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mourir, en avait fait le dépôt à M. do Beauvilliers, dont la veuve le restitua au marquis de Fénelon.

Si le Télémaque avait offensé l’orgueil de Louis XIV, les Directions pour la conscience d’un roi auraient plus vivement irrité ce caractère ombrageux ; le monarque aurait trouvé a chaque page la censure de son amour du faste, de cette passion de la gloire, de cette ambition des conquêtes, de ces usurpations injustes, de ce goût des plaisirs, de cette complaisance a l’adulation et de cette ivresse du pouvoir absolu qui avaient trop marqué les premières années de son règne. L’abbé Maury fait erreur quand il assure, dans l’Éloge de Fénelon, que le roi lut ces trente-sept directions avec M°"î de Maintenon. En 1734, le marquis de Fénelon, ambassadeur ft La Haye, voulut publier les Directions sous forme d’appendice à la magnifique édition de Télémaque que l’on préparait, à Amsterdam. Le livre était déjà imprimé, quand le ministre Fleury ordonna la suppression de tous les exemplaires. Fatigué des querelles issues de la bulle Unigenitus, le cardinal craignit de voir renaître de nouvelles disputes au sujet du quiétisme, et, d’autre part, il pensait que la morale des Directions, très-édinante entre un confesseur et son pénitent, pourrait contrarier en quelques circonstances les vues politiques du gouvernement. Heureusement plusieurs exemplaires échappèrent au pilon ; en 1747, les Directions furent imprimées à part, à La Haye, et, en 1774, Louis XVI en ordonna une nouvelle impression.

Dans ses Directions, Fénelon se fait le défenseur de la tolérance religieuse et du droit national contre le pouvoir arbitraire et absolu en matière de gouvernement et de croyances. Ces principes n’auraient pas surpris sous la plume d’un protestant ou d’un philosophe comme Bayle, mais de la part d’un prélat de l’Église romaine ils frappent et plaisent par la sincérité et la noblesse de celui qui les soutient. Le but de Fénelon était d’autant plus louable

Ïu’il s’adressait au successeur présomptif de louis XIV ; or, il était utile de retracer les devoirs de la royauté et de rappeler les droits des sujets à une époque ou la monarchie française n’avait point de statut fondamental, de code politique écrit, bien que de fait elle possédât une constitution dans des lois traditionnelles et des coutumes que le temps n’avait pu modifier. « L’amour du peuple, disait Fénelon, le bien public, l’intérêt général do la société est la loi immuable et universello des souverains. Cette loi est antérieure à tout contrat : elle est fondée sur la nature même ; elle est la source et la règle sûre de toutes les autres lois. Celui qui gouverne doit être le premier et le plus obéissant à cette loi primitive ; il peut tout sur les peuples, mais cette loi doit pouvoir tout sur lui ; le père commun de la grande famille ne lui a confié ses enfants que pour les rendre heureux. 11 veut qu’ifn seul nomme serve par sa sagesse a la félicité de tant d’hommes, et non que tant d’hommes servent par leur misère a natter l’orgueil d’un seul. Ce n’est point pour lui-même que Dieu l’a fait roi ; il ne l’est que pour être l’homme des peuples. Le despotisme tyrannique des souverains est un attentat sur les droits de la paternité humaine ; c’est renverser la grande et sage loi de la nation, loi dont ils ne doivent être que les conservateurs. Le pouvoir sans bornes est une frénésie qui rume leur propre autorité. On peut, en conservant la subordination des rangs, concilier la liberté du peuple avec l’obéissance due au souverain, et rendre les hommes, tout ensemble, bons citoyens et fidèles sujets, soumis sans être esclaves et libres sans être effrénés. L’amour do l’ordre est la source de toutes les vertus politiques aussi bien que de toutes les vertus divines. »

