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quartier Latin. Le soir, à la lueur d’un bol de punch, elles aiment à raconter- aux novices les amours célèbres de la rive gauche. La légende qui obtient le plus de succès dans leur bouche est celle de Foret et de Maria aux accroche-cœurs. Foret était un étudiant en droit qui, malade d’une passion pour Maria aux accroche-cœurs, se brûla la cervelle après lui avoir légué sa fortune. Cette noble action est l’objet de l’admiration des étudiantes, qui aspirent toutes au rôle de Maria. Il y a aussi, mais cela se garde pour la fin, la légende tragique d’Olympe la Poseuse : un étudiant en médecine s’ennuyait profondément de l’absence de sa maîtresse, grande dame partie pour un voyage en Italie. Une nuit, pour tuer le temps et le spleen qui le dévorait, il court au bal de la Closerie, et y rencontre Olympe, à qui il propose un duel bachique des plus terribles : il s’agissait toutsimplement de boire un bol de punch au rhum pendant qu’il avalera un bol de punch au kirsch-wasser. Olympe accepte. Leduel a lieu sans témoins, dans la chambre de l’étudiant. Le lendemain matin, l’étudiant entend frapper à sa porte ; il ouvre... c’était celle qu’il aimait... revenue exprès pour le voir !... L’étrangeté de la situation rend à l’étudiant son sang-froid et sa raison. Il va parler... ■ Mais il y a une femme ici, s’écria la visiteuse avec un accent déchirant. — Oui, madame, une femme qui dort... — Non, monsieur, dit la dame, qui s’était approchée du lit... une femme qui est morte dans les convulsions ! tout est fini entre nous ; mais je suis trop vengée. » Olympe était morte asphyxiée. La grande dame paya les frais des funérailles. Quant à l’étudiant, il s’engagea comme volontaire dans l’armée papale. On a su depuis qu’il s’était fait tuer en duel. Il y a encore l’histoire de Pomponnette, sorte de pendant à l’histoire de mademoiselle de La Chaux, dans Ceci n’est pas un conte. Pomponnette étudia le droit et fit subir les colles du troisième examen à un jeune étudiant à qui elle voulait prouver une rare affection. Ce genre de dévouement est peu admiré de ces demoiselles, hâtonsnous de le dire, rîous passons certaines anecdotes qu’on ne pourrait narrer qu’en latin, et encore I Les carabines sont surtout ferrées sur ces dernières. Elles en savent une foule ayant trait aux élèves en médecine particulièrement. Citons-en deux :

Un propriétaire avait loué une chambre à un carabin, ù condition que celui-ci ne ferait jamais entrer dans la maison ni crânes, ni ossements, ni pièces quelconques d’anatomie. Quelque temps se passe. Un beau jour l’étudiant rencontre le propriétaire. « Monsieur, lui dit-il, veuillez donc monter chez moi, j’ai quelque chose à vous faire voir. » Le propriétaire, croyant qu’il s’agit de quelque réparation, suit sans défiance son locataire. Ce dernier tire un rideau. ■ Un squelette complet 1 s’écrie le visiteur, dont les cheveux se dressent déjà ! — Il est bien réussi n’esi-ce pas ? C’est moi qui l’ait travaillé en entier. C’était une femme superbe I — Malheureux I et nos conventions ? — Ne craignez rien, je l’ai amenée vivante 1 • Le propriétaire court encore.

"Voici la seconde. Il s’agit naturellement d’un étudiant qui parvient à ne plus payer son terme, ce qui, aux yeux de la vieille étudiante, ne « manque pas de charme. » Sa propriétaire, une respectable dame, lassée d attendre son argent, avait résolu d’aller elle-même lui en demander. Vétudiant, prévenu, l’attend de pied ferme. « Monsieur, dit-elle en entrant, sans préambule, payez-moi ou partez. — J’aime mieux partir, dit le carabin.

