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le principe de causalité. ■ Il est nécessaire que tout ce qui naît provienne d’une cause ; toute naissance qui n’aurait pas de cause est impossible... Le monde a pris naissance, puisqu’il est visible, tangible et corporel : toutes ces qualités sont sensibles ; or, ce qui est sensible, étant saisi par l’opinion à l’aide des sens, apparaît comme naissant et produit... L’univers étant la plus belle des choses produites, sa cause est la plus parfaite des causes. Il a donc été fait sur un modèle immuable, que comprennent la raison et la sagesse. » Co modèle, ce sont les idées archétypes que l’intelligence divine connaît et copie. Mais quel motif a porté l’auteur de toutes choses à produire et à composer cet univers ? « Il se montra bon, dit Platon ; or, celui qui est bon reste toujours étranger à toute sorte d’envie : en étant donc exempt, il voulut que toute chose lui ressemblât autant que possible. » Dans ces passages, nous voyons évidemment l’idée d’un Dieu unique, parlait, souverainement intelligent, sage et bon ; d’un Dieu cause formatrice et organisatrice du monde.

Au dixième livre des Lois, Platon nous donne une preuve nouvelle de l’existence de Dieu par la nécessité d’un premier moteur, d’un moteur qui se meuve lui-même. Avant ^’exposer cette preuve, Platon fait une éloquente sortie contre les athées. « Comment peut-on sans indignation se voir réduit à prouver que les dieux existent ? On ne saurait s’empêcher de voir de mauvais œil et de haïr ceux qui ont été et sont encore aujourd’hui cause de la discussion où nous allons entrer. Quoi ! ils se sont montrés dociles aux leçons religieuses que, dès l’enfance, ils ont sucées avec le lait, qu’ils ont entendues de la bouche de leurs nourrices et de leurs mères ; leçons pleines de charme, qui leur étaient données, tantôt on badinant, tantôt d’un ton sérieux ; au milieu de l’appareil des sacrifices, ils ont été présents aux prières de leurs parents ; ils ont assisté aux spectacles, toujours frappants et agréables pour les enfants, dont les sacrifices sont accompagnés ; ils ont été témoins des victimes offertes aux dieux par leurs parents, avec la plus ardente piété, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, et des vœux et des supplications qu’ils ont adressés à ces mêmes dieux, d’une manière qui montrait combien était intime en eux la persuasion de leur existence ; ils savent ou voient de leurs yeux que les Grecs et les barbares se prosternent et adorent les dieux au lever et au coucher du soleil et de la lune, dans toutes les situations heureuses ou malheureuses de leur vie ; ce qui démontre combien tous ces peuples sont convaincus de l’existence des dieux, combien ils sont même éloignés d’en douter ; et maintenant, au mépris de tant de leçons, et sur des motifs destitués de toute solidité, comme le pensent tous ceux qui ont quelque étincelle de bon sens, ils nous forcent à tenir le langage que nous leur tenons I Qui pourrait consentir à instruire doucement de pareilles gens, et recommencer à leur enseigner qu’il existe des ■ dieux ? 11 faut toutefois essayer de leur parler de sang-froid, afin qu’il ne soit pas dit que, tandis que l’ivresse des passions les fuit déraisonner, nous déraisonnons nous-mêmes, par l’indignation dont nous sommes animés contre eux. Adressons donc à ceux dont l’esprit est gâté par de tels principes cette instruction paisible ; prenons à part quelqu’un de ces libertins, et, étouffant tout mouvement de colère, disons-lui doucement : Mon fils, tu es jeune : avec l’âge tu changeras de sentiment sur bien des choses, et tu en prendras de contraires à ceux où tu es aujourd’hui. Attends jusqu’à ce moment pour prononcer sur l’objet le plus important, de la vie. Ce que tu regardes maintenant comme de nulle conséquence est, en effet, ce qu’il y a de plus intéressant pour l’homme, je veux dire d’avoir sur la Divinité des idées justes, d’où dépend sa bonne ou sa mauvaise conduite. Et d’abord, je ne crains point qu’on m’accuse de mensonge, lorsque je te dirai à ce sujet une chose digne de remarque, qui est que ni toi ni tes amis vous n’êtes point les premiers à penser comme vous faites sur le compte des dieux, et que dans tous les temps il y a eu tantôt plus, tantôt moins de personnes attaquées de cette maladie. Sur quoi, je puis t’assurer, pour en avoir été témoin par rapport à plusieurs, qu’aucun de ceux qui, dans leur jeunesse.onteru qu’il n’y avaitpointde dieux, n’a persisté jusqu à la vieillesse dans ce sentiment. >

