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découverte. Rien n’était cependant moins neuf, et M. de Bonald n’avait donné qu’un développement et une conséquence de sa célèbre théorie de l’origine du langage : l’esprit de l’homme ne vit que par la tradition à l’aide du langage ; la raison individuelle placée en dehors de la tradition ne donne aucun résultat ; l’homme pensa sa parole avant de parler sa pensée ; loin que la parole soit le produit de la pensée, c’est elle qui en est le principe ; or, si la parole est antérieure à la

fiensée, d’où peut-elle venir, sinon de Dieu ui-même ? Tel est le thème burlesque sur lequel M, de Bonald a usé tout son talent. Il ne l’a malheureusement pas oublié dans l’ouvrage qui nous occupe. L’importance qu’il attribue lui-même à son livre en le dédiant aux princes chrétiens aurait pu faire supposer que M- de Bonald aurait accordé quelques concessions aux idées modernes pour mieux les dominer. Il a oublié, comme ses maîtres, qu’on n’oppose point impunément une force inerte à un torrent impétueux, et une nouvelle révolution leur a prouvé un.e fois de plus la viabilité des principes de 89, véritables principes générateurs des sociétés modernes. Bon gre, mal gré, tous les gouvernements viennent se ranger sous ce nouveau drapeau, reconnaissant qu’en lui seul est la force et l’avenir. Sans s’en douter, M. de Bonald lui-même n’a pu échapper à cette influence et a sacrifie au grand principe moderne, la raison, puisque nous l’avons vu chercher par les seules lumières de la raison le principe constitutif des sociétés. La raison, il est vrai, ne lui a prêté qu’un concours imparfait, car elle est jalouse de son autorité suprême et n’admet pas cette argumentation touJ£ théologique, qui consiste a s’appuyer sur elle pour arriver à la nier. Quand donc ces philosophes aveugles verront-ils qu’il est aussi illogique de fonder sur la raison l’autorité exclusive de la foi, que d’établir le droit divin sur la souveraineté du peuple ?

DÉMONSTRATIVEMENT adv. (dé-monstra-ti-ve-man

— rad. démonstratif). D’une façon démonstrative, péremptoire ; Cela fait voir bémonstrativement que tous ces charlatans sont des empoisonneurs qu’il faudrait punir. (Volt.)

DESIONT (comte), général français, né à Courbe voie, mort à Paris en 1826.11 était fils d’un Suisse de la garde royale. Il fit les campagnes da la République, se signala surtout a Dursheim, lors du passage du Rhin (1719), aux combats de Dtsentis et de Coire, et fut élevé au grade de général de division pour sa belle conduite à Austerlitz (1S05). Sénateur en 180fi, comte de l’Empire en 1808, il fut créé pair de France sous la Restauration.

DÉMONTAGE s. m. (dé-mon-ta-je — rad. démonter). Action de démonter : Dêmontagb d’un fusil.

DEMONTE, ville d’Italie, prov. et à 19 kilom. S.-O. de Coni, sur la rive gauche de la Stura, ch.-l. de mandement- 6,078 hab. Collège. En 1774, une armée franco-espagnole s’empara de cette ville et en démolit les fortifications, qui ont été réparées depuis cette époque.

DÉMONTÉ, ÉE (dé-mon-té) part, passé du v. Démonter. Jeté à bas ou descendu de sa monture : Les chevaliers bien armés ne couraient guère d’autre risque que d’être démontés. (Volt.l, il Qui a perdu le cheval qu’il montait : // réunit en bataillons tous les cavaliers démontés. (De Ségur.)

— Défait, dont on a séparé les pièces ; Fusil démonté. Machine démontée. Diamants

DÉMONTÉS.

— Fig. Qui ne fonctionne plus, qui est détraqué : Mélanthe, c’est la déraison en personne ; poussez-le, vous lui ferez dire en plein jour qu’il est nuit ; car il ny a plus ni jour ni nuit pour une tête démontée par son caprice. (Fénel.) Notre âme est une lyre, elle est montée ou démontée. (P. Leroux.)

— Fam. Déconcerté, décontenancé, interloqué : Être démonté par une réplique.

— Chasse. Oiseau démonté, Oiseau qui a une aile cassée.

— Mar. Mer démontée, Mer excessivement houleuse.

