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un acte appartenant à M. Henri Bordin,

Ealéographe et élève de l’École des chartes, eschamps est revêtu des mêmes qualités dans une quittance originale (bibliothèque du Louvre) relative à un recueil de poésies intitulé : le Livre de pèlerinage de la vie humaine, etc., qu’il avait cédé ou vendu au duc Louis d’Orléans. On doit à M. Crapelet les Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, avec notice sur l’auteur (Paris, 1832, in-go). D’un autre côté, M. Prosper Tarbé a publié, en 1849, sous le titre i’Œuvres inédites d’Eustache Deschamps, 2 volumes contenant un choix de pièces historiques et la ballade chantée en 1339 : Quand reviendra notre roy à Paris ? « Il s’en faut de beaucoup, ajoute M. Brunet, que tous les écrits de Deschamps aient été livrés au public, puisqu’un seul manuscrit (no 7219) offre 1,774 ballades, 171 rondeaux, 17 épîtres, 80 virelais, 28 farces, complaintesettraités divers, 17 lai s, etc. » Tous ces ouvrages placent Deschamps au-dessus de Charles d Orléans, qui vint après lui et qui n’eut ni la même variété de genres ni la même abondance de pensées ; de sorte que retirer à Charles d’Orléans le titre de « père de la poésie française, » dont la postérité l’a gratifié, pour le rendre à Eustache Deschamps, cela ne serait que justice.

DESCHAMPS (Gilles), théologien français, fils du précédent, né à Rouen, mort en 1413. Il étudia à Paris et se fit recevoir à Orléans licencié in utroque jure. Il eut de son temps la réputation d’un savant docteur en théologie et fut adjoint aux. ducs d’Orléans, de Berry et de Bourgogne, qui allèrent, en 1395, porter au pape Benoit XIII, à Avignon, l’adresse de rassemblée du clergé de France, tendant à mettre un terme au schisme qui désolait l’Église. Ce fut Deschamps que l’on chargea de haranguer le pape en cette circonstance. Bien qu’on le retrouve encore employé dans d’autres missions importantes, il ne paraît pas cependant avoir jamais occupé d’emploi considérable dans l’Église.

DESCHAMPS (Martial), médecin français ! né à Périgueux au xvis siècle. Il fut nommé, en 1573, médecin de la maison de ville de Bordeaux. On a de lui un ouvrage souvent réédité : Histoire tragique et miraculeuse d’un vol et assassinat (Paris, 1576), dans lequel il raconte une attaque qu’il eut à subir de la part de voleurs pendant un voyage dans le Berry.

DESCHAMPS (Marie), née à Paris en 1583. Elle perdit ses parents lorsqu’elle n’avait pas huit ans encore et fut recueillie par M™e Acarie. OrM’ne Acarie, aidée de Marguerite et de Catherine d’Orléans, introduisait en France, à la fin du xvie siècle, l’ordre du Carmel, réformé en Espagne par sainte Thérèse, quelques années auparavant. Dans son prosélytisme ardent, aveugle, elle prépara à la vie religieuse la pauvre orpheline, et à quinze ans, à l’heure où s’ouvre l’esprit, où s’épanouit le cœur, où l’on a besoin de lumière, de mouvement, d’air, elle la jeta derrière les hautes murailles et les grilles de fer du couvent de la rue Saint-Jacques. Marie Deschamps fit profession en 1610 sous le nom de Marie delà Croix. Elle mourut en 1G44, âgée "de soixante et onze ans et après avoir été mal tresse des novices et prieure tour à tour à Bordeaux, à Toulouse, à Riom et à Poitiers. Son esprit, disent les mémoires du temps, était solide autant qu’élevé et cultivé ; le père Bourgoing, de l’Oratoire, aimait à la consulter sur ses ouvrages.

DESCHAMPS (François-Michel-Chrétien), auteur dramatique français, né près deTroyes en 1683, mort à Paris en 1747. Fils d’un ancien officier de cavalerie, il eut pour parrain et protecteur le ministre Louvois. Il essaya de l’état ecclésiastique, de la carrière des armes, obtint ensuite un emploi dans les finances (1703) et devint, en 1721, premier commis du célèbre financier Pâris-Duverney. Il avait consacré ses loisirs à la culture des lettres et s’était fait connaître par un certain nombre de tragédies. Nous citerons entre autres : Caton d’Otique, tragédie en cinq actes (1715), pièce qui obtint beaucoup de succès, fut traduite en anglais et représentée à. Londres ; Antiochus et Cléopâire, tragédie en cinq actes (1717) ; Lycurgue, tragédie (1731), non représentée ; Artaxerxès, tragédie (1735), non imprimée ; Médus, tragédie U739) ; Réponse à l’épitre à Uranie, sans nom d’auteur ni de libraire ; Examen des réflexions sur les finances et le commerce de M. du Tôt (La Haye, 1740, 2 vol. in-12).

