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ESTIVAL, ALE adj. (è-sli-val — lat. xstivalis ; i)e testas, été). Qui a rapport à l’été ; qui ne paraît que pendant l’été : Fleurs estivales. Maladies estivales. Insectes estivaux.

— s. m. Nom que l’on donnait à des bottines légères dont on se servait pendant l’été, principalement au Xivc et au xvo siècle : Les estivaux paraissent avoir été la chaussure des nobles ci des gens de guerre, il Nom que les

. pécheurs provençaux donnent à de très-grosses bottes dont ils se servent en hiver pour aller à l’eau dans les endroits peu profonds. v p

— Antonymes. Automnal, hibernal ou hyémal, vernal ou printanier.

ESTIVAL (Jean t>'), poëte français, né dans la seconde moiti, é du xvie siècle. Il ne nous est connu que par une pastorale en cinq actes et en vers, pièce des plus bizarres, qui a pour titre : le Bocage d amour, où les rets d’une bergère sont inévitables (Paris, 1608, in-12).

ESTIVANDIER s. m. (è-Sti-van-dié — rad. estiver). Ouvrier des champs qui fait la moisson.

ESTIVÀREILLES, village - et comm. de France (Allier), oant. d’Hérisson, arrond.’et à 12 kilom. de Montluçon, sur une colline dominant la vallée du Cher ; 684 hab, Houille ; pèches et prunes renommées. L’église est surmontée d’un beau clocher. Il ne reste de

I ancien château qu’une tour et deux portes du xivo et du xvie siècle. Ce que dans le pays on désigna sous ie nom de Lampier est une tourelle légère, dans laquelle, en temps <de peste, brûlait nuit et jour une lampe à laquelle les gens du pays allaient chercher du feu, sans communiquer entre eux.

ESTIVATION s. f. (è-sti-va-si-on — rad. estiver). Zool. Engourdissement de certains animaux pendant les fortes chaleurs de l’été.

— Bot. Préfloraison, disposition des enveloppes florales dans le bouton, avant leur complet épanouissement : Les botanistes regardent /’isSTivATiON comme un caractère dune haute importance. (C. d’Orbigny.) fj Estivation chiffonnée, Celle où les pétales sont irrégulièrement froissés. Il Estivation codtléaire, Celle des fleurs à deux lèvres, dans laquelle la lèvre supérieure recouvre 1 inférieure. Il Estivation imbriquée ou imbricative, Celle où les bords de chaque partie embrassent les bords de la partie précédente.

II Estivation quinconciale, Celle où l’on remarque cinq parties, dont deux intérieures, deux extérieures et une intermédiaire. Il Estivation tordue, Celle- où les pétales, se recouvrant les uns les autres, sont tordus en Ure-bouchon. n Estivation vatvaire, Celle oùes pièces florales ne se touchent que par leurs borda. Il Estivation vexillaire, Celle où 1 étendard replié recouvre a demi les autres organes, comme dans les papilionacées.

ESTIVE s. f. (è-sti-ve — espagn. estiva, lest ; du lat. stipare, condenser). Mar. Lest mobile dont on se servait sur les galères de la Méditerranée, il Forte tension à laquelle on soumet des manœuvreswm des cordages neufs, afin do prévenir les mauvais effets qui résulteraient de l’allongement ’qu’ils prendraient après un certain service à la mer. n Action de comprimer dans la cale les marchandises élastiques, telles que le coton, la laine, 15 fourrage, pour qu’elles y occupent lo moins de place possible, u A signifié Cale, il Mettre wi navire en estive, En répartir la charge entre les deux bords, de manière qu’il se tienne droit.

ESTIVER v. a. ou tr. {è-sti-vé — lat. xstitare ; de lestas, été). Econ. rur. Mettre les bestiaux au pâturage pendant l’été : Estiver les moutons.

— v. n. ou intr. Passer l’été dans les pâturages : Les troupeaux formés pour aller estiver sur les montagnes peuvent être plus nombreux, parce que les brebis agnèlent après la descente. (Magne.)

ESTIVER v. a. ou tr. (è-sti-vé, — lat. slipare, presser, comprimer), Mar. Comprimer des marchandises élastiques dont un navire est chargé, pour leur faire tenir moins de place : Estiver du foin, au coton.

EST-NORD-EST S. m. V. EST.

