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que prit la jeunesse des universités allemandes aux luttes de la liberté.

Frédéric Stabs, fusillé le 27 octobre 1809, après avoir essayé de tuer Napoléon à Schœnbrunn, et un étudiant de Leipzig, La Sabla, arrêté à Paris, deux ans après, comme soupffwiiié d’y être venu dans la même pensée d’assassinat, montrent assez quelle était en ce moment la fermentation des esprits. Après quelques années, l’association connue sous le nom de Tuijendbund, dont Fichus avait été l’un des fondateurs, se recrutait parmi les jeunes hommes. Les étudiants de toutes les universités s’associèrent au grand mouvement qui se révéla dans les années 1813,1814 et 1815 ; ce furent eux qui contribuèrent le plus à la délivrance de l’Allemagne, payant au besoin de leurs personnes dans les combats. On les rencontrait sur les routes, le fusil sur l’épaule, allant en troupes rejoindre un régiment, et répétant en chœur les chants de Kœrner. Au retour, plusieurs associations prirent naissance dans les universités, la Teutonia, YArminia, le Miroir d’honneur, et surtout la grande Burscficnschaft d’Iéna, qui qui se constitua le 15 juin 1815. Cette jeunesse brave et enthousiaste ne renonça pus, après la victoire, à la réalisation de ses vœux. Les princes, effrayés, sévirent contre elle. Le Tuyendbund fut supprimé ; il est vrai que son esprit se continua dans l’Union de Carlottenbourg. Les étudiants de Paris allèrent plus tard observer de près les unions allemandes et leur organisation, pour essayer de l’appliquer aux écoles de Paris. Ainsi se réalisa la prophétie révolutionnaire : <• Nous leur portons la guerre, ils nous rendront la liberté ! »

La défense de Paris contre l’invasion étrangère, en ISH, offrit aux étudiants de toutes les’ écoles, l’École polytechnique en tète, l’occasion de montrer leur patriotisme. Déjà l’École polytechnique venait d’offrir, pour sa part du tribut volontaire que la France s’imposa, huit chevaux d’escadron, tout équipés pour l’artillerie à cheval. Devant le péril où nous avait jetés l’insatiable ambition de Napoléon, les polytechniciens, les élèves en droit et eu médecine composèrent les douze batteries de l’artillerie de la garde nationale. Le 28 mars, ils formèrent une réserve mobile de 28 bouches à feu. Les bataillons préposés à la défense de Montmartre et de la barrière du Trône déployèrent une intrépidité digne, hélas ! d’un moins triste dénoûment. Les élèves de l’école vétérinaire d’Alfort s’illustrèrent par leur belle défense de Gharenton. L’histoire, qui plane au-dessus des men-Jbnges de parti, a écrit Louis Blanc, dira qu’en 1814 Paris ne voulut pas se défendre ; que la garde nationnale, à l’exception de quelques gens de cœur, ne fît pas son devoir ; que la bourgeoisie enfin, à part roi petit nombre d’écoliers valeureux et de citoyens dévoués, quoique riches, courut au-devant de l’invasion. » En 1S15, les étudiants, appelés de nouveau à concourir à la défense de la capitale, furent reconstitués en compagnies d’artillerie, exercés à la manœuvre-et au tir des bouches à feu, et enfin obligés à un service militaire sous les murs de Paris, jusqu’au 3 juillet, jour néfaste où les Bourbons nous furent imposés par la Sainte-Alliance.

— IV. L’opposition de la jeunesse à la Restauration vint d’abord de l’École polytechnique, qui, en 1816, refusa de se plier

aux pratiques religieuses. Quinze élèves furent expulsés le 12 avril, et, dèsle lendemain, le roi licencia l’école, dont la réorganisation eut lieu le 4 septembre. L’année suivante, les étudiants en droit de la Faculté de Rennes protestèrent ouvertement contre la cérémonie dite expiatoire du 21 janvier, anniversaire de la mort de Louis XVI. Ce n’est, toutefois, qu’à la fin de 1818 que fut organisé dans les écoles le mouvement d’ensemble.

