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trois ans plus tard ; Satyres de Juvénal, traduites en français avec des notes (Paris, 160G, in-8o) ; les Antiquités et recherches de la grandeur et de la majesté des rois de France ([Paris, 1609, in-s°, et 1G21, in-fol.) ; les Antiquités et recherchas des villes, châteaux, etc. de toute la France (Paris, 1610, in-8o) ; les Controverses et recherchés magiques de Alartin Delrio, traduit et abrégé du latin (Paris, 1611, in-8o) ; Histoire d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande (Paris, 1614, in-fol.) ; Bibliotheca eluniacensis, collecta à Martino Marrier, edente cum notis Andréa Quercetano (Paris, 161Î, in-fol.) ; Histoire des papes jusqu’à Paul V (Paris, 1G16, 2 vol. in-4<>, et 1845, in-fol.) ; Pétri Abcelardi et Heloyssœ conjugis ejus opéra (Paris, 1046, in-4o) ; Histoire de la maison de Luxembourg, de Nie. Vignier (Paris, 1617, in-8o) ; les Œujires d’Alain Charfier (Paris, 1G17, in-4o) ; Alcuini abbatis opéra (Paris, 1617, in-fol.) ; Dessein de la description du royaume de France (Paris, 1617, in-4o) j bibliothèque des auteurs qui ont écrit l’histoire et la topographie de la France (Paris, 1G18, in-8o), réimprimée avec des additions en 1627, même format ; Histoire des rois, ducs et comtes de Bourgogne (Paris, 1619 et 162S, 2 vol. in-4<>) ; Lettres d’Étienne Pasquier (Paris, 1619, 3 vol. in-Ro) ; Historiar Normannorum sei’iptores antiqui (Paris, 1019, in-fol.) ; Histoires généalogiques de maisons célèbres (Châtillon-sur-Marne, 1621, in-foi.) ; liais de lireil (1621, in-4") ; La Rochefoucauld (1622, in-fol.) ; Montmorency (1624, in-fol.) ; Vergy(1G25, in-fol.) ; Comtesd’Albon et dauphins de Viennois (lG2S, in-4o), formant le deuxième volume de l’Histoire de Bourgogne ; Gaines, Ardres, Gand, Coucy (1G31) ; Dreux, Bar-lc-Duc, Luxembourg, Limbourg, du Plessis-Richelieu, etc. (1631, in-fol.) ; La Chastaigneraye (1639, in-fol.) ; Bélhune (1639, in-fol.) ; Séries auclorum omnium qui de Francorum hisloria et de rébus francicis, cum ecclesiasticis tum secularibus, ab exordio règni ad nostra usque tempora, etc. (Paris, 16G3, in-fol., réimprimé en 1035) ; Historia : Fruncorum scripiores (1G3G-1641,3 vol. in-fol.). Ce fut pendant l’impression du troisième volume de cet ouvrage qu’André Duchesne

mourut. Son fils termina l’édition et publia les volumes IV et V ; Vies des saints de France, publiées pour la plus grande partie par les soins de Nie. Camusat, des bollandistas, du P. Labbé et du P. Mabillon ; Histoire des ministres d’État, depuis le roi Robert, etc. Duchesne a laissé plus de 100 volumes in-folio manuscrits, tous écrits de sa main : ce sont des pièces historiques, des analyses ou extraits de titres, des observations, des remarques, des généalogies, etc.

DUCHESNE (François), historien, fils du précédent, né à Paris en 1616, mort en 1693. Élevé à l’école de son père, et comme lui passionné pour les recherches historiques, il ne l’égala pas en réputation et hérita toutefois du titre d’historiographe de France. On a de lui : deux éditions des Antiquités des villes, châteaux et places remarquables de toute la France (Paris, 1647, in-8o, et 1668, 2 vo !. in-18) ; la deuxième est la meilleure ; une édition de l'Histoire des papes (Paris, 1653, 2 vol. in-fol.) ; Histoire des cardinaux français (Paris, 1600-16GG, 2 vol. infol.). Il voulait continuer cet ouvrage, commencé par son père sur l’ordre de Richelieu, mais il ne réalisa pas entièrement ce projet. François Duchesne mit en ordre et publia les trois derniers volumes des Historia ? FrancQrum scriptores coœtanei. Les deux seuls ouvrages entièrement de lui sont les suivants : Traité des officiers qui composent le conseil d’État, imprimé avec le Nouveau, style du conseil (Paris, 1662, in-4o) ; Histoire des chanceliers et gardes des sceaux de France (Paris, 1680, in-fol.). On croit qu’il fut l’éditeur des Mémoires de Jacques de Chastenet, seigneur de Puységur (Paris, 1690, 2 vol. in-12).