Fénelon ne se borne pas à ces vues générales ; ses Directions passent sommairement en revue tous les devoirs du prince, et, par conséquent, tous les droits des sujets. Rien n’y est oublié, ainsi que le fait remarquer M. Nisard : « Le plus bel ouvrage de direction qui soit sorti de la plume de Fénelon, dit-il, est l’Examen de conscience sur les devoirs de la royauté. C’est la royauté au tribunal du directeur spirituel ; c’est Fénelon confessant le duc de Bourgogne devenu roi. Cet examen embrasse tous les actes quelconques et toutes les pensées possibles d un roi. La paix, la guerre, les traités, l’administration, le pouvoir des ministres, le commerce, les bâtiments : c’est trop peu ; les transactions du roi avec ses sujets, les acquisitions payées en rentes, les galériens, la paye des troupes, les enrôlements, lesquels doivent se faire « par un choix dans chaque village de tous les s jeunes hommes libres dont l’absence ne nuirait en rien au labourage ni au commerce ; » que sais-je ? mille autres points y sont touchés, où l’archevêque décide moins en confesseur parlant tout bas au tribunal de la pénitence qu’en premier ministre agissant à la table du conseil. • Nous citerons deux passages célèbres qui édifieront nos lecteurs sur la justesse de l’appréciation de M. Nisard. Fénelon veut faire voir combien il est dangereux a un monarque de s’en rapporter uniquement à ceux qui sont en possession de sa confiance : « Il n’est point permis do n’écouter et de ne croire qu’un certain nombre do gens : ils sont certainement hommes, et, quand ils seraient incorruptibles, du moins Us ne sont pas infaillibles. Quelque confiance

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que vous ayez en leurs lumières et en leurs vertus, vous êtes obligé d’examiner s’ils ne sont point trompés par d’autres et s’ils ne s’entêtent point. Toutes les fois que vous vous livrez à un certain nombre de personnes qui sont liées ensemble par les mêmes intérêts ou par les mêmes sentiments, vous vous exposez volontairement a être trompé et à faire dea injustices. » Le second passage a trait à la liberté de conscience : « Sur toute chose, ne forcez jamais vos sujets à changer de religion. Nulle puissance humaine ne peut forcer le retranchement impénétrable de la liberté du cœur. La force ne peut jamais persuader les hommes ; elle ne fait que des hypocrites. Quand les rois se mêlent de religion, au lien de la protéger, ils la mettent en servitude. Accordez à tous la tolérance civile, non en approuvant tout comme indifférent, mais en souffrant avec patience ce que Dieu souffre, et en tâchant de ramener les hommes par une douce persuasion. » On conçoit que l’homme qui avait signé la révocation de l’édit de Nantes ait voulu détruire un ouvrage dans lequel se trouvait une si accablante réprobation de son crime. « Ce n’est pas, dit La Harpe, la moindre partie de la gloire do Fénelon d’avoir été I apôtre de la tolérance sous un règne de persécution ;• et, si nous sommes affligés de voir un Bossuet préconiser la persécution de Louis XIV, nous aimons davantage un Fénelon qui a osé la condamner. »

Le seul tort des Directions est qu’elles ne sont pas toujours pratiques. Impuissant à concilier la sévérité chrétienne avec la morale facile de la politique et la raison d’État, l’auteur tombe dans des inconséquences dont il ne se tire que par des rêveries. Bossuet lui est bien supérieur en tout ce qui regarde la direction politique d’un monarque, ou en ce qui a trait à l’administration. Mais il était beau, sous le règne arbitraire de l’absolu Louis XIV, de chercher une application de la morale chrétienne à la science de gouverner, et de montrer dans le droit et la justice un remède aux maux qui affligent les nations courbées sous le joug d’un tyran, ou seulement livrées a l’orgueil d’un seul homme. En comprenant que le temps était venu de rajeunir et de retremper le pouvoir royal au contact de la nation, Fénelon a vu plus loin et plus juste que Louis XIV et Bossuet, ces deux esprits si peu chimériques. « Les admirables Directions de Fénelon, livre si différent de la Politique sacrée de Bossuet, dit M. Demogeot, rendront sa mémoire éternellement chère à tous les amis d’une sage liberté. »

DIRECTION (îles de la), groupe de petites îles, sur la côte N.-E. de l’Australie, près du cap Flattery, par 14» 25’ de lat. S. et 143» 10’ de long. E., a environ 48 kilom. du continent. Elles sont en général de forme conique. 11 Ile de l’océan Indien, faisant partie du groupe des lies Kelling ; lat. S. 12» 5’24" ; long. E. 94» 33’. il Ile de la mer de Chine, sur la cote S.-O. de Bornéo ; lat. N. 0° 15’ ; long. E. 105» 52’. Il Cap de l’Australie, sur la côte orientale de la péninsule du Cap York ; lat. S. 12° 51’ ; long. E. 142° 13’. || Cap de la terre de Van-Diemen, situé à l’entrée du fleuve Dérivent ; lat. S. 430 3’ ; long. E. 14E<> 14’. •

DIRECTOIRE s. m. (di-rè-ktoi-re — du lat. directus, dirigé). Admin. Conseil ou tribunal chargé d’une direction publique : Le directoire fédéral de ta Suisse.