La jeune Allemagne, de son côté, poursuivait le mouvement libéral. Les sociétés secrètes d’étudiants, qui s’étaient formées pour résister à l’oppression étrangère, se tournaient contre les tyrans de l’intérieur. L’université d’Iéna avait donné la première impulsion. Le 18 octobre 1817 avait eu Heu la fête de Wartbourg, véritable fédération républicaine des étudiants allemands, que la diète considéra comme une révolte. De cette communion naquit la fameuse Ligue des amis (liurscliensefiaft). On s’était juré solennellement de renverser, par tous tes moyens possibles, les gouvernements parjures. Les cabinets du nord, effrayés, se concertèrent pour diriger des poursuites contre les membres de la ligue. Les carrières publiques leur furent d’abord fermées. On entretint ensuite à dessein la division entre eux et les Landsmannschaften (Ligues des compatriotes), qui secondaient les projets de la Sainte-Alliance. I ! s’ensuivit des duels sans fin. D’autre part, on destitua et on emprisonna les professeurs.

En ce temps vivait à Manheiin le trop fameux Kotzebue, écrivain et espion politique à la solde de la Russie, qui poursuivait de ses sarcasmes la jeunesse des écoles et dénonçait secrètement ses compatriotes au

czar. Une copie de ces dénonciations tomba entre les mains de Wieland, qui les publia dans l’Ami du peuple. Un cri unanime s éleva pour flétrir le traître. C’est alors qu’un jeune étudiant do l’université d’Erlangen, Cari Sand, âgé de vingt-deui A.ns, patriote ardent, se rendit à Munheim et poignarda

l’espion, en s’écriant : • Voilà pour toi, traî ETUD

tre à la patrie ! » Sand, condamné à mort, subitson supplice avec dignité. Lorsque le bourreau montra sa tête au peuple, les cris de Vive la liberté.’ à bus la tyrannie.’ partirent de la foule, en grande partie composée des étudiants accourus de toutes parts. On se précipita sur l’échafaud, qui fut brisé. Los étudiants trempèrent leurs mouchoirs dans le sang de leur camarade, et les fragments de l’échafaud, recueillis comme des reliques, furent enchâssés dans des bagues et des bijoux (1819). L’exaltation des esprits s’accrut encore par cet événement. Un autre étudiant, du nom de Lœssing ou Lœhniez, essaya peu de temps après de poignarder le président de la régence du duché de Nassau. Jeté en prison, il se suicida à l’aide d’un verre qu’il brisa entre ses dents et dont il avala les morceaux.

En même temps, les écoles françaises s’agitaient. Le 4 février 1819, les étudiants en médecine de Montpellier quittèrent l’école en masse, et depuis neuf siècles cette Faculté resta déserte pour la première fois. À Paris, des leçons que le professeur dedroit criminel Nicolas Bavoux fit sur la liberté et la sûreté des personnes donnèrent lieu, entre les étudiants libéraux et quelques auditeurs royalistes, à des discussions qui faillirent, grâce à l’intervention du doyen et de ht force armée, dégénérer en conflits sanglants (juin 1S10). Le cours de Bavoux fut suspendu et l’Ecole de droit fermée. Poursuivi criminellement, le profssseur fut acquitté par le jury et vit l’accusation se changer pour lui en triomphe. L’École de médecine eut ; iussi ses troubles. Le 27 novembre, .