DUCHESNE (Vincent), bénédictin français, né à Besançon dans la seconde moitié du xviic siècle. Il s’occupa avec succès de mécanique et d’architecture, inventa un procédé pour scier le marbre, exécuta les plans d’après lesquels furent construites les abbayes de Morey, en Franche-Comté, et de

Saint-Pierre de Châlons, et, par un procédé à lui, mit, dit-on, en trois heures, le jeune Louis XV à même d’écrire. Au bas d’une gravure de l’époque, qui a perpétué le souvenir de ce fait, on lit les vers suivants : En trois heures de temps le roi sait bien écrire, Par’un secret nouveau que tout le monde admire, Et le seul dom Duchesne, enfant de Besançon, Sut faire ce prodige en moins de six leçons. Le P. Duchesne a composé des Mémoires sur la Franche-Comté, dont Boulainvilliers a publié un long passage dans son État de la France (1752).

DUCHESNE (Jean-Baptiste Philipotk.- u), jésuite et théologien français, né dans les Ardennes en 1G82, mort à Dijon en 1755. Il professa la philosophie à Reims (1724-1731), puis fut chargé de l’éducation des enfants du roi d’Espagne Philippe V. Ses principaux ouvrages sont : le Prédestinatianisme (Paris, 1724, in-4o) ; Histoire du baîanisme ou de l’hérésie de Michel Baïus (Douai, 1721) ; la Science de la jeune noblesse (1729) ; Abrégé de l’histoire d’Espagne (1741), etc.

DUCHESNE (Louis-Henri), économiste

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français, né à Botige, au pied du mont des Voirons (Haute-Savoie) en 1737, décapité en 1793. N’ayant pu réussir à se créer des ressources suffisantes dans sa patrie, il se rendit à Paris, où la protection d’un de ses parents, garde des minutes du comte de Saint-Florentin, lui fit obtenir en 1774 une place

d’intendant dans la maison du comte de Provence. Incarcéré comme suspect en 1792, il fut exécuté l’année suivante, car on avait trouvé à son domicile une foule d’objets attestant sa foi monarchique, d’ailleurs bienconnue. Prévoyant le sort qui lui était réservé, il se répandit, dit-on, en invectives contre ses juges. Il a publié : Projet d’administration remis à M. Turgot quand il fut nommé contrôleur général, et présenté dans l’assemblée des notables en 1787 (in-8°, anonyme) ; Premiers principes d’une bonne administration et causes de la décadence d’un royaume (in-8°, signé à la fin D. de V.) ; Projet pour libérer l’État sans emprunt, sans innovations et en soulageant les peuples, par D. de V. Cn-8°, anonyme) ; Observations sur le mémoire de M. Necker à l’Assemblée nationale le 14 novembre 17S9 (in-8°, anonyme) ; Projet d’imposition juste et facile, propre à suppléer au déficit qu’occasionnerait dans les revenus du roi la suppression des traités extérieurs, des gabelles, des tabacs, etc. (1789, in-8»), signé à la fin L. H. D. de V. ; Projet d’emprunt beaucoup moins onéreux à l’État que ceux qui sont usités jusqu’à ce jour, et propre à être substitué à celui de septembre dernier (in-8°), signé à la fin L. H. D. de V ; Mémoire d’observations sur le privilège accordé d M. de Feo. (in-8°, anonyme) ; Observations sur les finances de la France comparées à celles d’Angleterre (in-8°) ; Mémoire sur l’amélioration de l’agriculture en Savoie (1790, in-8<>).

DDCHESNE (Henri-Gabriel), littérateur et naturaliste, né à Paris en 1739, mort en 1822. Garde des archives du clergé de France avant la Révolution, il devint, en 1S07, conseiller référendaire à la cour des comptes, emploi qu’il conserva jusqu’à sa mort, et dans lequel son expérience pour le classement des titres le rendit très-utile. On a de lui ; Manuel du naturaliste, en collaboration avec Maequer (1771, in-S°) ; la France ecclésiastique (Paris, 1774-1789,16 vol. in-12) ; Dictionnaire de l’industrie (Paris, 1776 et 1801, 6 vol. in-8o), livre excellent, où les découvertes dans les sciences et les arts sont exposées d’une manière claire et précise ; Notice historique sur la vie et les ouvrages de J.-B. Porta (Paris, 1801, in-8o) ; Comédies de Térence traduites en vers français (Paris, 1806, 2 vol. in-8").

