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dernier duc d’Aquitaine, l’eut d’une femme enlevée à son mari : d’Aénor, sœur de Hugues II, vicomte de Châtellerault. C’est ce crime qui donna lieu à la prédiction que nous rappelions tout à l’heure et qui devait si fatalement s’accomplir. Mais tout le monde, en ce temps-là, ne pensait pas comme l’honnête prophète, et l’abbé Suger, qui n’était pas encore le pieux solitaire de Saint-Denis, pensa que cet enfant de l’adultère conviendrait parfaitement au fils de son maître, Louis le Gros, au jeune Louis VII. Éléonore devait apporter en dot la Gascogne, la Saintonge, le comté de Poitou, toute la France occidentale, de Nantes aux Pyrénées, tripler le nombre des fleurons de la couronne royale. Le sage, mais encore plus habile Suger réussit dans son projet, et le mariage eut lieu en 1137, alors qu’Eléonore n’avait encore que quinze ans et à la veille du jour où Louis allait monter sur le trône.

On sait l’horrible événement qui advint quatre années après ce mariage, l’incendie du bourg de Vitry et de son église, qui renfermait 1,300 personnes, dont pas une ne put se sauver. On sait aussi que cet incendie avait été causé par l’usurpation de l’archevêque de Bourges, neveu du pape Innocent II. Celui-ci, chassé de son archevêché, s’était réfugié sur les terres du comte de Champagne ; on avait voulu se venger du comte et l’on avait ravagé, détruit, enveloppé de flammes Vitry. Après cet incendie, Louis le Jeune devint tout à coup docile au pape, fit amende honorable, donna l’archevêché en dépit du serment qu’il avait fait de ne point l’accorder et malgré les réclamations de Pierre le Vénérable et de saint Bernard. Il se crut pas encore avoir fait assez pour expier le crime qu’il avait commis en faisant brûler 1,300 personnes, le sacrilège dont il s’était rendu coupable en faisant mettre le feu à une église. Une nuit, il entendit les cris de tout le peuple d’Édesse qu’on égorgeait ; ce bruit, qui venait d’outremer, fut pour lui comme une révélation du moyen par lequel il devait faire pénitence, ce fut comme un ordre ; il résolut de prendre la croix. Donc, à quelque temps de là, il partit pour la Terre sainte, suivi des comtes de Toulouse, de Flandre, de Blois, de Nevers, de Dreux, des seigneurs de Bourbon, de Coucy, de Lusignan, de Courtenay, et accompagné de sa femme Éléonore de Guyenne. « Sa présence, dit Michelet, était peut-être nécessaire pour assurer l’obéissance de ses Poitevins, de ses Gascons ; » et il ajoute : « C’est la première fois qu’une femme a cette importance dans l’histoire. » Disons entre parenthèse que l’historien, en parlant ainsi, nous semble commettre une inexactitude. Bien avant Éléonore de Guyenne, nous voyons des femmes jouer un rôle politique et même militaire tout aussi important que celui joué par la première femme de Louis VII. Nous bornant même à ne rappeler que des noms contemporains ou contemporains du sien, la liste serait longue. « Au XIIe siècle — et contradiction assez étrange, c’est Michelet lui-même qui parle ainsi cinq pages plus haut — la femme régna dans le ciel ; elle régna sur la terre. Nous la voyons intervenir dans les choses de ce monde et les diriger, Bertrade de Montfort gouverne à la fois son premier époux, Foulques d’Anjou, et le second, Philippe Ier, roi de France. Le premier, exclu de son lit, se trouve trop heureux de s’asseoir sur l’escabeau de ses pieds. Louis VII date ses actes du couronnement de sa femme Adèle. Les femmes, juges naturels des combats de poésie et des cours d’amour, siègent aussi comme juges, à l’égal de leurs maris, dans les affaires sérieuses. Le roi de France reconnaît expressément ce droit. Nous verrons Alix de Montmorency conduire une armée à son époux, le fameux Simon de Montfort. » Nous n’avons pas besoin de pousser plus loin la citation, mais nous devons ajouter les faits suivants, particuliers à notre sujet.

