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loyal et sa générosité. Il est bien remarquable d’ailleurs, et bien caractéristique, que tous ceux qui ont vécu dans l’intimité de Danton se sont attachés indissolublement à lui. Le rude tribun exerçait une fascination d’amitié qui ne tenait pas seulement à sa force, à son génie, mais encore à l’excellence de son cœur, l’énergie de ses qualités affectives. Il avait un culte profond pour sa respectable mère ; il adora ses deux femmes ; il aima ses amis jusque dans la mort.

Tout ce qu’on a écrit sur sa prétendue ignorance est d’une fausseté avérée. Outre qu’il avait reçu une instruction classique très-convenable, il lisait beaucoup : les philosophes, les jurisconsultes, les anciens, les œuvres purement littéraires, etc. ; il connaissait plusieurs langues étrangères, et même il faisait des vers avec esprit. Sa puissante facilité suffisait à tout. Il fut reçu avocat vers 1780, à Reims, acheva son stage et vint s’essayer au barreau de Paris. Quelques années plus tard, il était regardé comme un des bons avocats au Parlement. Cependant sa situation resta précaire pendant quelques années, mais non pas nécessiteuse, comme on l’a répété.

En 1787, il épousa Mlle Gabrielle Charpentier, dont le père était contrôleur des fermes et propriétaire d’un café qui était le rendez-vous des avocats. Charpentier possédait une fortune assez ronde ; il donna 20,000 livres de dot à sa fille. De son côté, Danton put réaliser une somme suffisante (près de 80,000 livres) pour acheter une charge d’avocat aux conseils. Son entrée dans l’imposante compagnie judiciaire fut marquée par un épisode qu’il est utile de rappeler. Ses nouveaux confrères lui imposèrent l’épreuve d’un discours latin sur la situation morale et politique du pays dans ses rapports avec la justice. C’était lui proposer, comme lui-même l’a dit plus tard, de marcher sur des rasoirs. Il se tira de cette épreuve avec éclat, et même son discours contenait des hardiesses politiques qui soulevèrent quelques orages.

Son cabinet prospéra rapidement entre ses mains, et à l’époque de la Révolution, il lui rapportait de 20 à 25,000 livres par an, quoiqu’il poussât le désintéressement, non-seulement jusqu’à refuser toute rémunération pour certaines affaires perdues, mais encore jusqu’à donner des secours d’argent à des clients malheureux.

Sa notoriété était telle et sa capacité si bien reconnue, que le ministre Barentin lui proposa à deux reprises (en 1787 et en 1788) la place de secrétaire du sceau, qu’il refusa, dans la certitude que les réformes qu’il avait rêvées ne seraient pas admises par le gouvernement. Telle était la situation de Danton à la veille de la Révolution.

Ceci ne ressemble guère à ce qu’on est accoutumé à rencontrer dans les biographies et même dans les histoires ; mais c’est la vérité aujourd’hui démontrée, sauf peut-être quelques détails insignifiants. Les renseignements ci-dessus sont tirés en partie d’un fragment historique laissé par M. Corbeau de Saint-Albin, qui avait bien connu Danton, et publié par son fils, M. le conseiller Hortensius de Saint-Albin, dans la Critique française (15 mars 1864). Ce morceau a été réimprimé par le docteur Robinet, dans son ouvrage sur la Vie privée de Danton. En outre, il y a d’autres témoignages et des pièces authentiques qui ne laissent aucun doute, entre autres le contrat de mariage, qui est aux archives.

Maintenant, voici comment Mme Roland nous représente la position de Danton au commencement de 1789 : « Danton, misérable avocat, chargé de dettes plus que de causes, et dont la femme disait que, sans le secours d’un louis par semaine qu’elle recevait de son père, elle ne pourrait soutenir son ménage. »

Nous avons cité cette phrase inepte et méprisante, parce que c’est la source où la plupart des écrivains ont puisé, même ceux qui sont favorables à Danton, sans réfléchir que les mémoires de Mme Roland, improvisés dans sa prison, sont nécessairement empreints de toute l’amertume d’un vaincu et ne peuvent avoir, en ce qui touche les hommes de la Montagne, que la valeur littéraire d’un pamphlet. Ici il y avait, outre l’animosité de parti, une de ces terribles haines de femme provoquée par une allusion piquante à la tribune de la Convention ( « Roland n’était pas seul dans son ministère, etc. » ).

