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tenir tout ce que la Genèse dit y avoir été renfermé, les défenseurs de la révélation biblique calculent ces dimensions d’après les données fournies par le livre sacré ; ils trouvent au fond de cale 622, 500 pieds « ’ubes et au troisième étage 415, 000 pieds cubtîs ; c’est sans doute là qu’on a mis les provisions de toute nature, et ces deux parties de l’arche pouvaient en contenir jusqu’à concurrence de 383, 510 hectolitres. Le premier et le second étage, qui avaient chacun 41, 500 pieds carrés, étaient réservés aux animaux : le premier contenait sans doute les plus grands ; on pouvait y faire tenir à l’aise 576 couples. Le second, destiné aux oiseaux et aux petits animaux, était divisé en cages superposées de trois pieds de haut et pouvait loger 15, 561 espèces, sans parler de 16, 000 espèces d’insectes que Noé dut placer par-ci par-là. L’arche aurait donc logé 16, 137 espèces, tant mammifères qu’oiseaux et reptiles, et 16, 000 espèces d’insectes. Les naturalistes trouveront sans doute que c’est bien peu pour l’universalité des animaux ; mais ne chicanons

pas sur ce point. Les 333, 510 hectolitres suffisaient évidemment à nourrir pendant douze mois 16, 137 espèces d’animaux et 16, 000 espèces d’insectes, d’autant plus qu’il y avait un certain nombre d’espèces carnivores : il est vrai qu’il fallait trouver de la place pour les animaux destinés à les nourrir ; mais ceux-là n’avaient besoin ni d’autant d’aise, ni d’autant de nourriture que les autres. D’ailleurs les eaux du déluge ont pu amener autour de l’arche des cadavres que Noé a sans doute péchés à la ligne pour les servir aux carnassiers, et à défaut de cadavres il aura péché des poissons. Quant aux soins à donner k tant d’animaux, rien de plus facile à expliquer. L’eau découlait sans doute dans les auges des animaux par des canaux qui la recevaient du toit, disposé en plat-bord, et cette même eau pouvait être aisément introduite dans les étables pour les nettoyer.

Pour ce qui est de la distribution de la nourriture, Noé avait dû s’adresser à d’habiles mécaniciens qui sans doute ménagèrent des trappes ou d’autres communications entre les divers étages, de façon que la distribution s’opérât sans peine et sans fatigue.

Quant au rassemblement de tous ces animaux de climats si opposés, Dieu, qui les avait créés et qui voulait les conserver, a sans doute inspiré à deux ou à sept couples de chaque espèce l’idée de venir trouver Noé, qui les introduisait dans l’arche au fur et à mesure qu’ils se présentaient.

Nous n’avons rien à dire après une réponse si précise. Nous ferons seulement remarquer que les découvertes de plus en plus nombreuses d’ossements fossiles ont démontré avec évidence l’impossibilité de faire entrer tous les animaux dans l’arche. Ou la grandeur de cette maison ne pouvait suffire a contenir tous les mammifères, tous les reptiles gigantesques dont les excavations du sol nous ont découvert les débris, et alors il faudrait conclure que Dieu avait abandonné un grand nombre d’animaux à la destruction, ou l’on est obligé de rapporter leur existence k une création antérieure dont la Bible n’aurait rien dit et dont la disparition avait fait place à l’ordre actuel, deux résultats également contraires à l’orthodoxie.

« Le récit de la Genèse, dit M. Maury, témoigne d’ailleurs d’idées co&mogoniques fort grossières. Selon le livre sacré, c’est par une pluie diluviale qui s’échappe à travers les fenêtres du ciel que la terre est inondée. Cette explication cadre, au reste, parfaitement avec la conception uranologique qui se montre dans les premières lignes du texte hébreu. Le firmament y est décrit comme servant a retenir les eaux du ciel, et naturellement, quand les fenêtres ou écluses de cette voûte solide viennent à s’ouvrir, l’eau s’écoule. ■ Les sources du grand abîme, ajoute la Ge- « nèse, jaillirent en même temps. » Cette nouvelle circonstance indique qu’on supposait, dans la. profondeur de la terre, de vastes réservoirs naturels d’où l’eau sort comme d’une source abondante. Ce sont là des notions qui peuvent avoir cours dans l’enfance de la civilisation, mais qui deviennent ridicules dèsque la véritable science commence à les éclairer de sa lumière. »

Les croyants ont appelé la géologie au secours de leur foi, et ifs ont prétendu que le déluge biblique est la principale cause des nombreux phénomènes géologiques qu’on observe à la surface du globe, et particulièrement de tous les débris fossiles que l’on rencontre dans diverses couches généralement appelées fossilifères. Les fossiles furent donc longtemps considérés par eux comme des médailles commémoratives du déluge.