à l’issue d’une leçon, un étudiant se présente à la chaire, tenant à la main une pétition adressée aux chambres, à l’effet de réclamer le maintien de la loi des élections. À Grenoble, les étudiants en droit profitèrent de l’arrivée du duc d’Angouléme (8 mei 1820) pour faire une manifestation, couvrant des cris de : Vioe la charte ! ceux de : Vive te roi ! Tous les jours des groupes nombreux à’étudiants stationnaient devant le Palais-Bourbon pour acclamer les députés de l’opposition, défenseurs de la liberté électorale. Refoulés du quai d’Orsay par les gendarmes, ils se réunirent sur la place Louis XV, aux cris de : Vive la charte ! Refoulés de nouveau, il se rendirent en masse au faubourg Saint-Antoine, où ils fraternisèrent avec les ouvriers. Trente-cinq furent arrêtés. Le samedi 3 juin, de nouveaux rassemblements ont lieu aux abords de la Chambre des députés. La police lance au milieu d’eux des bandes d’assommeurs. Les étudiants, qui avaient pris pour signe de reconnaissance la cravate blanche et la boucle au milieu du chapeau, délivrent leurs amis faits prisonniers. Place du Carrousel, ils arrachent des mains des gardes du corps Im de leurs camarades nommé Lalleinand, étudiant en droit et âgé de vingt-trois ans, qui est frappé au même instant d’un coup de feu dans les reins. La mort de Lallemand, qualifiée d’assassinat à la tribune, fut un brandon de plus dans l’ardent foyer. Le cadavre, transporté à l’église Bonne-Nouvelle, gardé par les jeunes gens eux-mêmes, fut conduit le lendemain au Pere-Lachaise par les deux écoles de droit et de médecine. « Là, dit Armand Marrast, ce furent des accents de vengeance et de liberté. Sûre d’elle-même et, par conséquent, de l’avenir, la génération qui se pressait dans le cimetière rit entendre des paroles hardies et fières, que la prudence parlementaire ne sutpas comprendre et qu’elle ne pouvait excuser. » Un élève en droit proposa une souscription pour élever un monument à Lallemand, « mort un milieu d’eux. » Un étudiant en médecine, au nom de ses camarades, adhéra à cette motion. De leur côté, les élèves de la première classe de l’école d’architecture réclamèrent l’honneur d’être chargés du monument. Les jeunes gens du commerce souscrivirent, à eux seuls, des sommes qui dépassèrent les frais du monument. De toutes les Facultés de France arrivèrent des adhésions et des listes de souscription. A raison de ces faits, ure discussion brûlante s’engagea à la Chambre. M. Demarçay défendit les écoles contre les attaques du garde des sceaux. « Cette jeunesse qui, par ses études, ses occupations, son émulation, semble appar, tenir à l’âge mûr, remplit nos écoles et se livre à l’ardeur du travail et de la science. Elle a du feu, dites-vous ; elle aime la liberté ; et à quel âge voulez-vous qu’on aime la liberté et qu’on la défende avec courage ? N’est-ce pas aussi du feu et du courage que vous lui demandez quand vous l’appelez à la défense de la patrie ? Cessez donc de lui imputer des désordres dont elle a été victime. • Foy et Benjamin Constant parlèrent dans le même sens. Mais la commission d’instruction publique prit un arrêté qui excluait des cours treize élèves en droit et en médecine. Un d’eux, Robert Lailavoix, subit une détention de deux mois. Le préfet de police Angles et le préfet de la Seine Chabrol jetèrent la déconsidération sur les étudiants dans une proclamation aux Parisiens. Les étudiants de Rennes, de Poitiers, de Lyon et de plusieurs autres villes firent des manifestations retentissantes. Telle était l’ardeur de l’opinion dans la jeunesse que, si l’on n’avait consulté que son audace, la lutte aurait été décidée sans retard. Une conspiration devait éclater dans la nuit du 19 au 20 août. En dehors de la loge des Amis de la vérité, les étudiants s’étaient

