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bibliothécaire de l’Oratoire, et publia plusieurs compilations, fort utiles à ceux, qui s’occupent d’histoire littéraire. On a de lui : Nouvelles littéraires (Paris, 1723 et 1724, in-8o) ; Continuation des Mémoires de littérature et d’histoire de Salengre (Paris, 1726-1731, 11 vol. in-12), avec l’abbé Goujet ; Recueil de pièces d’histoire et de littérature (Paris, 1731, 4 vol. in-12), avec l’abbé Granet. Le P. Desmolets a publie, comme éditeur : le deuxième volume de l’Historia Ecclesiæ Parisiensis du P. Gérard Dubois (Paris, 1710, in-fol.) ; le troisième et le quatrième volume de l’Explication des cérémonies de l’Église de dom Claude de Vert (Paris, 1713, 2 vol. in-8o) ; le traité De tabernaculo fœderis du P. Bernard Lami, avec une dissertation De templo Salomonis (Paris, 1720, in-fol.) ; l’Apparatus biblicus, du P. Lami (Lyon, 1723, in-4o) ; une nouvelle édition de la Bibliotheca sacra, du P. Lelong (Paris, 1723, 2 vol. in-fol.) ; les Institutiones catholicæ, du P. Pouget (Paris, 1725, in-8o) ; les Sermons, du P. Jean de La Roche (Paris, 1720-1726, 8 vol. in-12) ; les Muses de guerre de Polyen, trad. du grec par le P. Lobineau (Paris, 1739, 2 vol. in-12) ; la Révolution des cas de conscience, du P. Juenin (Paris, 1741, 3 vol. in-12) ; l’Histoire de l’empire ottoman, du prince Cantemir, traduite par Jonquières (Paris, 1743, 2 vol. in-4o, ou 4 vol. in-12).

DESMOLOGIE s. f. (dè-smo-lo-ji — du gr. desmos, lien ; logos, traité). Anat. Étude, traité des ligaments.

DESMOLOGIQUE adj. (dè-smo-lo-ji-ke — rad. desmologie). Anat. Qui a rapport à la desmologie : Études desmologiques.

DESMONCEAUX, oculiste, né à Paris en 1734, mort dans la même ville en 1806. Il entra dans les ordres, mais ne s’en occupa pas moins de médecine, et, spécialement, des maladies des yeux. Il imagina divers remèdes, au moyen desquels il obtint quelques cures assez heureuses ; sa réputation arriva jusqu’à la cour, et, grâce à une pension que lui firent accorder Mesdames, tantes de Louis XVI, il put ainsi donner gratuitement ses spécifiques. L’abbé Desmonceaux fut un partisan déclaré de l’inoculation. Ses principaux ouvrages sont : Lettres et observations anatomiques, physiologiques et physiques sur la vue des enfants naissants (1775, in-8o) ; Traité des maladies des yeux et des oreilles (1786, 2 vol. in-8o), avec figures ; Plan économique et général des administrations civiles des hôpitaux (1802, in-8o).

DESMOND (comtes de), ancienne famille irlandaise très-puissante et qui compta quinze titulaires de 1329 à 1583. Le titre et la famille sont aujourd’hui éteints. Avant que les Anglais eussent pris pied en Irlande, le royaume de Cork formait une souveraineté indépendante, comprenant la plus grande partie de la province actuelle de Munster. Il se divisait en Desmond ou Munster méridional, Muskerry ou Munster occidental, et Carbery ou Sud-Ouest. Les comtes de Desmond n’ont jamais reconnu que nominalement la suzeraineté de l’Angleterre. L’un d’eux, sous le règne de Henri VIII, passa, avec François Ier, roi de France, un traité aux termes duquel il devait prendre les armes à la première réquisition, et ne les déposer que lorsqu’il aurait conquis la moitié de l’Irlande pour lui-même et le reste pour Richard de La Pole, représentant de la maison d’York. Mais François Ier rompit plus tard ce traité. Le pays des Desmond était irlandais de langue, de mœurs et de religion. Les principaux comtes qui l’ont gouverné sont les suivants :

DESMOND (Maurice Fitz-Thomas de). Il fut créé comte par le roi d’Angleterre en 1329. Le comté était, sous lui, borné au Munster méridional ; mais ses successeurs l’agrandirent successivement, aux dépens de leurs voisins ; si bien que Gerald, le dernier comte, possédait, dans les comtés de Waterford, de Cork, de Kerry et de Limerick un territoire d’une superficie de 500,000 acres (202,300 hectares).