« À l’époque où l’on commença à étudier la géologie, dit Lyell, on pensait généralement que les coquilles marines, et autres fossiles, étaient le résultat et la preuve du déluge de Noé j mais, depuis longtemps, ceux qui ont étudia avec soin les phénomènes ont rejeté cette opinion. On peut supposer qu’une inondation passagère laisse ça et là derrière elle et sur la surface des monticules isolés de li— I mon, de sable, de cailloux, confusément mè— ! lés de coquilles ; mais les couches qui contiennent des fossiles ne sont pas exclusivement superficielles et ne couvrent pas simplement la terre, elles constituent au contraire la masse entière des montagnes. Les fossiles tl’y sont pas non plus disséminés pêle-mêle,

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sans aucun rapport avec les habitudes originelles et la nature des êtres qu’ils représentent : on ne trouve guère, par exempïo, associés ensemble ceux qui ont vécu dans les eaux profondes et ceux qui ont vécu dans les eaux basses, les espèces côtières et celles qui s’éloignaient des bords, celles qui se plaisaient dans les eaux saumâtres et celles qui recherchaient les eaux salées. Quelques écrivains modernes, qui n’ignorent pas que les corps fossiles ne peuvent pas tous être rapportés au déluge, ont pensé que ces corps, ainsi que les couches dans lesquelles ils sont renfermés, pouvaient avoir été déposés dans le lit de l’Océan pendant la période qui s’est écoulée entre la création de l’homme et le déluge. Ils ont imaginé que le lit antédiluvien de l’Océan, après a voir été le réceptacle de plusieurs dépôts stratifiés, serait devenu, à l’époque du déluge, le continent que nous habitons, et que les anciens continents auraient été submergés et transformés en ce qui forme le lit actuel des mers. Cette hypothèse, quoiqu’elle soit préférable à la théorie diluvienne, puisqu’elle admet que toutes les couches fossilifères ont été successivement déposées par les eaux, est encore tout à fait insuffisante pour expliquer les révolutions répétées que la terre a subies ; elle ne saurait non plus rendre compte des indications qui, dans la plupart des pays, nous montrent les continents actuels émergés de l’Océan depuis bien plus de quatre mille ans. » La géologie fournit en effet des preuves convaincantes de ces révolutions réitérées ; différente groupes découches Sédimentaires, de quelques centaines et même de quelques milliers de mètres d’épaisseur, ont été entassés les uns sur les autres dans la croûte de la terre ; chacun d’eux contient des animaux et des plantes fossiles d’espèces que l’on peut distinguer, pour la plupart, de celles qui existent encore aujourd’hui. Quelques-unes de ces couches se composent presque entièrement de coraux, d’autres renferment des coquilles, d’autres des plantes transformées en charbon, d’autres enfin sont absolument dépourvues de fossiles. Dans telle série de couches, les espèces fossiles sont marines ; dans telle autre, placée immédiatement au-dessous ou au-dessus, les espèces prouvent clairement que le dépôt a été formé dans un lac ou dans un estuaire d’eau saumâtre. Quand on a examiné attentivement ces faits, on est convaincu, ainsi que le remarque Ch. Lyell, que le temps requis pour la formation des roches qui composent les continents actuels doit avoir été bien plus long que celui qui est assigné par la théorie en question ; on est certain de plus qu’aucune hypothèse de transformation universelle ou soudaine de la mer en continents ne peut rendre compte des phénomènes géologiques. Cette grande classe de roches, quelque variables que soient celles-ci dans leur composition minérale, leur couleur, leur texture et leurs autres caractères tant extérieurs qu’intérieurs, peut se grouper sous une seule et même origine. Toutes ont été formées sous l’eau de la même manière que les accumulations de sable, de boue, de galets, les bancs de coquilles, de coraux et tant d’autres qui se développent encore de nos jours. Quelques-unes de ces couches ont été déposées dans les profondeurs de la mer tandis que les autres ont certainement été formées dans les lacs ou dans les estuaires, car les coquilles qui composent ces dernières présentent exclusivement les formes caractéristiques des espèces propres aux lacs et

aux rivières.