Ce qu’il y a de curieux, c’est que Mme Roland, un peu plus loin, dit en parlant du ministre Paré, qu’il avait été maître clerc chez Danton. Ce misérable avocat avait donc des clercs et une étude, lui qui n’avait point de causes et qui mourait de faim. Mais la haine s’inquiète peu des contradictions.

Qu’on ne se méprenne point sur le sentiment qui nous anime ici : la pauvreté de Danton eût-elle été réelle qu’il n’en serait nullement amoindri à nos yeux, et qu’il ne nous paraîtrait pas moins ridicule que cela lui fût reproché par une petite ouvrière parvenue comme Mme Roland. Nous voulons simplement répondre par des faits positifs à ceux qui ont si légèrement prétendu que ce fut la misère qui poussa le puissant tribun dans la Révolution, oubliant ou ignorant que c’était un personnage fort important qu’un avocat aux conseils du roi.

Nous voici en 1789 ; Danton se jette aussitôt dans l’action. Comme Marat, comme Camille, il était de ce fameux district des Cordeliers qui a joué un rôle si actif dans la Révolution. Contrairement à la plupart des hommes de ce temps, il n’écrit pas, il ne devait jamais écrire ; mais il parle, il agit, il prend part aux premiers mouvements, il reçoit la présidence de son district, il en devient bientôt l’âme, il en dicte les vigoureux arrêts, il en inspire tous les actes révolutionnaires. Chose singulière, à cette époque son nom est souvent orthographié d’Anton, dans les journaux et autres pièces.

On a prétendu, d’après La Fayette, que, dans cette première période, il suivait secrètement le parti du duc d’Orléans. Il est possible qu’il ait un instant songé à chercher là une solution, car le prince était fort populaire ; mais cette assertion est dénuée d’ailleurs de toute espèce de preuve.

Ce qu’il y a de certain, c’est que sa réputation de tribun populaire grandit rapidement ; il avait là, aux Cordeliers, une sorte d’école ou de parti, composé des hommes les plus énergiques et qui marquèrent avec éclat dans la Révolution. Il suffira de citer Camille Desmoulins, Legendre, Fréron, Robert, Fabre d’Églantine, Marat (qui marchait seul, il est vrai, mais qui était cordelier), Momoro, etc.

On a répété aussi que Danton avait été l’agent de Mirabeau, qui s’en servait comme d’un soufflet de forge pour exciter des séditions (on sait aussi que des écrivains ont surnommé l’orateur des Cordeliers le Mirabeau de la rue). Mais rien n’est moins certain que cette liaison des deux tribuns. En février 1791, Danton fut élu un des administrateurs du département de Paris ; l’année précédente, sa candidature à la Commune avait échoué, grâce à l’influence de Bailly et de La Fayette ; mais il avait été nommé commandant du bataillon des Cordeliers. Il était également membre du club des Jacobins, où sa parole avait déjà une grande autorité.

Lors de la fuite du roi, il parla nettement contre l’inviolabilité ; mais il resta d’ailleurs dans une attitude expectante, ne se prononçant encore ni pour ni contre la République. Il n’eut aucune part à la pétition du Champ-de-Mars ; il s’absenta même de Paris ce jour-là, et n’en fut pas moins obligé de se mettre en sûreté après le massacre (17 juillet), comme la plupart des patriotes connus. Il reparut au commencement de septembre, fut porté comme candidat à l’Assemblée législative, malgré le décret de prise de corps lancé contre lui, mais ne fut pas nommé. Il échoua également à l’élection du procureur-syndic de la Commune, mais fut enfin élu substitut quelques jours plus tard. Ces fluctuations de l’opinion montrent que Danton était encore fort contesté, malgré sa popularité, ou que du moins il était combattu par un parti puissant. Il remplit avec zèle sa modeste charge, tout en suivant assidûment les séances des Jacobins et des Cordeliers et en se mêlant aux débats de la politique journalière. À la veille du 20 juin, il fit voter à la puissante société une invitation aux citoyens de demander la réunion des sections. Sauf cette mesure décisive, il n’agit point directement dans ce grand mouvement populaire.