DESMOND (Jacques, comte de), né au commencement du xvie siècle, mort en 1583. Il refusa de se soumettre à l’autorité d’Élisabeth et de prêter le serment de suprématie spirituelle de la couronne. Le 1er juillet 1578, un corps de troupes italiennes, commandé par James Fitz-Maurice, père du comte de Desmond, et accompagné par Saunders, légat du pape, débarqua sur le territoire de Desmond, où il fut immédiatement rallié par sir John de Desmond et James Fitzgerald, autres frères du comte. D’abord le comte de Desmond fit un semblant de résistance, puis il déclara garder la neutralité. Le lord grand juge Pelbam lui ordonna alors de remettre toutes ses forteresses entre les mains de la reine ; il refusa et fut déclaré traître avec tous ceux qui portaient son nom (1er novembre 1579). Il ne restait à Desmond d’autre parti que de lever l’étendard de la révolte : c’est ce qu’il fit, et, pendant quatre ans, il soutint contre l’Angleterre une lutte acharnée. Enfin, après avoir perdu, l’une après l’autre, toutes ses forteresses, il fut obligé de se cacher pour sauver sa tête. Il erra quelque temps de retraite en retraite, puis fut tué, par un paysan nommé Kelly, dans une cabane où il s était réfugié. Ses domaines furent partagés entre "les capitaines d’Elisabeth.

    1. DESMOND (Jeanne Fitzgerald, épouse de

Jacques, troisième comte de) ##


DESMOND (Jeanne Fitzgerald, épouse de Jacques, troisième comte de), née dans le comté de Waterford, en Irlande, en 1458, morte en 1603, à l’âge de cent quarante-cinq ans. Cette femme extraordinaire, exemple bien remarquable de longévité, fut présentée par son mari à la cour d’Édouard 1er , avant d’avoir atteint sa vingtième année ; elle y eut le triste honneur de danser avec celui qui devait être le meurtrier du roi et celui de ses enfants, c’est-à-dire avec Richard, duc de Glocester et frère du roi. La comtesse de Desmond assista, sans y prendre aucune part, aux derniers événements qui signalèrent la fin de la guerre des Deux-Roses. Mais elle n’était pas faite pour la vie de cour ; elle ne put s’habituer aux exigences de l’étiquette, et se retira bientôt à Inchiqui en, dans le comté de Thomond, où son mari possédait une petite propriété. C’est probablement à l’air pur.et vif que l’on respire dans cette localité, à l’existence calme et régulière que la comtesse y mena, qu’il faut attribuer la longue durée de sa vie. Même dans l’âge le plus avancé, la comtesse de Desmond conserva toute la plénitude de ses forces et de ses facultés. On lui vit faire, vers l’âge de cent quarante ans, le voyage de Bristol à Londres, pour réclamer des secours du gouvernement. Elle revint, après cent vingt années d’intervalle, dans ce palais où elle avait vu Édouard IV et Richard III. Jacques Iereu-t pitié de la misère de la malheureuse comtesse et lui accorda ce qu’elle était venue solliciter. Elle mourut peu de temps après son retour. Walter Raleigh a connu cette femme extraordinaire et en parle dans son histoire naturelle. Bacon prétend, dans son Histoire de la vie et de la mort, qu’elle avait trois fois renouvelé ses dents. Walpole, après de scrupuleuses recherches, réduit la durée de sa vie à cent quarante-cinq ans, bien que d’autres auteurs 1 évaluent à cent soixante-deux. Son portrait est gravé dans le Voyage en Écosse, de Paman, d’après un tableau qui se trouve dans le château de Dupplin.

DESMONOTE s. m. (dè-smo-no-te — du gr. desmos, lien. ; nâtos, dos). Entom. Genre de coléoptères, de la famille des cycliques.

DESMONQUE s. m. (dè-smon-ke — du gr. desmos, lien ; ogkos, croc). Bot. Genre de palmiers du Brésil.

DESMOPATHIE s. f. (dè-smo-pa-tî — du gr. desmos, lien ; pathos, douleur). Pathol. Maladie des ligaments.

DESMOPHLOGIE s. f. (dè-smo-flo-jî — du gr.desmos, lien ; phlox, phlogos, flamme). Pathol. Inflammation des ligaments. || On dit aussi desmophlogose.

DESMOPHLOGIQUE adj. (dè-smo-flo-ji-ke — rad. desmophlogie). Qui est relatif à la desmophlogie : Symptômes desmophlogiques.

