Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 6, part. 1, D-Deli.djvu/119

Cette page n’a pas encore été corrigée

et virginales-de ce corps entouré d’un simple vêtement qui obéit avec tant de grâce au mouvement du personnage. » Le costume, admirablement drapé, en effet, se compose d’un simple corsage lacé sur la poitrine, et d’une jupe qu’un cordon auquel sont suspendus un chapelet et un petit crucifix retient et fait bouffer légèrement sur la hanche gauche. La tête, aux traits fortement accentués, a la chevelure coupée au niveau du menton et s’écartant de chaque côté des oreilles, paraît un peu grosse pour le corps, qui est svelte et grêle ; les seins, assez proéminents, contrastent aussi avec l’étroitesse de la poitrine. Ce dernier détail a particulièrement choqué G. Planche : « Je pense, a-t-il dit, que Rude a eu tort de nous montrer la partie supérieure du corps avec tant de précision ; je ne connais pas de document écrit ou dessiné qui nous présente l’héroïne de Vaucouleurs sous cet aspect. » L’éminent critique a fait, d’ailleurs, un grand éloge de cette statue ; il y a vu « une sérieuse inspiration » et a trouvé que la tête était « vraiment héroïque. » Ces qualités ont été contestées par d’autres appréciateurs : « La Jeanne Darc, a dit M. Maxime Du Camp, est une belle figure, bien drapée, bien posée, bien travaillée, bien sculptée ; mais où est donc l’inspiration qui devait animer ses traits lorsqu’elle écoutait la révélation des anges ? À quoi, sur ce visage mâle et un peu commun, verrons-nous que Dieu l’a marquée de son doigt ? Où donc est le signe de sa mission ? » un autre critique est allé plus loin ; il n’a vu dans cette statue « qu’une laide figure qui semble jouer gauchement à la balle. » Il est certain qu’au premier aspect la Jeanne Darc de Rude a dans son attitude, dans son expression, quelque chose qui déconcerte ; c’est qu’en réalité rien ne ressemble plus à la gaucherie que la naïveté ; à un air de niaiserie ou d’hébétement qu’un air inspiré. Mais, après quelques instants d’examen, quand on s’est rendu compte du sujet qu’a voulu traduire le statuaire, on sent que son œuvre est d’une réalité vraiment saisissante. Le seul reproche que nous serions tenté de lui faire, pour ce qui est de l’expression, c'est d'avoir indiqué les prunelles par des traits qui donnent à l’œil quelque chose d'un peu hagard. Quant à l'exécution matérielle de cette statue de marbre, elle est digne du maître qui a fait jaillir d’un bloc de pierre le groupe si vivant, si passionné, de l’Arc de l’Étoile. Les draperies sont souples et légères. Les mains sont d’une exquise pureté de formes. La droite a malheureusement perdu le petit doigt, mutilation qu’on devrait se hâter de réparer.

Jeanne Darc, statue par François Gois, à Orléans. La Pucelle, debout, dans une attitude pleine de mouvement et d’énergie, foule aux pieds l’écusson britannique ; de la main droite, elle tient une épée nue dont la pointe touche le sol ; de la gauche, elle presse contre sa poitrine l’oriflamme qu’elle semble vouloir défendre contre l’ennemi ; son regard est dur et foudroyant ; ses traits sont masculins. « Prise isolément, c’est une belle figure, a dit M. de Buzonnière ; rapprochée de l’histoire, c’est une injure faite au caractère de Jeanne, ou du moins une absurdité. Le costume est celui d’une héroïne d’opéra. Sa tête est empanachée comme celle d’un cheval de manège, sa cuirasse d’airain accuse, comme un maillot, tous les détails de ses formes, et se prête à tous ses mouvements ; sur ses hanches s’arrangent les plis d’une longue robe qui doit la faire tomber à chaque pas, tandis qu’il est notoire que, dès qu’elle eut endossé l’armure, Jeanne abdiqua pour toujours les vêtements de son sexe ; elle a les mains nues et les pieds chaussés de sandales. » Cette statue, qui a été inaugurée en 1804, à Orléans, repose sur un piédestal orné de quatre petits bas-reliefs de bronze : dans le premier, la Pucelle est armée par Charles VII ; dans le second, elle conduit les troupes à l’assaut du fort des Tourelles ; le troisième représente le sacre du roi ; le quatrième, le supplice de Jeanne Darc. « Dans toutes ces scènes, dit encore M. de Buzonnière, le sujet est nettement accusé, les figures groupées sans confusion, le dessin sévère : c’est le style grec appliqué hors de propos à un sujet du XVe siècle. Ce même style, ou plutôt le style académique qui prétend en être l’imitation, se remarque dans la manière dont est traitée la robe, la draperie de la statue. » L’œuvre de Gois fut très-admirée lors de son apparition ; elle obtint, dit-on, les éloges de Napoléon. Il est vrai que Napoléon n’entendait absolument rien à l’art.