Il ne figura pas non plus dans les conciliabules où fut préparé le 10 août, et où d’ailleurs on ne vit paraître que des hommes secondaires, comme si l’on eût voulu tenir en réserve les chefs de la Révolution ; mais il poussa au mouvement en répandant autour de lui les passions brûlantes dont il était animé, en organisant les fédérés marseillais, de concert avec Barbaroux et autres, enfin en faisant prendre par sa section, toujours à l’avant-garde, le fameux arrêté qui effaçait toute distinction entre les citoyens, et appelait les citoyens dits passifs à exercer comme les autres les droits de la souveraineté. Au reste, on sait maintenant que la part des individus fut moins grande qu’on ne l’avait supposé dans la révolution du 10 août, magnifique élan de colère nationale qui sauva la France et de l’étranger et des traîtres de l’intérieur, dont le quartier général était manifestement aux Tuileries. Après la victoire, beaucoup s’attribuèrent l’honneur de la grande journée, où, en réalité, ils n’avaient joué qu’un rôle individuel plus ou moins important. Danton y contribua largement sans doute par l’élan qu’il donna ou augmenta, par son influence sur la Commune et sur le peuple, ainsi que par son action personnelle, mais ce n’est pas lui qui a tout fait, comme l’ont répété complaisamment ses amis pour le grandir, et les royalistes pour l’attaquer.

Après la victoire populaire, l’Assemblée législative nomma Danton ministre de la justice, par 222 voix sur 284 votants. Lui-même a dit, dans son langage pittoresque, qu’il avait été porté au ministère par un coup de canon. Mais cette métaphore ne doit point faire oublier que sa nomination fut un acte spontané de la seule autorité publique restée debout, un acte légal enfin et non une mesure insurrectionnelle, comme on l’a souvent donné à entendre. Camille Desmoulins, Fabre d’Églantine, Collot-d’Herbois et autres cordeliers entrèrent avec lui dans l’administration de la justice, qui reçut une vigoureuse impulsion. Dès le 11, le nouveau ministre avait dit à la tribune de l’Assemblée : « Là où commence l’action de la justice, là doivent cesser les vengeances populaires. Je prends devant l’Assemblée nationale l’engagement de protéger les hommes qui sont dans son enceinte (des Suisses prisonniers) ; je marcherai à leur tête et je réponds d’eux. »

Établir une justice énergique, mais régulière, telle était donc alors la préoccupation de Danton ; et tel fut le motif déterminant de l’établissement du tribunal extraordinaire du 17 août.

On sait quelle était la situation terrible de la France à cette époque : de toutes parts des trahisons et des complots ; la défection de La Fayette ; l’invasion ; le soulèvement de la Vendée ; la prise de Longwy, et bientôt celle de Verdun, etc.

Dans l’effarement causé par les périls publics, Danton montra un sang-froid, une décision, une énergie qui ne contribua pas peu à relever les âmes. Il rassura l’opinion, il demanda, il obtint l’envoi de commissaires dans les départements pour surexciter l’enthousiasme des citoyens, il proposa des visites domiciliaires dans Paris pour découvrir les armes cachées et les conspirateurs royalistes, il inspira enfin ou il appuya les mesures les plus vigoureuses et les plus décisives.

Quand parvint à Paris la sinistre nouvelle de l’investissement de Verdun, il se produisit une véritable panique dans le monde officiel. Les directeurs de l’opinion étaient alors les girondins ; tous voulaient qu’on abandonnât Paris, que le gouvernement tout entier se réfugiât dans le Midi. La proposition formelle en fut faite par Roland en conseil des ministres et appuyée par Servan, Clavière et Lebrun. Danton s’éleva avec énergie contre cette sorte de sauve-qui-peut, il fit avorter le fatal projet, et par là il sauva peut-être la France et la Révolution d’une ruine totale.

Ici nous rencontrons le fleuve de sang des journées de septembre ; sans entrer dans l’étude détaillée de ces événements funestes auxquels un article spécial sera consacré, nous devons examiner cependant s’il est vrai que le ministre de la justice y eut une part directe, comme l’ont affirmé plusieurs historiens.