DESMOPHYLLE s. m. (dè-smo-fi-le — du gr. desmos, lien ; phullon, feuille). Zooph. Genre de polypiers pierreux.

DESMOSOME s. m. (dè-smo-so-me — du gr. desmos, lien ; sôma, corps). Entom. Genre de coléoptères tétramères, dont l’unique espèce habite le Brésil.

DESMOTOMIE s. f. (dè-smo-to-mî — du gr. desmos, lien ; tome, section). Anat. Dissection des ligaments.

DESMOTOMIQUE adj. (dè-smo-to-mi-ke

— rad. desmolomie). Anat. Qui est relatif à la desmotomie : Procédés desmotomiques.

DESMOULINS (Laurent), poète satirique français, né au xve siècle, mort vers 1525. Il était prêtre à Chartres. On a de lui un ouvrage en vers, intitulé Catholicon des maladvisez, autrement dit le Cymetière des malheureux, qui a été publié à Lyon en 1512, à Paris en 1513, et de nouveau à Lyon en 1534 (in-8o). Dans ce poëme, Desmoulins suppose qu’il est transporté en songe dans un cimetière, et que là un personnage allégorique, qu’il appelle Entendement, lui ordonne de décrire ce qui va s’offrir à sa vue. Aussitôt passent devant ses yeux les ivrognes, les paresseux, les avares, les prêtres simoniaques et débauchés, en un mot des hommes de tous rangs et de toutes conditions, qui s’accusent de leurs fautes. Le style du Catholicon est lâche, traînant, rempli d’expressions grossières ; ses images et ses peintures ne blessent pas moins la pudeur que le goût ; cependant, çà et là, on trouve, dit M. Weiss, « des figures adroitement employées, des images dignes d’un siècle et d’un poste plus éclairés. » On a encore de Desmoulins : la béploration de la feue royne de France, opuscule de seize feuillets qu’il fit paraître à l’occasion de la mort d’Anne de Bretagne.

DESMOULINS (Jean), en latin Molinœus, médecin et botaniste français, né à Amberi (Auvergne) en 1530, mort vers 1620. Il exerça son art à Lyon, et se livra d’une façon toute particulière aux études de botanique. Commerson a donné en son honneur le nom de molinea à un genre de plantes originaires de l’île de France. On a de lui la traduction des Commentaires de Mathiole sur Dioscoride (Lyon, 1572, in-fol.), et celle de l’Histoire générale des plantes de Dalechamp (Lyon, 1615-1663, 2 vol. in-fol.), ouvrage qu’il compléta et qu’il gâta,

DESMOULINS (Benoît-Camille), né en 1760, à Guise (Aisne), dans cette province de Picardie où s’élevèrent au moyen âge les premières communes et qui fut la patrie de tant d’esprits audacieux, d’hommes de pensée et d’action : Pierre l’Ermite, Calvin, les Guise, Saint-Simon, etc. Son père était lieutenant général au bailliage de Guise ; un revenu modeste suffisait à peine à l’entretien de sa nombreuse famille, et l’éducation de Camille serait restée fort incomplète, si son parent, M. Deviefville des Essarts, depuis député aux états généraux, n’avait obtenu pour lui une bourse au collège Louis-le-Grand. Il y fit des études très-brillantes et s’y lia d’une amitié étroite avec un autre boursier, réservé comme lui à une célébrité orageuse et tragique, Maximilien Robespierre. Leurs convictions républicaines s’élaborèrent en commun dans l’étude de l’antiquité. Dans son Histoire secrète de la Révolution, Camille a lui-même rappelé ces vives impressions de sa studieuse adolescence : « Les premiers républicains qui parurent en 1789 étaient des jeunes gens qui, nourris de la lecture de Cicéron dans les collèges, s’y étaient passionnés pour la liberté. On nous élevait dans les écoles de Rome et d’Athènes et dans la fierté de la république pour vivre dans l’abjection de la monarchie et sous le règne des Claude et des Vitellius ; gouvernement insensé, qui croyait que nous pourrions nous passionner pour les pères de la patrie du Capitole, sans prendre en horreur les mangeurs d’hommes de Versailles, et admirer le passé sans condamner le présent, ulteriora mirari prœsentia secuturos. »

Ce passage est caractéristique, car l’admiration pour l’antiquité classique et pour ses grands écrivains fut toujours pour quelque chose dans les opinions politiques de Camille. Au sortir du collège, il fit son droit et se fit recevoir avocat au parlement de Paris. Mais un léger bégayement lui ôtait l’espérance de jamais figurer avec éclat au barreau ; cette même difficulté de prononcer l’éloigna de la tribune et en fit un écrivain.

