Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 6, part. 4, Domm-Dz.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

1190

DRAM

Histoire de l’harmonie au moyen âge : « Le drame liturgique a son origine dans les cérémonies du christianisme. Que sont, en effet, l’office de la messe, les fêtes de Noël, de l’Epiphanie, des Rameaux, de la Passion, de Pâques, etc., sinon des drames et des scènes représentant le sacrifice du Rédempteur, ia Nativité, l’Adoration des mages, la Passion, l’office du Saint-Sépulcre, la Résurrection ! etc. ? Il a fallu peu d’efforts pour développer toutes ces histoires saintes et en former des drames véritables, propres à expliquer au peuple les principaux épisodes évanijéliques et les mystères de la religion. Les plus anciens drames religieux connus jusqu’ici sont ceux qu’on a désignés pendant longtemps et collectivement sous le nom de Vierges sageê et Vierges folles. Us se trouvent dans le manuscrit 1139 de la Bibliothèque impériale de Paris. »

D’autre part, un écrivain non moins érudit, M. Edelestand du Méril, s’exprime ainsi dans ses Origines latines du théâtre moderne : « La célébration de la messe est un véritable drame... Le célébrant s’approche du sanctuaire en priant à voix basse le Seigneur de le recevoir dans sa grâce ; il confesse humblement ses péchés, monte à l’autel et implore à haute voix les bénédictions de Dieu, qui vient de l’accueillir parmi ses serviteurs. Alors commence la lecture dtes enseignements de saint Paul ; et le chant varie du graduel, auquel participent tous les fidèles, indique leur diversité et leur assentiment aux paroles de l’Apôtre des gentils. Ainsi préparés à recevoir la parole même de Dieu, ils se lèvent respectueusement pour entendre l’Évangile ; la prédication qui suit leur en prouve de nouveau la vérité, et ils témoignent de leurs convictions en chantant d’une, voix unanime le symbole de la foi chrétienne. Edifié sur les dispositions de l’assistance, le prêtre sacrificateur se prépare, par de nouvelles prières, à la célébration du sacrifice ; la consécration fait redescendre le Christ sur l’autel, et l’holocauste du mont Calvaire recommence pour le salut des spectateurs. Le drame n’existe pas moins dans la forme que dans le fond même de la pensée ; il est véritablement dialogué par des acteurs indépendants les uns des autres ; le célébrant, le diacre, le sous-diacre, les chantres, les simples prêtres et les enfants de chœur portent chacun un costume différent, et caractérisent profondément leurs rôles par une- mélopée et un accent qui leur sont propres. «

Toutes les fêtes du culte catholique ne sont autre chose que des anniversaires, et chacune se célèbre avec des rites, des chants et des ornements particuliers qui correspondent à son origine particulière. C est ainsi qu’on ajoutait autrefois à l’office du jour de Noël le cantique que, selon la tradition, -les anges avaient chanté le jour de la Nativité, et, pour en rendre le souvenir plus saisissant, certaines églises latines se servaient des paroles grecques, qu’elles supposaient.plus rapprochées de l’original. De même, les principaux épisodes de la Passion donnèrent naissance à toute une série de petits drames qui, pendant la semaine sainte, sont joués encore dans toutes les églises catholiques. Le jeudi saint, par exemple, dans beaucoup de localités, tous les prêtres s’approchent de -la table de la communion, y représentant véritablement la cène, après quoi le corps du Rédempteur est porté au sépulcre, et, tant qu’il y demeure, le tabernacle reste ouvert et le sanctuaire vide. Parmi les compositions religieuses, nous citerons deux véritables drames liturgiques, connus l’un sous le titre de Vierges sages et Vierges folles, l’autre sous celui des Prophètes du Christ. Le premier, qui, comme nous l’avons dit, se trouve en manuscrit a la Bibliothèque impériale et ne porte pour titre que le mot Sponsus, commence à la dernière ligne du feuillet 53 (recto) de ce manuscrit. C est Renouard qui, en raison du sujet, la parabole des vierges sages et des vierges folles, lui adonné le titre mentionné ci-dessus, titre adopté par tous ceux qui, après lui, ont parlé de ce drame liturgique. M. Edelestand du Méril le décrit ainsi :

