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— Fin. Impôts directs, contributions directes, Impôt perçu sur la propriété et non sur son usage : L’impôt foncier et l’impôt mobilier sont des impôts directs. L’inégalité dans la répartition des impôts directs est flagrante et connue de tout le monde. (Proudh.)

— Mus. Mouvement- direct, Celui où les parties harmoniques montent ou descendent en même temps, par opposition au mouvement contraire, dans lequel plusieurs parties montent tandis que les autres descendent : Le mouvement harmonique direct est le moins élégant de tous ; de plus, il entraîne le plus souvent à des fautes. Son emploi exige les précautions suivantes : il est défendu d’aboutir par mouvement direct, soit à une Quinte juste, soit à une octave, soit à l’unissou. Il Intervalle direct, Celui qui fait un harmonique sur le son fondamental qui le produit : La quinte, la tierce majeure, l’octave et les répliques sont rigoureusement les seuls intervalles directs proprement dits. (Castil-Blaze.) Il Intervalle que fait chaque partie avec le son fondamental qui est ou doit être au-dessous d’elle. Il Accord direct, Accord fondamental ou grave, dont les parties* sont distribuées dans leur ordre le plus rapproché, et non dans leur ordre le plus naturel.

— Mathém. Raison directe, Rapport dont les deux termes croissent dans le même sens et la mémo proportion, comme le temps et le chemin parcourn dans le mouvement uniforme, le rapport du salaire au nombre d’heures de travail, etc. Il S’emploie dans le langage commun, pour indiquer des variations proportionnelles et simultanées de deux ou plusieurs choses : L’iniquité de l’impôt est en raison directe de son énormité. (Proudh.) Le bonheur des individus et le rang des espèces sont en raison directe de l’autorité féminine. (Toussenol.) L’aisance d’un peuple est en raison directe de sa liberté. (E. Polletan.) il Jlùgle de trois directe, Règle do trois dans laquelle tous les rapports sont directs : Règle

de trois simple et directe. Règle de trois

composée et directe.

— Astron. Mouvement direct, Mouvement d’occident en orient : La lune a deux mouvements, l’un apparent et rétrograde, l’autre réel et direct.

— Physiq. Rayon direct, Rayon dont la marche n’est point modifiée par le phénomène de la réflexion : Un objet nous parait double lorsqu’il nous envoie des rayons directs et des rayons réfléchis. Il Vision directe, Vision qui s’opère par l’intermédiaire de rayons directs : La vision est directe dans les lunettes, indirecte dans les télescopes..

— Logiq. Proposition directe. Ne se dit que par opposition à proposition inverse, pour désigner une proposition dont les termes ne sont pas renversés. Ainsi, si l’on renverse la proposition : Tout ce qui est juste est licite, et que l’on dise : Tout ce gui est licite est juste, cotte seconde proposition sera l’inverse de !a première, qui prendra alors le nom de proposition directe, il Preuve directe, Preuve réelle, exacte, rigoureuse, par opposition aux inductions et conjectures, qui sont des preuves indirectes. Il Conclusion directe, Conclusion dans laquelle le petit terme est sujet et le grand terme attribut. N’est plus usité. Il Syllogisme direct, Syllogisme dont la conclusion est directe, il Inus,

— Gramm. Construction directe, ordre direct, Construction grammaticale dos parties du. discours dans l’ordre naturel de leurs relations : La construction directe est claire, mais elle est monotone. Il Régime ou complément direct, Régime du verbe actif sur lequel tombe proprement, directement, l’action marquée par le verbe, il Discours direct, Discours mis dans la bouche de la personne à qui il est attribué : Les discours directs s’écrivent entre guillemets. Chez les historiens, les discours directs sont des mensonges patents.

— Antonymes. Détourné, dévié et dévoyé, indirect, réfléchi, rétrograde, sinué, sinueux, tortu, tortueux, — Inverse, collatéral.