ESTKOWSK1 (Evariste), pédagogue polonais, né en 1820 dans le duché de Posen mort en. 1856. D’abord instituteur de campagne, il alla terminer ses études à l’université de Breslau et devint, en 1848, professeur a

I école normale de Posen ; mais la part qu’il prit aux événements politiques de cette année lui fit perdre sa place, et il ne s’occupa plus que ; de l’enseignement privé et de la composition de ses ouvrages pédagogiques qui jouissent en Pologne d’une réputationméritée. Nous signalerons parmi eux : 'École, polonaise, journal pédagogique (1849-1853, 5 vol.) ; VÉcole des enfants (1850-1853

4 vol.), continuée sous le titre à’École de là jeunesse (1854-1855, 2 vol.) ; la Vie de l’honnête homme (1849) ; Méthode de lecture et d’écriture (1851) ; Études campagnardes (1860), etc.

II avait, en outre, pris part à la rédaction de plusieurs feuilles ou recueils littéraires de Posen et de Leraberg. Une édition complète de ses œuvres a paru à Posen en 1862.

ESTL1N (John-Prior), théologien anglais, né à Hinckley (Leicester) en 1747, mort en

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1818. Il entra dans les ordres en 1770, fut attaché, l’année suivante, à une congrégation , unitaire de. Bristol, ouvrit dans cette ville une maison d’éducation qui devint des plus florissantes et fut nommé, au bout de vingt-six anSj ministre titulaire de la congrégation dont il n avait été jusque-là que le vicaire. On lui doit plusieurs ouvrages de liturgie et de controverse, entre autres : Preuves évidentes de la religion révélée (1796, in-8o) ; De. la nature et des causes de l’athéisme (1797, in-8o) ; Apologie du sabbat (1801, in-8») ; Sermons (1802, in-8o) ; Eucologe universel, etc.

EST MODUS IN REBCS (En toutes choses il y a une mesure). Cette pensée d’Horace (liv. 1er, sat. Ire, vers 160), qui correspond à cette locution : In medio virtus, s’explique d’elle-même et trouve sa traduction dans ce distique trivial :

Faut d’ la vertu, pas trop n’en faut : L’excès en tout est un défaut. Elle est souvent citée par les écrivains ou. dans la conversation. En voici quelques applications :

. » J’apprends que plusieurs protestants me reprochent d’avoir trop peu respecté leur secte ; j’apprends que quelques catholiques crient que j’ai beaucoup trop ménagé, trop plaint, trop loué les protestants. Cela ne prouve-t-il pajs que j’ai gardé mon caractère, que je suis impartial 1 Est modus in rébus. «

Voltaire.

■ La maréchale d’Ancre avait fait tuer un coq blanc dans la pleine lune ;-fallait-il pour cela brûler la maréchale d’Ancre ? Est modus in rébus. »

, Voltaire.

« On est aussi coupable quand on manque > de vérité aux rois que quand on manque de fidélité, et on aurait dû établir la même peine pour l’adulation que pour la révolte. »-Père Maseillon, je vous demande pardon ; mais ce traitést bien oratoire, bien prédicateur, bien exagéré. La Ligue et la Fronde ont fait, si je ne me trompe, plus de mal que les prologues de Quinault. Il n’y a pas moyen de condamner Qùinault à être roué comme un rebelle. Père Massillon, est modus in rébus, et c’est ce qui manque.à tous les faiseurs de sermons, »

« Voltaire.

ESTOC s. m. (è-stok — Les diverses acceptions que Trévoux donne au mot estoc sont fort propres à jeter du jour sur la véritable origine de ce mot. Voici ce qu’il en dit : « Il signifie originairement un tronc d’arbre ou une souche morte ; c’est ainsi qu’on dit, en termes d’eaux et forêts, que les marchands sont tenus à faire couper et ravaler près de terre toutes les souches et vieux estocs ou étocs. Ce mot se dit aussi d’un long bâton ferré par un bout. Estoc signifie aussi le fer, la pointe d’une arme ; ainsi on dit : Frapper d’estoc et de taille, punctim et csesim. Estoc était autrefois une sorte de grosse épée, nommée aussi épée d’armes ; c’est la notion qu’en donne Ûllivier de La Marche, lorsqu’il parle des tournois et des joutes de son temps, et cette arme, nommée aussi bâton, qui est la vraie signification A’estac, ne servait que pour se battre à pied, et pour pointer et pousser ; quand elle était tranchante, elle servait aussi pour tailler et sabrer : de là est venue la manière de parler d’e.s(oc et de taille, c’est-à-dire de la pointe et du tranchant d’une épée. • Le mot estoc se rapporte au germanique : ancien allemand stoc, pièce de bois, souche, pieu, bâton ; anglo-saxon stocce ; allemand stock ; danois stok ; suédois stock ; hollandais stok ; anglais stock, mot qui se trouve aussi dans le celtique : gaélique stoc, bâton. Il est probable que toutes ces formes sont voisines de l’ancien allemand steccho, pieu, piquet, etc., d’où estocade, et se rapportent comme lui à la racine sanscrite stak ou talc, tok, heurter, frapper, piquer, qui est probablement une onomatopée, d’où le sanscrit tanka, épée, hache, persan tak, tuk, pointe d’épée, talcah, flèche). Longue épée droite dont on se servait au moyen âge :