— Jurispr. "Juridiction de Strasbourg, qui connaissait en première instance des affaires relatives aux gentilshommes, et en appel des causes jugées en première instance par les juges seigneuriaux.

— Hist. Conseil chargé en Suisse de l’administration générale des affaires de la confédération : Le directoire fédéral. II Conseil d’administration créé, par la Constituante, au chef-lieu de chaque département.

— Liturg. Petit livre dont les ecclésiastiques se servent pour régler, pendant toute une année, la maniera de dire l’office et de célébrer la messe.

— Fr.-maçonn. Directoires écossais, Divisions territoriales créées dans le système de la maçonnerie écossaise templière du régime de la Stricte Observance.

— Encycl. Directoire d’Alsace. Les nobles de la basse Alsace avaient été reconnus au traité de Munster comme dépendant immédiatement de l’Empire. Par ce fait, ils avaient le droit de former un conseil qui, composé de

— quelques-uns de leurs membres, s’occupait des affaires communes pour le maintien des prir viléges de l’ordre de la noblesse. Au mois de novembre 1G51, cette noblesse, mal disposée pour Louis XIV, dont elle craignait le despotisme, s’assembla et établit un directoire pareil à ceux dos autres noblesses immédiates de l’Empire (Souabe, Frnnconie, cercle du Rhin). L’empereur Ferdinand III approuva la création de ce tribunal par lettres patentes du 10 juin 1652. Cette opposition au roi de France cessa après les arrêts de réunion en 16S0. Louis XIV, dont les nobles de la basse Alsace reconnurent alors la suzeraineté, les confirma dans tous leurs privilèges, et entre autres dans celui d’avoir un directoire. -Il donna à ce tribunal, qui s’assemblait une fois par semaine, le pouvoir de juger tous les différends des gentilshommes et des habitants de leurs terres, tant au civil qu’au criminel,

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et lui attribua la même juridiction que celle qu’avaient en France les présidiaux. Toutelois, la noblesse ne pouvait tenir aucune autre assemblée générale ni particulière sans la permission écrite du roi. Elle était, d’ailleurs, autorisée a lever annuellement sur ses vassaux une somme de 15,74* livres pour l’entretien de la maison où se tenaient les séances et pour les honoraires des membres du d>recioire.

Cette juridiction subsista jusqu’en 1789, où elle disparut, en même temps que la constitution que la ville de Strasbourg s’était donnée en 1482.

Directoire de département. D’après la constitution de 1791 et les lois et décrets s’y rattachant, chaque département était dirigé par un corps administratif élu composé de trente-six membres (ce qu’on nomme aujourd’hui conseil général) ; ce corps se divisait, pour les nécessités de l’administration, en conseil proprement dit et en directoire, nommé à la fin des sessions par les administrateurs, pour suppléer le conseil pendant les intervalles. Ce directoire se composait de huit membres ; la durée de leurs fonctions était de quatre ans ; ils étaient renouvelés par moitié tous les deux ans, à tour d’ancienneté. La session du conseil ne durant qu’un mois chaque année, le directoire était en exercice pendant onze mois et demeurait chargé do l’exécution des arrêtés et de l’expédition de3 affaires courantes. Chaque année, il devait rendre compte de sa gestion au conseil de département. Il correspondait avec le ministre de l’intérieur, lui adressait tous les mois un état raisonné des affaires du département, et recevait directement les ordres du Corps législatif et du roi concernant l’administration générale du royaume. Il avait principalement pour mission de répartir les contributions directes et d’en surveiller la levée et l’emploi. Il s’occupait aussi de l’administration générale et contrôlait tous les actes des conseils et directoires de district du département. Le roi avait le droit d’annuler les actes des directoires de département, et il pouvait même, dans certains cas, suspendre les directeurs de leurs fonctions, mais en donnant connaissance de ses motifs à l’Assemblée nationale, qui pouvait confirmer ou lever la suspension.