— Encycl. Mus. Un intervalle direct est celui que fait un harmonique quelconque avec le son fondamental qui le produit. Rigoureusement, la tierce majeure, la quinte, l’octave et leurs redoublements sont, les seuls intervalles directs ; cependant, et par extension, on qualifie encore de directs tous les autres intefh’alles, soit consonnants, soit dissonants, que fait chaque partie avec le son fondamental pratique qui est ou doit être au-dessous d’elle ; c’est ainsi que la tierce mineure est un intervalle direct sur un accord en tierce mineure ; il en est de même de la septième ou de la sixte augmentée sur les accords qui portent leur nom.

. On appelle accord direct l’accord frappé diins sa position naturelle et dont Ips notes sont directement échelonnées les unes sur les autres et dans leur ordre le plus rapproché. L’accord direct a sa note fondamentale au grave, et est ainsi formulé : ut, mi, sol, ut, c’est-à-dire tonique, tierce, quinte et octave. En harmonie on reconnaît, dans la marche des parties, trois espèces de mouvements divers : le mouvement direct, le mouvement oblique et le mouvement contraire. Dans le mouvement direct, toutes les parties, quel que soit leur nombre, suivent la même ligne, la mémo marche, la même progression ; elles —montent, stationnent ou descendent, toutes

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semblables, C’est ce mouvement, et cela est facile à comprendre, qui offre le moins de ressources pour l’harmonie, outre qu’il est d’un effet monotone et languissant ; on ne saurait s’en servir longtemps sans fatiguer considérablement l’auditeur et affadir ses impressions. Parfois, cependant, il est d’un

grand effet, par exemple dans un unisson formidable et pour produire une immense explosion ; mais il s’agit ici d’un effet tout particulier et où l’harmonie n’est plus en jeu, puisqu’elle n’a que faire dans un unisson. Le mouvement direct est souvent appelé aussi mouvement semblable.

— Phiios. Connaissance directe. Nos connaissances peuvent être de deux sortes, ou

directes ou discursives. La connaissance directe, quo l’on appelle encore immédiate ou intuitive, est celle que l’on obtient sans avoir besoin de passer par aucune autre ; la connaissance discursive est celle que l’on n’obtient qu’après qu’on en a déjà obtenu d’autres. Quelles sont nos connaissances directes ? Nous allons répondre brièvement à cette importante question. D’abord il est de toute

évidence que les objets sensibles nous sont connus immédiatement ; pour Kant, perception des choses sensibles et intuition sont synonymes. Les connaissances que nous devons à la conscience sont aussi des connaissances directes ; c’est immédiatement, sans aucun intermédiaire, que nous sommes avertis de ce qui se passe en nous, que nous connaissons la simplicité, l’unité, 1 identité et la causalité du moi. Jusque-là tout dissentiment est impossible ; mais voici où les divisions commencent entre les philosophes. Pour les uns, nous avons une connaissance directe do Dieu ; pour d’autres, nous n’en avons qu’une connaissance discursive ; pour certains autres enfin, nous ne pouvons en avoir, une connaissance discursive ni intuitive. Kant a prouvé, d’une manière irréfutable selon nous, que. nous ne pouvons connaître Dieu scientifiquement. D’après la Critique de la raison pure, pour qu’il y ait connaissance, il faut deux choses : une intuition et l’application de certaines lois a priori de l’entendement, les catégories, à la matière fournie par l’intuition ; à cette double condition seulement la connaissance est possible : s’il n’y a que l’intuition sensible, la connaissance n existe pas, et il n’y en a pas davantage avec les seules catégories. Or Fa faculté qui nous donne les intuitions, c’est la sensibilité ; il n’y a pas l’intuition de l’entendement ; l’entendement, c’est l’ensemble

des catégories et des principes a priori ! de la connaissance ; mais ces catégories de l’entendement, pour devenir la forme de la connaissance, sont forcées de se plonger dans l’onde colorée de la sensation, de se soumettre aux conditions de l’espace et du temps ; par suite, elles no peuvent s’appliquer à Dieu, dont nous n’avons pas l’intuition ; et quand même nous aurions cette intuition, la connaissance scientifique de Dieu serait impossible, puisque, sans l’application des catégories à la matière fournie par l’intuition, il n’y a pas de connaissance, et que les catégories ne pourraient s’appliquer à cette matière, qui serait fournie par cette intuition spéciale, les catégories étant soumises dans leur application aux conditions du temps, et Dieu étant par définition en dehors du temps.

