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éloigné toutes les plantes -vénéneuses ou parasites qui auraient dévoré sa sève, croît à rue d’œil et rapporte bientôt d’excellents fruits ; mais Je insto sauvageon qui so trouve jeté au hasard sur une terre aride et qui est abandonné à lui-même est étouiTé pur les épines ; les chenilles le dépouillent de sa verdure, et il dessèche sans rie» produire. »

Suit un plan d’instruction nationale et diverses recommandations dont nous donnerons, les dernières :

«... En formant le cœur et l’esprit de nos enfants, habituons-les au travail ; qu’ils apprennent à supporter la fatigue, à endurer o froid ot le chaud ; que leurs brus s’exercent au maniement des armes pour défendre leur patrie et purger la terre de tous les rois et do tous les monstres qui ne veulent pas le bonheur do l’humanité. Quels hommes nous aurons dans vingt ans ! C’est alors que la République s’établira sur des bases inébranlables.

»... Courage, donc, braves montagnards ! Continuez de mériter les bénédictions du poule en rendant de bons décrets. Tandis queune main vous tenez la foudre pour écraser les despotes et leurs vils esclaves, tendez l’autre aux malheureux, assurez du travail à tous les citoyens, accordez des secours aux vieillards et aux infirmes, et, pour couronner votre ouvrage, organisez promptemeiit l’instruction publique ; ce sera là votre chefd’œuvre ; car, sans instruction, pas de liberté. »

Enfin, donnons une dernière citation, ne fût-ce que pour montrer que le Père Duchesne contient autre chose que des cris de fureur et d’odieuses excitations :

«... Je vois la République telle qu’elle sera. Les sans-culottes ne font plus qu’une seule famille ; ils ne connaissent plus que la sainte égalité. Les talents, les vertus sont récompensés ; la vieillesse est honorée. On ne voit plus de riches insolents, mais aussi la misère a disparu. Le faiblo est protégé, l’infirme secouru et servi par ses frères. Plus de haine, plus de procès ; tous les citoyens respectent tes lois. Il n’est plus de culte que celui de la raison. La première idole, c’est la liberté. Les campagnes, mieux cultivées, sont plus fertiles. Les villes s’embellissent et deviennent plus peuplées. Partout se retrace l’imago du bonheur. Les hommes libres de tous les pays accourent pour contempler un si beau spectacle, et toutes les nations imitent l’exemple des Français. Tous les trônes des brigands sont renversés, tous les peuples sont enfin libres. Ils jurent paix et éternelle amitié à la nation généreuse qui a brisé leurs fers.

»... Ah ! quel beau jour ! un temps viendra, je l’espère, où tous les peuples de la terre, après avoir exterminé leurs tyrans, ne formeront qu’une seule famille de frères. Peutêtre un jour verra-t-on des Turcs, des Russes, des Français, des Anglais, des Allemands, réunis dans le même sénat et former une grande Convention... Commençons à établir chez nous cette liberté. Lorsque les autres nations verront les fruits qu’elle aura produits ; lorsque, sous des lois sages, nous so rons tous heureux, alors les hommes qui auront un peu de sang dans les veines chercheront à nous imiter, et nous donnerons un coup d’épaule à ceux qui voudront sortir de l’esclavage... »

Le Père Duchesne se compose de 3S5 numéros, non compris la série non numérotée qui a paru en 1790. Il cessa naturellement de paraître après l’exécution d’Hébert et de ses amis (mars 1794). Chaque numéro est de S pages in-8°. Pendant sa publication et plus tard, il a paru un grand nombre de contrefaçons qui sont également fort rares, mais d’ailleurs peu recherchées. C’est mé’me quelquefois dans ces faux Père Duchesne que certains écrivains ont puisé des citations qu’ils mettaient ensuite à la charge d’Hébert. Parmi ces imitations, on distinguo surtout le Père Duchesne de la rue du Vieux-Colombier, qui était tout à fait enragé et dont il a paru environ une cinquantaine de numéros.

La feuille d’Hébert est une des plus grandes raretés bibliographiques connues. Il n’en existe pas une seule collection complète. M. de La Bédoyère, qui possédait la plus «riche collection de journaux et brochures de la Révolution, est mort sans avoir pu compléter son exemplaire, auquel il manquait trois numéros. On sait que cette précieuse et célèbre collection a été acquise par la Bibliothèque ixationale.

