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— Encycl. Un essieu est une pièce de bois, de fer on d’acier, qui porte la cnarge ou une partie de la charge d’une voiture, d’un affût, d’une locomotive, en s’appuyant, à ses extrémités, sur les roues, dont il traverse le moyeu. Dans les voitures ordinaires, cette pièce est généralement droite, fixe, carrée dans le milieu, et terminée par deux parties tournées en cône tronqué, que l’on nomme fusées.

Les essieux se font aujourd’hui presque tous en fer ; cependant, dans les voitures grossières, on en rencontre encore quelques-uns en bois, que l’on garnit en fer aux endroits où s’opère le frottement. Dans les forts essieux, on retient la roue Bur la fusée, pour l’empêcher de se décaler, au moyen d’une clavette en S, munie d’une contre-clavette ; dans les petits essieux, on remplace ce système par un écrou, qui vient se visser sur l’extrémité de la fusée, et dont le filet est incliné de façon que le frottement du moyeu, dans le mouvement progressif, ne puisse desserrer l’écrou, mais tende au contraire k le serrer davantage. Pour éviter le desserrage lorsque la voiture recule, on a recours à un boulon ou k une boîte fermant sur l’écrou et se vissant en sens contraire de celui-ci. Ce dernier mode, qui est celui que l’on a employé pendant longtemps pour les cabriolets, les carrosses et les autres voitures de ce genre, ne met pas cependant les véhicules k l’abri des accidents qui peuvent résulter de la perte d’un écrou. Pour parer à ces inconvénients graves, et pour conserver la graisse autour de l’essieu, on fait généralement usage aujourd’hui des boites anglaises, qui enveloppent complètement la fusée, pénètrent dans la moyeu et se trouvent reliées à celui-ci au dedans et au dehors du véhicule par quatre boulons, qu’aucune cause ne peut faire tomber.

Pour conserver aux rais des roues une position perpendiculaire au bombement des routes, on a été contraint d’incliner les roues et, par suite, de donner une certaine inclinaison aux fusées. Dans les voitures légères, on a coudé l’essieu pour pouvoir abaisser les caisses au-dessous de l’axe de rotation.

Les essieux sont composés de trois ou quatre mises, au moins, de fer de très-bonne qualité, soudées ensemble au marteau ou mieux au laminoir. ; les fusées sont ébauchées au martinet sur des étampes et tournées.

Dans les machines locomotives, on distingue l’essieu moteur et les essiettx de charge. Le premier reçoit le mouvement de la bielle motrice ; il est droit ou coudé selon que les . cylindres sont placés extérieurement ou intérieurement : dans le premier cas, l’essieu est calé à ses deux extrémités sur les moyeux en fonte ou en fer forgé des roues motrices, qui présentent un renflement en forme de manivelle ; dans le second cas, l’essieu porte, entre les roues et k l’aplomb de l’axe des cylindres, deux bras de manivelle joints à leur extrémité inférieure par un tourillon commun ; ces appendices sont venus de forge avec le corps de l’essieu, d’abord dans le même plan, puis ils sont amenés k faire entre eux un angle de 90° au moyen d’une torsion.

Le diamètre des essieux moteurs varie de om,14 k om,18, suivant la puissance de la machine ; quand ils sont coudés, les deux bras et le tourillon présentent une section au moins égale k celle du corps des essieux, pour que ces parties puissent être en état de résister convenablement à la fatigue que leur occasionne l’action alternative de la bielle motrice, ainsi que les flexions résultant de l’instabilité de la machine.

Les essieux de charge, ainsi que ceux des tenders et des wagons, portent les roues, avec lesquelles ils sont complètement solidaires. Chaque essieu porte intérieurement ou extérieurement, suivant le cas, des fusées parfaitement tournées et cintrées, sur lesquelles reposent des coussinets en bronze, enfermés dans une boîte à graisse ou a huile. Celle-ci, encastrée dans les plaques de garde des longerons, supporte le poids de la partie correspondante de la machine ou du véhicule, par l’intermédiaire d’un ressort placé tantôt en dessus, tantôt en dessous d’elle.

La portée de calage est la partie des essieux sur laquelle les roues sont entrées k frottement dur, au moyen d’une presse hydraulique. Cet assemblage est consolidé par une ou plusieurs clavettes d’acier, chassées avec force dans des rainures pratiquées dans l’essieu et dans le moyeu de la roue. Sur quelques esst’euar, on a ménagé un épaulement k rintérieur de la voie, pour empêcher la roué de se déplacer intérieurement, si elle vient k se décaler.