DÉMONTER v. a. ou tr. (dé-mon-té — du préf. privât, , et de monter). Jeter à bas de sa monture : Démonter un cavalier. D’un coup, de tance il le démonta. Son cheval cherchait à le démonter. Il Mettre à pied, en parlant d’un cavalier : On démonta tout cet es~ cadron.

— Priver du commandement d’un navire : Démonter un capitaine de vaisseau.

— Désunir, désassembler pièce à pièce : Démonter un fusil, une horloge, une machine. Démonter un lit, une armoire. Démonter une voiture.

— Fig. Donner du relâchement à : fêtais de méchante humeur ; je n’eus pas la docilité de démonter mon esprit pour vous écrire. (Mme de Sév.) || Déconcerter, troubler, interloquer : Cette réponse le démonta, il Renverser, détruire : Ces paroles démontent toutes vos espérances et vous précipitent du faite de la gloire, où vous pensiez être monté, dans fabime du néant. (D’Ablanc.) Il Révolter, mettre en colère :

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« Ne vous voilà-t-il pas ? J’aime tous vosamts...,

— Et moi je n’en ai qu’un que j’aimepour mon compte, Et vous le détestez : oh ! cela me démante.

Gresset.

Démonter les batteries de quelqu’un, Déconcerter ses projets : On annonce, au moment qu’il parle, un cavalier qui, de sa seule présence, démonte la batterie de l’homme de. ville. (La Bruy.)

— Artill. Enlever de dessus son affût : : Démonter un canon, un obusier. il Mettre hors de service : Les boulets ennemis avaient démonté deux de nos batteries.

— Typogr. Démonter un composteur, En dévisser le talon mobile pour en modifier la justification.

— Techn. Démonter des pierreries. Les enlever de la garniture dans laquelle elles étaient serties.

— Chasse. Démonter un oiseau, Lui casser une ails.

Se démonter v. pr. Être susceptible d’être démonté : Ce Ut se démonte à volonté.

— Fig. Se détraquer, arriver a ne plus fonctionner, au moins régulièrement : Les vieilles cervelles se démontent comme les jeunes. (Mol.) Il Se décontenancer, se troubler, se déconcerter -.Courage ! ce n’est pas le moment de se démonter. Ma femme, sans SB démonter et sans se déranger, me dit de prendre une chaise. (D’Allainval.)

— Se faire mutuellement tomber de cheval : Le choc fui si violent que les cavaliers se démontèrent l’un l’autre et roulèrent à terre.

— Démonter, disloquer à soi : Se démonter l’épaule en tombant.

— Fam. Bâiller à se démonter la mâchoire, Faire de grands bâillements : A ramis jeta un coup d’aiil de côté sur d’Artagnan, et il vit que son dmi bâillait à se démonter la mâchoire. (Alex. Dum.) On dit aussi se décrocher la mâchoire, tl Visage qui se démonte, Visage très-mobile, dont on modifie l’expression a son gré.

DÉMONTOIR s. m. (dé-mon-toir —rad. démonter). Typogr. Planche sur laquelle on posait les balles qu’on voulait monter ou démonter, quand on se servait des balles, remplacées depuis par les rouleaux.

DÉMONTRABILITÉ s. f. (dé-mon-tra-bili-té

— de démontrable). Qualité de ce qui est démontrable : La démontrabilité des vérités de l’ordre surnaturel. Il On dit aussi démons-

THABILITÉ.

DÉMONTRABLE adj. (dé-mon-tra-blerad. démontrer). Qui peut être démontré : Ce que vous avancez n’est pas démontrable. On ne peut avoir en commun que des conceptions démontrables. (Ch. Fauvety.) La plupart des zoophyles, ceux qui n’ont pas de système nerveux démontrable, pourraient bien n’avoir pour principes de leurs mouvements que la faculté excito-motrice. (D’Orbigny.)

— s. m. Ce qui est démontrable : Dans l’ordre du démontrable, l’accord peut toujours se faite par les procédés propres à l’esprit humain. (Ch. Fauvety.)

— Antonyme. Indémontrable.

DÉMONTRÉ, ÉE (dé-mon-tré) part, passé du v. Démontrer. Etabli par une démonstration : La certitude est démontrée par le doute, la science par l’ignorance et la vérité par l’erreur. (Vauven.) Toute vérité démontrée est nécessaire, éternelle et immuable. (Boss.) L’amour fait douter des choses les plus démontrées. (H. Beyle.)