Platon s’indigne, comme on voit, d’être obligé de prouver la Divinité. Que cette précieuse croyance ri’est-elle encore, comme autrefois, vierge au sein des âmes, immaculée, hors des atteintes du doute et de la discussion ! Un Dieu incontesté, qui aurait inoins besoin des armes de sa subtile dialectique, ferait mieux son affaire, fournirait une base plus solide à son système de morale et de politique. Mais le doute et la discussion ont tout envahi ; les liens traditionnels de famille et de cité, la poésie touchante du culte domestique et du culte public n’ont pu arrêter le torrent. Le temps est malheureusement venu où la croyance est tenue de se légitimer, de se justifier elle-même devant la raison. Les impies vont invoquant en faveur de leurs négations des arguments qui font impression sur les esprits légers et sans instruction, et qu’il faut bien, si répugnante que soit cette besogne, réduire a leur juste valeur. Ne

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disent-ils pas que trois principes peuvent être assignés aux choses, la nature, ou nécessité, le hasard, et l’art ; — que le feu, l’eau, la terre et.l’air sont les productions de la nature et du hasard, et que 1art n’ya aucune part ; — que de l’impulsion et des rencontres fortuites de ces éléments, et de l’arrangement qu’ils prennent, conformément à leur nature, dans leurs mélanges, se sont formées toutes les choses que nous voyons, le ciel entier avec tous les corps célestes, les animaux et les plantes, avec 1 ordre des saisons que cette combinaison a fait éclore ; — qu’il n’y a dans tout cela ni intelligence, ni divinité, ni règle de l’art ; — que l’art, postérieur à la nature et au hasard, dont il tient l’existence, inventé par des êtres mortels, et mortel lui-même, a donné longtemps après naissance à ces vains jouets qui ont à peine quelques traits de la vérité, par exemple, aux ouvrages delà peinture, de la poésie, de la musique, etc. ; — que les dieux n’existent point par nature, qu’ils sont le produit de ïarl ; — qu’ils sont différents chez les différents peuples, selon que chaque peuple s’est entendu avec lui-même en les établissant ; — que l’honnête est autre suivant la nature, autre suivant la loi ; — que pour ce qui est du juste, rien absolument n’est tel par nature, mais que les hommes, toujours partagés de sentiments à cet égard, font sans cesse de nouvelles dispositions par rapport aux mêmes objets ; — que ces dispositions sont la mesure du juste pour autant de temps qu’elles durent, tirant leur origine de l’art et des lois, et nullement de la nature ? Il faut enfin répondre à ces maximes pernicieuses qui vont à détruire, avec la religion, la morale et les lois, et à introniser sur ces ruines le droit sauvage du plus fort.

Le raisonnement de Platon a pour but de montrer que les systèmes qui ont donné naissance à l’impiété ont renversé l’ordre des choses en refusant la qualité de premiers principes à l’intelligence, à l’art, à la loi, et en prétendant que les premiers êtres engendrés sont les corps. La comparaison de mouvements qui se produisent sous nos yeux prouve que c’est l’âme qu’il faut placer à l’origine de toutes choses.

« L’Athénien. Distinguons deux espèces de mouvements : l’une, des substances qui peuvent communiquer leur mouvement à d’autres, mais qui n’ont jamais la force de se mouvoir d’elles-mêmes ; l’autre, des substances qui se meuvent toujours elles-mêmes, et ont la vertu de mettre en mouvement d’autres substances par la composition ou la division, l’augmentation ou la diminution, la génération ou la corruption... Laquelle de ces deux espèces de mouvements devons-nous mettre au dessus de l’autre, comme étant incomparablement plus puissante et plus active ?

Clinias. Il est incontestable que l’espèce qui tient d’elle-même la force de se mouvoir 1 emporte infiniment...