« Le chœur chante d’abord une sorte de séquence, dont la mélodie, qui se répète de deux vers en deux vers, est d’une simplicité grave et touchante. Puis l’archange Gabriel, dans cinq strophes en roman, dites sur la même mélodie, annonce la venue du Christ, et raconte ce que le Sauveur a souffert sur terre pour nos péchés. Chaque strophe est terminée par un refrain dont la première partie a le même chant que le premier vers de chacune des strophes. Les vierges folles confessent leurs fautes, supplient leurs sœurs de prendre pitié de leur inexpérience et demandent secours. Ces trois strophes, en latin, ont une autre mélodie que les cinq précédentes. Elles sont terminées comme»celles-ci par un refrain triste et plaintif dont les paroles sont en roman. Les vierges sages refusent de l’huile et invitent leure sœurs à s’en procurer chez les marchands, qui leur en refusent également et les éloignent. Toutes les strophes changent de mélodie à chaque changement de personnage. Ce mystère se termine par l’intervention du Christ, qui condamne les vierges folles. Les paroles prononcées par Jésus ne sont accompagnées

d’aucune mélodie, soit que le musicien n’ait pas trouvé de chant qui lui ait paru digne d’être placé dans la bouche du Seigneur, soit

DRAM

que cette absence ait été le fait intentionnel de l’auteur du mystère. »

Quant au drame liturgique intitulé les Prophètes du Christ, le manuscrit qu’on en connaît ne porte pas de titre. Le savant M. Magiiin lui avait donné le nom de Mystère de la Nativité, mais M. Edelestand du Méril lui a appliqué le titre sous lequel on le connaît généralement aujourd’hui. M. de Coussemaker en parle en ces termes : « Le mystère des Prophètes du Christ est entièrement en latin, et dénote un autre.genre de composition que le précédent. Il commence par un chant d’allégresse en l’honneur de la naissance du Christ. Le manuscrit ne porte aucune indication de personnage, mais il est probable que ce chant était entonné, soit par le chœur, soit par le préchantre. M, Edelestand du Méril le met dans la bouche du préchantre. Ce chant annonce aux Juifs et aux gentils que la naissance du Christ se trouve prédite par les hommes de leur loi. Il interpelle Isaïe, Moïse, Jérémie, Daniel, David, et jusqu’à Virgile, qui répondent par des fragments extraits de leurs écrits, considérés comme prophétisant la venue du Christ, et qui sont, suivant l’auteur du mystère, autant de témoignages en sa faveur. Parmi les personnages interpellés, se trouve la sibylle, qui chante la première strophe du Judicii signum. La partie la plus importante de ces mystères, au point de vue sous lequel nous les considérons ici, — est la musique dont ils sont accompagnés. Pour apprécier leur caractère musical, il faut examiner le caractère littéraire et moral des drames liturgiques. Qu’on se rappelle que leurs sujets sont puisés dans les principaux faits de l’Ancien et du Nouveau Testament, qu’ils étaient représentés dans les églises par des clercs ou des religieux. On n y rencontre ni les passions, ni les intrigues, ni les mouvements scéniques du drame profane ; ce qui y domine, au contraire, c’est le calme et la simplicité des récits, l’élévation et la noblesse des pensées, la pureté des principes moraux. La musique, destinée à traduire de semblables sentiments et à y ajouter une expression plus puissante, devait nécessairement avoir le même caractère. Aussi n’y faut-il pas chercher une musique rhythmée et mesurée si propre à seconder les passions mondaines, mais une musique fliane, établie d’après les règles de la tonaitô du plain-chant, soumise toutefois à certaines lois de rhythme et d’accentuation qui, comme nous l’avons dit, n’ont rien de commun avec la division exacte des temps. Ce qui démontre qu’il en était ainsi, c’est qu’à son origine le arame liturgique ne consistait que dans les offices de certaines fêtes, qu’on exécutait et chantait d’une manière plus pompeuse qu’à l’ordinaire, en y ajoutant des personnages et des costumes, avec intercalation de séquences et d’autres chants composés expressément pour la cérémonie dramatique.

Ces mélodies étaient du plain-chant semblable à celui des pièces liturgiques. Peu à peu ces accessoires prirent un développement de plus en plus considérable, et se transformèrent en épisodes et en drames à part ; mais ils conservèrent toujours leur caractère musical et littéraire originaire. Il ne peut donc pas exister de doute sur la nature de la musique des mystères du manuscrit 1139 ; c’est du plain-chant. C’est par conséquent en plainchant et non en musique mesurée que doivent être traduites les mélodies qui les accompagnent. C’est de la même manière qu’il faut traduire la notation des autres drames liturgiques ou religieux. »