La République de 1848 a également eu son Père Duchesne, plagiaire qui eut aussi ses plagiaires ; toutes ces feuilles furent supprimées après l’insurrection de Juin. Enfin, en 1870, a paru un Père Duchesne qui, après avoir subi diverses vicissitudes, continue obscurément (avril 1871) sa publication.


DUCHESNE (la mère). Nom sous lequel on a désigné le type de la femme du peuple sous la Révolution.

La mère Duchesne est la vaillante compagne du père Duchesne. Elle est représentée, sur les vignettes du temps, fumant la pipe, brandissant un sabre et tenant, en même temps, la quenouille, attribut obligé de la femme républicaine. L’exergue qui accompagne la vignette trahit la pensée de l’épouse citoyenne et explique la présence de son sabre, sinon de sa pipe : Vivre libre et mourir.

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La mère Duchesne était grande parleuse, ou pour mieux dire « forte en gueule. » Ses propos patriotiques, consignés sous forme de lettres, so vendaient deux sols le numéro. L’étrangeté de ces morceaux et leur extrême rareté nous autorisent à en faire quelques citations qui donneront une idée exacte de ce type curieux ;

« Comment, mille pipes ! la nation est prête à verser tout son sang pour la patrie ; elle a prodigué son or, elle a fait les plus grands sacrifices ; elle a étonné l’Europe par son courage et sa patience, et rien n’avance ! Est-ce que nous donnons dix-huit francs par jour à chaque député pour se donner du mollet ou pour enfiler des perles ? Est-ce que vous n’êtes là que pour vous escrimer à faire des phrases ? Ne voyez-vous pas que le peuple languit quand vous êtes là à battre le vent ? Il y en a qui ne viennent que pour digérer ; ils ne sont bons qu’à se lever et à s’asseoir. Si jamais on vend de leur sueur, elle coûtéra cher. Achevez donc la constitution ; c’est le moyen de déjouer les projets de nos ennemis ; c’est alors que iioub chanterons à gorge déployée :

Ah ! ça ira, ça ira, etc.

Va, quoique je ne sois guère moins ignorante que les anciens conseillers aux élections ou messieurs les élus, j’aurais des idées, en matière de politique, qui ne seraient pas chiennes, et je ferais encore la barbe à plus d’un de nos législateurs. » (Sixième lettre de la mère Duchesne.)

On voit le franc parler de la mère Duchesne à l’endroit des membres de l’Assemblée nationale. Voici de quelle façon elle s’applaudit de l’abolition du droit d’aînesse : « 11 faut pourtant rendre justice a leur loi sur l’égalité des partages, qui est une fameuse idée. C’était surtout les femmes qui pâtissaient ; ces pauvres souffre-douleurs de la société, on les dépouillait encore de leur légitime ; on les condamnait à la servitude, ou bien on vous les séquestrait dans un cloître où elles passaient toute leur vie à maudire les créateurs de leurs jours. Voilà donc la coutume de Normandie au diable, avec celles qui lui ressemblent. Quelle sagesse ! c’était le partage de Montgomery, tout d’un côté et rien de l’autre. Réjouissez-vous, belles filles du pays de Caux ; vous n’aviez pour vous que votre bonne mine et vos attraits ; mais, nom d’une pipe ! ça ne pèse pas lourd dans ce temps-ci. Et les petits cadets de Normandie, de Gascogne et d’Auvergne, on ne leur laissait autrefois que la cape et l’épée ; et puis, va, marche, cherche des aventures ; à présent ils ont du foin dans leurs bottes ; ils no seront plus les valets de pied do leurs aînés, et leurs sœurs leurs premières servantes.»

La mère Duchesne est un peu la tille de Hébert. La mère Duchesne, femme ou sœur du fameux père Duchesne, a été hurlée dans les mêmes faubourgs, a traîné dans les mêmes ruisseaux. Ne méprisons pas toutefois absolument ces triviales figures aimées du peuple. Elles y firent descendre, elles y familiarisèrent la Révolution, et tandis que les grandes colères du père Duchesne faisaient bondir les soldats de Wattignies sur les baïonnettes prussiennes, les doléances de la mère Duchesne secouaient la torpeur du bas peuple des villes et lui inspiraient la préoccupation de ses droits et le souci de ses devoirs politiques.

Il a paru sous le nom de la mère Duchesne les deux publications suivantes : Lettres bougrement patriotiques de la mère Duchesne (1791, 18 nos de 8 pages in-8°). Ces lettres ont] été attribuées à Hébert par les principaux bibliographes de la Révolution, entre autres par MM. Ch. Brunet et France ; la Mère Duchesne (3 n<>s de 8 pages in-8°, sans date [l"9l]).