Ces couches sont le résultat des divers cataclysmes qui ont changé la face du globe, mais ces cataclysmes ont précédé de beaucoup le déluge biblique et l’époque de l’apparition de l’homme ; les plus récents remontent au moins à l’époque tertiaire.

Quelques savants ont tenté l’œuvre difficile de concilier la science et la foi, en réduisant la géologie aux étroites proportions du récit biblique, et en dégageant en même temps le texte hébreu de son caractère grossier et la science des résultats antibibliques auxquels elle arrive ; mais Es n’ont fait que se mettre en contradiction et avec la science et avec la foi. Les uns regardent le déluge de Noô comme la dernière des catastrophes diluviales dont le sol terrestre porte les nombreux témoignages. Mais si le dernier cataclysme

universel avait été contemporain de l’homme, on retrouverait dans les couches fossilifères, ainsi que Berkeley le faisait observer il y a longtemps déjà, non-seulement des ossements humains, mais les vestiges des ustensiles dont l’homme faisait usage et des habitations qu’il se construisait. La terre, qui a gardé fidèlement avec leurs formes les plus délicates de chétives coquilles, des graines si légères, des parties si déliées de l’organisation des mollusques, eûtégalementgardédans son sein des marques de la présence de l’homme ; si elle ne la pas fait, c’est que l’homme nexistait évidemment pas lors des cataclysmes qui ont produit tous ces débris fossilifères. D’ailleurs ces débris diluviens, ces couches sédimentaires, ces alluvions innombrables n’auraient évidemment pu être déposés pendant les quarante jours que la Bible assigne au déluge ; plusieurs sont l’œuvre de milliers d’années, et le cataclysme biblique ne peut les expliquer, Cuvier lui-même, le plus célèbre de ceux qui ont entrepris cette tâche impossible de concilier la science et la foi, n’a

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pas toujours tenu le déluge biblique pour universel. > Il parait, dit-il quelque part dans ses célèbres discours sur les révolutions du globe, que la race africaine a échappé à la grande catastrophe sur un autre point du giobe que la race caucasique. » Ailleurs il dit que les pays aujourd’hui habités et rais à sec par la dernière révolution avaient déjà été habités, sinon par des hommes, du moins par des animaux terrestres, par ou l’on voit qu’il incline à penser que l’homme n’a paru sur la terre que depuis cette dernière révolution, ce qui n’est pas précisément d’accord avec le récit biblique.

Un géologue distingué, M. H. Reboul, a résumé ainsi les objections que le système biblique lajsse accumuler contre lui : « Aucun des effets attribués aux cataclysmes des géologues ne correspond à la relation de Moïse. Ces effets sont principalement l’excavation des vallées, la dénudation et l’érosion. de leurs rochers, la dispersion sur toute la superficie de la terre d un même dépôt diluvien, le renouvellement de la plupart des êtres vivants et notamment de presque toutes les espèces de mammifères de la période tertiaire. Or, Moïse a pris soin d’exposer comment aucune des espèces vivantes au temps du déluge ne s’est perdue dans cette catastrophe. Il a prévenu toutes ces suppositions de dénudation et d’enfouissement, en fixant la mesure du temps pendant lequel les eaux diluviennes se sont exhaussées et abaissées, laissant sur pied non — seulement les arbres des forêts, mais encore ceux des champs, tels que les oliviers. La doctrine exposée dans le célèbre discours préliminaire de Cuvier, quoique réputée orthodoxe, s’en écarte sur les points les plus importants. Elle supposa l’immersion prolongée pendant des siècles entiers d’une partie de la superficie terrestre et l’immersion exclusive d’une autre partie ; elle admet diverses familles antédiluviennes de race blanche, jaune, noire, comme ayant habité des contrées isolées qui ont été pré-ervées de cette grande catastrophe. Celle-ci, ainsi considérée, n’a rien de commun &vecle déluge deluGenèse…. Aucune loi naturelle connue ne fournit le démenti de cette inondation telle qu’elle est racontée. Elle est donc physiquement inexplicable ; et d’ailleurs vouloir l’expliquer, n’est-ce pas nier le miracle V En l’admettant comme un fait révélé, il faut l’admettre dans son entier, croire à la suspension des eaux universelles au-dessus de 1 atmosphère, sur la voûte du firmament, et à leur effusion sur le sol terrestre, par la rupture de cette voûte diaphane ; leur élévation au-dessus de l’Himalaya cesse alors d’être inconcevable. En fait de miracle, il na faut rien admettre à demi, mais dire avec Tertullien : Credo quia ùripassibile. Que ceux qui croient à la Bible aient donc la force et le courage de faire bon marché de la science humaine, rabaissée par l’apôtre saint Paul comme orgueilleuse et vaine, et qu’ils s’en tiennent à la lettre même du livre saint. ■ Qu’ils gardent cette foi naïve qu’avait encore, il y a quarante ans, le chef de la chrétienté, le vertueux Pie VII, lorsque, dans une conversation qu’il eut à Castel-uandolfo avec l’illustre Alexandre de Humboldt, au sujet des aérolithes, il répondit aux observations dont lui faisait part le savant allemand que toutes ces émissions de pierres atmosphériques ne pouvaient provenir que de quelques fractures de la voûte du firmament. Au moins le saint pontife s’en tenait à la physique de la Bible ! »