L’exemple d’Éléonore entraîna bien des châtelaines ; une petite troupe fut formée exclusivement de nobles et vaillantes amazones dont le chef est nommé, par les chroniqueurs, la Dame aux bottes d’or. Un historien arabe, Emad-Eddem, rapporte qu’une Française équipa à ses frais un navire portant 500 hommes, et qu’à leur tête elle fit voile pour la Palestine. Un autre historien, Ibn-Alatir, raconte que, parmi les captifs faits à la seconde croisade par les musulmans, il se trouva trois femmes qui avaient combattu à cheval et dont on ne reconnut le sexe que quand on pansa leurs blessures. Éléonore, violente autant que fière, ne fut pas moins que ses sujettes pleine de courage, d’entrain devant les infidèles ; plus d’une fois elle exposa sa vie, si l’on en croit les historiens, unanimes sur ce point… Mais tous aussi s’accordent à dire que la guerre aux musulmans ne fut ni sa seule préoccupation ni sa seule occupation durant cette seconde croisade.

Éléonore était belle, belle de cette beauté magique, fatale, qui fascine, qui enivre, de cette beauté dont furent douées Hélène et Cléopâtre ; nature du Midi, ardente, passionnée, elle inspirait les désirs, les fureurs d’amour qu’elle même ressentait, dont elle brûlait. Transportée dans le climat brûlant de l’Asie, son tempérament amoureux subit l’influence de ce climat, ses sens s’enflammèrent d’autant plus ; elle devint une nouvelle Messaline. Tandis que son mari se fait battre devant Damas, elle s’oublie dans les bras d’un bel esclave sarrasin. « Tous les historiens du temps, nous dit Mézerai, nous la dépeignent courant après un Turc dont elle avait fait l’objet de sa passion au mépris de sa religion et de sa dignité. » Des bras du jeune et bel infidèle elle passa dans ceux de son oncle, Raymond de Poitiers, prince d’Antioche ; puis dans ceux de Saladin, le brave et célèbre chef des Sarrasins. Mme de Villedieu, qui essaye de défendre Éléonore de la légèreté des mœurs qu’on lui attribue et qui ne veut voir dans son héroïne qu’une amoureuse platonique, publie sur elle cette légende : « Ce fut Éléonore qui charma le courage de Saladin, l’un des chefs de l’armée sarrasine, et qui, lui ayant fait connaître qu’elle ne croyait les protestations d’amour que dans sa langue, força ce grand capitaine à cet effet d’amour surprenant, d’apprendre le français en quinze jours. »

On connaît le résultat de la croisade, si malheureusement ou plutôt si légèrement, si maladroitement conduite. Des milliers de chrétiens perfidement abandonnés, le roi s’en revenant, s’échappant honteusement ; une grande, une terrible mystification. On a dit que Louis VII répudia Éléonore : point du tout ; c’est Éléonore qui répudia Louis VII. À Antioche, elle a honte de ce roi qui ne sait pas se faire obéir, qui a besoin d’être guidé, qui chaque jour se laisse vaincre et de plus… qui n’est qu’un moine dans la couche nuptiale : se monacho, non regi nupsisse. À son retour, elle demande le divorce. Suger vivait encore ; voyant les conséquences d’un pareil acte, la France amoindrie des deux tiers, il s’y opposa. Mais le sage conseiller meurt, et c’est alors Louis VII qui ne veut plus d’une femme qui le rend, par sa conduite éhontée, la risée de tous ; il en appelle au concile de Beaugency pour prononcer la séparation. D’après les Annales d’Aquitaine, l’archevêque de Bordeaux aurait au contraire demandé que le divorce fût prononcé « pour autre cause que pour la pétulance, légiéreté et mauvaise volonté dont on chargeait ladite Aliénor. » Il aurait invoqué ce moyen, « que le roi et la reine étaient parents, voire dans des degrés prohibés.» La dissolution fut prononcée le 18 mars 1152.

C’est ainsi que Louis VII perdit le Poitou, le Limousin, le Périgord, l’Aunis, la Saintonge, toute la France occidentale, les deux tiers de son territoire. Quelques mois après, ces vastes États passaient aux mains de Henri de Plantagenet, duc d’Anjou, petit-fils de Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, héritier du royaume d’Angleterre.

Éléonore, devenue reine une seconde fois, allait, à son tour, endurer les tourments de la jalousie qu’elle avait fait éprouver au faible Louis VII. Henri II aimait les femmes éperdument, follement ; vers la fin de sa vie, il les aima bestialement. Sa première passion fut la belle, l’adorable Rosamonde, dont il garda toujours les bâtards auprès de lui ; c’est ensuite Marguerite de France ; plus tard il viole Alix, l’héritière de Bretagne ; enfin, il ne craint pas de souiller une fille du roi de France, fiancée à son fils, et qui n’était pas encore nubile. La reine fait périr Rosamonde ; Bronton affirme même qu’ayant pénétré dans le labyrinthe où le roi cachait sa maîtresse Éléonore tua sa rivale de ses propres mains. Elle ne crut pas avoir assez fait, elle poussa ses enfants à la révolte contre leur père, et leur souffla le parricide.