DUCHESNE (Pierre-François), jurisconsulte et homme politique français, né à Romans (Drôme) en 1743, mort en 1814. Avocat au parlement de Grenoble lorsque la Révolution éclata, il embrassa les idées nouvelles avec enthousiasme, fut élu au conseil des Cinq-Cents (1797), se mêla activement aux discussions législatives, fut du nombre des opposants au coup d’État du 18 brumaire, et fit cependant partie du Tribunat, dont il devint président, en messidor an VIII. Duehesne donna sa démission après avoir, seul avec Carnot, voté contre le consulat à vie. 11 alla se fixer à Grenoble, où il se fît inscrire au nombre des avocats, et devint par la suite bâtonnier de l’ordre. Il a laissé un assez grand nombre de discours et d’opuscules.

DUCHESNE (Antoine-Nicolas), naturaliste français, né à Versailles en 1747, mort à Paris en 1827. Il fut successivement professeur d’histoire naturelle à l’École centrale de. Soine-et-Oise, au prytanée de Saint-Cyr et au lycée de Versailles. Duchesne a publié, entre autres écrits : Manuel de botanique (Paris, 1764) ; Histoire naturelle des fraisiers (1706) ; le Jardinier prévoyant, almanach publié de 1770 à 1781, 11 vol. ; Considérations sur le jardinage (1775) ; Sur la formation des jardins (1779), etc.

DUCHESNE (Jean-Baptiste-Joseph), peintre en miniature et sur émail, né à Gisors (Eure) en 1770, mort en 185G. Il commença a se faire connaître à l’Exposition de 1804, devint, sous la Restauration, peintre de Monsieur (comte d’Artois), de la duchesse de Berry et de la Dauphine, et fut chargé, en 1840, de continuer la série des émaux du musée du Louvre, commencé par Petitot, œuvre que, de l’aveu de tous les artistes, il était seul capable d’achever d’une manière digne de ce grand maître. Les émaux de Duchesne offrent un éclat de carnation, une harmonie d’ensemble et une délicatesse de détails qui ne le cèdent en rien aux plus belles œuvres de nos anciens émailleurs. On cite, parmi les plus remarquables, les portraits de Louis-Philippe, de la reine Marie-Amélie, de Léopold Ier, roi des Belges. Son chef-d’œuvre, dans les miniatures, est le portrait de la duchesse de Berry.

DUCHESNE (Jean), iconographe français, né à Versailles en 1779, mort en 1855. Il entra en 1795 comme employé au cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale et en devint conservateur titulaire en 1S39. C’est à lui qu’on doit le classement actuel de cette riche collection. Duchesne était l’homme de France qui connaissait le mieux les gravures et les graveurs ; aussi ses ouvrages font-ils

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autorité. Voici les titres des plus importants : Notice des estampes exposées dans la Bibliothèque du roi (1819 et 1855, in-8») ; Essai sur les vieilles gravures des orfèvres florentins du xv« siècle (1820, in-8o) ; Voyage d’un iconographe en Allemagne, en Hollande et en Angleterre (1834, in-8<>). Il est un des quatre éditeurs de l’Iconographie des hommes célèbres (1827, 4 vol. in-4t>).

DUCHESNE (Édouard-Adolphe), médecin, né à Paris en 1804. Il se fit recevoir docteur en 1827 et obtint, en 1830, un prix de l’Académie de médecine pour un mémoire Sur l’emploi du maïs, au point de vue de l’alimentation de l’homme, des femmes qui allaitent et des enfants. Le docteur Duchesne est membre du comité d’hygiène et de salubrité de Paris. On a de lui : Traité du maïs ou blé de Turquie (1833, in-8o) ; Répertoire des plantes utiles et des plantes vénéneuses du globe (1836, in-8o) ; Observations médico-légales sur la strangulation (1845) ; Histoire statistiqué, du choléra dans le 'XIe arrondissement (1851, in-8o) ; De la prostitution dans la ville d’Alger depuis la conquête (1853) ; Des dangers que présente l’emploi des papiers colorés avec des substances toxiques (1854, in-8o) ; Des chemins de fer et de leur influence sur la santé des mécaniciens et des chauffeurs (1857, în-is) ; De la colique de plomb chez les ouvriers émailleurs en fer (1861, in-8o) ; De l’insalubrité des volailles nourries de viandes en état de putréfaction (1861, in-8o), etc.