Il ne rêve, la nuit, que carnage et que sang, La pique dans le poing ot l’estoc but la flanc.

Reouard.

— Pointe d’une épée : Un coup rf’iiSTOc. Les armes piquantes et tranchantes peuvent être employées de plusieurs manières : par la pointe, c’est-à-dire cTestoc ; par le tranchant, c’est-à-dire de taille. (Dupuytren.)

Tu dis donc que Caussade a tué Latournelle ?

— Oui, d’un bon coup d’estoc...

V. Hcoo.

D’estoc et de taille, En frappant de son épée avec la pointe et le tranchant :

Le voila d’estoc et de taille A ferrailler contre le mur.

Grécoort. Et, tandis qu’au milieu des rangs les plus épais. Il frappe d’estoc et de taille, Nous apprenons qu’on a signé la paix.

Dei.ille. Il Fig. A tort et à travers, au hasard : N’importe, parlons-en et d’estoc et de taille, Comme oculaire témoin.

Molière.

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Estoc volant, Bâton ferré très-court, qu’on pouvait cacher sous ses vêtements, il Brin d’estoc, Bâton ferré et pointu par les deux bouts.

— Arboric. Souche : Un fieJ-ESTOc. Il Couper un arbre à blanc estoc, Le couper a fleur de terre. Il Faire une coupe à blanc estoc, Ne pas laisser de baliveaux.

— Hist. relig. Grande épée d’argent doré, que le pape bénissait la veille de NoSi, et qu’il envoyait ensuite à quelque prince vainqueur des infidèles.

— Ane. législ. Extraction, race ; origine, souche : -Être de bon estoc. Les biens qui viennent de son estoc, h Biens passant par succession en ligne directe : La décomposition de leur chétif estoc s’opérait avec d’autant plus de rapidité qu’ils se mariaient. (Chateaub.) Il Biens de côté estoc et ligne, Biens transmis dans la même famille par héritage en ligne directe.

— Jeux. Faire l’estoc, Faire passer dessous la carte qui était dessus, dans l’intention de tricher.

— Techn. Vase plat sur lequel le faïencier empile la terre molle. Il Instrument avec lequel il arrondit les vases sur ie tour.

— Antonyme. Taille.

— Encycl. Armur. h’estoc était une grande épée à lame très - longue ; pointue, peu ou point tranchante, de forme plate, ronde ou carrée, qui servait exclusivement à percer, et que l’on manœuvrait le plus souvent à deux mains afin de la pousser avec plus de force. Durant la seconde moitié du xvo siècle et le xvi« tout entier, les gendarmes en étaient armés, et, comme ils ne pouvaient la porter au côté à cause de sa longueur, ils la suspendaient ordinairement à l’arçon de la selle. On disait

aussi ESTOCADE.

ESTOCADE s. f. (c-sto-ka-de— rad. estoc). Grande épée élargie en spatule, dont on se servait en guise de lance ; estoc.

— Escrime. Coup de pointe : Allonger une estocade. Parer une estocade. Décevoir une estocade, n Estocade de seconde, Sorte de botte de tierce dans laquelle la lame passe sous le bras de l’adversaire.

— Fig. Attaque rude et soudaine ; de■ mande, requête brusque et inattendue :

"Voila quelle est mon estocade. N’en venez pas à la parade. Mais sur moi, par. compassion. Ripostez d’une pension.

SCARttON.

Il Ce sens a vieilli.