Statue de Jeanne Darc, par la princesse Marie d’Orléans. Il n’y avait qu’une femme qui put comprendre toute la poésie chevaleresque, toute la grâce candide et la sainte ardeur de la Pucelle. La princesse Marie d’Orléans, fille de Louis-Philippe, aussi distinguée par l’élévation de son esprit que par l’aménité de son caractère, a fait de l’héroïne de Domremy deux images différentes, deux statues où, à défaut d’une grande force d’exécution, il y a une exquise poésie. L’une de ces statues est en pied et de grandeur naturelle ; il y en a une édition originale en marbre dans les galeries de Versailles et une reproduction en bronze devant l’hôtel de ville d’Orléans. L’autre statue est une petite figure équestre de bronze qui a été donnée au musée historique d’Orléans par la reine Marie-Amélie.

La statue du musée de Versailles représente Jeanne Darc debout, la tête nue et légèrement inclinée en avant, dans l’attitude de la rêverie, les cheveux coupés à la hauteur de l’oreille, les bras croisés sur la poitrine, la main droite tenant une petite épée nue, la gauche posée sur le poignet droit. Jeanne a la poitrine enveloppée d’une cuirasse et porte une jupe qui descend jusqu’à mi-jambe. Près d’elle, sur un tronc d’arbre, on voit son heaume et ses gantelets. Cette figure a une expression des plus touchantes, une naïveté rustique qui contraste heureusement avec son accoutrement guerrier. « Quoi de plus imposant que cette jeune fille qui a conservé sous le harnois militaire la candeur des saints, la simplicité des villageoises ! a dit M. de Buzonnière. Quoi de plus frappant que le contraste de la forme presque grossière de ses traits avec l’expression céleste qui les anime ! À l’aspect de cette femme aux contours vulgaires, on s’arrête, on admire, on prie : car il y a de la foi, il y a de l’âme sous ce marbre ; car l’artiste a fait jaillir du sein de la matière la méditation, le dévouement, et a doublé l’effet moral en ne donnant aucune valeur à la beauté physique. Cette dernière observation est tellement vraie, qu’il n’existe pas de cette admirable composition une seule copie passable. Tous les sculpteurs qui ont essayé de la reproduire l’ont dégradée, en cherchant à l’embellir. Ils n’ont pas compris la beauté de l’âme sous l’épaisseur de la forme ; ils ont fait une jolie femme, les profanateurs ! » M. de Buzonnière ajoutait qu’il serait à souhaiter qu’un artiste de vrai talent eût le courage de se résigner au rôle de copiste et d’exécuter dans des dimensions héroïques une reproduction de la statue de Versailles pour l’une des places d’Orléans. Mais, à l’époque où ce vœu était formulé, en 1849, on ne connaissait pas encore la statue équestre que la princesse Marie avait faite de Jeanne Darc et qui est supérieure, selon nous, à la statue en pied, comme à toutes les figures peintes ou sculptées dont nous donnons la description. Cette statuette, trop peu connue, était restée dans la famille de la princesse Marie, et n’avait été exposée nulle part, lorsqu’elle fut envoyée à la ville d’Orléans quelques jours avant la fête qui eut lieu le 8 mai 1855 pour l’inauguration de l’œuvre de Foyatier. Vêtue du costume des chevaliers du XVe siècle, coiffée d’une petite toque et montée sur un cheval harnaché pour le combat, la Pucelle tient les rênes de la main gauche et une épée nue de la main droite ; son regard s’arrête sur un Anglais blessé mortellement et renversé sous les pieds de son cheval, qui fait un mouvement de recul pour franchir cet obstacle. À la vue de ce mourant, Jeanne éprouve une émotion qui se trahit sur son visage et dans son attitude ; l’héroïne s’attriste des horreurs de la guerre et s’effraye du sang versé ; mais on sent qu’elle ne renoncera pas à sa mission, qu’elle la poursuivra et l’accomplira malgré tous les dangers. Cette composition est bien autrement poétique et dramatique que toutes celles qu’a inspirées jusqu’à ce jour la vierge de Domremy.