DUCHESNE (Alphonse), journaliste français, né à Lisieux le 13 mai 1825, mort à Paris le 12 juin 1870. Il se fit connaître par une collaboration assez active a divers journaux littéraires, le Diable boiteux, le Rabelais, le Figaro, et devint secrétaire de la rédaction de cette dernière feuille, qui n’était alors cpje bi-hebdomadaire. Le Petit Figaro ayant été fondé, Duchesne fut plus spécialement attaché à sa rédaction, et, depuis 1867, il y publiait une causerie quotidienne. M. deVillèmessant songea à lui confier aussi la direction politique du Figaro, qui venait de verser le cautionnement. Il donna à ce journal plusieurs articles remarqués. Nous citerons ses Lettres indépendantes. Mais les opinions de Duchesne ne ressemblaient en rien à celles de M. de Villemessant et de ses collaborateurs. Il renonça à traiter de matières politiques et se contenta d’écrire dans ce journal, où d’ailleurs il ne comptait que des amis, des articles bibliographiques sous ce titre : la République des lettres. La critique de Duchesne était d’une rare impartialité. S’il s’attaqua parfois à des réputations usurpées et dont chaque publication Douvelle attestait de plus en plus le peu de mérite, il se montra toujours bienveillant pour les œuvres consciencieuses. Aussi, dans cette république

des lettres où les inimitiés sont si nombreuses, Duchesne ne rencontra que d’universelles sympathies. Républicain, i ! avait su vivre dans des milieux très-divers sans pour cela faire aucun compromis avec sa dignité, et il s’était acquis, même parmi ses adversaires politiques, de véritables amitiés. On peut dire de Duchesne que le sérieux de son esprit nuisit peut-être à sa réputation, bien que son talent fût très-apprécié de ses confrères en journalisme.

Le bagage littéraire de Duchesne est léger, comme celui de tous ceux qui ont dépense leur esprit dans les luttes quotidiennes du journalisme. Indépendamment des Lettres de Junius, série de pamphlets qu’il écrivit avec son ami Delvau, qui devait le précéder de si peu dans la tombe, Duchesne a publié en volumes : les Chants d’un oiseau de passage (Lisieux, 1844, in-8o) ; l’Ange, la Fée et le Démon, contes, légendes et nouvelles (Pontà-Mousson, 1864, in-18). Il a écrit., en outre, en collaboration avec le bibliophile Jacob, une Histoire des cordonniers et de la cordonnerie, et une Histoire des coiffeurs et de la coiffure. Depuis 1869, Duchesne était devenu le principal rédacteur du Diable-à-quatre, publication hebdomadaire qu’avait fait naître te prodigieux succès de la Lanterne, de Rochefort.


DUCHESNE (le père) était un type populaire avant de servir d’enseigne à une foule de journaux et de pamphlets politiques. Suivant M. Ch. Brunet, qui a consacré un volume à la bibliographie de la fameuse feuille d’Hébert, dans un écrit intitulé le Plat de carnaval et antérieur à la Révolution, .il est fait mention d’un père Duchesne, marchand de fourneaux, rue Mazarine, jurant et sacrant à chaque phrase. D’un autre côté, Rétif de La Bretonne, dans le douzième volume de l’Année des dames nationales, nous apprend que ce nom et ce type viennent d’une pièce de Nicolet. Ce détail n’a pas une grande importance, et le seul intérêt qu’il puisse offrir, c’est de nous apprendre d’une manière certaine que le type du père Duchesne était déjà populaire avant la Révolution. Les publicistes de ce temps ne l’ont pas inventé ; ils l’ont simplement mis en scène, comme en d’autres temps on s’est servi de Pasjjuin, de Polichinelle, de Mayeux, etc. En 1789, les Parisiens allaient rire, a la foire Saint-Germain, des grasses facéties du père Duchesne, et, dès le début de la Révolution, il parut un grand nombre d’opuscules politiques sous l’invocation de ce burlesque patron. M. Eug. Hatin, dans son Histoire de la presse et dans sa Bibliographie de la presse périodique, en cite un

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certain nombre : la Colère du père Duchesne à l’aspect des abus ; les Vitres cassées par le véritable père Duchesne, député aux états généraux ; Don patriotique du père Duchesne à la nation ; Dialogue bougrement patriotique du père Duchesne avec le pape, etc.

La plupart de ces publications étaient de simples pamphlets d’un jour ; quelques-unes seulement eurent une suite, prirent les allures périodiques d’un journal et fournirent une assez longue carrière. En première ligne, il faut citer Tes Lettres bougrement patriotiques du père Duchesne, par Lemaire, et les Grandes joies et les Grandes colères du père Duchesne, par Hébert.