— Alors, allons ! et un peu vite !—Mon Dieu, madame, reprend le jeune homme, cela irait aussi vite que possible, si vous vouliez m’aider un peu. » Et, sans sourciller, il s’approche de sa commode, ouvre tranquillement le tiroir du haut, et en retire un grand squelette : , « Auriez-vous l’obligeance de mettre ceci au fond de ma malle... en ie pliant ?’—Qu’est-ce que c’est que ça ! s’écrie la dame en reculant d’un pas. — Ça ? Peuh ! c’est mon premier propriétaire. Il avait eu l’inconvenance de me réclamer trois termes que je lui devais, et alors !... Prenez bien garde de le casser ; c’est le no l de ma collection. — Monsieur ! dit la dame en pâlissant. » L’étudiant, sans lui répondre, ouvre un autre tiroir et en tire un second squelette : « Ceci, c’est ma propriétaire de la rue de l’École-de-Médecine, une bien brave femme, mais qui m’avait aussi réclamé deux termes. Veuillez la mettre sur l’autre, ., c’est le n° 2... Ceci, continue Vétudiant, c’est le n" 3... Ils y sont tous 1 Un bien honnête homme, tenez ! et que je ne payais pas non plus. Passons au n» 4. » La proprié’ taire s’enfuit éperdue... et, depuis ce jour, l’étudiant n’entend plus parler de son terme.

La débutante, l’étudiante qui entre dans la carrière, regarde avec une sorte d’effroi le carabin, plus négligé de toilette que l’étudiant en droit. Kt puis toutes ces histoires de squelettes l’éloignent un peu de lui. D’ailleurs, l’élève en médecine, accablé de travail, oblige de courir à l’amphithéâtre, à l’hôpital et de suivre les cours, n’a guère le temps d’être aimable. Quand il met de côté la pathologie et la thérapeutique, il se jette sur la volupté, comme un naufragé de la Méduse se serait jeté sur un potage. À la Closerie des Lilas, c’est lui qui, épatant toutes lesfâdâmtnes, bat les entrechats les plus désordonnés : les muscles pubio-fémoral, sous-pubio-fémoral

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et ischio-fémoral, ses articulations péronéotibiales, son férooro-calcanien, sont infatigables. Au risque de gagner un lumbago, une laryngite, une péripneumonie, une entérite, une cystite phlegmoneuse, ou pis encore, il saute, il se démène, il chante, il boit, il crie ; il fait l’admiration des habitués, "si bien que Camille Pompier, Irma Canot, Molécule et autres Pomponettes et Cascadettes de l’endroit se disputent son cœur. Il n’a qu’à se baisser... Mais le lendemain, au point du jour, l’hôpital l’attend, l’élève reprend sa tâche pénible. Ses amours n’ont pas même duré une semaine, comme dans la chanson. Molécule est transformée en Ariane du soir au matin. Pour une fille qui a du sentiment, c’est pénible.

Nous renvoyons, pour le complément de cet article, aux mots bal, caboulot et crémerie, dans ce Dictionnaire. Disons seulement, pour terminer, que l’étudiante se croit toujours la grisette : elle n’en est que la charge en détrempe. Il en est cependant qui chantent encore, sur l’air du grand Turenne, ce couplet de Watripon :

Moi, mes amis, je veux rester grisette, Je veux rester dans le quartier latin ; Cela vaut mieux que de finir lorette, En désertant vers le quartier d’Antin... L’indienne ici vaut mieux que le Satin. Le vrai plaisir redoute la débauche ; L’éclat toujours porte ombrage au bonheur... Voila pourquoi j’aime la rive gauche... Le côté gauche est Je côté du cœur.

— IL Etudiants allemands. Les étudiants allemands ont des mœurs et des coutumes fort originales ; ils méritent que nous leur consacrions un chapitre particulier. Les universités allemandes sont, au rebours de l’Université française, des sociétés libres et indépendantes, soutenues, il est vrai, par l’État, mais se gouvernant elles-mêmes et jouissant de nombreux privilèges. Elles n’embrassent que le haut enseignement et se divisent presque toutes en quatre Facultés : la théologie, le droit, la médecine et la philosophie. Cette dernière comprend la littérature et les sciences naturelles. Il y a quelquefois une cinquième Faculté : celle des sciences politiques et administratives, réunies sous le nom de camirales ; mais cette Faculté ne confère pas de grades.