Quelques philosophes français, à la tête desquels il faut placer l’érainent auteur du Rapport sur la philosophie française au xixe siècle, M. Ravaisson, sont d’avis que nous pouvons connaître directement Dieu et le trouver au fond de la conscience. Si ces philosophes sont doués d’une intuition spéciale, nous avouons humblement ne pas posséder cette faculté. Si, au contraire, il s agit d’une connaissance scientifique obtenue à l’aide des facultés constitutives de l’âme humaine, nous attendons qu’il plaise à ces

philosophes de nous donner une exposition philosophique de leur système, et non pas seulement des affirmations gratuites qu’on ne saurait discuter.

DIRECTANÉ adj. m. (di-rè-kta-né — bas lat. direclaneus, de directus, direct). Mus. Se disait, dan3 le plain-chant, d’une sorte de psalmodie qu’on exécutait sur une seule note : Chant directane.

DIRECTARIEN s. m. (di-rè-kta-ri-ainlat. directarius ; do dirigere, diriger). Antiq. rom. "Voleur qui s’introduisait dans les maisons pour dérober : Les lois du Digeste prononçaient’contre les directariens des peines plus fortes que contre les autres voleurs.

directe s. f, (di-rè-kte — rad. direct). Féod. Seigneurie dont un fief ou un héritage possédé en roture relevait immédiatement, il Retenir la directe, Conserver ses droits et devoirs seigneuriaux, nonobstant l’aliénation et le démembrement de la seigneurie.

DIRECTEMENT adv. (di-rè-kte-manrad. direct).Tout droit, en ligne directe : Aller directement devant soi. L’avenue des Champs-Élysées va directement de la place de la Concorde à l’arc de triomphe de VU toile. il Par le plus court chemin, sans se détourner de sa route : Retourner directement chez soi. Il Par un chemin relativement court : Cette rue, bien que détournée, mène plus directement chez moi que cette autre.

— Par anal. Face a face et sur la même ligne : Deux maisons situées directement visà-vis l’une de l’autre. Il Diamétralement : Midi

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et six heures, sur un cadran, sont directement opposés. Le pôlenord est directement opposé au pâle sud. Le zénith est directement opposé au nadir.

— Par ext. Sans objet ou opération intermédiaire : Correspondre directement. S’adresser directement à quelqu’un. Il faut que le cri du peuple puisse directement percer jusqu’au trône. (Saadi.) Les minéraux proviennent directement du jeu des affinités et de la force de cohésion. (F. Pillon.) Le peuple aborde Dieu directement, mais le philosophe ne l’aborde qu’indirectement. (Mesnard.) i’tnteliigence seule agit directement sur l’intelligence. (M« Guizot.) Aux États-Unis le peuple nomme directement ses représentants. (De Tocqueville.)

— Fig. Rigoureusement, exactement, à propos d’une opposition : Des avis directement opposés. Des opinions directement contraires. Des témoignages directement contradictoires. Le bien et le mal, le vrai et le faux, directement opposés, coexistent en nous. (Guizot.) il Naturellement et nécessairement : La foi sans la raison mène directement à la superstition. (Brierre de Boismont.) il Exactement et précisément : Répondre directement à la question, il Nettement, d’une manière claire et décidée : JJeattmarchais fut pins vif et plus directement agresseur que ses devanciers. (Géruzez.)

— Antonymes. Indirectement, inversement,

DIRECTEUR, TRICE s. (di-rè-kteur, tri-ce

— lat. dîreetor ; de dirigere, diriger). Personne qui dirige, qui administre, qui régit une entreprise quelconque : Le directeur de la Banque. Le directeur d’un théâtre. Le directeur d’une usine. Le directeur de la compagnie des Jndes. La directrice d’un pensionnat. Là tentation d’écrire est celle dont le directeur d’un théâtre doit sa défendre avec le plus de soin. (Ourry.) il Chef, président d’une société littéraire ou autre : Le directeur de l’Académie française. M. Gressct répondit au discours de M. d’Alembert comme directeur de l’Académie ; il ennuya beaucoup. (Grimm.)