Le diamètre et la longueur des fusées sont proportionnés k la charge que supporte la roue, afin d’éviter réchauffement et le grippement. Les essieux des machines à grande vitesse sont calculés pour résister à une charge de 17 à 20 kilogrammes par centimètre carré, tandis que ceux des machines à petite vitesse supportent de 19 à 28 kilogrammes par centimètre, en ne comptant comme contact que le tiers de la surface du coussinet.

Dans un ’wagon qui roule sur un chemin de fer, la principale résistance ne s’exerce pas au pourtour de la roue, comme dans les voitures ordinaires, mais bien tangentiellement a la fusée. L’intensité de ce frottement ne dépend que de la pression supportée par la fusée ou, autrement dit, que du poids du wa ESSI

gon et de sa charge, moins celui des roues et des essieux.

Le fer employé k la fabrication des essieux pour locomotives et wagons doit avoir été préparé au charbon de bois et forgé au marteau. En Angleterre, on fabrique d’excellents essieux au moyen de trousses composées d’une barre de fer rond, autour de la- ?uelle viennent s’en ranger d’autres ayant la orme de voussoirs et maintenues aux deux extrémités par deux cercles. La trousse ainsi composée est chauffée à blanc dans un four à réverbère, puis passée au laminoir et ensuite martelée à l’aide d’un marteau qui pèse de 4 k 5 tonnes ; le fer qui compose les essieux formés de cette manière est extrêmement nerveux. Depuis quelques années, pn emploie en Allemagne des essieux en acier fondu qui paraissent donner de bons résultats.

Dans les chemins de fer, on essaye les essieux pour constater la nature du métal employé à leur fabrication, ainsi que pour mesurer leur résistance transversale. l° Pour déterminer la qualité du fer et la nature du grain, on casse l’essieu à froid à coup de masse ; le plus souvent c’est sur ta fusée que se fait cet essai ; le nombre de coups de marteau et les efforts nécessaires font déjà, connaître le plus ou moins de résistance ; la manière dont la fusée s’abat indique ensuite si le fer s’arrache ou ploie, ou s’il se casse sec ; enfin l’inspection de la cassure fraîche dénote la qualité du grain. 2° Pour mesurer la résistance transversale, on place l’essieu sur deux tas en fer ou en fonte distants de lm,50, de façon qu’il porte par le milieu des portées de calage ; puis on fait tomber au milieu un mouton libre, dont le poids, multiplié par la hauteur de chute, donne le produit PH en kilogrammètres. Pour des essieux de om,10 de diamètre au milieu et de om,12 au calage, on admet un produit de 1,800 kilogrammètres, qui ne doit pas, après trois chutes, faire naître une flexion de plus de om,25 de flèche.

Dans l’artillerie, on emploie pour vérifier les essieux : les calibres pour les différentes parties du corps : les lunettes pour le gros tout et le petit bout ; une boîte de roue du calibre de 1 essieu ; une esse de calibre ; une grande règle en fer, ayant k chacune de ses extrémités un talon, qui doit entrer dans le trou d’esse de chaque fusée, et, dans sa longueur, des crans qui marquent les dimensions des fusées et du corps. On essaye les essieux au mouton ou à l’escarpolette : l’épreuve du mouton consiste k faire tomber sur le milieu de l’essieu, supporté à ses extrémités par deux couteaux en fer ou en fonte, un mouton de 300 kilogrammes, d’une hauteur de lm,60 pour les essieux d’affûts de siège, de campagne, de place et de côte, et de 1 mètre seulement pour ceux de caisson.

L’épreuve de l’escarpolette consiste à élever horizontalement 1 essieu à une hauteur de 2m, ll, et à le laisser retomber de manière que les fusées portent en même temps sur deux demi-cylindres de fonte, disposés pour les recevoir.

Pour la moindre ouverture en travers, on rebute l’essieu ; on ne tolère que les ouvertures en long, qui n’indiquent qu une imperfection de soudure, excepté aux fusées et aux trous d’esse. Lorsqu’une fente ou une crique en travers ne laisse pas voir la couleur du fer nouvellement entamé, on met l’essieu au feu, et, après l’avoir chauffé au rouge brun, on le bat de manière à faire ouvrir la fente ; si celle-ci s’élargit, on rebute l’essieu.