— Témoigné par des signes extérieurs : ffien ne me semble moins prouvé que des sentiments trop démontrés à l’extérieur.

DÉMONTRER v. a. ou tr. (dé-mon-trédu lat. demonslrare). Prouver par une démonstration, d’une manière évidente, cer- •

taine : Démontrer clairement une chose. L’ordre dans l’univers matériel démontre l’ordre dans l’univers immatériel. (Ballanche.) On ne bÉmoîîtrB que ce qui est une conséquence et non pas ce qui est un principe. (Lacordaire.) La philosophie est aussi incapable de démontrer le gouvernement que de prouver Dieu. (Proudh.) C’est le temps qui s’est chargé de nous démontrer sans retour que science était puissance. (E. Littré.) La science démontre, dans l’analomie comparée, l’unité de création. (E. Pelletan.) Le philosophe Sénèque et Rousseau le lyrique ont parfaitement démontré qu’il est motus glorieux de «at’nere ses ennemis que de se vaincre soi-même. (Toussenel.)

— Prouver, être un témoignage certain de : Votre rougeur démontre votre faute*

— Ensejgner par voie de démonstration : Démontrer la chimie dans un laboratoire. Démontrer l’anatomie sur un cadavre.

— Faire des démonstrations extérieures de ses sentiments. Il Peu usité.

— Absol. : Démontrer, c’est développer une idée et déduire avec évidence cé que cette idée renferme nécessairement. (Mallebr.) Démontrer, ^ c’est déduire une proposition inconnue de principes connus. (Le P. Ventura.) D’une vérité universelle et nécessaire tirer les conséquences qui en sortent nécessairement, c’est démontrer. (Duval-Jouve.) Politiquement, ii ne s’agit plus de discuter, il s’agit de démontrer. (E. de Gir.) La vérité qui dirige et qui éclaire n’obéit pas, elle démontre. (E. de Gir.)

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Se démontrer v. pr. Être démontré : II y a des choses qui se sentent mais ne se démontrent pas. La vérité ne se définit point et elle ne se démontre point, elle se sent. (V. Cousin.)

DÉMOPÉDIE S. f. (dé-mo-pê-dl — du ’gr. démos, peuple ; paideia, éducation). Néol. Art d’instruire le peuple.

— Encycl. La démopédie est non-seulement l’instruction du peuple, mais surtout et bien plus son éducation. On trouvera à instruction (gratuite et obligatoire) les renseignements qui concernent ïa première branche de la démopédie ; ici c’est principalement de l’éducation du peuple qu’il s’agit. Le sujet, abordé en Allemagne par les chefs du Volkspartei, a été effleuré en France par quelques honnêtes esprits du protestantisme, par M. Ad. Schœffer, par exemple, qui a composé un livre excellent a consulter : De l’influence de Luther sur l’éducation du peuple ; mais l’école socialiste seule paraît avoir creusé à fond cette question capitale dans le pays du suffrage universel. Il serait injuste d oublier les efforts des phalanstériens pour rendre le travail attra3’ant. C’est en effet une des conditions du problème de l’éducation du peuple : dans une société bien organisée, la travail ne doit pas être une servitude, mais au contraire résulter du besoin ressenti par chacun d’exercer ses forces. Pour traiter méthodiquement un pareil sujet, il convient d’abord de. déterminer ce que c’est que l’éducation et ce que c’est que le peuple. Il faut ensuite faire le procès à chaque classe en lui prouvant qu’elle n’est pas éduquée. Cela prouvé, on pourra reconnaître, dans le spectacle du monde, tous les actes et toutes les scènes d’un effet spécialement démoralisant, et il sera possible de proposer à l’initiative de chacun les réformes les plus urgentes.