On laisse la plus grande liberté aux professeurs pour enseigner, et aux élèves pour apprendre comme ils l’entendent. De là 1 universalité des connaissances que possèdent en général les Allemands, et qui fait dire a Mme de Staël que l’éducation des universités allemandes commence où finit celle de plusieurs nations de l’Europe. Les professeurs ordinaires de toutes les Facultés réunies forment le sénat académique ; ils élisent tous les ans dans leur sein le recteur, premier dignitaire de l’université. Le sénat dirige les affaires générales des corporations universitaires. Il exerce par lui-même ou délègue a un comité sa juridiction sur les étudiants. C’est ce droit d’être jugé par le sénat 3ui constitue pour ceux - ci la liberté acaémique, liberté qui est le principe fondamental du système universitaire en Allemagne. Le jeune étudiant, devenu membre de la civitas universitutis en jurant entre les les mains du prorecteur obéissance à ses lois, reçoit un diplôme sur lequel ces lois sont inscrites ; dès lors, il est inviolable à la police ordinaire, et ne peut être livré, même pour crime, aux tribunaux du pays, qu’après une décision spéciale du haut conseil de l’université. Devant ce conseil, la parole des étudiants fait foi, sans autre témoignage, sans autre preuve. Deux appariteurs (pedetlen), sans uniforme et sans armes, suffisent pour maintenir l’ordre parmi des milliers d étudiants. Cette juridiction toute patriarcale, ce régime intermédiaire entre les règles du collège (gymnasium) et les lois qui régissent les citoyens ordinaires, font de l’université comme une grande famille.

Au sortir de l’université, l’étudiant subit un examen avant d’entrer soit dans le barreau, soit dans les ordres. Pendant le cours de ses études, il n’est assujetti à des examens qu’autant qu’il désire une bourse ou une table franche (fret tafel). Quant au doctorat, il s’acquiert, comme chez nous, par la soutenance d’une thèse.

Un article de la Revue britannique (1828) donne des renseignements curieux sur les moeurs des étudiants allemands, dans la première moitié de ce siècle. À Heidelberg, l’étudiant passait pour moins laborieux que dans les autres universités, pour aimer à bien boire, à s’amuser, à se promener à cheval et à. chasser. L’étudiant de Munich, sombre et peu sociable, n’avait que deux passions : la bière et les femmes. L’étudiant d’Iéna avait un caractère tout différent : grand, bien fait, vigoureux, il excellait aux exercices gymnastiques, et c’était le roi de la ville ; tapageur au suprême degré, il aimait à assiéger les maisons des bourgeois, des pkilister (philistins), terme qui répond a celui d’épicier que nous employons si souvent en France. Chose singulière ! tout en s’enivrant de bière, ils suivaient presque tous fidèlement l’article 34 du code de la Burchenschaft (Ligue des amis), qui prescrivait la chasteté. A Gœttingue, les étudiants étaient bons cavaliers, mais bretteurs-ils buvaient autant que les autres,

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mais à la bière ils préféraient le vin et le punch. Ils étaient aussi plus riches, moins épais et moins grossiers. En ISIS, un de leurs camarades ayant eu une altercation avec un boucher, un soulèvement général eut aussitôt lieu, et, sans l’infanterie, les hussards de la ville auraient été battus par eux. Ceux de Halle (Saxe) avaient l’habitude d’en venir aux mains avec les soldats de la garnison. Il fallut un règlement pour les en empêcher. A Leipzig et à Berlin, Vétudiant possédait moins l’esprit de corps ; mais, dans cette dernière université, la manie des duels était poussée si loin, qu’en juillet 18LS, le gouvernement crut devoir prendre des mesures sévères contre les duellistes, qui les éludèrent en gardant mieux le secret de leurs rencontres.

La première chose qui frappe l’étranger, s’il arrive au milieu du jour dans une de ces villes universitaires, c’est le calme des rues tirées au cordeau : pas de boutiques, pas de commerce, pas de voitures, pas de femmes en toilette. Les étudiants sont aux cours ou travaillent ; les seuls êtres vivants que vous rencontrez sont quelques pauvres diables de stiefelfùchs (brosseurs des étudiants), qui flânent pour se reposer de leur service de la matinée. Vers trois ou quatre heures, les rues commencent a se peupler de casquettes blanches, vertes, rouges, etc. ; ce sont les étw diants qui vont se promener pour se donner de l’appétit et de la soif, avant de finir leur journée à la taverne. Ils sont généralement par bandes de quatre à six ; ils portent des casquettes fort étroites, mais oui n’en frappent pas moins immédiatement la vue à cause de leurs couleurs éclatantes. Ce sont les couleurs de ces casquettes et d’un ruban passé en bandoulière par - dessus le gilet qui distinguent lesétudiantsen corps, corporations, etc. (Burschenschaften, Verbendungen, Vereine). Sous leurs casquettes, les étudiants portent de longs cheveux flottants. Des habits très-courts, mais généralement larges, des bottes très-longues, des pantalons fort collants, ’ voilà l’idéal de la mode pour l’étudiant. Les habits sont même quelquefois si larges qu’on les porte froncés par derrière au moyen d’une patte. À voir cette patte, il semblerait qu’elle est là pour que Vétudiant puisse à volonté, lorsqu’il s’emplit de bière, enfler ou désenfler son enveloppe. Enfin, le complément de ce costume déjà assez burlesque, avec la casquette rouge ou blanche, la veste (jappe) grise à collet vert, le pantalon et le gilet ad libitum j c’est la grande pipe à fourneau de porcelaine et à tube de merisier orné de glands rouges ou bleus.