— AlluS. litt. L essieti crie et se rompt,

Hémistiche de Racine dans le fameux récit où Théramène raconte k Thésée la mort de son fils Hippolyte, emporté par ses chevaux (Phèdre, acte V, scène vi) :

À travers les rochers la peur les précipite ;

L’essieu crie et se rompt : l’intrépide Hippolyte

Voit voler en éclats tout son char fracassé] ;

Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé.

Les applications ne peuvent guère se faire que dans un sens qui offre de l’analogie avec le texte. En voici un exemple :

« La méchante voiture de louage qui nous portait, un de mes amis et moi, eut le sort du char classique d’Hippolyte. L’essieu crie et se rompt. Ce n’était peut-être pas au juste l’essieu, mais quelque chose d’approchant. » Clément Caraguel.

ESSIBU-BRABANT s. m. Agric. V. essieo.

ESSI MER v. a. ou tr. (è-si-mé — ital. scemare, affaiblir). Fauconn. Faire maigrir l’oiseau, pour le rendre plus léger, plus apte au vol. II On a dit aussi esseimer.

ESS1NGTON (PORT-) baie de la côte septentrionale de l’Australie, terre d’Arnhem, sur le côté N. de la presqu’île de Cobourg, qui se projette en avant, au N.-N.-O. du continent australien, par il» 6’ de lat. S. et 134° 32’ de long E. Elle forme trois ports commodes, abrités contre tous les vents et offrant des ancrages excellents et sûrs. La côte présente une alternative pittoresque de petites baies, de berges sablonneuses, de rochers escarpés et de bancs d’argile, tandis qu’à l’intérieur d’immenses forêts, d’un vert foncé et monotone, couvrent la plus grande partie de la contrée. Le climat est excessivement chaud et varie d’ordinaire entre 36 et 39 degrés centigrades ; de longues sécheresses, qui re ESSL

viennent périodiquement, détruisent, — pendant qu’elles durent, toute espèce de végétation ; dans la saison des pluies, l’eau du ciel tombe par torrents, mais seulement pendant deux ou trois heures de suite. Le sol est peu fertile dans les environs ; près de la oôte seulement on trouve quelques palmiers. Les animaux que l’on y rencontre surtout sont le kanguroo, l’iguane, le pigeon, la caille, le courlieu, l’oie sauvage, le canard, le faisan de marais, ainsi que plusieurs variétés de perroquets, de faucons, de hérons, de grues et de mouettes. Le gouvernement anglais avait fondé, en 1838, un établissement appelé Victoria sur la cote occidentale de Pori-Essington ; mais la chaleur et l’insalubrité du climat, la stérilité du sol et le manque de débouchés pour les produits peu variés que l’oa pouvait en retirer amenèrent rapidement : a ruine de la colonie, qui fut complètement abandonnée en 1849.

ESSLAITt (Ferdinand), acteur allemand, né à Essek- en 1772, mort à Munich en 1840. Il débuta k Inspruck k l’âge de vingt-trois ans, et se fit applaudir successivement sur les principales scènes d’Allemagne. En 1814, le roi de Wurtemberg, Frédéric I«, le nomma directeur du théâtre de Stuttgard ; mais l’ordre et la tranquillité n’étant pas de son goût, il reprit bientôt sa vie errante, toujours voisin de la misère, malgré la grosse part qu’on lui accordait sur de magnifiques recettes. Esslair jouait avec un grana talent les rôles tragiques ; il interprétait admirablement les œuvres de Racine et de Voltaire ; il abordait même Shakspeare avec succès ; mais où il excellait surtout, c’était dans les rôles nobles du drame bourgeois, dont souvent même il prêtait le ton aux personnages tragiques. Les pièces d’Iffland étaient son répertoire favori. Esslair a été surnommé le l’aima allemand. Sa taille noble et élevée, son organe sonore et souple, qui se prêtait a toutes les nuances du sentiment, son œil vif, sa mimique expressive, son imagination, sa vive sensibilité, sa déclamation parfaite, la manière tout k fait originale, tenant bien moins de l’étude que de l’instinct, dont il créait ses rôles, le rendaient éminemment propre aux grands emplois de la tragédie.