Il est probable, cependant, que la tradition commune aux Hébreux, aux Chaldéens, aux Aryens et peut-être aux Américains, a pour base une inondation locale dont le souvenir agit fortement sur l’imagination des populations primitives. L’inondation partielle qui donna naissance à toutes ces traditions du déluge eut sans doute lieu, non en Arménie comme l’a fait supposer l’indication du mont Ararat dans le récit biblique, mais dans les environs de l’Airyatha des tribus japhétiques primitives, le Mérou des Indiens et l’Albordj des Perses, c’est-à-dire sur le Belourtagh ou le plateau alpestre de Pamir, dans la petite Boukharie. C est dans ce pays qu’il faut sans doute placer le berceau de la race aryenne et de la race sémitique, et il n’y a rien d’étonnant à ce que les divers peuples de ces deux familles aient conservé le souvenir de cette catastrophe. Un homme échappa sans doute à l’inondation dans une barque où il se sauva lui et les siens et dans laquelle il avait peut-être placé quelques animaux. L’imagination des générations suivantes transforma cette inondation en un déluge qui avait submergé toute la terre, et ces quelques animaux devinrent la totalité de ceux qui sont répandus dans le monde. Ces exagérations n’ont rien qui puisse étonner de la part de peuples primitifs et incultes, aux yeux desquels la terre ne s’étendait sans doute pas au delà du pays qu’ils habitaient. Cette opinion est encore aujourd’hui celle de plusieurs tribus sauvages du Kamtchatka et de l’Océanie.

Quelques-uns pensent que le déluge asiatique fut provoqué par le soulèvement d’une partie de la longue chaîne de montagnes qui fait suite au Caucase. La terre s’étant entr’ouverte par une de ces déchirures, résultat inévitable de son refroidissement, une éruption de matières volcaniques se serait produite hors de ce cratère immense. Des masses de vapeurs d’eau auraient accompagné l’éruption des laves épanchées de l’intérieur du globe ; ces va DËLU

peurs, se condensant, seraient retombées en pluie, et les plaines auraient été noyées sous ce volcan^ de boue. L’inondation dés plaines dans un rayon très-étendu aurait été ie résultat momentané de ce soulèvement. La formation du mont Ararat en aurait été la conséquence permanente.

M. Élie de Beaumont, s’appuyant sur le fait que l’émersion subite des grandes masses de montagnes hors de l’Océan doit occasionner une agitation violente dans les eaux, suppose que c est le soulèvement des Andes qui a donné lieu au déluge temporaire dont les traditions d’un si grand nombre da peuples font mention. Cette chaîne de montagnes, en effet, est très-probablement celle qui a été soulevée la dernière, car elle est la plus nettement tranchée de toutes celles que l’on observe aujourd’hui à la surface du globe, et c’est elle qui présente les traits les moins altérés. Quoi qu’il en soit des causes qui ont produit le déluge asiatique, il est certain que l’Europe, elle aussi, a été le théâtre de plusieurs déluges.