Directoire de district. Il était composé de quatre administrateurs, les huit autres formant le. conseil de district (correspondant à notre conseil d’arrondissement). C’était une sorte de commission exécutive, analogue au directoire de département, auquel il était subordonné pour toutes les questions administratives (v. ci-dessus). Les membres du directoire de district étaient élus, comme ceux du directoire de département, par l’administration dont ils faisaient partie, et renouvelés de même par moitié tous les deux ans. Ils rendaient compte de leur gestion au conseil de district, à 1 ouverture de ta session annuelle, et siégeaient ensuite avec voix délibérative.

— Fr.-maçonn. Les directoires écossais étaient comparables aux provinces de l’ordre des jésuites. En voici la liste avant et après le convent tenu à Wilhelmsbad en 1782 (v. convents maçonniques) : 1° avant le convent, le régime possédait les directoires ou provinces suivantes : Aragon, Bordeaux ou Occitanie ou Languedoc, Lyon ou Auvergne, Strasbourg ou Bourgogne, Grande-Bretagne, Allemagne supérieure, basse Allemagne, Grèce et Archipel ; 2° après la réforme qui métamorphosa les Templiers écossais en. Chevaliers bienfaisants de la Cité sainte au convent de Wilhelmsbad, le nouveau régime posséda les directoires de la basse Allemagne, d Auvergne, d’Occitanie, d’Italie et Grèce, de Bourgogne et Suisse, d’Allemagne supérieure, d’Autriche et Lombardie, de Russie, de Suède.

En 1775 et 1776, les directoires écossais de Lyon, de Bordeaux et de Strasbourg firent un traité d’union avec le Grand-Orient de France, en stipulant la conservation de leur régime. Le directoire de Septimanie, siégeant à Montpellier, contracta une alliance semblable en 1781. En 1805, ces traités furent renouvelés ; il existait encore en France trois directoires : Auvergne, Septimanie et Bourgogne, siégeant S Lyon, à Montpellier et à Besançon. Aujourd’hui, le dernier vestige de ces directoires est le chapitre préfectoral de Bourgogne, attaché à la loge de Besançon. C’est au mot Stricte Observance que le lecteur trouvera tout ce qui a trait à ce régime maçonnique.

DIBECTOIRE, gouvernement qui succéda en France à celui de la Convention nationale. Cette assemblée se sépara le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), après avoir siégé trois ans et un mois. Une nouvelle période s’ouvre et s’étend jusqu’au 18 brumaire, jusqu’au Consulat ; cette période a reçu le nom de Directoire, qui était celui de la commission exécutive chargée du gouvernement, en vertu de la constitution de l’an III.

Les directeurs, au nombre de cinq, furent désignés, suivant la loi, j>ar le conseil des Anciens, sur une liste déwcandidats décuple présentée par le conseil des Cinq-Cents. Ils sortirent de l’urne dans l’ordre suivant : La Réveillère-Lépeaux, Letourneur (de la Manche), Rewbeïl, Sieyès, Barras. Sieyès n’ayant pas accepté, un autre scrutin fut ouvert, et Carnot fut élu pour compléter la liste. Le Directoire exécutif de la République se

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trouva donc définitivement composé de cinq régicides, anciens conventionnels. Ces choix avaient été concertés entre les conventionnels, qui formaient encore la majorité des deux conseils. En présence des audaces do la réaction royaliste, lo parti de la Révolution prenait naturellement ses sûretés et ses garanties.

Rappelons en deux mots quelles étaient les attributions du Directoire. Ses membres devaient être âgés de quarante ans au moins et ne pouvaient être choisis que parmi les citoyens ayant été membres au Corps législatif ou ministres. Ils étaient renouvelés partiellement par l’élection d’un nouveau membre chaque année ; le sort désignait celui qui devait cesser ses fonctions. Aucun membre sortant ne pouvait être réélu qu’après un intervalle de cinq années. Chaque membre

avait, à tour de rôle, la présidence du Directoire pendant trois mois ; trois directeurs au moins étaient nécessaires pour valider les délibérations.