ESTOCADER v. n, on intr. (è-sto-ka-dérad. estocade). Escrime. Porter des estocades, des coups de pointe : Ils ont estocade longtemps sans se toucher.

ESTOCAGE s. m. (è-sto-ka-je). Fêod. Droit de quatre deniers qui, dans certaines contrées, était dû au seigneur par celui qui vendait son héritage.

ESTOCAHT (Claude L’), sculpteur français, né à Arras, vivait au xvno siècle. Il a exécuté, entre autres ouvrages, la belle chaire de Saint-Étienne-du-Mont, à Paris, sur les dessins du peintre La Hire. L’ange qui surmonte l’abat-voixet qui sonne de la trompette, est du plus bel effet. Quant au Samson qui supporte la chaire et tient à la main.une mâchoire d’âne, on hésite à croire que l’artiste ait vu quelque rapport entre cette arme bizarre qui terrassa les Philistins, et les victoires pacifiques de l’éloquence chrétienne sur les cœurs endurcis.

ESTOCQ (D. Jean-Louis), jurisconsulte allemand, né à Abtinten (Prusse) en 1712, mort en 1779. D’abord notaire et avocat à Kœnigsberg (1730), il devint successivement secrétaire du tribunal de la colonie française (1737), fiscal du tribunal de la cour (1740), conseiller de guerre et juge français (1743), et "enfin membre du conseil municipal de Kœnigsberg (1744). Ses principaux ouvrages sont : De juridictione judicis gallici Degiomontani (Kœnigsberg, 1747) ; Extrait de l’histoire du droit maritime commun et prussien (Kœnigsberg, 1747, in-4o) ; Explication du droit commun et prussien d’échange (Kœnigsberg, 1762, in-4o) ; Bases d’une histoire pragmatique du droit (Kœnigsberg, 1766, in-S»).

ESTOCQ (Jean-Herman, comte l’), favori de l’impératrice de Russie. V. Lestocq.

ESTOGARD s. m. (è-sto-gar — rad. estoc). Métallurg. Petit ringard dont on se sert pour nettoyer la tuyère.

ESTOH s. m. (è-stô). Métrol. Mesure de longueur en usage dans l’île de Sumatra, et valant 0m,4572. || On dit aussi ettoh.


ESTOILE (Pierre DE L’), chroniqueur français, né à Paris en 1546, mort en 1611. Issu d’une honorable famille de robe, il fit ses études à Bourges et revint à Paris pour y acheter une charge d’audiencier à la chancellerie. Bourgeois prudent, l’Estoile resta en dehors des partis pendant les guerres de la Ligue, espérant vivre inaperçu au milieu du tumulte. Mais cette neutralité faillit lui être funeste, et, sans l’entrée de Henri IV à Paris, il eût pu payer de sa liberté son habile circonspection. Il se défit aussitôt de sa charge pour vivre dans une condition plus modeste et échapper aux dissensions par son obscurité ; toutefois, les procès qu’il eut a soutenir pour recouvrer le prix de sa charge,

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la mort de son fils alnê et la Tivacité de sa passion de bibliophile apportèrent le trouble et la gène dans sa vieillesse. L’Estoile a donné, dans son Journal des choses advenues durant le règne de Henri III, roi de France et de Pologne (Paris, 1621, in-4o) et dans son Journal de Henri IV (Paris, 1719), les plus précieux détails sur les mœurs, les usages et la vie intérieure de ses contemporains. Aucun ouvrage ne fait mieux connaître le Paris du xvib et du xvno siècle, que les écrits de ce malin chroniqueur bourgeois. Voici en quels termes L’Estoile s’est peint lui-même : « Mon âme est libre et toute mienne, accoutumée à se conduire à sa mode, non toutefois méchante et maligne, mais trop portée à uno vaine curiosité et liberté dont je suis marry, et à laquelle toutefois qui me voudroit retrancher feroit tort à ma santé et à ma vie, parce que si je suis contraint, je ne vaux rien, estant extrêmement libre et par nature et par art ; et me suis logé là avec le seigneur de Montagne, mon oade-mecum, que, sauf la santé et la vie, il n’est chose pourquoy je veuille me ronger les ongles, et que je veuille acheter au prix du tourment de l’esprit et de la contrainte. » La meilleure édition des Mémoires de L’Estoile est celle qu’a donnée M. de Montmerqué dans la collection des Mémoires sur l’histoire de France.