Statue équestre de Jeanne Darc, par Foyatier, sur la place du Martroi, à Orléans. Cette statue, fondue en bronze avec neuf canons fournis par l’État, a été solennellement érigée en 1855. L’auteur du Spartacus avait été jugé digne de sculpter l’héroïne qui délivra la France de la domination étrangère. On ne lui avait du reste imposé aucun programme. Son œuvre, il faut l’avouer, n’a pas répondu complètement aux espérances qu'on avait conçues. Il a représenté Jeanne Darc enveloppée des pieds à la tête d’une armure de fer, montée sur un cheval massif qui baisse la tête et se replie sur ses jarrets de derrière, comme s’il était arrêté au bord d’un précipice ; la Pucelle, tenant les rênes de la main gauche, tend la main droite en avant et lève les yeux au ciel comme pour rendre grâces à Dieu du succès de ses armes ; son visage ne trahit d’ailleurs aucune émotion. Th. Gautier a apprécié avec sa bienveillance accoutumée cette statue, qui ne traduit certainement pas le caractère véritable de l’héroïne de Domremy : « C’était une grande difficulté, a-t-il dit, que de faire sentir sous la rigidité d’une armure la souplesse d’un corps féminin et de mettre une jeune vierge à cheval comme un page. Les études de M. Foyatier, plutôt tournées vers l’art antique, ne l’ont pas familiarisé avec les monuments du moyen âge, et cependant il a vaincu non sans bonheur la difficulté du sujet. Le cheval est d’un bon mouvement ; la pose de la Clorinde chrétienne, qui traverse l’histoire de France couverte de fer comme une héroïne du Tasse, ne manque ni de noblesse ni de grâce chaste et sérieuse. Le profil le plus heureux de la statue se découpe du coin de la place, près de la rue Bannier. » La statue a 4m,33 de hauteur et repose sur un piédestal de 4m,66, ce qui donne au monument une élévation totale de 9 mètres. Le piédestal, qui est en granit fin, est orné de quatorze bas-reliefs représentant les principaux épisodes de la vie de Jeanne Darc.


DARCE s. f. (dar-se). Mar. V. darse.


DARCEMJ s. m. (dar-so — dimin. de dard). Ichthyol. Petit dard, petite vandoise. Il Vieux mot.

DARCES (Jean), poète italien. V. Darci.

DARCET (Jean), médecin et chimiste français, né àDouazit (Landes) le7 septembre 1725, inort à Paris le 13 février 1801. Entraîné par

DARC

ses goûts vers l’étude de la médecine et des sciences naturelles, il alla à Bordeaux suivre les cours de l’école de cette ville. Pour suppléer au peu de ressources qu’il trouvait dans sa famille, qui l’avait destiné au barreau, il donna des leçons de latin. Montesquieu lui confia l’éducation de son fils, et 1 emmena avec lui à Paris en 1742. Arrivé dans la capitale, Darcet se livra avec ardeur à l’étude des sciences médicales, et surtout de la chimie, qui lui est redevable de grands perfectionnements. C’est de cette époque que datent ses travaux importants sur la fabrication de la porcelaine, qu’il présenta en 1768 a l’Académie des sciences. En 1762, il avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris ; en 1774, il obtint une chaire de chimie au Collège de France, et fut le premier qui fit ses cours en français. À la mort de Macquer, il obtint sa place à l’Académie des sciences (1784), puis devint directeur de la manufacture de Sèvres, inspecteur général des essais des monnaies et de la manufacture des Gobelins, et perfectionna les méthodes suivies dans ces établissements. Tous les travaux de Darcet ont eu pour but l’application de la chimie aux arts et à l’industrie. C’est ainsi que nous lui devons l’extraction de la gélatine des os ; celle de la soude du sel marin ; l’invention d’un alliage métallique fusible, nommé alliage de Darcet ; la démonstration de l’entière combustibilité du diamant, à l’aide d’expériences confirmées depuis par celles que firent postérieurement sur le même sujet Lavoisier et Mitouard ; les moyens de fabriquer les savons avec toute espèce d’huile et de graisse ; d’intéressants travaux sur les pierres précieuses ; des améliorations dans l’art du potier, du verrier, du métallurgiste, etc. Darcet ne fut pas seulement un savant des plus distingués ; il eut toutes les qualités de l’homme privé, et fit constamment preuve d’un admirable désintéressement. Lorsque la Révolution éclata, Darcet en adopta chaleureusement les principes, et, plus tard, lors de la création du sénat, il fut appelé à en faire partie. Les principaux ouvrages publiés par Darcet sont : Sur l’action d’un feu égal, violent et continué pendant plusieurs jours, sur un grand nombre de terres, de pierres et de chaux métalliques, essayées, pour la plupart, telles qu’elles sortent de la terre (Paris, 1766-1771, 2 vol. in-S°) ; Mémoire sur le diamant et sur quelques autres pierres précieuses traitées par le feu (Paris, 1771, in-8°) ; Expériences sur plusieurs diamants et pierres précieuses (1772, in-8°) ; Lettre sur Vantivénérien d’Agironi (1772, in-8°) ; Dissertation sur l’état actuel des Pyrénées, et sur les causes de leur dégradation (1770, in-8») ; Rapport sur l’électricité dans les maladies nerveuses (1783, in-8°) ; enfin un grand nombre de mémoires et d’articles dans le Recueil de l’Académie des sciences, le Journal de médecine et le Journal des mines.