Rappelons d’abord en deux mots la situation. Le 2 septembre, au milieu des plus violentes émotions qu’une nation ait jamais éprouvées, on apprend que l’ennemi était sur la route de Paris, que Verdun était assiégé (on disait même pris) ; la Commune appelle les citoyens aux armes, convoque les volontaires au Champ de Mars, ordonne que le canon d’alarme sera tiré, le tocsin sonné, la générale battue. Danton, comme membre du conseil exécutif (le ministère), se présente devant l’Assemblée et prononce au milieu des acclamations cette harangue enflammée, si souvent citée et si digne de l’être : « Il est satisfaisant, messieurs, pour les ministres du peuple libre d’avoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée. Tout s’émeut, tout s’ébranle, tout brûle de combattre… Une partie du peuple va se porter aux frontières, une autre va creuser des retranchements, et la troisième, avec des piques, défendra l’intérieur de nos villes… Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée ! »

Puis il court au Champ de Mars haranguer les volontaires, pendant que Paris entier se soulève au bruit du tocsin et du canon.

Malheureusement ce magnifique élan fut souillé par une de ces convulsions de colère que nous n’entreprendrons point certes de justifier, mais que peut-être, en un tel moment, il n’eût été au pouvoir d’aucune autorité d’empêcher.

Si l’on recherche maintenant quelle put être la participation de Danton à ces exécutions affreuses, et sur quoi se fondent les accusations qui pèsent encore sur sa mémoire, on reste confondu en découvrant que tout se borne à quelques allégations sans aucune espèce de preuve et dont la source est plus que suspecte.

Quels sont, en effet, les témoignages ?

D’abord celui de Peltier, libelliste à la solde de l’Angleterre, qui écrivit à Londres une prétendue relation du 10 août et des journées de septembre, et dans laquelle il appelle Danton « le chef des assassins, l’ordonnateur suprême des massacres, qui a fait assassiner huit mille individus dans les prisons. » Quelle preuve en donne-t-il ? Aucune. Or y a-t-il un historien, quelque systématique et passionné qu’il soit, capable de se contenter de l’assertion pure et simple d’un Peltier, dont le caractère méprisable était passé en proverbe parmi les émigrés, et dont le pamphlet n’est qu’un amas de grossiers mensonges propres à alimenter la vorace crédulité britannique, mais que les écrivains royalistes eux-mêmes n’osent invoquer sérieusement ?

Viennent ensuite les imputations de Prudhomme, qui prétend s’être présenté chez Danton, au premier bruit du tocsin, pour essayer de l’apitoyer sur le sort des prisonniers, et qui n’en aurait tiré que cette réponse : « Le peuple irrité veut faire justice lui-même ! »

Ceci impliquerait une approbation tacite ou au moins une indifférence coupable, mais non d’ailleurs une participation directe.

Au surplus, nous avons de fortes raisons pour douter de la réalité de cet épisode, dont on trouve le récit, non dans le journal les Révolutions de Paris, mais dans l’absurde pamphlet publié par le même Prudhomme en 1797, l’Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution. Danton n’était plus là pour démentir. En outre, personne n’ignore que Prudhomme, écrivain, mais surtout éditeur, suivait avec une servilité proverbiale les fluctuations des événements et de l’opinion. Dans les temps d’ardeur révolutionnaire, il publie les Crimes des rois et des reines, etc., ainsi que son intéressant journal les Révolutions de Paris, où écrivirent Loustalot, Sylvain Maréchal, Chaumette et tant d’autres. À l’époque de la réaction, l’ingénieux faiseur change lestement de cocarde et publie les Crimes de la Révolution, où quelques faits curieux sont noyés dans un fatras de fables absurdes. C’est dans cet ouvrage qu’il raconte ou fait raconter par ses collaborateurs anonymes l’historiette de sa démarche auprès de Danton. Mais cette sollicitude pour les prisonniers nous parait fort problématique, car, à l’époque même, Prudhomme fit positivement l’éloge des massacres dans ses Révolutions de Paris (voyez les nos 165 et 166, du 1er au 15 sept. 1792). Cette contradiction frappante n’aurait pas dû échapper aux écrivains qui ont invoqué ce témoignage.