DESCHAMPS (Jean), pasteur protestant allemand, né à Butzow en 1709, mort en 1767. Il commença ses études à Genève et les termina sous la direction du célèbre philosophe Christian Wolf. Il fut ordonné pasteur protestant à Cassel en 1737. Frédéric, alors prince royal de Prusse, l’attacha a sa maison en qualité de prédicateur et le donna ensuite pour précepteur à ses frères quand il fut devenu roi. Mais ces faveurs n eurent pas une longue durée ; Deschamps, avant attaqué Voltaire, alors choyé et fêté à Berlin, tomba dans la disgrâce et dut quitter la cour. Il passa en Angleterre en 1747, se livra, durant deux années, à des travaux purement littéraires, et fut nommé, en 1749, pasteur de l’église de la Savoye. Il la desservit jusqu’à sa mort. Nous citerons parmi ses ouvrages, qui, pour la plupart, sont des traductions : la Lo-

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gique ou Réflexions sur les forces de l’entendement humain, traduit de l’allemand de Wolf (Berlin, 1736, in-8<>) ; Recueil de nouvelles pièces sur les erreurs prétendues de la philosophie de M. Wolf (Leipzig, 1736, 1737, 2 parties in-8°) ; le Philosophe roi et le roi philosophe, traduit du latin de Wolf (1740, in-4°), inséré d’abord dans la Bibliothèque germanique ; Discours sur cette question curieuse -• Tout est-il bien ? où l’on compare le système de Pope et de Leibnitz sur le meilleur monde (1755) ; Cours abrégé de la philosophie wotfienne en forme de lettres (Amsterdam et Leipzig, 1743, 1747, 3 vol. in-8°).

DESCHAMPS (M’e), célèbre courtisane, qui vivait à Paris sous Louis XV. Elle était fort belle et ne manquait ni d’esprit ni de savoir. Elle lisait un jour que Phryné avait offert de rebâtir la ville de Thèbes à ses frais, à la condition qu’on placerait cette inscription sur les murs : Alexandre a détruit Thèbes, et Phryné l’a rebâtie, mais qu’on avait rejeté cette proposition. Cette pensée de la courtisane athénienne parut merveilleuse à Mi’e Deschamps. Ayant appris, à quelque temps de là, qu’une autre Phryné, du nom de Rhodope, avait fait élever une pyramide également à.ses frais, elle voulut, quoi qu’il dut en coûter, joindre ce point de ressemblance à ceux qu’elle offrait déjà avec ces deux célèbres modèles. Elle ne connaissait aucune ville qui fut à rebâtir en France et il n’y avait guère d’apparence qu’une pyramide pût y avoir le moindre succès. Elle réfléchit longtemps et finit par se rappeler que le Louvre n’était point achevé. Elle offrit aussitôt de le terminer à ses frais. L’argent ne lui manquait pas : elle avait, à ce que dit la chronique, un nombre si prodigieux d’amants riches, qu’elle eût pu se charger de construire les fortifications de Paris au grand détriment de M. Thiers. Mais, hélas 1 elle ne trouva pas les mêmes facilités que Rhodope. On refusa net. Le Louvre a été achevé depuis... par les contribuables.

DESCHAMPS (Joseph-François-Louis), médecin français, né à Chartres en 1740, mort en 1824. Il se rendit à Paris, où il suivit les leçons du chirurgien Moreau, fut admis à l’École pratique (1764)’, y remporta les premiers prix, puis obtint au concours la place de chirurgien principal de l’hôpital de la Charité (1765). En 1771, le collège de chirurgie l’admit parmi ses membres. Chirurgien en chef de la Charité en 1788, chirurgien consultant de Napoléon, membre de l’Académie des sciences en 1811, Deschamps consacra la plus grande partie de son temps au service des pauvres et» l’étude. Il vit sa Vieillesse troublée par de violents chagrins domestiques et mourut presque pauvre. Ses principaux ouvrages sont : Traité historique et dogmatique de l’opération de la taille (Paris, 1796-1797, 4 vol. in-8°), et Traité des fosses nasales et de leurs sinus (Paris, 1803, in-8°). Il pratiqua le premier en France la ligature des artères principales des extrémités, spécialement dans I’anévrisme de l’artère poplitée, d’après la méthode de Hunter.