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organisés militairement, et formaient un corps d’environ six cents recrues qu’on appelait la Compagnie franche des écoles. Des députés d’une loge dite de YArmorique, composée exclusivement de jeunes Bretons, s’y étaient incorporés. Les conjurés étaient exercés, depuis deux mois, au maniement des armes. Mais les écoles étaient républicaines et les chefs du complot bonapartistes j ceux-ci, au moment d’agir, craignirent d’être dépassés dans leurs prévisions et refusèrent de marcher. On le sut plus tard par le procès qui s’ensuivit et où comparurent quelques militaires. Sans cette circonstance, le plan de conspiration aurait été exécuté à la lettre par la jeunesse, qui avait de nombreuses intelligences dans la garnison de Paris, qui possédait le mot d’ordre de l’état-major et aurait été soutenue par l’infanterie de ligne casernée rue du Foin, rue Saint-Jean-dc-Beauvais, rue de Lourcine et à l’Estrapade.

Le 2 avril 1821, la Faculté de droit de Grenoble fut supprimée « pour cause permanente de rébellion parmi les élèves. » Ils avaient répandu dans la ville le bruit que le roi avait abdiqué, que la cocarde tricolore avait été arborée et la constitution de 1791 proclamée. Cette école si patriotique finit par dégénérer quelques années après, grâce aux intrigues des jésuites. Mais Paris tenait bon. Deux étudiants impliqués dans le complot du 19 août, Joubert et Dugied, étaient allés travailler à Naples à l’accomplissement de la révolution. Ils s’étaient fait afrilier aux carbonari. De retour en France, ils essayèrent d’appliquer ce système d’association aux écoles, en prenant pour premier noyau les débris des Amis de la uérité. Le 1er mai fut fondée, rue Copeau, 29, la première haute vente de la charbonnerie française, par le concours de plusieurs conjurés du 19 août : Bazard, Bûchez, Fiottard, Cariol aîné, Trélat, Sigaud, Guinard, Corcelles fils, Sautelet et Rouen aîné. « Ce qu’il faut s’empresser de constater, dit Trélat dans sa Notice sur la charbonnerie, c’est que les premiers efforts qui furent faits pour renverser la royauté cosaque furent dus aux jeunes gens. Les rassemblements du mois de juin, scellés du sang de Lallemand, la conspiration du 19 août et la création de la charbonnerie furent leur ouvrage. À une ère nouvelle, il fallait une génération neuve... La jeunesse d’alors avait été doublement trempée par les récits de 1789 et par le bruit d’armes et de victoires de l’empire, sans s’être humiliée dans les antichambres de l’empereur... Toute frémissante encore de la honte de l’invasion, des saturnales et des parjures qui l’avaient suivie, elle avait besoin de liberté, et, pour en faire la conquête, elle sentait qu’il fallait briser le présent pour édifier l’avenir. À cette époque, un grand mouvement s’était fait dans les esprits. Bonapartistes en 1814 et 1815, alors que la nationalité et la défense du sol menacé par l’étranger se confondaient avec le dévouement ad chef militaire capable de le repousser, les étudiants n’avaient plus, en 1820, de passion que pour l’indépendance, d’admiration que pour les hauts faits et pour les fruits de notre Révolution. Leur amour de la liberté était tel, qu’ils maudissaient le despotisme de l’empire, et qu’ils attribuaient bien plutôt l’invasion de la France à l’esclavage auquel l’empereur l’avait réduite qu’au grand nombre de ses ennemis. A chacune des séances, à chacune des réceptions de la loge des Amis de ta vérité, le souvenir du despote était maudit ; c’était à qui, du vénérable, des officiers de la loge et des récipiendaires, lui reprocherait avec plus d’amertume les malheurs de la patrie, la destruction de la république d’où il était sorti, le rétablissement du pouvoir sacerdotal et des lois tyranniques d où la caste imbécile qui gouvernait la France tirait toute sa force et toutes ses chances de durée. Qu’on se garde bien de voir dans ces dispositions une contradiction et un démenti aux lois du progrès. La jeunesse s’était enrégimentée en 1815 pour défendre le sol ; elle criait : Vive l’empereur ! parce que c’était le cri de guerre ; mais elle n’aurait pas manqué, après la victoire, de demander compte à son général en chef de l’usage qu’il aurait voulu en faire... La charbonnerie ne tarda pas à envelopper à Paris les deux écoles de droit et de médecine, une grande partie des jeunes gens du commerce, et à s’étendre rapidement sur tous les points de la France. Outre ses nombreuses assemblées de vente, de haute vente, de vente suprême et de comité d’action, chacun de ses comités de recrutement, de finances et d’armement se réunissait trois fois par semaine. Tout se faisait avec régularité, avec constance, avec secret. La police ne sut rien de ce mouvement perpétuel ; ce ne fut que lorsque l’association pénétra dans les régiments qu’elle connut son existence ; et il est vraiment merveilleux que des étudiants aient pu se réunir tous les huit jours, par groupes de vingt, dans leurs chambres garnies, sans que l’autorité en eût reçu quelque avis. »

Le premier anniversaire delà mort de Lallemand réunit toute la jeunesse de Paris dans une immense fédération. Le service funèbre ayant été interdit, les étudiants affectèrent d assigner.le rendez-vous aux buttes Chaumont, où ils avaient défendu, en 1814, au prix de leur sang, la capitale contre l’invasion. Se développant sur une longue file, ils descendirent silencieux vers le cimetière du Père-Lachaise ; on ferma devant eux les grilles.

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Alors eut lieu une scène d’un aspect saisissant. Mille bras se dressèrent spontanément ; un étudiant se hissa sur cette échelle humaine et parvint à atteindre un des murs les plus "élevés du cimetière, où il se plaça comme sur une tribune improvisée. Il évoqua l’ombra de Lallemand ; il la prit à témoin et de l’odieuse persécution qui poursuivait sa mémoire, et du serment solennel que tous faisaient, en présence de sa tombe, de le venger ou de mourir comme lui. Un frémissement électrique courut dans les rangs ; tous tombèrent à genoux dans la poussière du chemin et courbèrent la tète avec recueillement, tandis que l’orateur, se tournant vers la nécropole, disait à Lallemand un dernier adieu. La colonne rentra dans Paris et vint défiler, chapeau bas, rue du Petit-Carreau, devant la maison de Lallemand. Le père de la victime se montra à l’une des fenêtres, portant la main à son cœur, pour témoigneT combien il était sensible à cette protestation publique.