L’Athénien. Faisons-nous encore une question, et essayons d’y répondre. Si, comme l’osent avancer la plupart de ceux à qui nous avons affaire, toutes les choses existaient ensemble dans un parfait repos, par où le mouvement devrait-il nécessairement commencer ?

Clinias. Par ce qui se meut de soi-même, puisqu’il est évident que rien ne peut le faire changer d’état avant ce moment, car avant son action il n’arrive aucun changement dans tout le reste.

L’Athénien. Nous dirons donc que le principe de tous les mouvements, de tous les changements, soit passés dans ce qui est maintenant en repos, soit actuels dans ce qui se meut, est le principe qui a la vertu de se mouvoir lui-même... Lorsque cette automotion se rencontre dans une substance quelconque, comment dirons-nous que cette substance est affectée ?

Clinias. Ne me demandez-vous pas si nous disons de cette substance qu’elle est vivante, lorsqu’elle se meut ainsi d’elle-même ?

L’Athénien. Oui, si elle est vivante.

Clinias. Sans contredit.

L’Athénien. Mais quoi ! lorsque nous voyons des substances animées, ne faut-il pas reconnaître que le principe de la vie en elles est l’âme ?

Clinias. Ce ne peut être autre chose...

L’Athénien. Quelle est la définition de ce qu’on appelle âme ? En est-il une autre que celle qu’on vient d’assigner, savoir : une substance qui a la faculté de se mouvoir elle-même ? ... Or, n’en résulte-t-il pas clairement que l’âme est la même chose que le premier principe de la génération et du mouvement, de la corruption et du repos, dans tous les êtres passés, présents et à venir ? Et n’avionsnous pas raison de dife que l’âme a existé avant le corps ?... Ne faut-il pas convenir encore que l’âme qui habite en tout ce qui se meut, et en gouverne les mouvements, régit aussi le ciel ?

Clinias. Oui.

L’Athénien. L’âme gouverne donc tout ce qui est au ciel, sur la terre et dans la mer, par les mouvements qui lui sont propres, et que nous appelons volonté, examen, prévoyance, délibération, jugement vrai ou faux, joie, tris* tesse, confiance, crainte, aversion, amour, et par les autres mouvements semblables, qui sont les premières causes efficientes, et qui, mettant en œuvre les mouvements des corps,

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comme autant de causes secondes, produisent dans tous- les êtres sensibles l’accroissement ou la diminution, la composition ou la division, et les qualités qui en résultent, comme le chaud, le Iroid, la pesanteur, la légèreté, la dureté, la mollesse, le blanc, le noir, l’âpre, le doux et l’amer. Mais on peut supposer deux âmes : celle qui appelle à son secours l’intelligence pour la diriger dans l’usage des divers mouvements, et gouverne alors toutes choses avec sagesse et les conduit au vrai bonheur ; celle qui, au contraire, ne prend conseil que de 1 imprudence et de la folie. Or, de ces deux âmes supposables, quelle est celle qui nous paraît gouverner le ciel, la terre et tout cet univers ? Est-ce l’âme douée de sagesse et de bonté, ou celle qui n’a ni l’une ni l’autre de ces qualités ? Pour répondre à cette question, il faut examiner si les mouvements et les révolutions du ciel et de tous les corps célestes sont d’une nature semblable à celle des mouvements, des révolutions et des raisonnements de l’intelligence. Si c’est la même marche de part et d autre, on en doit conclure évidemment que la bonne âme gouverne cet univers, et le conduit par une voie très-parfaite.

Clinias. Fort bien.

L’Athénien. Et que, au contraire, c’est la mauvaise, si tout porte en ce monde un caractère de déraison et de désordre.

Clinias. Cela est encore certain.

L’Athénien. Quelle est donc la nature du mouvement de l’intelligence ?... De tous les mouvements, celui qui se fait dans la même place, autour du même centre, présente toute l’affinité et la ressemblance possible avec la révolution de l’intelligence, parce qu’il s’exécute d’après une règle constante et uniforme, gardant -toujours les mêmes rapports, tant à l’égard du centre que des parties environnantes, selon la même proportion et le même ordre.

Clinias. Tu dis très-bien.