Henri II mit fin aux complots d’Éléonore ; il la fit jeter en prison et l’y retint tant qu’il vécut, c’est-à-dire durant seize années (1173-1189). Cette longue et dure captivité a fait de la reine une victime, presque une martyre ; de là les éloges, les emphatiques panégyriques qu’on lui a prodigués. Richard de Poitiers, appliquant à toute la famille de la captive la prophétie de Merlin, exprime l’espoir de la délivrance d’Éléonore :

« … Tous ces maux-là sont arrivés depuis que le roi d’Aquilon a frappé le vénérable Thomas de Kenterbury (c’est la reine Aliénor que Merlin désigne comme l’aigle du traité rompu…). Réjouis-toi donc, Aquitaine, réjouis-toi, terre de Poitou ! le sceptre du roi de l’Aquilon va s’éloigner. Malheur à lui ! Il a osé lever la lance contre son seigneur, le roi du Sud…

« Dis-moi, aigle double, dis-moi, où donc étais-tu quand tes aiglons, s’envolant du nid fraternel, osèrent dresser leurs serres contre le roi de l’Aquilon ?… Voilà pourquoi tu as été enlevée de ton pays et amenée dans la terre étrangère. Les chants se sont changés en pleurs, la cithare a fait place au deuil. Nourrie dans la liberté royale au temps de ta molle jeunesse, tes compagnes chantaient, tu dansais au son de leur guitare… Aujourd’hui, je t’en conjure, reine double, modère du moins un peu tes pleurs. Reviens, si tu peux, reviens à tes villes, pauvre prisonnière.

« Où est ta cour ? où sont tes jeunes compagnes ? où sont tes conseillers ? Les uns, traînés loin de leur patrie, ont subi une mort ignominieuse ; d’autres ont été privés de la vue ; d’autres, bannis, errent en différents lieux. Toi, tu cries, et personne ne t’écoute ; car le roi du Nord te tient resserrée comme une ville qu’on assiège. Crie donc, ne te lasse point de crier ; élève ta voix comme la trompette, pour que tes fils l’entendent, car le jour approche où tes fils te délivreront, où tu reverras ton pays natal. »

C’est ainsi que la persécution exercée par Henri II sur Éléonore a été pour la victime comme une expiation de ses crimes, une rédemption après laquelle elle est apparue avec les seules qualités de son esprit, les charmes seuls de son incomparable beauté ; esprit et beauté qui faisaient des miracles. N’est-ce point un vrai miracle d’entendre Richard de Poitiers chanter Éléonore l’adultère, l’incestueuse, la vierge folle, du même ton qu’il chanterait une vierge martyre ? Elle inspira aussi un autre poète plus célèbre, Bernard de Ventadour :

« De bonne foi, de loyauté pure, j’aime la plus belle et la plus noble, s’écrie le troubadour. Du cœur je soupire ; je pleure des yeux. C’est trop l’aimer, puisque je l’aime à mon dam ; mais que puis-je contre force d’amour ?

« De doux émoi, de sentiment exquis, amour touche mon cœur. Cent fois le jour je meurs de douleur, cent fois je reviens à la vie ; et ce mal m’est de telle douceur que je le préfère à d’autres biens. Si donc le mal m’est si doux, quel sera mon bonheur après la peine ? »

Nous n’avons aucune raison pour penser qu’Éléonore ne permit pas au célèbre poëte de comparer le mal et le bonheur d’amour ; nous devons même, d’après un autre chant de Bernard de Ventadour, croire qu’elle ne le laissa pas soupirer longtemps, que ses beaux vers touchèrent vite son cœur ; car la fille de Guillaume IX, comte de Poitiers, était poëte comme son amant, comme son père, le plus ancien des troubadours dont les poésies soient arrivées jusqu’à nous ; comme lui aussi, elle fut associée à cette institution singulière et charmante qui, née au pays ensoleillé et parfumé de la Provence, bientôt s’étendit jusqu’aux contrées brumeuses du Nord ; nous voulons parler des cours d’amour. Le chapelain André nous a même conservé plusieurs arrêts rendus sous la présidence d’Éléonore, l’un d’eux entre autres, par lequel « il est permis à un amant de prendre pour quelque temps une autre amante, afin d’éprouver la première ; » un autre par lequel la présidente prononce que « le véritable amour ne peut exister entre époux, » opinion du reste dont il ne faut pas la rendre seule responsable ; toutes les cours, soit de Signes, soit d’Avignon, soit de Champagne, y adhèrent, et, de plus, elle est conforme au premier code d’amour, celui qui fut trouvé pendu par une chaîne d’or au cou d’un faucon, dans le palais du roi Arthur.