Les écoles étaient en grande partie républicaines. De là surtout la surveillance dont les cours publics étaient l’objet. La philosophie fut frappée dans la personne de M. Cousin, l’histoire dans celle de M. Guizot. M. Tissot fut arraché de sa chaire au Collège de Franco. Chaque étudiant dut avoir une carte spéciale ; aucun étranger ne put être admis aux cours sans une autorisation expresse. Ces mesures se liaient aux idées répressives qu’avait adoptées l’Allemagne pour ses universités. La fermentation n’en devint que

plus grande. M. Portetz, dont le royalisme était bien connu, fut sifflé dans sa chaire. A la leçon suivante, quelques individus l’accueillirent par des applaudissements et au

cri de : A bas les Jacobins ! On y répondit par celui-ci ; A bas le crapaud blanc ! puis on en vint aux mains. On se rendit ensuite à l’Ecole de droit. Dans ce trajet, les royalistes invectivèrent les jeunes libéraux ; une lutte s’engagea : la force armée intervint. Les cours et exercices de la Faculté de droit furent suspendus le C mars 1822 : une enquête fut ordonnée. En même temps, le conseil académique, en raison de tumultes excitésl’occasion de la visite pastorale de l’archevêque de Paris dans les écoles, excluait pour six mois quatre étudiants, dont deux en droit et deux en médecine. Le 7 mars, des groupes assez animés se formèrent sur la-place du Panthéon. Le 8, le cours de M. Thénard, au Jardin des Plantes, est cerné par des gendarmes. Le professeur prie le commandant de laisser sortir librement les assistants. Un refus formel excite les murmures des élèves. Aussitôt, l’officier fait reculer son cheval ; mais, craignant d’être foulés par les pieds de derrière, les élèves les plus rapprochés frappent sur la croupe de l’animal à coups de canne. L’officier tire alors son.sabre et les gendarmes chargent à fond de train ces jeunes gens dans les allées du jardin. Deux furent grièvement blessés. On ne laissa sortir quo ceux qui avaient des cartes ; les autres, en grand nombre, furent conduits à la préfecture de police. Quatre étudiants en droit et un étudiant en médecine furent à ce propos exclus pour deux ans de l’académie de Paris. Le 18 novembre, à la séance de rentrée de l’École de médecine, M. Desgenettes, ayant entrepris de faire l’apothéose du jésuitisme, fut sifflé. Deux jours après, une ordonnance supprimait la Faculté de médecine. Elle fut réorganisée le 2 février 1823. Ici se place l’exécution des quatre sergents de La Rochelle. Les écoles parurent en place de Grève, à peu de distance de l’échafaud et à genoux. Ne négligeant aucune occasion de manifester leurs idées, les étudiants se portèrent en foule aux obsèques de Talma, qui avait fait fermer sa porte à l’archevêque de Paris, et à celles du général Foy, un des chefs du parti libéral. À l’Odéon, leur théâtre attitré, ils apportaient leur enthousiasme, leur passion, leurs bravos, leurs colères. Malheur à l’écrivain entaché de royalisme qui s’aventurait sur cette scène 1 sa pièce était sifflée et sacrifiée. Tel fut le sort de YOreste de Mély-Janin, rédacteur de la Quotidienne, immolée aux mânes de Lallemand (1821), et de la Mort de César, tragédie de Royou, beau-frère de Fréron et censeur (1825). Le droit et la médecine, associés par une intime alliance, ne manquaient jamais, en toute occasion, de so donner la main. Le même esprit de solidarité se montrait dans les universités étrangères, fidèles au même esprit de progrès et de liberté. Aux carbonari du Piémont, par exemple, se rattachait l’association desJeunesgeiis, a laquelle étaient subordonnées les sociétés secrètes des universités allemandes, qui adoptaient en principe la forme républicaine. A Bologne, les étudiants étaient en grand nombre affiliés aux carbonari ; à Pavie, ils payèrent de leur sang leur fidélité à l’union ; à Varsovie, ils maintenaient la nationalité polonaise. Thomas Zan, l’âme, le chef de leurs associations secrètes, préparait les éléments du beau mouvement de 1830.

Les étudiants de Paris furent frappés au cœur par la mort de Manuel (1827), le plus ferme soutien de la cause de l’avenir. Ils voulurent porter à bras son cercueil, mais la police intervint ; alors ils le replacèrent sur le corbillard, coupèrent les traits des’chevaux et s’attelèrent a leur place.

Provoqués, trahis, emprisonnés, les bouillants jeunes gens n’en conservaient pas moins toutes leurs espérances. Ils le prouvèrent à