■ Tout naturellement, dit M. Hatin, chacun de ces Pare Duchesne avait la prétention d’être le premier, le seul véritable. » Il y eut entre leurs parrains de vives polémiques il ce sujet. Mais c’est une question d’autant plus difficile à résoudre que, dans l’origine, ces productions ne se distinguaient point par des caractères bien tranchés, à co’ point que les contemporains eux-mêmes s’y trompaient, et qu’en outre il ne s’y rencontrait le plus souvent ni date ni nom. Quand, plus tard, Camille Desmoulins, dans son fameux pamphlet contre Hébert, lui reprochait d’avoir volé l’idée, le titre et la vignette do son journal, il affirmait une chose qu’il lui eût été difficile do prouver, et il faisait simplement flèche do tout bois contre un ennemi. Le savant auteur de la Bibliographie de la presse périodique est moins affirmatif ; il incline visiblement pour Lemaire ; mais, en définitive, il laisse la question indécise.

Ce Lemaire était un commis de ^administration des postes. C’était, lit-on partout, un homme d’esprit, qui imagina de ressusciter le personnage du père Duchesne pour agir sur les classes illettrées. Il publia, de 1790 à

1792, les Lettres bougrement patriotiques du véritable père Duchesne, 400 numéros in-S°, de 8 pages chacun, avec l’épigraphe suivante : Castigat bibendo mores. Ce véritable, qui apparaît dès la dix-neuvième lettre, montre bien qu’il y avait déjà des concurrents. Cette feuille est farcie d’au moins autant de jurons et de mots cyniques que celle d’Hébert ; cependant les historiens et les bibliographes en parlent avec indulgence : pour quel motif ? Uniquement parce qu’elle était un organe du royalisme constitutionnel. Ce que l’on blâme en Attila, ce que l’on trouve ignoblo et ordurier quand il s agit du parti populaire, devient tout simplement pittoresque et piquant s’il est question de la défense du feuillantisme. Heureux privilège des opinions dites modérées !

Bien plus, Hébert a été peut-être plus violent comme opinion, mais bien moins ordurier. Nous pourrions donner comme preuve de nombreux passages du journal de Lemaire ; mais nous craindrions de choquer nos lecteurs. Qu’on en juge par une seule phrase. Lemaire dit de son concurrent, au milieu d’un chapelet d’autres injures : « C’est un maroufle bon à torcher tous les c... »

La polémique purement révolutionnaire n’est jamais allée jusque-là.

Comme suite à ses 400 lettres, Lemaire fit paraître la Trompette du père Duchesne, 1792 1793, 147 numéros in-8», avec cette épigraphe : In vino véritas. Mais tous les Père Duchesne so sont, en définitive, effacés devant celui d’Hébert, qui est resté le type du genre et le seul vérttable pour les bibliographes et les collectionneurs.

Pendant longtemps on avait placé la naissance de cette feuille fameuse aux premiers jours de 1791 ; mais M. Ch. Brunet a prouvé qu’elle avait déjà une trentaine de numéros en 1790. Ce qui avait induit les bibliographes en erreur, c’est que les numéros d’ordre no partent, en effet, que des premiers jours de janvier 1791. Chaque numéro du journal a un titre particulier, dont les formules les plus ordinaires sont : la Grande joie ; la Grande colère du père Duchesne, etc. Il n’y a pas d’autre intitulé, à moins qu’on ne veutllo considérer comme le titre du journal la légende qui accompagne la vignette : Je suis le véritable père Duchesne, foutre ! Cette vignette, définitivement fixée au n° 13, et copiée, dit-on, presque entièrement sur un autre Père Duchesne, qui s’imprimait rue du Vieux-Colombier, représente le fameux marchand

de fourneaux coiffé d’un bicorne à large cocarde, la pipe a la bouche, les pistolets à la ceinture et paraissant menacer d’une petite hache un abbé qui joint les mains, et au-dessous duquel on lit la devise : Mémento mori. Cette vignette, d’une exécution barbare, a toute la naïveté de certains vieux bois ou des gravures d’almanachs. À partir du n<> 23, on voit, à la fin de chaque numéro, deux fourneaux, dont un renversé. Enfin, à partir du n" 131, apparaît le fac-similé de la signature d’Hébert ; ceci pour déjouer les faussaires, parmi lesquels, chose curieuse, Hébert ne paraît pas ranger Lemaire, car il parle de lui avec estime dans ses nos 13e et 137, en désavouant hautement tous ces bâtards, dont lui, Hébert, no fut jamais le père, « et entre autres celui qui se fabrique chez la veuve Errard, rue Saint-Sauveur. C’est une diatribe dégoûtante, particulièrement dirigée contre l’estimable auteur des Lettres du père Duchesne... »

À cette époque, d’ailleurs, il était constitutionnel, comme la plupart des révolutions ;