L’Athénien. Par la raison contraire, le mouvement qui ne se fait jamais de la même manière, suivant les mêmes règles ; qui n’a ni centre fixe, ni aucun rapport constant avec les corps environnants, en un mot qui est sans règle, sans ordre, sans uniformité, ressemble très-bien au mouvement de l’imprudence et de la folie.

Clinias. Rien n’est plus vrai.

L’Athénien, Présentement, il n’est pas difficile de répondre d’une manière précise que, puisque l’âme imprime à tout l’univers le mouvement circulaire, il faut dire de toute nécessité que les révolutions célestes sont conduites et réglées par la bonne âme.

Clinias. D’après ce qui vient d’être dit, je ne crois pas qu’il soit permis de penser autre chose, sinon qu’une ou plusieurs âmes très-accomplies en tout genre de perfection président aux mouvements du ciel.

L’Athénien. Tu es fort bien entré dans ma pensée, mon cher Clinias. Donne encore quelque attention à ce qui suit.

Clinias. De quoi s’agit-il ?

L’Athénien. Si l’âme met en mouvement tout le ciel, n’est-elle pas le principe des révolutions du soleil, de la lune et de chaque astre en particulier ?

Clinias. Sans doute.

L’Athénien. Raisonnons sur un de ces astres, de manière que ce que nous en dirons puisse s’appliquer à tous les autres.

Clinias. Sur lequel ?

L’Athénien. Sur le soleil. Tout homme voit le corps de cet astre, mais personne n’en voit l’âme, non plus que celle d aucun animal vivant ou mort. Mais il y a toute raison de croire que cette espèce de substance est de nature a ne pouvoir être saisie par aucun de nos sens corporels, et qu’elle n’est visible qu’aux yeux de l’esprit. Essayons donc, par la seule intelligence et la réflexion, de nous en former cette idée.

Clinias. Quelle idée ?

L’Athénien. Si c’est une âme qui dirige les mouvements du soleil, nous ne pouvons guère nous tromper en assurant qu’elle le fait d’une des trois manières suivantes’ : ou bien elle est au dedans de cette masse ronde que nous voyons, et elle la transporte partout, comme notre âme transporte notre corps ; ou bien, revêtue d’un corps étranger, soit de feu, soit d’air, ainsi que quelques-uns le prétendent, elle se sert de ce corps pour pousser de force celui du soleil ; ou enfin, dégagée de tout corps, elle dirige le soleil par quelque vertu tout à fait admirable. Mais, soit que, conduisant le soleil sur un char, elle distribue la lumière aux hommes, soit qu’elle agisse sur lui par une impulsion extérieure, de quelque façon enfin et par quelque voie que cela. se fasse, chacun de nous doit regarder cette âme comme un être d’un rang supérieur, et comme une divinité. N’est-il pas vrai ?

Clinias. Sans contredit, à moins qu’on ne soit parvenu au comble de la folie.

L’Athénien. Quel autre langage tiendronsnous par rapport à la lune et aux astres, aux années, aux mois et aux saisons, sinon qu’une seule âme ou plusieurs, excellentes en tout genre de perfection, sont la cause de tout cela, et que ces âmes sont autant de dieux, soit qu’elles habitent dans des corps, et que, sous la forme d’animaux, elles règlent tout ce qui se passe au ciel, soit qu’elles s’y prennent

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d’une autre façon ? Je vous le demande maintenant : peut-on convenir de ces choses et ne pas reconnaître que l’univers est plein de dieux ?

Clinias. Non, personne n’eat assez inseniîé pour cela.

L’Athénien. Terminons donc ici notre dispute contre ceux qui ne veulent admettre aucune divinité, après leur avoir marqué les bornes dans lesquelles ils doivent se tenir pour nous répondre.

Clinias. Quelles bornes ?