« Les terrains tertiaires, dit Figuier, en plusieurs parties plus ou moins étendues de l’Europe, sont recouverts d’une couche de débris hétérogènes qui remplit les vallées. Cette couche est composée d’éléments très-divers, mais provenant toujours de fragments détachés des roches et des terrains environnants. Les érosions qui se remarquent au bas des collines et qui ont agrandi les vallées déjà existantes, la masse de remblais accumulés en un même point et qui sont formés de matériaux roulés, c’est-à-dire usés par la continuité du frottement pendant un long transport, tout indique que ces dênudations du sol, ces déplacements des corps les plus lourds à de grandes distances, sont dus à l’action violente et subite d’un large courant d’eau. Un flot immense a été lancé soudainement à l’intérieur des terres ; il a tout ravagé sur son passage ; il a raviné profondément le sol, entraînant et poussant devant lui les débris de toutes sortes qu’il emportait dans sa course désordonnée. On donne le nom scientifique de dilumuin au terrain remué et bouleversé qui, par son hétérogénéité, accuse à nos yeux le rapide passage de l’impétueux courant des eaux, et l’on désigne par le nom vulgaire de déluge le phénomène en lui-même. A quelle cause attribuer ce subit et temporaire envahissement des continents par un courant d’eau rapide, mais passager ï Au soulèvement d’une vaste étendue de terrain, à la formation d’une montagne dans le voisinage ou dans le bassin même des mers. Le terrain, subitement élevé par un mouvement de bas en haut da l’écoreo terrestre, a, par contre-coup, violemment agi té les eaux, c est-à-dire les parties mobiles de notre globe. Par cette brusque impulsion, ces eaux ont été lancées dans l’intérieur des terres-, elles ont produit dans les plaines de terribles inondations ; elles ont pour un moment couvert le sol de leurs ondes furieuses, mêlées aux débris des terrains dévastés par leur envahissement subit. Ce phénomène, toutefois, n’a pas été de longue durée ; il a cessé avec la cause qui l’avait produit. Il a été brusque, mais court, comme le phénomène volcanique, comme le soulèvement de la montagne ou de la chaîne de montagnes qui l’avait provoqué. Les eaux projetées sur les continents n’ont pas tardé a y être absorbées et ont fini par disparaître, laissant par les dênudations du sol, par l’érosion des vallées, par les déplacements des blocs minéraux de leur situation normale, le témoignage, aujourd’hui parfaitement reconnaissable, de ce grand phénomène. Il y a eu sans doute, pendant les époques antérieuresà l’époque quaternaire, des déluges tels que nous venons de les décrire. Les montagnes et les chaînes de montagnes qui se sont soulevées par suite de fractures de la croûte solide du globe, effet de son refroidissement et de l’action incessante des feux souterrains, ont dû provoquer de semblables irruptions momentanées des eaux ; mais les témoignages visibles de ce phénomène, les preuves de cette dénudation, de ce ravinement du sol, les poudingues ou conglomérais, ne sont nulle part aussi accusés que dans les couches superposées de loin en loin aux terrains tertiaires, et qui portent le nom géologique de dilumum. Le phénomène des déluges, tel que nous venons de le considérer, peut donc être regardé comme spécialement propre à l’époque quaternaire.,.. Deux déluges fort distincts se sont succédé dans notre hémisphère pendant l’époque quaternaire. On peut distinguer les deux déluges de l’Europe et celui de l’Asie. Les deux déluges européens sont antérieurs à l’apparition de l’homme ; le déluge asiatique a été postérieur à l’homme, et la race humaine, alors aux premiers temps de son existence, a eu certainement à souffrir de ce cataclysme. Le premier a sévi dans le nord de l’Europe. Il fut provoqué par le soulèvement des montagnes de la Norvège. Partant de la Scandinavie, le flot s’étendit et porta ses ravages dans les régions qui forment aujourd’hui la Suède et la Norvège, la Russie d’Europe et le nord de l’Allemagne. Comme les mers qui environnaient ces grands’espaces étaient en partie gelées et couvertes de glaces, vu leur élévation et leur voisinage du pôle, le flot liquide qui traversa subitement ces contrées entraîna dans ses ondes une masse énorme de glaçons. Le choc de ces blocs solides d’eau congelée dut contribue, /à accroître l’étendue et l’intensité des ravages occasionnés par ce violent cataclysme. Les preuves