Estoile (MÉMOIRES DE PIERRE DE L’), ou Journal des règnes de Henri III et de Henri IV. Ce ne sont pas les mémoires d’un homme politique ou d un homme de guerre, qui a pris part aux grands événements et qui peut démêler les causes et les résultats ; ce sont tout simplement les souvenirs d’un bourgeois de Paris, qui les transcrit au jour le jour, ra-’. conte les événements tels qu’on les lui a racontés, sans s’inquiéter de leur vérité historique. Lus isolément, les Mémoires de L’Estoile ne sont pas d’une grande utilité ; comparés avec l’histoire, ils l’éclairant et l’expliquent. C’est l’histoire de France racontée par le peuple. Une grande bataille y est annoncée à côté d’un tout petit événement, comme un bal chez le roi, ou la pendaison d’un criminel, ou un bon mot célèbre pendant quelques jours. C’est la vie variée, pleine et en même temps insignifiante de l’homme du peuple. On y trouve des détails précieux sur les mœurs, les habitudes, les usages et la vie intérieure des habitants de Paris. L’Estoile écrit avec facilité et quelquefois avec esprit ; il a du piquant, de l’imprévu, une bonhomie malicieuse. Ce n’est pas un esprit fort ; mais il aime bien à médire un peu des grands, nobles ou prêtres, et il ne recule pas non plus devant les anecdotes grivoises. Il semble même les rechercher, comme nous en verrons la preuve tout à l’heure. Nous le répétons, on ne trouve pas dans ces Mémoires des documents historiques, mais d’utiles renseignements. Les Mémoires de L’Estoile ont été jugés diversement par les critiques. > Ils ont, dit Petitot, beaucoup de rapports avec les chroniques de Jean deî Troyes sur le règne de Louis XI. Ces deux écrivains rapportent les événements tels qu’ils sont parvenus à la connaissance du public, et peignent l’effet qu’ils ont produit sur les esprits. Ils donnent une juste idée des bruits populaires, de leur origine souvent si incertaine et de leur chute plus rapide encore que leur accroissement ; ils ne cherchent ni à expliquer les faits ni à remonter aux causes... On trouve dans L’Estoile des détails précieux sur les mœurs, les habitudes, les usages et la vie intérieure des habitants de Paris. Aucun ouvrage ne fait mieux connaître la capitale telle qu’elle était sous Henri III et sous Henri IV. » 11 y a, suivant quelques autres, du piquant et du style dans cette relation 0 hardie, mais vraie : on n’y trouve ni l’enthousiasme de la passion, ni l’emportement de la satire. L’auteur y peint son caractère propre, qui est celui de son style, libre, naturel, annonçant la probité, la candeur de l’écrivain, son zèle pour le bien public, son amour, sa fidélité pour le souverain. » Il ne faut exagérer ni les mérites ni les défauts du Journal de L’Estoile : l’auteur n’est pas plus stoïcien qu’épicurien ; c’est un homme comme tous les autres, qui respecte la vertu et a peur de l’enfer, mais qu’un mot salé a toujours fait rire. Il est impossible de faire une analyse quelconque de ces Mémoires, puisque l’auteur n’a suivi aucun plan et qu’il raconte à peu près jour par jour ce qui s est passé. Nous voudrions seulement, par quelques citations, donner une idée de son style et de sa manière. S’il raconte, par exemple, la mort du duc de Guise aux états de Blois, il sait produire beaucoup d’effet par des moyens très-simptes. Le roi a fait mander le duc de Guise pour une communication importante..À peine arrivé dans ia chambre du roi, le duc a été assailli par des hommes d’armes et assassiné. « Sur ce pauvre corps, dit L’Estoile, fut jeté un méchant tapis ; et là, laissé quelque temps exposé aux moqueries des courtisans, qui l’appeloient le beau roi de Paris, nom que lui avoit donné SaMajesté, lequel estant en son cabinet, leur ayant demandé s’ils avoient fait, en sortit, et donna un coup de pied par le visage à ce pauvre mort, tout ainsi que ledit duc de Guise en avoit donné au feu amiral. Le roi^ l’ayant un peu contemplé, dit tout haut.* « Mon Dieu, qu’il est grand ! Il parolt encore plus grand mort que vivant. ’ Le cardinal de Guise, qui estoit assis avec M. l’archevêque