C’était le beau et bon temps pour la femme de Henri II, celui où les heures du jour se passaient à la discussion de ces questions de galanterie, les heures de la nuit à écouter chanter sous ses fenêtres quelque Bernard de Ventadour ; le beau et bon temps, celui où elle ne dédaignait pas de tenir la plume du bout de ses doigts roses et de « romançoyer » ou d’écrire de longues lettres au brave Saladin, au pape Célestin III et à l’empereur Henri IV (Matthieu Paris attribue ces lettres, très-ingénieuses et élégantes, à Pierre de Blois, dans les œuvres duquel on les trouve en effet). Maintenant et depuis plus de quinze ans Éléonore est prisonnière.

Cependant ce qu’avait annoncé Richard de Poitiers s’accomplit. Henri II, « le roi du Nord », un jour qu’on vint lui annoncer que Jean, « son fils chéri, le fils de son cœur, » s’était séparé de lui, l’avait trahi, s’écria : « Eh bien que tout aille dorénavant comme il pourra, je n’ai plus souci ni de moi ni du monde ! » et, ayant tourné son visage contre le mur, il expira. Richard Cœur-de-Lion se hâta, dès qu’il fut monté sur le trône, de délivrer sa mère, de l’appeler près de lui ; et lorsque bientôt après il partit pour la Terre sainte, il ne craignit pas de la nommer régente du royaume.

En 1193, le valeureux, mais imprudent Richard est pris par le duc d’Autriche, qu’il avait outragé au siège de Saint-Jean-d’Acre, et par lui livré à l’empereur Henri VI. Éléonore, malgré son grand âge, — elle avait alors soixante-douze ans, — part aussitôt pour négocier la liberté de son fils, et elle obtient cette liberté contre 150,000 marcs d’argent et malgré Philippe-Auguste et Jean, le frère de Richard, qui offraient à Henri VI une rançon double de celle offerte par le captif, s’il voulait prolonger sa captivité. Cinq années après, en 1199, nous voyons la vieille Éléonore, encore influente, faire pencher à son gré la balance politique. Richard est mort au siège de Chalus, dont il voulait forcer le seigneur à lui livrer un trésor. Avant de mourir, il a désigné son neveu, le jeune Arthur de Bretagne, pour son héritier, au détriment du seul frère qui lui reste, car il était dans la destinée de cette famille de se détester, de se trahir, de se tuer ; il ne plut pas à Éléonore qu’Arthur régnât ; Arthur résista, il alla même jusqu’à vouloir s’emparer d’Éléonore, et l’assiégea à Mirebeau ; mais Jean sans Terre vint au secours de l’assiégée et la délivra. Le lâche Jean succéda au féroce Richard.

Alors, et comme fatiguée de la longue route qu’elle venait de parcourir, route dont chaque pas avait été marqué par un incident plein de charme ou par une scandaleuse ou terrible aventure, alors, disons-nous, Éléonore de Guyenne alla s’ensevelir à l’abbaye de Fontevrault.


ÉLÉONORE DE VERMANDOIS, comtesse de Valois, fille de Raoul, comte de Vermandois, morte en 1214. Elle épousa successivement : Godefroi de Hainaut, Guillaume IV de Nevers, Mathieu Ier d’Alsace et, enfin, Mathieu III de Beaumont-sur-Oise. Ne pouvant faire valoir les droits qu’elle croyait avoir à la succession de sa sœur Isabelle sur le comté de Vermandois, elle les céda à Philippe-Auguste, qui s’empara de ce pays. Elle dut abandonner ensuite aux exigences de ce prince le comté d’Amiens et le Valois. Ainsi dépouillée de tout ce qu’elle possédait, Éléonore se livra tout entière aux exercices de piété et fit bâtir l’abbaye du Parc-aux-Dames. Elle mourut à un âge très-avancé.


ÉLÉONORE DE CASTILLE, reine d’Aragon, sœur de Blanche, reine de France, troisième fille de Léonore d’Angleterre et d’Alphonse, roi de Castille. Elle vivait dans la première moitié du XIIIe siècle. En 1220, le roi Jayme ou Jacques Ier, qui devait donner à l’Aragon le royaume de Valence et les îles Baléares et achever dans une vieillesse fort agitée un règne glorieux, avait atteint sa treizième année ; les évêques et les seigneurs s’assemblèrent pour lui choisir une épouse et jetèrent les yeux sur Éléonore ou Léonore de Castille. Raimond de Moncada, grand sénéchal, Guillaume Coronel et Guillaume de Cervera furent ensuite envoyés en ambassade vers Bérengère et son fils, le roi Ferdinand, et demandèrent la main de l’infante pour leur souverain. La demande fut agréée et le mariage fixé à l’année suivante.