DUCHESNE-DUPARC (Louis-Victor), médecin français, né à Moulins-Lamarche (Orne) eu 1805.11 passa son doctorat en 1S3-1 et s’attacha d’une façon toute spéciale, sous la direction d’Alibert, à l’étude des maladies de la peau. On a de lui : Nouveau manuel des dermatoses (1837, in-8°) ; Traité complet des gourmes ches les enfants (1842, in-8°) ; Tableau synoptique des maladies de la peau (1813) ; Examen des doctrines médicales (1845) ; jYotivelle protopalgie (1847, in-8°) ; Du traitement anticholérique (1849) ; Traité pratique des dermatoses (1859, in-12), etc.

DUCHESNÉE s. f. (du-chè-sné — de Duchesne, méd. et botan. fr.). Bot. Espèce de fraisier de l’Inde.

DUCHESN1ER (Claude Chesnier - Duchesné, dit), officier vendéen, né à Saintes, mort en 1830. Il faisait partie du 3c bataillon de la Charente-Inférieure, lorsqu’il déserta pour aux passer Vendéens. Il prit part à la prise de Saumur, d’Angers, à l’expédition d’outre-Loiie, se joignit ensuite aux chouans de Puisaye, devint aide de camp de Charette, qui le chargea de diverses missions, notamment d’aller demander au, roi d’Angleterre de venir rétablir avec une armée les Bourbons sur le trône. Lorsqu’il revint en France, Charette avait été exécuté et l’armée vendéenne anéantie. Il se rendit alors en Espagne, revint en France après la rupture du traité d’Amiens, parcourut la Vendée pour y fomenter l’insurrection, fut condamné à mort par’contumace (1805) et put

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néanmoins habiter la France sans être inquiété. En 1815, Duchesnier retourna en Vendée avec le titre de major général des armées royales ; mais bientôt après il disparut complètement do la scène politique.