DARCET (Jean-Pierre-Joseph), chimiste, fils du précédent, né à Paris en 1777, mort en 1844. Il fut d’abord préparateur des cours de chimie que faisait son père, puis élève de Vauquelin, et bientôt un des maîtres dans cette science encore nouvelle. A l’âge de vingt-quatre ans, en 1801, il obtint au concours la place d’essayeur de la monnaie, et s’adonna d’une façon toute particulière à chercher dans la chimie des applications industrielles. Il créa les premières fabriques de potasse artificielle et de soude ; perfectionna la savonnerie, le clichage, les alliages, l’affinage des métaux, la fabrication et 1 essayage des monnaies, toutes matières sur lesquelles il a laissé de nombreux mémoires ; remporta en 1818 le prix Ravrio, décerné par l’Institut pour l’assainissement des ateliers de quelques industries (dorure, soufroirs, vidanges, etc.), dont il diminua les périls au moyen de ventilateurs. Il fit enfin des recherches sur la fabrication des colles, et sur les procédés pour retirer la gélatine des os, dans le but de donner aux pauvres une meilleure nourriture ; mais il s’exagéra les qualités nutritives de la gélatine. Joseph Darcet devint successivement vérificateur des essais, vérificateur général des monnaies, membre du conseil général des manufactures, et fut appelé, en 1823, à succéder à Berthollet comme membre de l’Académie des sciences. Son neveu, M. Th. Grouvelle, a réuni ses savants Mémoires, qui sont en très-grand nombre (1843 et années suivantes, in-4°).

DARCI, DARCCi ou DARCIUS (Jean), poète italien du xvie siècle, né à Vénouse. Il cultiva avec succès la poésie latine, et fit paraître un recueil de vers agréables, dans lequel se trouve un petit poème intitulé : Canes. Ce recueil a été publié à Paris (1543). Si l’on en croit La Monnoie, Darci est le même personnage que l’aumônier du cardinal de Toumon, Jean Darces, à qui l’on doit une traduction des Treize livres des choses rustiques, de Palladius (Paris, 1553).

DARCIER (Célestine Lbmairb, dame Mamignard, connue au théâtre sous le nom de M’ie), cantatrice, née en 1818. Elle montra dès son enfance un goût inné pour le théâtre. Sa voix, un peu rauque à 1 origine, s’assouplit par l’étude et la volonté. MUe Darcierne se momifia pas en devenant élève du Conservatoire, elle se contenta de suivre religieusement les conseils de Mme Bareither, son habile •professeur. C’est, croyons-nous, la première fois qu’une femme a dirigé, seule, l’éducation d’une chanteuse devenue célèbre. Il est à re DARC