Le roi Jacques a laissé des mémoires où il énumère complaisamment toutes les actions de son règne et où surtout pas un détail n’est oublié sur cette période de sa vie. Il nous raconte comme quoi, le jour arrêté étant arrivé, la reine Bérengère, le roi Ferdinand, son fils, sa femme, la reine Béatrix, et les premiers seigneurs de Castille accompagnèrent l’infante jusqu’à Agréda, où il était allé lui-même, suivi de la noblesse de Saragosse. D’Agrada, où eurent lieu l’entrevue et les fiançailles, les jeunes époux se rendirent à Tarragone, où, le 7 février, ils reçurent la bénédiction nuptiale ; « mais, ajoute-t-il, la consommation du mariage fut différée d’un an, parce que j’étais trop jeune. »

Dix années après, en 1229, lorsqu’il avait vingt-deux ans et déjà un enfant de son mariage avec Éléonore, le roi Jacques s’aperçut qu’il était parent, au quatrième degré, avec sa femme ; il eut des scrupules religieux et en fit part à Jean, évêque de Sainte-Sabine et légat du pape Grégoire IX dans les royaumes d’Espagne. Jean assembla aussitôt un concile, composé des évêques de Castille et d’Aragon, et le concile qui se tint à Tarragone, au mois d’avril 1229, déclara que, selon les canons, le mariage du roi était nul, et en prononça la cassation.

La pauvre reine sacrifiée se soumit, et, emmenant avec elle son fils, elle alla vivre à la cour de son neveu, le roi Ferdinand.


ÉLÉONORE DE PORTUGAL, princesse de Danemark, morte en 1231. Elle était fille d’Alphonse II de Portugal, et épousa, en 1229, le prince Waldemar, héritier présomptif de la couronne de Danemark, qui fut tué à la chasse. La douleur d’Éléonore fut si vive qu’elle la conduisit peu après au tombeau. — Éléonore de Portugal, reine d’Aragon, morte en 1348, était fille d’Alphonse IV. Elle épousa Pierre IV, roi d’Aragon en 1347, et mourut l’année suivante. — Eléonore de Portugal, impératrice d’Allemagne, née en 1434, morte en 1467, était fille du roi Édouard. Elle épousa, en 1452, Frédéric III, duc d’Autriche, qui devint empereur. Elle donna le jour à Maximilien Ier. — Éléonore de Portugal, reine de Portugal, vivait vers 1490. Son père, don Ferdinand, duc de Visen, la donna en mariage, en 1470, à son cousin Joâo II, infant et plus tard roi de Portugal.


ÉLÉONORE DE CASTILLE, reine d’Angleterre, morte en 1290. Elle était fille de Ferdinand III, roi de Castille, et épousa, en 1254, le prince de Galles, depuis roi d’Angleterre sous le nom d’Édouard Ier. En 1268, elle accompagna son époux à la croisade, vit, à Saint-Jean-d’Acre, Édouard frappé par le poignard d’un assassin (1271), et, soupçonnant que l’arme était empoisonnée, elle se mit à sucer la plaie. Pendant qu’on pansait la blessure de son mari, elle accoucha d’une fille qui fut appelée Jeanne d’Acre. Édouard ayant échappé à la mort, les deux époux revinrent en Europe, où Éléonore hérita, en 1279, du comté de Ponthieu, du chef de sa mère, Jeanne de Ponthieu. Quelque temps après, elle vint avec son mari à Amiens pour rendre hommage à Philippe le Hardi, roi de France, et prendre possession de son héritage ; mais elle dut renoncer à ses prétentions sur Montreuil-sur-Mer, qui fut réuni aux domaines du roi de France en 1286.


ÉLÉONORE DE PROVENCE, reine d’Angleterre, morte en 1291. Elle était fille de Raimond Bérenger IV, comte de Provence, et épousa, en 1236, Henri III, roi d’Angleterre. Les Provençaux qu’elle avait attirés à la cour de son époux irritèrent les barons anglais par les faveurs dont le roi les combla ; une révolte s’ensuivit, pendant laquelle le roi et son fils furent faits prisonniers (1264). La reine se vit contrainte de s’enfuir en France ; mais elle revint en Angleterre en 1267, et