Le Directoire était chargé de pourvoir à la sûreté extérieure et intérieure de la République ; il conduisait les négociations, signait les traités, sauf ratification par le Corps lé fislatif ; promulguait les lois et autres actes u Corps législatif ; disposait do la force armée, mais sans jamais pouvoir la commander directement, ni collectivement, ni par aucun de ses membres. Il nommait les généraux en chef, les ministres (pris hors de son sein) et généralement tous les fonctionnaires dont la nomination n’était pas élective, et surveillait l’exécution des lois par la nomination de commissaires auprès des administrations et des tribunaux. Il pouvait également suspendre les administrations et annuler leurs actes. Aucun membre du Directoire ne pouvait sortir du territoire de la République, si ce n’est deux ans après la cessation de ses fonctions ; il ne pouvait également s’absenter plus de cinq jours ni s’éloigner au delà do quatromy* riamètres du lieu de résidence du gouvernement sans une autorisation expresse du Corps législatif.

Le Directoire avait une garde composée de 120 hommes à pied et 120 hommes h. cheval ; il communiquait avec les conseils au moyen de messagers d’État et présentait chaque an» née un exposé de sa gestion et de la situation de la République.

Le traitement de chacun de ses membres était de 150,000 fr. par an. Un costume leur était imposé par la loi : habit-manteau nacarat, richement brodé en or ; veste blanche —brodée, écharpe bleue à franges d’or, l’énée, le chapeau rond à panache tricolore ; dans les grandes cérémonies l’habit-mantaau bleu, et par-dessus un manteau nacarat.

Quand les directeurs s’installèrent au palais du Luxembourg (4 novembre 1795), ils se trouvèrent en présence d’une situation déplorable. Les royalistes, domptés au 13 vendémiaire, s’étaient relevés et s’agitaient dans toutes les parties de la République ; un agiotage effréné avait pris la place du commerce ; les subsistances manquaient partout ; les caisses publiques étaient vides ; la dépréciation des assignats était telle, que ce signe représentatif était devenu presque illusoire ; l’impôt ne rentrait plus ; le gouvernement parvenait à peine à percevoir une faible partie de la contribution foncière en denrées ; les armées manquaient de pain ; les fonctionnaires ne touchaient plus de traitement ; la misère était presque universelle ; des bandes de chauffeurs infestaient les campagnes, concurremment avec les bandits royalistes du

Midi et les chouans de l’Ouest ; enfin, après tant de luttes, de triomphes et de gloire, la République, précipitée dans la décadence par • une longue réaction, semblait sur le point d’être anéantie. Il fallait en réalité beaucoup de courage ou beaucoup d’ambition pour accepter en ce moment le fardeau du pouvoir. Accoutumés aux tempêtes et aux situations les plus terribles, les cinq conventionnels no furent pas effrayés, et s’asseyant autour d’une table boiteuse, dans une pièce démeublée, ils osèrent écrire sans hésitation ni doute le serment de sauver la France.

La Directoire demanda d’abord aux. conseils un crédit de 3 milliards en assignats, qui, négociés en numéraire, peu voient produire environ 26 millions, avec lesquels il pût fairo face aux plus pressants besoins. Il prépara ensuite un plan de finances, demanda diverses lois pour assurer l’approvisionnement de Paris, réprimer les désordres et diminuer les désertions ; nommâtes ministres, organisa la

fouvernement, déploya enfin une activité igné des grands travailleurs de la Convention et des comités.

Malheureusement les difficultés énormes de sa tâche furent encore aggravées par des défaites.

Un plan vicieux, la trahison do Fichegru, avaient fait manquer l’invasion de l’Allemagne. Jourdan, laissé sans appui, et compromis sur la Lahn entre la ligne prussienne et le Rhin, avait été obligé de repasser ce fleuve. Pichegru, de son côté, avait été rejeté par ClairTayt sur Landau et la ligne dos Vosges.

En outre, les navires anglais, serrant nos côtes de l’Ouest, annonçaient un débarquement imminent.

Le Directoire redoubla d’efforts ; il présenta un plan de finances assez sagement combiné, qui fut voté par les Cinq-Cents, mais