La différence entre les corporations et les corps, c’est que celles-là sont purement morales et ceux-ci essentiellement politiques. Quant à l’organisation matérielle, elle est la même pour les corps ou corporations, qui sont 1 dirigés par un senior assisté d’un consenior. Comme leur nom l’indique, ces deux person- i nages sont de vieux étudiants. Ils ont pour mission de faire observer les statuts et les ! règlements de la société. Il y a eu de ces associations célèbres, comme le Tugendbund, d’où sortit Kœrner avec la chanson de VEpée, le Burschenschaft, dont fit partie Cari Sand, qui poignarda Kotzebue. Aujourd’hui, ellesv n’ont pas de raison d’être fort sérieuse : leur centre de réunion est généralement la taverne (Kneipe) ; leur nerf, la bière et le tabac ; cependant, grâce à leurs statuts, elles exercent un contrôle utile sur la conduite des étudiants. La moindre action tant soit peu répréhensible ferait exclure immédiatement de la société, et en dehors de la société l’existence serait impossible, tant les étudiants sont solidaires les uns dés autres.

Les deux principales vertus d’un étudiant, c’est d’être fidèle et solide ; deux mots qui, pour les universitaires de l’autre côté du Rhin, ont un sens particulier. Fidèle est l’é Eithète du garçon plein d’entrain et de bonne umeur, aimant la bière et la société de ses camarades ; solide, au contraire, s’applique à celui qui est sérieux et reste chez lui à travailler. Pour être un bon étudiant, il faut unir ces deux qualités opposées.

Le boire, pour un étudiant allemand, est une chose sérieuse qui a ses règles particuculières, ses termes spéciaux, comme toute

autre science, tout autre art ; on boit des docteurs, des évêques, totialis ou parlialis, flacicos ou hausticos, sauf oder lauf, sine bartwisch, etc. Souvent onboitparmass(pinte, mesure), d’où cejeude mots qu’en Allemagne on boit maessig (par pinteou avec mesure). Après avoir bu et chanté ensemble, on finit par se tutoyer ; mais, pour arriver là, on boit ensemble ce qui s’appelle schmùllis, c’est-à-dire qu’après avoir trinqué d’une certaine façon, et vidé les verres jusqu’à la dernière goutte, on s’embrasse en disant ces paroles : « Soyons frères. »

Les étudiants, au commencement de l’année, ont des réunions appelées commerces ; c’est là qu’on chante la chanson du Renard. Par ce mot renard, on désigne l’étudiant de première année, qui ne se débarrasse de cette appellation injurieuse qu’après son premier duel. C’est aussi dans les commerces que l’on se provoque en duel entre sociétés rivales. Ces duels ne sont guère dangereux ; ils ont un cérémonial particulier. Parmi les étudiants allemands, ce sont ceux d’Heidelberg qui se livrent avec le plus de passion, aujourd’hui encore, à cette trop fameuse manie du duel.

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Ces combats, que la police cherche à empêcher maintenant, sont tous improprement appelés des duels, et devraient s’appeler des tournois. Les deux adversaires, en effet, n’ont pas eu la moindre querelle, très-souvent ils sont amis intimes, et cependant ils se battent avec des rapières très-tranchantes, se taillent des balafres à travers la figure, s’éboignent quelquefois et, par-ci parla, se coupent le bout du nez, le bout de l’oreille ou le menton. Il est vrai qu’il n’y a jamais mort d’homme ; car ils se couvrent tout le corps avec des plastrons et des brassards matelassés. S’il y a blessure, elle ne peut atteindre que la figure, et l’étudiant est certain de porter toute sa vie, ostensiblement, les galons de sa bravoure. La corporation se réunit tous les soirs dans sa Kneipe ou brasserie, et les étudiants y passent la soirée à boire des quantités incalculables de bière, à fumer l’affreux tabac allemand et à chanter des chansons (lieder), dont chacun a devant soi le recueil imprimé. C’est pendant ces occupations bachiques que se font les provocations. Ouvrons 1Illustration de Bade (1858), qui va nous dire en quels termes et de quelle façon elles ont lieu.