Greffé sur le drame purement liturgique, il en existait un autre dont le caractère différait quelque peu, qui portait l’empreinte du goût de la littérature païenne, et qui reliait en quelque sorte, par une espèce de chaînon mystérieux, le drame antique au drame moderne. Le théâtre de Hroswita porte surtout ce cachet de transition : les sujets en sont religieux, mais la forme en est païenne. M. Magnin a publié.en 1847 l’œuvre de Hros-wita, qui se compose de six pièces dont voici les titres : Gallicanus, Dulcilius, Callimaque, Abraham, Paphnuce, Sapience ou Foi, Espérance et Charité. M. de Coussemaker établit ainsi la différence entre les productions de HrosTvita et le véritable drameliturgique : « Ces drames avaient une tout autre destination que le drame liturgique. Tandis que celui-ci était exécuté dans l’église, devant la foule qui puisait à cette nouvelle source la morale et les mystères de la foi, l’autre se jouait dans un monastère, devant des spectateurs choisis, appartenant à la classe lettrée de la société. Ce n’était là ni le drame populaire, ni le drame antique ; c’était un genre mixte qui ne pouvait avoir qu’une existence passagère, comme tout ce qui est transitionnel. Ce drame ne paraît pas avoir été chanté. »

— Bibliogr. Plutarque, Sympos., tome II, p. 615j Aristote, Rhétorique, lib. III, cap. n ; Diomède, De orat., lib. III, p. 4SS ; Horace, Art -poétique, vers 225 et suivants ; 1s. Casaubon, De satyrica Grœcorum poesi et Jiomanorum. salyra, éd. cum notis J.-J. Ràrabach (Halle, 1774, in-S") ; Pr. Plogel, Histoire de la littérature comique (Liegnitz, 17S-1-1787, in-go) ; J.-G. Buhle, Prolusio de fabula satyrica Grœcorum (Gœttingue, 1783, in-8o) ; H.-C.-A. Eichstsedt, De dramate eomico-satyrico (Leipzig, 1793, in-8o) ; G. Hermann, Epi-

DRAM

stola de dramate comico-satyrico (Leipzig, 1801, in-8«) ; G. Pinzger, De dramatis Grœcorum satyri origine (Breslau, 1822, inr8°) ; W. Genthe, le Cyclope d’Euripide, avec un traité esthétique sur le drame satirique, en allemand (Halle, 1828, in-S°) ; Rossignol, Essai sur le drame satirique, thèse (Paris, 1830, in-4o) ; Ch. Magnin, Drame hiératique et populaire en Grèce (15 mars 1838) ; Drame aristocratique (w avril 1S38) ; L. de Viel-Castel, Drame historique en Espagne (l« novembre 1840) ; Drame religieux en Ëspagne (15 juillet 1840) ; G. Planche, Comédie et drame (i« avril l85î) ; V. Talma, Réflexions sur Lekain et l’art théâtral, dans la collection des Mémoires sur l’art dramatique (6 vol. in-12) ; Saint-Marc Girardin, Cours de littérature dramatique ; Patin, Drame satirique chez les Grecs (1er août is43).

Dratuti d’une vie (ms), poème anglais d’Alexandre Smith. La veille de la publication de son poëme, l’auteur était contre-maître dans une manufacture de Glascow ; le lendemain, il voyait ses vers acclamés, et l’université d’Édimbourg le prenait pour son secrétaire. Cette double bonne fortune lui arrivait à vingt-quatre ans, dans le pays qui avait laissé mourir dans le dênùment et l’abandon Chatterton et Keats. Nous n’avons pas la prétention d’analyser cette œuvre, qui exige, pour être comprise, une lecture attentive. Disons seulement que dans ce Drame d’une vie, qui s’intitulerait peut-être mieux le Songe d’une vie, si l’on rencontre çà et là des inexpériences de composition qui étonnent, des naïvetés, des vulgarités d’expression qui tiennent au milieu où vécut d’abord l’auteur, à côté de ces inexpériences, de ces naïvetés, de cette vulgarité, on trouve une source profonde de mélancolie, des pages émues, des vers marqués au coin de la vraie souffrance et du rêve non cherché.