DUCHESNOIS (Catherine-Joséphine Ra.fin, dite M"«), célèbre tragédienne française, née vers 1780 à Saint-Saulve, près de Valenciennes, où son père tenait une petite auberge, morte à Paris le 8 janvier 1835. Elle vint fort jeune à Paris et reçut, grâce à sa sœur aînée, qui occupait un emploi dans la maison de Monsieur, une éducation soignée. Ayant eu occasion de voir, encore enfant, M’le Raucourt dans le rôle de Médée, le goût du théâtre se révéla chez elle, et dès lors elle ne songea plus qu’aux moyens de paraître sur la scène. Sa famille s’opposa vivement à ses désirs et crut la détourner de la carrière qui faisait l’objet de son ambition en la plaçant, à son retour à Valenciennes, d’abord comme femme de chambre, puis comme demoiselle de comptoir. Mais des amateurs de la ville ayant organisé des représentations au bénéfice des pauvres, Joséphine parvint à se faire donner un rôle et représenta, à la satisfaction générale, la Paix dans une pièce de circonstance, joua Sophie, de Robert, chef de brigands, et se fit ensuite applaudir dans le personnage de Pahnyro, de Mahomet. Exaltée par les louanges que lui adressèrent à cette occasion ses camarades improvisés et poussée d’ailleurs par une vocation irrésistible, elle s’enfuit de la maison paternelle et revint à Paris trouver sa sœur, qui la gronda d’abord et finit ensuite par lui pardonner ; bien mieux, favorisant les projets da la fugitive, elle consentit à ce que celle-ci lut présentée au comédien Florence, espèce de factotum de la Comédie-Française, qui déclara, dans son omnipotence, que Joséphine était dénuée de toute espèce de moyens. Le hasard voulut que deux poètes en jugeassent autrement : Vigée et Legouvé, après une simple audition, fondèrent sur elle les plus belles espérances et encouragèrent ses premiers efforts. Legouvé surtout se plut à lui donner ses leçons et se fit son protecteur. Cependant il s agissait d’obtenir un début sur notre première scène, et cela n’était pas chose facile pour une jeune fille qui n’était élève ni du Conservatoire ni d’aucun acteur en crédit. Ce ne fut qu’avec des peines infinies et toute la patience qu’inspire aux artistes le désir d’arriver que Mlle Duchesnois obtint ce qu’elle désirait ardemment. Modestement mise, elle allait tous les soirs dans les coulisses chercher quelques marques de bienveillance, un appui quelconque, et, loin de lui en attirer, la simplicité de son costume, les traits peu avantageux de sa figure augmentaient le mauvais vouloir du plus grand nombre. On regardait avec dédain sa petite robe d’indienne, et plus d’un qui devait la flatter plus tard riait d’elle alors. Enfin, M nie de Montesson aplanit tdus les obstacles, et Mlle Duchesnois débuta par ordre le 12 juillet 1802, sous les auspices de Legouvé. Elle parut dans Phèdre, et le succès qu’elle obtint fut si grand, que huit fois de suite elle joua ce rôle, un des plus beaux, le plus difficile peut-être du répertoire tragique et qui resta toujours son triomphe. C est par lui qu’elle termina ses débuts le 18 novembre, et, malgré l’opposition jalouse de la plupart de ses camarades, elle fut couronnée sur la scène. On raconte qu’à cette époque, rappelée par le public, elle ne trouvait personne parmi ses nouveaux camarades pour lui donner la main. Florence seul eut d’abord ce courage, auquel il dut renoncer bientôt dans son propre intérêt, s’il faut en croire M. Ch. Maurice (Histoire anecd. du théâtre, t. 1er). Outre le rôle de Phèdre, M’le Duchesnois avait abordé celui de Roxane, de Bajazet, ceux d’Ariane et de Didon, puis l’Hermione à’Andromaque, et les connaisseurs se plaisaient à la considérer dès lors comme l’espoir de la scène tragique dans l’emploi des reines et des grandes princesses. Mais l’envie ne tarda pas à attaquer l’admirable talent qui se révélait aveu tant d’éclat. Des écrivains s’intéressèrent vivement à elle ; d’autres, et en première ligne le critique Geoffroy, prirent parti pour une nouvelle étoile qu’on signalait depuis peu à l’horizon tragique ; le public se mêla de la querelle, et la scène de la Comédie-Française devint bientôt une arène où se livrèrent avec un acharnement sans pareil les combats les plus ridicules, les plus passionnés et les plus inutiles. Les adversaires de M1|e Duchesnois réservaient tout leur encens pour une jeune actrice, qui allait, assurait-on, rivaliser avec elle et la dépasser. Annoncée à grand bruit, MU» Georges, alors dans tout l’éclat de la jeunesse et de la beauté, débuta à la Comédie-Française, quelques jours après l’ovation

faite à M’o Duchesnois, par le rôle de Clytemnestre, dans Iphigënie en Attlide. Elle était élève de M"0 Raucourt.et protégée par Mme Louis Bonaparte, depuis la reine Hortense. Les adulations de toutes sortes furent aussitôt prodiguées à sa splendide beauté, à sa grande intelligence, et Geoffroy accabla Mllu Duchesnois d’outrages et d’humiliations. Cette dernière n’était pas de ces femmes qu’on applaudit par cela seul qu’elles plaisent par leurs avantages physiques. « On l’applaudit, dit un ouvrage du temps, comme on se laisse entraîner par un torrent impétueux, parce qu’on ne saurait lui résister. Quoi qu’il

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en soit, sa figure est bien loin d’être dépeurvue d’agréments ; elle est au contraire noble, fiére et majestueuse au théâtre ; à la ville, sa physionomie est douce, intéressante et remplie de candeur. D’ailleurs sa taille est avantageuse et convient parfaitement à son emploi, s (Annales dram., t. III). MU° Georges, admirablement favorisée ije la nature, douéo d’une splendeur de formes dont son zélé partisan Geoffroy nous a minutieusement fait la description (v. Geouges), séduisait dès l’abord et avant d’avoir parlé ; mais parlait-elle, on devait reconnaître aussitôt que celle qu’elle prétendait détrôner avait bien plus d’âme et de chaleur, de tendresse et d’expansion ; la première, reine majestueuse, vous arrachait un cri d’admiration ; la seconde, princesse sensible et émue, vous arrachait des larmes. Les amis de M’le Georges comprirent si bien cette différence qu’ils la poussèrent maladroitement à se montrer dans les rôles de M1’0 Duchesnois et même dans celui do Phèdre. Cette prétention de rivaliser avec une actrice qui dès le début s’était placée au rang des plus illustres souleva contre M"° Georges les partisans de M’o Duchesnois, lesquels témoignèrent tumultueusement leur indignation, escaladèrent le théâtre et forcèrent les sociétaires à promettre que cette dernière jouerait, pour son admission, Amônaïde dans Tancrède a condition que la première jouerait M drape