ESSLER (Jane Faessler, dite Jane), actrice française, née k Paris le 21 mars 1836. Elle prit dès l’âge de treize ans des leçons de l’acteur Samson et se fit ensuite inscrire aux cours d’art théâtral dirigés par M’o Georges. Elle n’avait que quatorze ans lorsque Si. Alexandre Dumas l’engagea dans la troupe du Théâtre-Historique. En 1853, elle passa k l’Ambigu-Comique, et parut, l’année suivante, avec beaucoup de succès, dans une revue ayant pour titre Voilà ce gui vient de paraiire, sur la scène des Délassements-Comiques. On crut un instant qu’il pourrait y avoir en elle l’étoffe d’une Rachel et on l’admit k débuter k l’Odéon dans la tragédie. Elle fut peu remarquée. Engagée k’ia Porte-Saint-Martin, elle joua la Moresque (1858). De retour k l’Ambigu, elle y créa, en 1862, le jeune roi Louis XIII dans la Bouquetière des Innocents, et, d’une façon hors ligne, le personnage de Mario dans les Beaux messieurs de Bois-Doré. Portant admirablement le costume d’homme sans se dépouiller pour cela de la grâce féminine, elle se fit surtout applaudir par le charme qu’elle donnait à ce portrait masculin. Elle eut moins de bonheur avec le rôle de femme, qu’elle créa, l’année suivante, au même théâtre, dans François les bas bleus. Cette actrice n’est pas faite pour jouer les princesses, mais, k défaut de la distinction, elle a l’émotion ; ses ’ défauts plaisent autant que ses qualités. Après avoir créé le rôle de Marthe dans la Famille Benoiton, au Vaudeville, en 1865, elle est revenue k l’Odéon, au mois d’avril 186T, pour y interpréter la Pasqua-Maria de la Vie nouvelle, comédie qui evjt peu de succès ; en septembre de la même année, elle a repris, au même théâtre, les Beaux messieurs de Bois-Doré. Elle y a paru ensuite dans le rôle principal de Jeanne de Ligneris. Depuis, elle a contracté un engagement avec la Gaïté. Comme on le voit, Wlc Jane Essler a appartenu k des théâtres de genres très-différents. Les grands rôles dramatiques ne sont pas son affaire. Pour résumer d’un mot notre appréciation, elle a le charme, c’est tout dire.

    1. ESSLER (Fanny et Thérèse), célèbres danseuses

allemandes ## ESSLER (Fanny et Thérèse), célèbres danseuses allemandes. V. Elssleb.

ESSLING, village de l’empire d’Autriche, dans la basse Autriche, à 11 kilom. E. de Vienne, sur un petit bras du Danube, en face de l’île Lobau. Ce village est célèbre par la victoire des Français sur les Autrichiens, les 21 et 22 mai 1809.