Il ne fera jamais de progrès en démopédie, celui qui, riche, célèbre ou puissant, ne croit ’ pas faire partie du peuple ; celui qui pense que certaines idées, certaines habitudes sont bonnes pour lui et mauvaises pour le peuple ; celui, en un mot, qui définit le peuple à peu près comme M. Thiers : une vile multitude avec laquelle il a malheureusement de commun l’air et le soleil. Par contre, cet autre qui fait une aristocratie du ruisseau, qui glorifie l’ignorance, qui flatte la masse parce qu’elle est légion, ne comprend pas un mot de plus à la démopédie que le premier. Au fond ces deux hommes sont identiques ; leur moyen de parvenir seul diffère. La preuve en est que souvent un même homme se charge de jouer les deux rôles. On trouve dans Salluste un de ces types de démagogues de vingt ans qui à soixante écriront Ta lettre à César,

Qu’est-ce donc que le peuple ? C’est nous tous en tant que vivant sous le même ciel, soumis aux mêmes lois et remplissant dans la société des fonctions diverses, mais d’une égale nécessité. Chacun de nous, qui pris séparément a sa physionomie propre, aide à former une personnalité collective, qui a une physionomie générale portant les empreintes du pays, de la nation, des mœurs et de l’énergie commune. Là où il y a castes, il n’y a pas da peuple, puisque plusieurs sociétés coexistent sans se confondre. Ce qui empêche que chaque pays ne soit habité, que la terre entière ne soit couverte d’un peuple homogène ayant une physionomie réellement humaine, ce sont les restes encore vivaces de l’esprit de caste : rivalité de races, monopole de l’argent et de la puissance, hiérarchie financière, nobiliaire ou intellectuelle introduite dans la société. La pensée la plus propre à dégriser chacun de la vanité du rang social, c’est qu’une réunion de gentlemen sera a l’occasion brutale comme une réunion de portefaix ; c’est qu’une foule d’hommes d’esprit est aussi bête qu’une foule d’hommes ordinaires ; c’est que les agglomérations d’hommes, à quelque rang de la société

?u’ils appartiennent, ont les mêmes vices :

bugue, versatilité, sensiblerie, brutalité. L’étrange association d’intérêts et d’intrigues qui a créé ce qu’on est convenu d’appeler le monde a un vice de plus, l’hypocrisie.

Bref, l’homme social n’existe pas encore. L’être qui personnifie la société n’est pas un homme : jadis, ce fut un monstre : aujourd’hui, c est un animal féroce, paresseux, logeant dans ses entrailles tous les sentiments extrêmes et n’ayant sous les os du crâne que remplacement d’un cerveau. La démopédie est l’art et la science de faire naître et de développer ce cerveau. En France, pays du suffrage universel, le peuple a des appétits et des instincts ; mais il ne pense pas. Il faut le faire sentir et penser. Comment ? Par l’éducation individuelle et par l’éducation sociale.

L’éducation individuelle est à la fois la science et l’art de se conduire comme homme ; l’éducation sociale enseigne à se conduire comme citoyen, c’est-à-dire comme membre responsable d’une société individuelle ou sociale ; l’éducation est donc la mise en pratique de la morale. L’une et l’autre éducation, parallèlement poursuivies, concourent à extirper de la politique tout machiavélisme et tout jésuitisme.

À ce point de vue, l’instruction n’est donc que la partie d’un tout qui est l’éducation. Nos voisins d’outre-Manehe ont eu cette pensée quand ils ont mis au-dessus de toutes les

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sciences et de tous les arts, comme une synthèse pratique, la science de la vie, science of lioe. L’éducation d’une époque influe à tel point sur toutes les productions de cette époque, qu’il ne faut pas chercher ailleurs les causes des diverses phases de l’art, de la science et de la politique. Ainsi, selon qu’on considérera que 1 élément premier des sociétés est ou l’homme ou le couple homme et femme, l’individu ou la famille, la morale et par suite l’éducation seront autres. Dans la première hypothèse, la science sera atomistique ; tout sera au plus fort, au plus ambitieux, au meilleur sophiste ; dans la seconde hypothèse, l’État sera basé sur la famille. Mais ici se présentent deux cas ; ou bien on aura l’idée que l’État est une vaste famille dont le père est l’empereur, et alors le pays, basé sur ce dangereux sentimentalisme, sera la Chine ou la Russie ; ou bien on pensera que la société ne doit pas absorber la famille, bien au contraire la respecter comme la molécule sociale, selon la belle expression de M. Tolain. Mais alors c’est un idéal qui ne sera réalisé que par les générations futures. Ce n’est pas tout : selon que l’on donnera tout au corps ou tout à l’esprit, l’éducation aura la brutalité spartiate ou le caractère impraticable des études modernes. Si, au contraire, on tente le progrès simultané de l’âme et du corps, on mettra en pratique ces belles paroles de Platon, qui fut bien meilleur démopede que philosophe : «Pour que l’homme soit en bon état, H faut que son corps ait les qualités qui lui sont propres, c’est-à-dire qu’il ait de la santé, de la sensibilité, de la force et de la beauté. Ce qui produit la beauté, c’est l’harmonie dés parties du corps entre elles et avec l’âme ; car la nature a disposé le corps comme un instrument qui doit être en harmonie avec tous les besoins de la vie. En même temps il faut que, par un juste accord, l’âme possède les vertus analogues aux qualités du corps, et que, chez elle, la tempérance réponde à la santé, la prudence à la sensibilité, le courage à la vigueur