fiour la sienne. Dans les coulisses comme dans a salle, la violence avait également fait élection de domicile, et M’e Raucourt, qui naturellement patronnaitson élève, ayant été un soir accueillie par des sifflets, dans une représentation d Iphirjénic en Aulide, en fit remonter la responsabilité jusqu’àM’le Duchesnois et voulut s’en venger séance tenante. 11 fallut arracher de ses mains Eriphylo, qui n’était pas de force à lutter contre la colossale Clytemnestre. Après avoir cédé pendant deux meis la place à sa rivale, M"" Duchesnois parut enfin dans le rôle d’Aménaïde, le la février 1803. Son triomphe fut complet. Néanmoins, il est probable que, malgré les recettesqu’elle procurait à ses ingrats cumarade.s, malgré l’incontestable supériorité do son talent, elle aurait été vaincue dans la lutte et forcée de s’effacer devant Mllc Georges, sans l’intervention de l’impératrice Joséphine et la protection du ministre de l’instruction publique Chaptal. L’admission des deux antagonistes et une ligne do démarcation nettement tracée entre leurs emplois apaisèrent enfin ces troubles stériles. Par arrêté du préfet du palais, Mlle Duchesnois fut reçue sociétaire le 22 mars 1804. M"» Georges, par sa fuite imprévue, ne devait pas tarder à lui laisser le champ tout à fait libre. Ajoutons pour les curieux qu’il a été fait sur ce conflit singulier un poème en trois chants, dédié à M’1" Duchesnois et intitulé la Guerre théâtrale (1S03). On l’a attribué à Colnet, l’auteur de l’Aw de diner en ville. Cependant Mllc Duchesnois avait répondu aux attaques par un redoublement de zèle, aux injures par la résignation et la patience ; mais sa santé en avait été ébranlée. Stimulée parle voisinage de Talma, elle grandit encore en talent et . prouva, dans A/érope, dans Athalie, dans Cljjlemnestre, qu’elle avait assez de noblesse et de puissance pour aborder les grands rôles et no pas so renfermer exclusivement dans la sensibilité oui formait la partie supérieure de son talent. C’est ici qu’il faut déplorer que les deux plus célèbres tragédiennes de cette époque n’aient pas pu faire tourner au profit de l’art, en les réunissant, leurs admirables moyens dramatiques, qui, par cela même qu’ils étaient opposés, eussent pu se rencontrer en paix et se compléter l’un par l’autre. Malheureusement, dos raisons de santé éloignèrent trop tôt MUo Duchesnois de la scène ; d’abord elle n’y parut qu’à de longs intervalles, puis ses absences so prolongèrent à ce point que le public, qui avait fini par s’y accoutumer, ne s’aperçut pas de sa retraite, qui eut lieu sans bruit en 1830. Cette même année, elle alla visiter Londres ot y obtint des succès. Enfin, ses adieux définitifs au public eurent lieu en 1833, dans Phèdre et Afarie Sluart ; puis on n’entendit plus parler d’elle que pour apprendre sa mort, deux années plus tard ; après une atroce agonie de plusieurs mois, ello succomba à une des plus cruelles maladies de son sexe. Bonne, obligeante, charitable, elle avait été payée d’ingratitude par un homme qu’elle secourut dans le malheur et consola dans l’exil, dont elle paya les dettes et qui l’abandonna pour s’attacher à sa rivale. Elle en avait eu une fille, qu’elle maria très-avantageusement. Elle a laissé aussi deux fils dont l’aîné était, à la mort de sa mère, officier de l’armée d’Afrique. Cette célèbre tragédienne n’était pas belle, nous l’avons déjà dit ; mais ses yeux noirs pleins do feu donnaient une grande expression à sa physionomie ; le son enchanteur de sa voix était admirablement propre à exciter la pitié et à exprimer les accents de la passion. Aussi aucune actrice n’a joué Ariane avec autant de vérité que MU» Duchesnois. L’effet qu’ello avait trouvé au moment où l’héroïne apprend que sa sœur vient d’être enlevée était d’une incomparable beauté. Sa surprise, sa douleur, le subit anéantissement de son être, lo regard qu’elle fixait sur le public, et ce mot de sensation intraduisible : je tremble, qu’accompagnait le frémissement de son corps,

offraient le tableau le plus complet de ce que