— Administr. Chef d’administration dans un ministère : Les directeurs généraux. Le directeur général des postes, des contributions. Le directeur des fortifications. Le directeur du personnel de la marine. Le directeur des ports. Le directeur des subsistances. Il Chef de subdivision d’un département ministériel : Le directeur de l’enregistrement et des domaines. Le directeur des contributions directes, n Receveur des finances pour une circonscription desservie par des receveurs en sous-ordre : Ah.’ combien de cousins, d’oncles et de maris j’ai faits directeurs en ma vie ! J’en ai envoyé jusqu’en Canada. (Le Sage.) Vieux en ce sens. Il Fonctionnaire chargé d’une administration quelconque qui porte le nom de direction : Un directeur des postes.

Il Titre donné aux chefs de quelques établissements du gouvernement : Le directeur de la Monnaie.

— Personne qui exerce sur la conduite d’une autre une sorte d’autorité morale : Dieu, ce directeur souverain des âmes, ne se contente pas de répandre des lumières dans l’esprit, il en veut au cœur. (Boss.) Il serait bien à désirer que les jeunes personnes des deux sexes fussent toujours éclairées par des directeurs qui connussent la trempe de leur imagination. (Condill.)

— Relig. Directeur de conscience, Directeur spirituel, ou simplement Directeur, Ecclésiastique choisi par une personne pour éclairer sa conscience et diriger sa conduite au point de vue religieux : Un jeune directeur. Un directeur à la mode. Se choisir un directeur. Changer de directeur. Consulter son directeur. Le capital d’une femme n’est point d’avoir un directeur, mais de vivre si simplement qu’elle puisse s’en passer. (La Bruy.) L’abbé Gobelin, célèbre directeur de son temps, l’était de iWmc de Maintenon, qui était à son tour la directrice de son directeur. (Mm0 de Caylus.)

Mais de tous les mortels, grftce aux dévotes âmes, Nul n’est si bien soigné qu’un directeur de femmes.

Boii.eau.

— Jurispr. Directeur du jury, Magistrat institué en 1791 dans chaque tribunal d’arrondissement pourdresser 1 acte d’accusation,

préparer l’affaire, la soumettre au premier jury, et rendre une ordonnance de mise en accusation ou de non-lieu, selon la décision de ce jury.

— Hist. Titre donné au président des cercles germaniques, il Chacun des cinq membres qui composaient en France le directoire exécutif : Ces pentarques, ou pantins, c’est plus français, de directeurs, viennent de perdre une bonne lame ; Bernadotte n’en veut plus. (Balz.)

— Hist. ecclés. Supérieur de chacune des maisons des missionnaires du Saint-Sacrement.

— Adjectiv. Qui dirige, qui exerce un direction : Force, puissance, autorité directrice.

— Géom. Qui dirige le mouvement d’un point ou d’une ligne en fournissant plus ou moins complètement la direction de ce mouvement, il Plan directeur d’un conoïde, Plan

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auquel la génératrice droite doit rester con« stamment parallèle.

— s. f. Géom. Ligne le long de laquelle on suppose qu’une ligne se meut pour engendrer une surface. Il Ligne droite qui avec le foyer concourt à définir une conique.

— Fortif. Ligne idéale qui passe par lo milieu de l’embrasure et aboutit au point battu : Les directrices des batterie ! à redans forment autant de lignes croisées ; celles des batteries à ricochets enfilent des branches d’ouvrages ; celles des batteries directes vont du centre de l’embrasure au but visé.

— Encycl. Relig, Le nom de directeur spirituel, aujourd’hui synonyme do confesseur, avait, au xvno siècle, une signification toute différente. Les âmes altérées do dévotion n’avaient pas assez des entretiens du confessionnal, qui ne pouvaient être que relativement rares et courts ; il fallait quelqu’un pour les diriger plus activement dans la voie du salut, pour les aider a préparer leur confession, h faire leur examen do concience, à analyser leurs sentiments, bref, à présider a la plupart des actes de leur vie. Ce qu’était le directeur et ce qu’il faisait, La Bruyèro va nous le dire : « Une femme est aisée à gouverner pourvu que ce soit un homme qui s’en donne la peine : un seul même en gouverne plusieurs ; il cultive leur esprit etleur mémoire, fixe et détermine leur religion-, et entreprend même de régler leur cœur ; elles