Essling (bataille d’), une des plus terribles de ce siècle, qui en a vu de si acharnées et de si sanglantes. En 1809, l’Autriche, excitée par l’Angleterre, crut mettre habilement à profit l’éloignement de Napoléon, alors en Espagne. À la première nouvelle de ses armements, Napoléon revint à Paris, dressa son plan de campagne avec sa rapidité accoutumée, puis se rendit sur le théâtre des opérations. Après avoir battu l’archiduc Charles en différentes rencontres et s’être emparé de Ratisbonne, il marcha sur Vienne, où les Français entrèrent pour la seconde fois (13 mai). Mais, quoique la capitale d& l’Autriche fût en notre pouvoir, la campagne était loin d’être terminée : il nous fallait conquérir le Danube, derrière lequel se tenait l’armée de l’archiduc Charles, attendant celle de l’archiduc Jean, qui arrivait d’Italie à son secours. C’était donc une grande bataille k livrer sous Vienne avant qu’une telle concentration de forces se fût opérée, et Napoléon ne demandait qu’une pareille occasion de porter un coup décisif k l’armée autrichienne qu’il avait devant lui. Il ne lui en restait pas moins une redoutable et décisive difficulté k vaincre, c’était de franchir le plus grand fleuve de l’Europe en face de l’ennemi, et de livrer une bataille en ayant ce fleuve k dos, c’est-k-dire avec la perspective d’y être précipité en cas de revers. Mais cette difficulté résultait du cours même des événements, que Napoléon n’avait pas été le maître de modifier à son gré ; autrement, ce n’est pas un tel homme qui eût choisi une position si désavantageuse. Et cependant son incomparable armée avait accompli tant de prodiges, qu’il ne douta pas un seul instant du succès, malgré les périls effroyables qui menaçaient l’audacieuse tentative de faire traverser un cours d’eau de 1,000 mètres de largeur h 150,000 hommes, qui traînaient avec eux 500 à 000 bouches k feu, et cela devant une armée d’égale force qui les attendait pour les précipiter dans l’abîme. C’est néanmoins dans ces termes mêmes que le problème était posé et qu’il fallait le résoudre. Napoléon était arrivé sur Vienne par la rive droite ; l’archiduc Charles occupait la rive gauche, d’où il se préparait a écraser nos troupes en détail, à mesure qu’elles franchiraient le Danube. De» ponts k établir sur une telle largeur offraient d’énormes difficultés, qu’augmentait encore l’imminence de la crue des eaux dans cette saison où la fonte des neiges, enflant le fleuve, le transformait subitement en un torrent immense, irrésistible. Aussi Napoléon ne cessait-il de méditer sur le point qu’il choisirait près de Vienne pour effectuer son passage, n’osant s’éloigner de cette capitale frémissante, que sa présence parvenait seule k contenir. Après avoir étudié attentivement le cours et la largeur du fleuve, tant au-dessus qu’au-dessous devienne, il essaya de jeter deux ponts sur deux points opposés, l’un à Nussdorf, plus haut que Vienne, et l’autre k Ebersdorf, k deux lieues plus bas que cette ville. La tentative ayant échoué k Nussdorf il résolut de concentrer tous ses efforts sur le second point. Là, le Danube se divise en deux bras inégaux, enfermant une île qui est devenue k jamais célèbre par les événements prodigieux dont elle fut alors le théâtre : c’est l’Ile Lobau. Présentant une lieue de longueur et une lieue et demie de largeur, elle était on ne peut plus heureusement conformée pour les projets de Napoléon. Le grand bras du Danube, situé du côté de la rive droite, qu’occupait notre armée, se divisait lui-même en deux larges bras, l’un de 480 mètres, l’autre de 240 mètres de large, séparés par un banc de sable. Une fois arrivé dans l’Ile Lobau, il ne restait plus k franchir qu’un bras de 120 mètres, opération difficile encore, mais loin d’être impossible, surtout sous les yeux de Napoléon. Malheureusement, nous manquions des matériaux nécessaires pour établir le grand pont, celui qui devait relier la rive droite k 1 île Lobau ; on parvint néanmoins k se procurer, k Vienne, les bateaux et les cordages nécessaires k cette opération ; on les fit descendre le Danube, et, dès que le matériel se trouva prêt, le général Molitor, un des plus intrépides de 1 armée, passa le fleuve sur des barques avec sa division, et aborda k l’Ile-Lobau, où il refoula les avant-postes autrichiens jusqu’k un petit canal qui traverse l’île, en évitant toutefois de les pousser plus loin, pour ne point appeler leur attention sur l’entreprise qui allait s’exécuter. En effet, bien que le courant fût devenu rapide par suite d’une crue dont les progrès prenaient un caractère menaçant, le général d’artillerie Pernetti réussit, dans les journées du 19 et du 20 mai, k jeter le grand pont au moyen de 70 bateaux reliés ensemble par des cordages et fixés par d’énormes poids qu’on avait plongés dans le fleuve, k défaut d’ancres. Plusieurs divisions, tant d’infanterie que de cavalerie, passèrent alors, ainsi que des trains d’artillerie, et le général Molitor, qui avait fait jeter un pont de chevalets sur le petit canal. put balayer complètement l’île Lobau, où Ion recueillit quelques prisonniers. Il n’y avait plus alors qu’a établir lépont destiné k relier l’île k la rive gauche du fleuve ; c’est ce que le lieutenant-colonel Aubry, de l’artillerie, exécuta en trois heures au moyen de quinze pontons. Le général Lasalle passa ensuite sur la rive gauche avec quatre régiments de cavalerie légère, suivis aussitôt par les voltigeurs des divisions Molitor et Boudet. Le pont franchi, on trouvait un bois au delà duquel le terrain s’élargissait ; k gauche s’élevait le village d’Aspern, à droite celui d’Essling, dieux immortels dans l’histoire des hommes, qui rappellent sans doute pour l’humanité des souvenirs lugubres, mais qui rappellent aussi pour les deux nations française et autrichienne des souvenirs k jamais glorieux. » (Thiers). Le général Lasalle se lança en avant avec son impétuosité ordinaire, et rencontra un assez fort détachement de cavalerie autrichienne, que nos voltigeurs reçurent par un feu k bout portant et mirent