Drames de lu grève (les), recueil de poésies de M. Auguste Vacquérie. La première partie, les Chantiers, a paru en 1855 (1 vol. in-18). Ce recueil, c’est la grande poésie de la mer, exprimée en vers larges et sonores, comme sait les faire l’auteur de tant d’œuvres fortes et originales, émues et railleuses, mais la poésie de la mer vue par son côté sombre et triste, désespéré. Il semble que l’exil volontaire sur les grèves àe l’Océan, qu’il s’est imposé aux côtés de Victor Hugo, ait comme grandi le talent de M. Vacquérie, élargi son souffle. C’est sans doute à de longues promenades solitaires sur les côtes de Guernesey qu’il dut l’inspiration du volume qui nous occupe, où il chante le travailleur de la mer, l’ouvrier des côtes. Un autre poète, plus goûté dans las régions académiques, M. J. Àutran, s’est aussi inspiré de la mer, mais d’une façon pour ainsi dire sentimentale ; le volume de M. Vacquérie est moins sentimental que philosophique. À propos de l’ouvrier des chantiers, il remue tous les problèmes sociaux, plus en poBté sans doute qu’en économiste, mais avec une rare énergie. Le plus souvent cette poésie revêt les teintes les plus sombres de la mélancolie, mais d’une mélancolie virile. Dans un de ces chants, deux ouvriers se disputent un tronc d’arbre ; le premier veut en iaire un navire ; quel plus beau travail pour l’homme que colui-là 1

Oh ! la mer est un gouffre et le ciel est un gouffre. L’homme se jette entre eux. Pourquoi ? Parce qu’il souffre.

Et de quoi souffre-t-il ? C’est de ne pas aimer. Nous avons entre nous la montagne et la mer. Des douaniers et puis des préjugés sans nombre, Des frontières de terre et des frontières d’ombre, Et chacun est tout seul au monde, et quand les rois Partagent les habits de la Pologne en croix, [mes Les peuples laissent faire etrépondent : «Koussom-Anglais, Français, Chinois !■ Ah ! vous êtes des hom-Et tous ayant trahi sont trahis à leur tour, [mes ! Et tous manquent de force ayant manqué d’amour... Qui relira les cœurs à travers les climats ? Qui rejoindra les mains ? Eh bien.’lïest le trois-mâts. Dès qu’il a touché l’eau, les hommes sont ensemble, Le Brésil est au Havre ! Oui, mon navire semble Transporter aujourd’hui du riz, demain du thé. Et transporte toujours de la fraternité !

Le second ouvrier a des pensées plus tristes ; le navire qu’il veut faire, c’est un cercueil :

Moi, je n’ai pas besoin de plus de quatre planches Et je vais te tailler dans une de ces branches Un navire solide et qui, je t’en réponds, Fera plus de chemin que trois-mats et trois-ponts ! Aller du chaud Bengale a l’Islande glacée Voilà ce que tu prends pour une traversée ; Du Rhin au Gange ! Enfant, qui te crois charpentier. Apprends de moi qu’il n’est sur terre qu’un chantier, Le cimetière ! Là, sans crainte qu’il chavire, Par la brume et le* vent je lance mon navire ! Non dans ta mer, cuvette où mes morts en chemin N’auraient pas assez d’eau pour se laver la main. Mais dans la mer terrible où frissonnent les voiles, Où souffle le mystère, où sombrent les étoiles.

Voilà de la poésie nerveuse et solide. Après Victor Hugo, M. Vacquérie est un de ceux qui savent le mieux plier le vers français, le forcer à prendre toutes les inflexions et toutes les tournures ; un des rares écrivains qui savent allier le familier au grandiose et

Êarler à l’imagination dans une belle langue, e volume des Drames de la grève a sur les autres poésies de M. Vacquérie le mérite d’être moins inégal et de ne pas promener le

DRAM

lecteur effarouché, des conceptions poétiques les plus élevées aux hardiesses singulières d« Tragaldabas.

Drames et poème», par M. Julien Daillière, 1S59. Ce volume comprend diverses pièces, dont la plupart ont obtenu des couronnes académiques. Les deux principales sont : André Chénier, drame en trots actes, et Napoléon et Joséphine, drame en’cinq actes. Le premier a été représenté sur le théâtre de l’Odéon le 27 décembre 1843 ; le second, reçu au Théâtre-Français en 1848, n’y fut pas joué et fut porté sur la scène de l’Ambigu-Comique (9 septembre 1848). Le drame d’André Ché* nier n’est pas sans valeur. Un intérêt vraiment peignant s’attache aux derniers jours du poSte que l’échafaud va ravir à la gloire et que l’amour berce d’une suprême illusion. L’histoire fournissait le double élément de la pitié et de la terreur ; l’imagination n’avait que le choix des péripéties et des incidents pathétiques. Les combinaisons auxquelles s est arrêté M. Daillière sont simples et les effets en sont puissants ; on ne peut trop louer celle qui rapproche sous les voûtes de la Conciergerie les deux Chénier et leur père.