n’approuvent et ne désapprouvent, ne louent et ne condamnent qu’après avoir consulté ses yeux et son visage ; il est le dépositaire de leurs joies et de leurs chagrins, de leurs désirs, de leurs jalousies, de leurs haines et de leurs amours ; il les fait rompre avec leurs galants ; il les brouille et les réconcilie avec leurs maris, et profite des interrègnes. Il prend soin do leurs affaires, sollicite leurs procès et voit leurs juges ; il leur donne son médecin, ses marchands, ses ouvriers ; il s’ingère de les loger, de les meubler, et ordonno de leur équipage ; on lo voit avec elles dans leur carrosse, dans les rues d’une vrlle et aux promenades, ainsi que dans leurs bancs à un sermon et dans leur loge à la comédie ; il fait avec elles les mêmes visites ; il les accompagne aux bains, aux eaux, dans les

voyages ; il a le plus commode appartement chez elles, à la campagne. Il vieillit sans déchoir de son autorité ; un peu d’esprit et beaucoup do temps à perdre lui suffisent pour la conserver ; les enfants, les héritiers, la bru, la nièce, les domestiques, tout en dépend. Il a commencé par se fuire estimer, il finit par se faire craindre. Cet ami si ancien, si nécessaire, meurt sans qu’on le pleure ; et dix femmes dont il était le tyran héritent par sa mort de la liberté... »—« Je vois bien, dit ailleurs le même écrivain, que le goût qu’il y a à devenir le dépositaire du secret des familles, à se rendre nécessaire pour les réconciliations, à procurer des commissions ou

à. placer des domestiques, h trouver toutes les portes ouvertes dans les maisons des grands, a manger souvent et a de bonnes table3, à se promener en carrosse dans une grande ville et a faire de délicieuses retraites a la campagne, à voir plusieurs personnes de nom et do distinction s’intéresser à sa santé, et à ménager pour les autres et pour soi-même tous les intérêts humains, je vois bien, encore une fois, que cela seul a fait imaginer le spécieux et irrépréhensible prétexte du soin des âmes, et semé dans le monde cette intarissable pépinière de directeurs. »

Les nombreux bénéfices créés par les princes et les monarques avaient multiplié le nombre des prêtres, autrefois disséminés, mais que les premiers essais de société polie et élégante avaient attirés à Paris, ou ils n’avaient autre chose à faire qu’à manger leurs rentes. Peu à peu ils étaient devenus assidus dans certaines maisons, s’y étaient insinués, s’y étaient implantés, et comme on était à une époque de dévotion, on sentit le besoin de justifier cette familiarité, qui aurait pu choquer les idées reçues ; on inventa alors le directeur de conscience, nom honnête qui servit trop souvent à cacher des rapports tout à fait étrangers à la religion. « Si une femme, écrit encore La Bruyère, pouvait dire a son confesseur, avec ses autres faiblesses, celles.qu’elle a pour son directeur, et le temps qu’elle perd dans son entretien, peut-être lui serait-il donné pour pénitence d’y renoncer. ».

Néanmoins, comme la mode était aux directeurs, toutes les grandes dames se mirent à en avoir. Outre la mode, un autre motif les y poussait : le désir de parler de soi, et de savoir qu’on occupe les pensées d’un autre. Aussi les prédicateurs célèbres, les confesseurs en renom, étaient assaillis de dévotes qui imploraient le secours de leurs lumières. Celles a qui leur position ne permettait pas de voir leur directeur ou de le recevoir chez elles lui écrivaient et entretenaient avec lui une correspondance suivie. Telle fut M">» de Maintenon, qui eut plusieurs directeurs, auxquels elle écrivait les singulières lettres qu’on a retrouvées dans sa correspondance générale. Elle eut d’abord l’abbé Gobelin, qui affectait la rigidité la plus austère, et qui, voyant la faveur grandissante de la veuve Scarron, devint tellement plat et adulateur, qu’elle le quitta de dégoût. Elle voulut s’adresser à Bourdaloue ; mais le prédicateur

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