Longtemps il végéta dans la médiocrité, malgré ses talents. Son père, d’ailleurs, soit impuissance, soit parcimonie, ne l’aida jamais que de quelques louis arrachés un à un ; c’est à ce point qu’au commencement de la Révolution, Camille, déjà célèbre comme publiciste, n’avait pas de domicile et couchait à l’auberge. On trouve dans sa correspondance des détails curieux sur cette pénurie dans laquelle, de gré ou de force, le laissait sa famille. Le 20 septembre 1789, il écrit à son père : « … Vous m’obligerez de m’envoyer des chemises et surtout deux paires de draps, le plus promptement possible. Je compte être dans mes meubles, à la Saint-Remy… « Et le 8 octobre : « Je vous en supplie, puisque voilà le moment de toucher vos rentes, envoyez-moi six louis… Je veux profiter de ce moment de réputation pour me mettre dans mes meubles, pour m’immatriculer dans un district ; aurez-vous la cruauté de me refuser un lit, une paire de draps ? Suis-je sans avoir, sans famille ?… Depuis six ans je n’ai pas eu le nécessaire. Dites vrai, m’avez-vous jamais acheté des meubles ? m’avez-vous jamais mis en état de n’avoir point à payer le loyer exorbitant des chambres garnies ? Ô la mauvaise politique que la vôtre de m’avoir envoyé deux louis à deux louis, avec lesquels je n’ai jamais pu trouver le secret d’avoir des meubles et un domicile ! Et quand je pense que ma fortune a tenu à mon domicile ; qu’avec un domicile j’aurais été président, commandant de district, représentant de la commune de Paris ; au lieu que je ne suis qu’un écrivain distingué… Mais, chose étonnante ! voilà dix ans que je me plains en ces termes, et il m’a été plus facile de faire une révolution, de bouleverser la France, que d’obtenir de mon père, une fois pour toutes, une cinquantaine de louis, et qu’il donnât les mains à me commencer un établissement. Quel homme vous êtes ! avec tout votre esprit et toutes vos vertus, vous n’avez pas même su me connaître… Aidez-moi donc dans ces circonstances et envoyez-moi un lit, si vous ne pouvez m’en acheter un ici. Est-ce que vous pouvez me refuser un lit ? »

Dès l’ouverture des états généraux, Camille se jeta dans le mouvement avec autant d’entraînement que de passion. Membre actif du club des Cordeliers, il devint aussi un des habitués les plus ardents du Palais-Royal, dont le jardin était devenu le forum de la jeunesse patriote, le quartier général de la Révolution ; sans cesse il était sur le chemin de Versailles ; il assistait aux séances, il applaudissait aux grandes réformes ; et bientôt il prit la plume pour écrire son pamphlet de la France libre, pour lequel il trouva à grand’peine un éditeur, et qui cependant devait lui faire aussitôt une réputation de publiciste et d’écrivain. Un peu avant cette publication, l’audacieux jeune homme s’était signalé par un acte qui marque pour l’histoire la première heure de sa célébrité. Le 12 juillet, la nouvelle du renvoi de Necker et des préparatifs menaçants de la cour avait mis Paris en combustion ; au Palais-Royal, un peuple frémissant n’attendait qu’un signal. Tout à coup un jeune homme inconnu monte sur une table et pousse le cri de guerre que la foule attendait et qui détermine l’explosion. Nous avons raconté cette scène mémorable à l’article consacré à la prise de la Bastille. Camille lui-même rappelle souvent dans ses écrits ce premier rayon, cette aurore de sa gloire populaire. À sa voix le peuple arbore la cocarde verte, de feuillage ou de ruban ; l’appel aux armes retentit dans tout Paris, les théâtres sont fermés, on porte en triomphe les bustes de Necker ; le lendemain, la garde nationale se forme ; le 14, la Bastille est emportée.

Outre son action décisive dans le soulèvement du Palais-Royal, Camille joua un rôle actif dans ces grands événements ; il assista à l’enlèvement des armes cachées à l’hôtel des Invalides ainsi qu’à la prise de la Bastille. Peu après, il parvint à faire imprimer sa France libre, qui n’est pas le plus remarquable de ses ouvrages, mais qu’on relira toujours avec une émotion passionnée, et qui fut véritablement le chant de l’alouette gauloise saluant l’aurore de la liberté. V. France libre.