La pièce intitulée Napoléon et Joséphine n’est pas aussi heureuse et semble une répétition affaiblie de Titus et de Bérénice ; c est toujours l’abnégation d’une âme bonne et affectueuse réclamée et obtenue par l’égoïsme politique. Les petits poëmes qui terminent le volume sont très-réussis ; nous citerons surtout les deux qui ont obtenu successivement le prix de poésie : les /lestes de saint Augustin rapportés à Hippane et la Guerre d’Orient. Ce sont deux modèles du genre académique : noblesse de la pensée, bonheur des allusions, éclat des images, variété du rhythme, sonorité de la strophe, aucun élément de succès ne manque à ces vers, que déparent à peine quelques irrégularités de détail.

Drame électoral (un), roman de mœurs, par M. J.-M. Gagneur (1SG3). Balzac et M. Louis Reybaud avaient déjà abordé le sujet des élections en province et des intrigues auxquelles elles donnent lieu, mois d’une manière générale, uniquement pour peindre un tableau, sans but politique. M. Gagneur paraît moins préoccupé de créer une œuvre littéraire que de fournir une arme à la politique libérale du jour, et cependant c’est la partie romantique qui intéresse le plus dans son œuvre. Deux candidats à la députation se trouvent en présence dans la ville de C... L’un est Maurice Mérieul, un jeune homme de talent, mais malheureusement fils naturel ; l’autre, Victor de Castelneux, un viveur hypocrite, qui feint de ^être converti pour obtenir l’appui du clergé et de la ridicule copie du faubourg Saint-Germain qui se trouve k C... Comme dans toute petite ville de province, Maurice n’a pour protecteurs que son mérite et un vieux médecin, M. Berthaud ; Victor est secondé par les légitimistes, le clergé et les intrigues des dévotes de C... Maurice, pour triompher, n’emploie que son éloquence ; Victor ne recule devant aucun scandale, aucune infamie, il va jusqu’à acheter une créance de son adversaire pour le faire arrêter la veille de l’élection. Un autre motif redouble l’animosité des deux jeunes gens : rivaux en politique, ils Te sont encore en amour. La cousine de Victor, Eveline, noble cœur sous la. frêle enveloppe d’une jeune tille, aime Maurice et refuse d’épouser Victor.

Maurice obtient la pluralité des suffrages, mais pas avec une majorité suffisante pour être élu. Son compétiteur fait alors agir le ban et l’arrière-ban de son parti. Tous les ressorts sont rais en jeu : la mère de Maurice arrive pour assister au triomphe de son fils ; les Castelneux s’agitent et montent une cabale contre ■ cette femme perdue, ■ comme ils l’appellent. Grâce à toutes ces turpitudes, Victor l’emporte, mais Eveline, fidèle, comme Caton, à la cause du vaincu, s’échappe la nuit pour aller le consoler de sa défaite. La mère de Maurice, auprès de qui elle s’est réfugiée, la ramène malgré elle à sa famille et apprend en arrivant l’arrestation de son fils, accusé de rapt par M. de Castelneux r qui n’est autre que son père. C’est ce vertueux vieillard en effet qui, alors qu’il était jeune et brillant cavalier, a séduit et lâchement abandonné Henriette Simercy, la mère de Maurice. Celui-ci, ne pouvant provoquer l’homme qu’il méprise, mais auquel il doit le jour, part et se console dans le travail, tandis qu’Ev.eïine, devenue la femme de Victor, s’étiole et meurt.

Telle est l’histoire émouvante que M. Gagneur a donnée pour cadre à son étude électorale. Elle intéresse vivement, et, par cela même, elle nuit à l’effet que voulait produira l’auteur. La richesse du cadre écrase le tableau. Comme œuvre politique, le Drame électoral n’est pas aussi heureusement conçu. Les couleurs sont trop chargées pour paraître naturelles, et l’auteur risque de ne rien prouver en voulant trop prouver. Son style n’est pas à la hauteur de ses idées ; c’est encore un défaut que nous regrettons d’autant plus vivement que nous ne saurions qu’applaudir à ses opinions politiques, qu’il a résumées dans la profession de foi de Maurice ; « Je voudrais servir mon pays dans la mesure de mes forces, utiliser à son profit mes études sérieuses. Je voudrais l’aider à combattre cette faction cléricale qui a juré la ruine des principes