Tout à coup le silence se fait dans la salle. On annonce un envoyé d’une autre corporation. Il est introduit et va s’asseoir à côté du senior. On lui offre une chope de bière, il’ trinque et boit. Puis il se lève et déclare que sa corporation a désigné messieurs tels et tels pour se battre le lendemain avec ceux des Corburschen et des Fùchse que le senior voudra bien désigner. Le senior alors prend la liste.où se sont inscrits les membres de la corporation qui veulent se battre. Il les désigne par rang d’ancienneté d’inscription, et rendez-vous est pris pour le lendemain. Les duels ont lieu d ordinaire.à la llirc/içasse, petite gorge dans la montagne, de 1 autre côté et en amont du Neckar. Les étudiants s’y rendent isolément, ayant soin de poster de distance en distance des éclaireurs qui les préviendront de l’approche de la police. Dans chaque duel figurent huit personnes : l’impartial (Guparleiischev), qui préside au combat ; le médecin, qui se tient prêt à coudre les balafres ou à rajuster les nez endommagés ; les deux combattants (fuukanten), assistés d’un secondant (Secwidunt) et d’un témoin (Zeuge) ; les deux adversaires sont en bras de chemise, la poitrine et le bras droit couverts de plastrons. Les Corburschen se battent nu-tête. Les Fùchse portent des casquettes avec large visière et sont armés de longues rapières (ScUlœgci). Ils" arrivent sur le terrain tout caparaçonnés, accompagnés de leurs secondants et de leurs témoins, qui leur soutiennent le bras, alourdi par l’épais plastron qui doit servir à parer les coups. L’impartial donne le signal du combat par ces mots : « Silencium ! auf die mensur, fertiy, los ! (Silence 1 sur le terrain, tout est prêt, partez !) » Aussitôt les deux champions s’élancent, le bras droit levé couvrant la tête, et la pointe de la rapière baissée. Us s’observent, se portent à la tête des coups aussitôt parés avec le plastron qui garnit le bras et par la garde de la rapière. Les coups dangereux se donnent en dessous et taillent ces vilaines balafres dont les jeunes gens sont si fiers. Le duel doit durer quinze minutes, et l’on décompte les pauses pendant lesquelles les secondants promènent autour du terrain les champions tout fumants de sueur, comme l’on promène les chevaux après les courses. Lorsqu’il est porté un coup contraire aux règles du tournoi, les secondants, armés d’épées, le parent. Ce sont eux aussi qui demandent que l’impartial visite le cuir chevelu de l’adversaire, quand ils croient qu’il a reçu une blessure. Lorsque les quinze minutes sont écoulées, l’impartial s’éirie : Paukerei er ! (le tournoi est fini !) On compte les blessures, les balafres, et l’on a soin d in scrire dans le livre du corps que monsieur un tel a reçu une balafre avec trois, cinq ou sept épingles j suivant le nombre d’épingles qu’il a fallu pour réunir les bords de la plaie. C’est le livre d’or de la corporation. Quand il arrive qu’un bout de nez est coupé, l’un des assistants s’empresse de le ramasser et le met dans sa bouche, non pour l’avaler, mais pour le maintenir chaud. La médecin arrive et le remet tant bien que mal. Quelquefois les chairs se réunissent ; d’autres fois le nez tombe après quelques semaines de traitement. On raconte 1 histoire d’un nez ainsi rafistolé, dont le maître fit une chute : le nez resta par terre ; un chien se jeta dessus et l’avala.

Les étudiants allemands font partie des corporations pendant deux ou trois ans. Ils ne travaillent pas, ne suivent presque pas les cours, se battent, boivent, furent, chantent ; mais un soir ils apparaissent à la Kneipe, boivent comme à l’ordinaire leurs huit à dix chopes, puis tout à coup se lèvent et déclarent donner leur démission de Corbursch. A dater de ce jour, ils travaillent comme des nègres— nos étudiants appellent cela fcilcAer ou piocher, — passent leurs examens, sont reçus docteurs, deviennent d’honnêtes pères de famille, de paisibles fonctionnaires, et ne conservent comme souvenirs universitaires que leurs balafres, avec l’habitude de fumer et de boire de la bière le plus possible.

Nous complétons cette étude par la traduction d’un chant populaire dans les universités allemandes :