et à la force, et la justice à la beauté

— ■ Contre ce double mal, c’est-à-dire les maladies physiques et morales qui résultent d’un excès de travail corporel ou d’un excès de travail intellectuel, contre ce double mal, dit Platon dans son Timée, il n’y a qu’un moyen de salut ; ne pas exercer l’âme sans le corps ni le corps sans Pâme, afin que, se défendant l’un contre l’outre, ils maintiennent l’équilibre et conservent la santé. • Ces paroles de Platon sont donc la plus vive censure qui ait été faite de l’enseignement et de l’éducation moderne, et cependant l’enseignement et l’éducation sont de nos jours aux mains des traducteurs et des commentateurs de Platon, Tant il est vrai que ce qui manque, ce n’est pas la vérité, presque toujours connue sur chaque point spécial, mais une vaste synthèse da toutes les vérités de détail et surtout le courage de se conformer aux préceptes qui en découlent. Pour voir les deux maux extrêmes qui travaillent le corps humain, il suffit de se donner consécutivement deux spectacles : i° assister au défilé des membres de l’Institut et des magistrats de la cour de cassation ; 2° voir sortir d’une grande manufacture les hommes, les enfants et les femmes qui vont prendre leur repas. On verra, et dans ces hommes qui tourmentent trop leur cerveau, et dans ces êtres dont on tourmente trop les corps, à peu près les mêmes déformations physiques : ils marchent tous mal, digèrent mal et pensent mal. Le cerveau surmené a ses vices, comme le corps surmené a les siens. Et il faut le dire, l’jmpuissance intellectuelle des membres de l’Institut est plus radicale que celle des ouvriers de fabrique ; car de temps en temps un génie inventeur émerge de l’atelier. Si dur que soit le travail du corps, quelque intelligence s’y trouve mêlée ; quand elle n’est pas tuée, la sensibilité s’y conserve sous un masque d’ironie ; au contraire, le travail abstrait, la théorie poussée à outrance est exclusive de toute pratique et de toute bonté.

Voici justement le but d’une démopédie sérieuse : c’est de conduire tout un peuple à l’idéal moderne, qui est la justice ou mieux la bonté. Dans un livre intitulé : la Bonté morale, M. Ad. Schœffer s’exprime ainsi : ■ La charité dit : tu feras le bien ; la justice : tu ne feras point de mal. La chanté et la justice réunies, c’est presque toute la bonté. » M, Ad. Schœffer ajoute plus loin : « La justice est inséparable d’avec la charité. «On peut lui demander pourquoi il fait deux sentiments différents de celui qui fait le bien et de celui qui défend le mal. M. Schaeffer pourrait répondre qu’il est chrétien et qu’il est forcé de restreindre l’idéal de la bonté moderne à l’idéal ancien de la charité, abaissement de niveau que ne compense pas l’axiome ultramoral : « Aimez-vous les uns les autres, i La bonté et la justice ne font qu’un ; c’est par un même exercice de leur activité qu’elles nous disent de faire le bien et d’éviter le mal : Lex recte facerejubet, vétat delinquere, dit la morale antique, dont il ne faut pas rabaisser les mérites pour exalter la morale chrétienne. Mais, dira-t-on, si justice et bonté ne font qu’un, il faut pourtant savoir quel est leur caractère différentiel, quel est leur trait d’union. Leur trait d’union, c’est la force, c’est l’activité harmonique que la justice et la bonté suscitent dans toutes les parties de l’être. Leur caractère différentiel, c’est que