115

gretter que le préjugé s’oppose encore à renouveler de pareilles épreuves, car le succès est là. U doit paraître évident que certains secrets de l’art féminin ne peuvent être révélés que par des femmes intelligentes etexpérimentées, qui en savent plus long à. cet égard que tous ces messieurs du Conservatoire. Mlta Darcier débuta à l’Opéra-Comique, le El mars 1840, par le rôle d’Inez, dans la Mantille, opéra de Bordèse. Ce rôle avait été créé par Jenny Colon, ce qui n’empêcha pas la nouvelle venue d’y obtenir un charmant succès. Le public avait compris de prime abord l’avenir réservé à la jeune débutante ; il rassura par ses bravos la timide jeune fille, qui devint bientôt une de ses favorites. M1’® Darcier avait une figure plus intelligente que régulièrement belle ; sa tournure était distinguée, son geste sobre, mais éloquent. Elle chantait avec expression dirigeant à son gré un organe de contralto, déguisé en mezzo-soprano. Elle créa le rôle de Diana dans les Diamants de la couronne, avec un charme dont aucune des artistes qui lui ont succédé dans ce personnage ne peut donner l’idée. Dès lors sa place fut marquée au premier rang, et pendant dix ans elle marcha de triomphe en triomphe. En 1850, florissante de jeunesse, de beauté et de talent, elle renonça volontairement au théâtre, sûre de trouver dans le mariage un bonheur que l’envie et la calomnie s’efforçaient de lui arracher sur là scène. Voici la liste des principales créations de Mlle Darcier : Diana, des Diamants de la couronne ; Zoé, dans le Code noir, de Clapisson ; Estrelle, dans le Kiosque, de Mazas ; Casilda, dans la l’art du diable, d’Auber ; le page Fulby, dans le Puits d’amour, de Balfe ; Catherine Bred, dans Lambert Simnel, d’Hippolyte Monpou et Adam ; Jeannette, a la reprise du Déserteur, de Monsigny : Alice, dansWaltace, de Catel (reprise) ; Berthe de Simiane. dans les Mousquetaires de la reine, d’Halévy (un rôle délicieux de grâce, de finesse, de verve juvénile, type de la Dugazon du xixe siècle : MU* Darcier y était adorable) ; Henriette, dans la Nuit de Noël ou l’Anniversaire, opéra de Reber ; Rosode-Mai, dans le Val d’Andorre, d’Halévy. Mlle Darcier se montrait admirable d’énergie et d’émotion dans ce rôle ; elle excitait des transports d’enthousiasme, lorsqu’elle chantait avec un art hors ligne :-

Faudra-t-il donc pâle, «perdue,

Mourir ici sous leur mépris ?

Ahl de l’amour qui m’a perdue

Le déshonneur, hélas ! sera le prix.

Quand le destin trop implacable

Allait l’arracher de ces lieux,

J’oubliai tout, je fus coupable, Et je dis : O mon Dieu ! je suis trop misérable ; Et j’ai commis le crime en détournant les yeux.

Elle chantait aussi à ravir la romance :

Marguerite,

Qui m’invite

A te conter mes amours,

air qui demandait des qualités en contraste complet avec le morceau précédent). Dans lo rôle de Mme de Bryane, des Percherons, de M. Albert Grisar, la tâche était différente : il s’agissait d’un rôle de chanteuse légère ; mais le talent de M’10 Darcier s’appelait légion : en sa qualité de véritable comédienne, elle passait à sa fantaisie du grave au léger, conservant toujours au même degré le don de plaire. On se rappelle encore le goût exquis

— avec lequel elle interprétait la romance : L’amant qui vous implore, etc.

DARCIER (Joseph), chanteur, acteur et compositeur français, frère de la précédente, né à Paris en 1820. Il a tenu, aux théâtres de la banlieue, pendant quatre années (1842-1846), l’emploi de fort jeune premier rôle. Se livrant ensuite à l’étude de l’harmonie, il publia entre autres compositions '■ Larmes d’amour ! le Preneur du roi ; Après la bataille ; les Gabiers ; Aux armes ! Il donnait des leçons de piano pour vivre lorsque, à la suite des événements de février 1848, ses élèves lui firent défaut. C’est alors qu’il monta sur les planches de l’estaminet lyrique et lança ce cri suprême : Du pain ! qui lui valut d’être aussitôt le chanteur à la mode. Puis il interpréta diverses romances ou chansonnettes, dont il fit parfois la musique, et qui obtinrent une vogue immense : les Louis d’or, la Vigne, le Postillon, le Bohémien, Mademoiselle Maria, etc. Engagé aux Bouffes-Parisiens, lors de l’ouverture do ce théâtre, il fit le succès du Violoneux et celui à’Une nuit blanche. Mais l’impossibilité où le mettait le voisinage de son directeur, M. Offenbach, de se produire comme compositeur, le décida à quitter les Bouffes. Alors il entreprit une excursion en Belgique, puis chanta à Lyon, àMarseille, au Havre, et dans quelques autres villes importantes. En 1857, il créa avec succès, au théâtre Beaumarchais, le compagnon chanteur dans l'Enfant du tour de France, et aux Délassements - Comiques les Poètes de la treille, cadre improvisé à l’effet de montrer le double talent de compositeur et de virtuose suigeneris qui fait l’originalité de M. Darcier. Enfin cet artiste singulier, qui s’est caractérisé lui-même dans les Poêles de la treille, a chanté en 1860, au Cirque, dans le Bataillon de la Moselle, des rondes militaires qui n’ont pas peu contribué à attirer la foule à ce théâtre, principalement la ronde dont le refrain est si populaire : Vlà l’bataillon d’la Moselle en saùots !do Charles Gille. Outréla partition des Poêles de la treille, où se montre en