DESCHAMPS (Claude-François), instituteur de sourds-muets, né à Orléans en 1745, mort en 1791. Il entra dans le ministère ecclésiastique, qu’il cessa d’exercer à la suite de tracasseries de la part des jésuites. Ayant eu l’occasion de voir un sourd-muet à qui l’Espagnol Pereira avait rendu presque l’usage de la parole, il résolut de consacrer sa vie à l’éducation des sourds-muets, et donna à la fois des leçons et du pain aux malheureux frappés de cette triste infirmité. Comme il avait préféré le système de Pereira à celui de l’abbé de L’Epée, alors en vogue, Deschamps vécut et mourut à peu près ignoré. Ses principaux écrits sont : Cours élémentaire d’éducation des sourds -mue ts- (Paris, 1777) ; De la manière de suppléer aux oreilles par les yeux, pour, servir de suite au Cours élémentaire (1783).

DESCHAMPS (Jean-Marie), littérateur, né à Paris vers 1750, mort en 1826. Avant la Révolution, il était secrétaire du ministre Montraorin ; plus tard il obtint la protection de l’impératrice Joséphine, qui le nomma d’abord secrétaire de ses commandements et le fit ensuite attacher au cabinet de l’empereur. Après le divorce, il demeura fidèle à sa bienfaitrice et renonça k ce dernier emploi. On a de lui des traductions : Simple histoire, roman anglais ; le Moine, par Lewis ; les Mystères aVUdolphe, par Anne Radeliffe ; Camille ; des pièces de théâtre, données au Vaudeville, et remarquables par leur entrain et leur gaieté ; la Revanche forcée (1792) ; Pire» avec ses amis (1792) ; le Poste évacué (1793) ; Poinsinet, ou Que les gens d’esprit sont bêtes (1793) ; les Effets au porteur ; le Muet malgré lui ; Charles Rivière-Dufresny, ou le Mariage impromptu ; le Scellé (1798), avec Després ; la Succession ; Une soirée des deux prisonniers (1796) ; Albert, ou la République de Lucques (1792), avec Andrieux ; le Nouveau magasin des modernes, avec Déserts et Ségur jeune ; Molière à Lyon (1798) ; le Mameluk à Paris (1798) ; le Pari, avec Barré, Radet, Desfontaines et Després ; le Portrait de Fielding, avec Desfaucherets et de Ségur aîné ; enfin, la traduction en vers du Barde de la forêt Noire, roman italien de Monti (Paris, 1807, in-8°). Il avait contribué à l’arrangement, pour l’Opéra, du pastiche | ou oratorio de Saut.