Mme Roland, de son côté, raconte que Grandpré, un des principaux employés de Roland au ministère de l’intérieur, rencontrant Danton, le 2 septembre, à l’issue du conseil des ministres, et lui communiquant ses alarmes sur le sort des détenus, n’en aurait tiré que ces mots, prononcés d’une voix beuglante : « Je me f… bien des prisonniers ; qu’ils deviennent ce qu’ils pourront ! »

Si cette anecdote est exacte, ce qu’on n’a aucun moyen de vérifier, on ne peut voir, cette fois encore, dans la réponse de Danton, qu’un acte de brutale insouciance, mais non une preuve de complicité.

Roch Marcandier, dans son violent pamphlet : Histoire des hommes de proie, affirme que le ministre de la justice était le « chef suprême des assassins. » Et la preuve péremptoire qu’il en donne, c’est que, quelques jours auparavant, il avait fait mettre en liberté un de ses propres parents, nommé Godot, détenu à Sainte-Pélagie pour dettes.

La plupart des témoignages invoqués à propos de cette question tant controversée sont de cette force et de cette logique, sans parler des erreurs matérielles, dont quelques-unes ont passé dans toutes les histoires. Nous n’en citerons qu’une ici. La Fayette dit crûment dans ses Mémoires : « Après le 6 octobre (1791), Danton reçut de l’argent de M. de Montmorin, qu’il fit en conséquence assassiner au 2 septembre. »

Suivant la version vulgaire, en effet, Montmorin avait été acquitté par le tribunal du 17 août, mais Danton, comme ministre de la justice, avait demandé la révision du procès ; et l’on en conclut simplement que c’était afin de conserver la victime en prison pour qu’elle fût égorgée.

Le malheur, c’est que ce n’est point le procès de Montmorin, l’ex-ministre, dont la révision fut demandée par Danton, mais celui de Montmorin, gouverneur de Fontainebleau, frère du précédent, et dont l’acquittement récent avait soulevé des réclamations fondées.

Quant au ministre de Louis XVI, poursuivi par les girondins, il fut décrété d’accusation sur un rapport de Lasource, le 2 septembre, et tué le même jour à l’Abbaye, avant que le décret de mise en accusation fût seulement connu. Il serait absolument impossible de découvrir le moindre indice de l’intervention de Danton dans toute cette affaire,

À l’égard de ces conciliabules mystérieux où auraient été combinés, préparés les massacres, sous la direction de Danton, il est à peine nécessaire de dire qu’il n’en existe pas la moindre trace. Chef de l’ordre judiciaire, n’ayant que sa voix dans le conseil exécutif (rempli de girondins), ne paraissant à l’Assemblée que comme ministre, puisqu’il n’était pas député, ne disposant ni de la police ni de la force armée, dont le maniement appartenait à la Commune, Danton, en dehors de ses fonctions, n’avait donc que son influence individuelle et ne pouvait guère agir que par ses amis. Ses travaux ne lui permettaient plus d’assister aux séances des Cordeliers et des Jacobins ; il avait dû, en entrant au ministère, résigner ses fonctions de substitut du procureur de la Commune de Paris ; il n’avait donc, pour le moment, aucune action directe sur les grandes forces vivantes et agissantes de Paris, les sociétés populaires, les sections et l’Hôtel de ville. Dans une telle situation, comment aurait-il pu déterminer un mouvement comme celui des journées de septembre sans qu’il restât aucune trace d’une telle conjuration ? Car, il ne faut pas se lasser de le répéter, ses ennemis n’ont pu produire un seul ordre, un seul écrit, un seul témoin, une seule déposition, un seul indice qui fût de nature à l’impliquer dans l’événement. En l’an IV, on instruisit le procès des septembriseurs ; des enquêtes furent ouvertes, des registres déposés dans toutes les sections ; à ce moment de réaction aveugle, on reçut avidement toutes les dénonciations sans les vérifier ; il y eut des procédures, des condamnations ; toute l’histoire de septembre reparut au grand jour, amplifiée, enrichie de détails dont beaucoup