloff, et l’impératrice, qui avait donné à Euler sa première demeure, lui en fit construire une nouvelle plus confortable et mieux disposée.

Il recouvra un instant la vue, en 1773, à la suite de l’opération de la cataracte ; mais la guérison ne put pas être obtenue d’une manière définitive, et Euler endura des souffrances atroces avant de perdre entièrement son œil ; il n’en continua pas moins ses immenses travaux. C’est durant cette dernière période de sa vie qu’il mit au jour ses principales recherches sur l’hydrodynamique.

Il mourut subitement d’une attaque d’apoplexie, en jouant avec un de ses petits-fils.

Voici en quels termes Condorcet raconte sa fin : « Le 7 septembre 1783, après s’être amusé à calculer sur une ardoise les lois du mouvement ascensionnel des machines aérostatiques, dont la découverte récente occupait alors toute l’Europe, il dîna avec M. Lexeil et sa famille, parla de la planète d’Herschell et des calculs qui en déterminent l’orbite. Peu de temps après, il fit venir son petit-fils, avec lequel il badinait en prenant quelques tasses de thé, lorsque, tout à coup, la pipe qu’il tenait à la main lui échappa, et il cessa de calculer et de vivre. »

Toute l’activité d’Euler s’était employée au perfectionnement des sciences mathématiques, mais il ne s’y était aucunement absorbé. Non-seulement il avait des connaissances étendues sur toutes les branches de la physique, en chimie, en histoire naturelle et en médecine, mais encore il possédait à fond l’histoire de tous les peuples et les littératures grecque et latine. Il goûtait à tel point la lecture de Virgile, qu’il en était venu à savoir par cœur l’Enéide entière.

Il possédait au dernier point l’art de déposer l’air du savant et de se mettre au niveau de tout le monde : « Une humeur toujours égale, une gaieté douce et naturelle, dit son ami Fuss, une certaine causticité mêlée de bonhomie, une manière de raconter naïve et plaisante, rendaient sa conversation aussi agréable que recherchée. »

Beaucoup de savants ont malheureusement cherché à augmenter par d’injustes réclamations leur part légitime de gloire. Euler ne s’est jamais donné ce tort : il était en tout d’une probité et d’une droiture à toute épreuve.

Il s’était marié deux fois et avait eu treize enfants, dont cinq vécurent, et lui donnèrent trente-huit petits-enfants, dont il aimait à rester entouré.

Nous ne saurions donner la liste complète do ses ouvrages, qui occupe cinquante pages in-4° de l’Éloge lu par Fuss à l’Académie de Saint-Pétersbourg ; nous nous bornerons à rapporter brièvement les principaux progrès qui lui sont dus et à faire connaître ses idées philosophiques.

La publication de son ’’Introduction à l’analyse infinitésimale’’ fit une véritable révolution dans la géométrie analytique, où les méthodes générales n’avaient pas encore été fondées d’une manière définitive. On y remarque la définition moderne des foyers des coniques ; la première théorie de la courbure des surfaces ; les formules de transformation des coordonnées dans l’espace ; la discussion, non encore tentée avant lui, de l’équation générale du second degré à trois variables. «Les anciens, dit M. Chasles, ne nous paraissent avoir connu parmi les surfaces du second ordre, outre le cône et le cylindre, que celles qui sont de révolution (en