DESCHAMPS (Émile DESCHAMPS DE SAINT-AMAND, connu sous le nom d’Émile), poète français, né à Bourges, où son père était directeur des domaines et receveur général, le 20 février 1791. Il vint terminer ses études à Paris. Il y connut Pichat, le mythologique Lebrun-Pindare ; Ducis, “ brûlant imitateur qui s'éteint en créant ; ” J.-M. Chénier, génie académique ; le vieux Fontanes , Chateaubriand, Parny, qui, “ cinquante ans, des salons aux ruelles voltigeant, ne trouva ni censeurs ni cruelles ; ” Delille, “ chef heureux d'un système tombé ; ” le doux Bernardin de Saint-Pierre, Alexandre Soumet et bien d'autres, poètes, gens de lettres, artistes, dont son père, devenu l'un des administrateurs de l'enregistrement, aimait à s'entourer. Enfant un peu étourdi, mais doué d'aptitudes merveilleuses, il fut, avec son frère Antony, élevé par “ une sainte femme ” qui, depuis trente ans, vivait dans la maison austère et pauvre de ses parents. Dès 1812, il composa une ode patriotique, la Paix conquise, adressée au comte de Las-Cases, et qui fixa l'attention de Napoléon. La paix fut conquise, en effet, non pas comme le jeune poète la souhaitait, avec la victoire chantant “ l'hymne retentissante, ” non pas avec la gloire, mais avec la honte, et la Restauration arriva. M. Émile Deschamps était entré dans l'administration des domaines la même année 1811. Au retour des Bourbons, il fut inquiété par la police pour avoir contribué à la défense de Vincennes et remis au général Daumesnil, qui commandait le fort, une épée d'honneur, offerte par les habitants. Il se vengea des tracasseries du pouvoir en poète et en homme d'esprit, par une chanson. Mais c'est vraiment de 1818 que datent sa réputation littéraire et ses succès. À cette époque, il fit jouer, en société avec Henri de Latouche, son compatriote, deux comédies en vers qui furent accueillies à l'Odéon par des bravos enthousiastes : Selmours de Florian, en trois actes, et, le Tour de faveur, en un acte. Cette dernière pièce, charmante de verve et de style, publiée sous le pseudonyme de MM. Bernard, eut plus de cent représentations et fournit depuis à Casimir Delavigne l'idée et presque le plan de ses Comédiens. Lorsque s’engagea la lutte des classiques et des romantiques, M. Émile Deschamps s'enrôla au premier rang des novateurs. Un des disciples les plus ardents et bientôt un des maîtres de la jeune école, il déploya une grande audace, tempérée par cet esprit fin et de bon gout qui distingue son talent, à débarrasser la poésie des entraves systématiques qui la rivaient aux formes vieillies, aux rhythmes monotones, à l'ennui solennel, à l'absurde le plus souvent. M. Deschamps père, mort en 1826, donnait l'hospitalité de son salon aux poètes nouveaux : Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Vigny, Charles Nodier, Soumet, y venaient pleins d'ardeur rompre des lances en faveur des doctrines littéraires, qu'il s'agissait de faire triompher à la barbe même de l'Académie. Les deux frères, Émile et Antony, faisaient les honneurs de ces réunions et leur prêtaient le charme de leur esprit et de leur talent. La propagande du salon se continuait au dehors. Émile avait , en 1824 , fondé , avec Victor Hugo, la Muse française, journal qu'il défraya d'articles étincelants de verve, d'esprit et de grâce, signés de ce pseudonyme : le Jeune moraliste, lesquels ont été réunis, en 1826, sous ce titre : le Jeune moraliste du XIXe siècle. Il fournit au même recueil des poésies, des portraits littéraires, des nouvelles, dont plusieurs popularisèrent son nom. Nous citerons une Messe de mariage, un Bal de noces, Mea culpa, Appartement à louer et surtout René-Paul et Paul-René, petit chef-d’œuvre de sentiment, qui retrace d'une façon touchante les affinités sympathiques de deux pauvres jumeaux, et qui a dû inspirer à M. Alexandre Dumas l’idée première des Frères corses : Ces nouvelles ont été rassemblées et publiées plus tard en un seul volume qui a pris le titre de Contes physiologiques. En 1828 parurent les Études françaises et étrangères, c'est-à-dire le recueil alors complet des poésies de tout genre de M. Émile Deschamps. La préface placée en tête du livre, sorte de manifeste de l'école romantique, produisit une vive sensation et souleva une polémique assez passionnée. Elle obtint le suffrage de Goethe. Les Études, qui ont été souvent réimprimées, ont eu un immense succès. Elles se partagent en trois séries bien distinctes : traductions, imitations, poésies originales. Le vers moderne, conquête du romantisme, a l'incontestable qualité de pouvoir revêtir tous les rhythmes et toutes les mesures ; la variété de coupe, la liberté de césure, mille charmants secrets de facture le rendent merveilleusement propre à reproduire le ton et la couleur des chefs-d’œuvre étrangers. C'est ce qui explique le succès avec lequel M. Émile Deschamps a pu à la fois imiter ces admirables romances espagnoles, si bien nommées une Iliade sans Homère, et traduire les poésies allemandes. Ces études étrangères débutent par le poème de Rodrigue, épopée composée de plusieurs chants lyriques qui se relient entre eux, quoique de différents rhythmes, et présentent un drame complet, ayant son exposition, son nœud et sa catastrophe. Ces chants, au nombre de douze, sont d'une beauté étrange et sauvage ; citons, parmi les plus remarquables : la Cloche, de Schiller, et la Fiancée de Corinthe, de Goethe. Ces deux poèmes, que Mme de Staël croyait intraduisibles en vers français, ainsi que les Lieder de Schubert, sont rendus avec la physionomie caractéristique de chaque muse. Plusieurs de ces traductions poétiques ont été mises en musique par les maîtres : Rossini, Bellini, la Malibran, etc. Le Roi des aunes, entre autres, eut un grand succès. Les œuvres originales qui forment la seconde moitié du volume appartiennent à tous les genres, depuis l'élégie et l'épître jusqu'au rondeau et au madrigal ; depuis l'ode et l'idylle jusqu'à la chanson ; depuis le sonnet et la ballade jusqu'à l'épigramme. Elles sont parfaitement pensées et écrites avec beaucoup de charme : l'élégie aux mânes de Joseph Delorme est une des mieux réussies de la poésie moderne. Les vers sur la Première page d'un album sont un modèle exquis du genre gracieux :

Sur cet album tout fraternel
Vous m'honorez du premier chiffre !
J'accepte ce rang solennel :
Au fait, le tambour et le fifre °
Ont le pas sur le colonel ;
Chantres et bedeaux en campagne
Marchent en tête des prélats,
Et le gros vin, dans nos galas,
Circule avant les vins d'Espagne.
. . . . . . . . . . . .