Le succès de cet écrit mit Camille tout à fait en vue. Il fut dès lors recherché par les députés de la gauche et les patriotes influents. Mirabeau l’attira à lui et l’occupa pendant quelque temps à préparer ses motions, afin de l’initier, disait-il, aux grandes affaires. Nature enthousiaste et spontanée, enivré d’ailleurs par ces premiers sourires de la gloire, le poète de la France libre s’attacha passionnément au grand orateur, qui le traitait, lui chétif, avec une si flatteuse amitié. Mirabeau devint et resta longtemps son oracle et son dieu, et, même quand il se fut politiquement séparé de lui, il subissait encore en une certaine mesure l’ascendant de son génie. Tel il fut jusqu’à la fin de sa vie, imagination mobile, cœur ardent, esprit aventureux, admirable parfois d’audace et de décision, mais infiniment variable et sensible aux influences d’amis. Toujours il lui faut un oracle, quelqu’un qui lui parle d’en haut et qui prenne autorité sur lui. C’est maintenant Mirabeau ; demain ce sera Robespierre et surtout Danton. Parfois même toutes ces influences se combattent en lui. Chose singulière et remarquable, ce Gaulois, ce moqueur, ce fils de Voltaire et des grands critiques est l’homme de son temps qui a au plus haut degré le sentiment de la vénération ; il est né disciple, et cependant ce n’est pas la hardiesse d’esprit qui lui manque. Il prit de grandes et belles initiatives, celle de l’appel aux armes en 1789, celle de la République, enfin celle du comité de clémence en pleine Terreur.

La France libre fut condamnée au feu par le parlement de Toulouse ; l’auteur en adressa de spirituels remercîments à cette cour, qui allait disparaître avec les autres cours souveraines, et qui sans doute voulait se donner un dernier ridicule avant de s’éteindre.

Camille publia ensuite le Discours de la Lanterne aux Parisiens, qui n’est pas, comme ont affecté de le croire certains biographes, un éloge des tristes exécutions populaires qui suivirent le 14 juillet, mais simplement une thèse de politique générale qui contient, au contraire, un appel à la justice régulière et à la modération, sous une forme, il est vrai, assez excentrique. V. Discours de la Lanterne, etc.

Le 28 novembre 1789, il fit paraître le premier numéro de son journal, les Révolutions de France et de Brabant (v. cet article), qui le plaça à la tête des journalistes de la Révolution. Pendant longtemps il partagea avec Marat les périls de la guerre d’avant-garde que le parti révolutionnaire faisait à la monarchie et au parti de la cour. Il était alors un des rares publicistes qui songeassent à la République, et il se prononça nettement pour cette forme de gouvernement alors qu’elle semblait encore impossible aux plus audacieux. « Nous n’étions peut-être pas, écrivait-il plus tard, dix républicains en 1789. » À cette époque, en effet, quoique l’épithète de royaliste fût déjà une injure dans la bouche des amis de la Révolution, ni Robespierre, ni Marat lui-même, ni la plupart des grands acteurs du drame révolutionnaire n’étaient à proprement parier républicains, à l’exception de Condorcet, de Brissot et de quelques autres. Déjà, d’ailleurs, dans la France libre, Camille avait fait à cet égard sa profession de foi. Dès le premier numéro de son journal il écrit :

« Ne vous y trompez pas, le problème des grandes républiques est résolu. Le bon sens du manœuvre et du journalier m’étonne tous les jours de plus en plus ; le faubourg Saint-Antoine croît en sagesse : nous marchons à grands pas vers la République. Déjà les démocrates sont le plus grand nombre : mais ils aiment trop leur patrie pour la livrer aux horreurs d’une guerre civile. Attendez quelques années, et la raison triomphera sans effusion de sang. »

Sa république, — et c’est en cela que sur plusieurs points il se distingue des disciples de Mably et de Rousseau, — c’est la jouissance d’une riche civilisation, embellie par le luxe, les arts et l’industrie ; c’est le libre développement des facultés humaines et de l’individualité de chacun, l’indépendance de la parole, de la pensée et des actions ; en un mot, c’est Athènes et non pas Sparte ; il ne veut pas de cette égalité qui ne serait qu’une égalité de sacrifices. Mais il n’en faudrait pas conclure, comme quelques-uns l’ont fait un peu trop systématiquement, qu’il eût pour idéal une sorte d’épicurisme politique et social, ni surtout qu’il rêvât la prédominance des classes riches et lettrées. Dans les questions qui plus tard divisèrent les hommes de la Montagne, il n’y eut souvent qu’une querelle de mots. Quand l’Assemblée constituante,