LfATHÉNiEN. Il faut qu’ils nous montrent que nous avons tort de dire que l’âme est le principe de la génération de toutes choses, et de déduire toutes les autres conséquences qui suivent de là : ou, s’ils sont hors d’état de raisonner là-dessus mieux que nous, que, se rendant à nos raisons, ils vivent désormais persuadés de l’existence des dieux. »

— lit. Preuves de l’existence de Dieu selon Aristote. Disciple de Platon, Aristoto s’éloigna de la doctrine de son maître et se fraya des routes nouvelles ; le point de séparation fut la théorie des idées ; une fois dans des directions opposées, ces deux philosophes ne se rencontrèrent plus. Platon s’était préoccupé surtout de l’élément de généralité que présente la connaissance : le particulier, 1 individuel fixa surtout l’attention d’Aristote. Le philosophe de Stagyre ne conçoit pas une matière, une substance indéterminée, existant en elle-même ; il n’y voit qu’une abstraction. La matière, l’essence, la forme ne sont jamais’ séparées pour lui des individus en qui elles sont déterminées. La substance se détermine par elle-même ; par elle-même, elle se modifie sans cesse dans les individualités successives et diverses qui composent l’univers. Le monde est éternel et nécessaire ; il a toujours existé et existe toujours à l’état organisé, avec ses forces et ses lois ; il a en lui-même le principe de son mouvement, la force motrice. Mais ce monde serait éternellement comme à ljitat de sommeil, si la force motrice qui repose en lui ne recevait une impulsion puissante. Il faut donc un premier moteur, et ce premier moteur est absolument immobile ;, car, s’il se mouvait, il serait mû par quelques causes, et ces causes elles-mêmes recevraient leur iwpulsion d’autres couses ; et ainsi à l’infini, ce qui serait absurde. Ainsi, c’est du mouvement, tel que nous le percevons autour de nous, que part Aristote pour s’élever à Dieu. « Quoique les raisons qu’il allégué, dit M. Bouchitté, soient empreintes de quelque subtilité, et manquent en partie de la solidité désirable, elles sont cependant dignes de remarque, en ce qu’elles constatent le besoin de s’arrêter dans la série ascendante des causes successives de mouvement pour s’attacher à un premier moteur, qui porte, au sein de son immobilité, la virtualité nécessaire à la création du mouvement universel. Aristote a parfaitement bien vu qu’un enchaînement de mouvements de mémo nature, se déterminant les uns les autres, ne donne qu’une suite de causes à l’infin^ sans qu’on puisse jamais s’arrêter. Aussi a-t-il tenté de démontrer l’immobilité du principe moteur. S’il n’a point complètement réussi, c’est faute d’avoir distingué suffisamment l’essence du principe moteur de celle du mouvement. Il faut un point d’appui fixe au mouvement^et l’immobilité du premier principe satisfait à cette nécessité ; mais cette condition d’immobilité ne suffit pas à elle seule au moteur, car, de plus, il est cause, et la cause se résout toujours à la fin en une volonté, c’est-à-dire en un acte de l’esprit ; cette manière de concevoir nous est imposée par notre nature intellectuelle, et nous ne saurions y échapper. Aussi la difficulté n’estelle pas d’arriver au moteur immobile, ^ expressions qui ne sont nullement contradictoires. Elle résulte de l’impuissance où nous sommes de saisir le mode d’union possible entre la cause volontaire spirituelle et les corps naturellement inertes. Mais ici le fait commande ; l’expérience journalière des mouvements imprimés à la matière par la volonté ne permet pas de s’arrêter au problème de leur dépendance, encore qu’il ait paru jusqu’ici à peu près insoluble. Ce qui, dans la distinction que nous avons faite, satisfait d’une part à 1 immobilité nécessaire du principe moteur, et de l’autre à la nécessité que le mouvement commence en lui, c’est que la volonté, encore qu’elle puisse être considérée comme un mouvement, n’est pas l’être lui-même, mais un attribut de l’être ; ce qui suppose en celui-ci la possibilité de mettre cette faculté en exercice ou de la laisser en repos. L’objet matériel, la bille, par exemple, qui pousse une autre bille, ne se distingue pas en quelque sorte elle-même du mouvement qui l’entraîne, elle y est momentanément tout entière ; mais non-seulement l’être intellectuel distingue sa volonté du mouvement dont elle est cause, mais il se distingua lui-même de la volonté qu’il a conçue et qu’il produit. Son indépendance, sa spontanéité restent entières, et nous le concevons parfaitement, parce que ce phénomène s’accomplit en nous à chaque instant. Ainsi donc, dans la série ascendante des causes successives de mouvement, nous sommes forcés de nous arrêter à un premier moteur, immobile si nous le considérons en lui-même, et dans lequel cependant commence la mobilité. Nous aurions tort, sans doute, de donner toutes ces considérations comme