Il faut encore rappeler Retour à Paris, Une fête, Je suis mort, la Noce d'Elmance, Votre fête, une Scène des Apennins, l’Homme aux tigres, qui, dans des tons différents, dénotent la souplesse et l'habileté du poète. L'épigramme adressée à un mégalanthropogénésiaque est digne d'être rapportée :

Un ami du progrès et de l'humanité
    Nous démontre comme on opère
Pour avoir des enfants d'esprit à volonté...
    C'est grand dommage, en vérité,
Qu'il n'ait pas enseigné son secret à son père.

Plusieurs des pièces, acrostiches, sonnets sur les mêmes rimes, impromptus, épigrammes, qui se rencontrent dans les Études ont été improvisées. Un jour cette faculté italienne, si rare en France, servit notre poète avec un à-propos sans exemple. C'était le 29 avril 1827. La garde nationale était réunie pour une revue au Champ-de-Mars, M. Émile Deschamps, le front ceint, non pas de la couronne de chêne, mais du lourd bonnet à poil, était perdu dans les rangs des citoyens. Tout à coup le bruit se répand que la garde nationale est licenciée. La verve satirique du soldat-poète se réveille, l'indignation et le patriotisme font monter à ses lèvres le vers qui cingle et qui mord. Un premier couplet est improvisé et chanté en même temps. Accueilli avec transport, il circule de compagnie en compagnie, de légion en légion. M. Émile Deschamps continue, et sa verve intarissable se répand comme à plaisir sur cette masse qui défile l'arme au bras, sur ces 50,000 hommes qui répètent ses paroles à. l'unisson , qui font un immense écho à sa pensée. La chanson vole ainsi de bouche en bouche du Champ-de-Mars à la Madeleine. Elle est le mot d'ordre. Le soir toutes les rues de Paris la savaient.

Collaborateur d'une foule de revues et de journaux, répandant partout des .articles de critique littéraire et même d'archéologie, des tableaux de mœurs et des poésies, M. E. Deschamps a écrit aussi, pour les livres d'autrui, beaucoup de préfaces. En 1834, il traduisit avec Castil-Blaze le Don Juan de Costi, qui fut représenté avec succès à l'Opéra, collabora, dit-on, au poème des Huguenots avec M. Scribe seul nommé, et, quelques années plus tard, écrivit pour Niedermeyer le libretto de Stradella (1837). Nous n'avons pas compté Ivanhoé, opéra anonyme en trois actes et en prose avec M. Jules de Wailly (1826). Arrivons à son oeuvre la plus éminente, sa traduction en vers de Roméo et Juliette (1839) et de Macbeth (1844) ; ces deux drames, avec la préface et les commentaires, forment le premier volume de l'édition de ses Œuvres, commencée en 1844 et restée inachevée. Macbeth, traduit en vue du théâtre vers 1827, ne fut publié qu'en 1844 et joué plus tard (1848) à l'Odéon. Il eut alors, devant un auditoire français, un succès d'une centaine de représentations. Le traducteur avait supprimé ou élagué quelques scènes parasites qui, ne tenant pas au drame, nuisaient à l'intérêt. Il avait interverti l'ordre de quelques autres et terminé les actes au point de vue de nos habitudes théâtrales, supprimant ou fondant les personnages secondaires, le système de traduction mis en œuvre par lui consistant, non pas à montrer Shakspeare tout à fait comme il est, mais à produire dans notre époque et notre langue les mêmes effets que Shakspeare produisait dans les siennes. La même méthode de transposition, dans Roméo et Juliette, est employée à merveille. Après avoir suivi l'Eschyle anglais pas à pas pendant une partie du drame, enlevant çà et là seulement au chêne altier quelques petites branches mal venues, quelques feuilles jaunies, le débarrassant de quelques végétations étrangères, M. Émile Deschamps s'en écarte brusquement au dernier acte pour adopter le dénoû--