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de Gênes vers 1570. Il exerça son art dans plusieurs villes d’Italie et finalement à Rome, OÙ il devint médecin de Grégoire XV, et fut professeur pendant de longues années. On a de lui plusieurs ouvrages de médecine qui ont été recueillis et publiés à Venise (1638, in-fol.).

CROCB (Jean-André Granm della), chirurgien corse, né à la Croce d’Ampugnani dans la première moitié du xvne siècle, mort professeur de chirurgie à Venise vers 1680. Croce, après avoir fait ses études médicales à Venise, fut long-temps attaché au service des galères vénitiennes. Il a écrit sept livres de chirurgie qui ont paru à Venise en 1574, 1583 et 1605, in-folio, sous le titre de : Chirurgia universale, perfetta, de tutte le parti pertinenti al chirurgo. C’est un résumé des découvertes faites avant lui dans cette science. Il a été publié une édition latine de cet ouvrage à Venise, en 159G, sous le titre de : Chirurgiœ libri VII, in quibus ea quee optimo chirurgo in curandis vulneribus convenire videnlur amplissimo ordine concerni possunt (Venise, in-folio). Il en a aussi été publié une édition en français et une autre en allemand en 1607. Boerhaave fait un grand éloge de cet ouvrage, au point de vue de la clarté et de la justesse du raisonnement.

CROCE (Irénée dëLLa), historien et carme italien, né à Trieste au xviie siècle, auteur de : Istoria antiqua e moderna, sacra e profana delta città di Trieste (Venise, 1698, in-fol.).

CROCÉIPENNE adj. (kro-sé-i-pè-ne — du lat. croceus, jaune safran ; penna, aile). Entom. Qui a les ailes jaunes.

CROGÉIVENTRE adj. (kro-sé-i-van-tredu lat. croceus, jaune safran, et de ventre). Entom, Qui a le ventre jaune safran.

CROC-EN-JAMBE s. m. (kro-kan-jam-be, tant au pi. qu’au sing.). Action d’entourer avec sa jambe la jambe d’un lutteur, pour le renverser : Faire, donner le croc-kn-jambk.

D’un croc-cnjambe par après Je le renverserai sur l’herbe.

SCARROH. Il PI. CROCS-EN-JAMBB.

— Fig. Moyen détourné et subtil de faire échouer quelqu’un ou quelque chose : Il a donné le croc-en-jambe à Cupidon. (D’Ablano.) Il est certain que l’Europe aurait échoué et serait encore asservie aujourd’hui si un agioleur de Paris n’eût donné à Bonaparte un croc-en-jambe par une famine factice qui fit avorter la campagne de Hussie. (Fourier.)

Il peut, par le crédit qu’il a sur votre pire, Donner un croc-en-jambe a l’hymen qu’il veut faire.

Boursault.

CROCHANT (kro-chan) part. prés, du v. Crocher■ : Le lendemain, au plus loin qu’il aperçut Selkirk : i Salut, monsieur le lieutenant, • lui cria-t-il ; puis, lui crochant familièrement le bras ; ■ L’affaire est arrangée. » (X. Saintine.)

CROCHE adj. (kro-che — rad. croc). Crochu, courbé, tortu : Avoir tes jambes croches.

Qui de sa croche et ravissante patte..,

Cl. Marot.

— Pop. Avoir les mains croches, Être d’un caractère avide et rapace.

CROCHE s. f. (kro-che — rad. croc). Mus. Note dont la queue porte un crochet, et qui vaut en durée la moitié d’une noire. Si elle est armée de plusieurs crochets, on l’appelle double, triple, quadruple... croche, selon le nombre, et chaque crochet en plus indique une valeur qui est la moitié de la valeur précédente : La noire vaut deux croches, la croche vaut deux doubles crochus, la double croche vaut deux triples croches, etc. La musique, pour eux, n’est pas la science des sons, c’est celle des noires, des blanches, des doubles crochks. (J.-J. Rouss.)

— Par ext. Objet crochu :

Polichinelle qui se fâche

Se trouve une croche pour nez.

Th. Gautier.

— Fam. Doubles croches, Passion de la musique : Il y a encore des gens qui aiment les vers, et l’univers n’est pas uniquement asservi

aux DOUBLES CROCHES. (Volt.)

— Pop. Être fait de croche et d’anicroche, Avoir le caractère pointilleux :

Tous ces gens-là sont faits de croche et d’anicroche.

Regkard.

— Métrol. Petite monnaie de billon qui se fabriquait anciennement k Baie, et avait cours dan3 toute la Suisse. Sa valeur correspondait à deux deniers un huitième tournois de France, ou environ un centime et demi.

CROCHE, ÉE (kro-ché) part, passé du v. Crocher : Boucles crochées.

CROCHECHAT s. m. (kro-che-cha — de croche, à cause de la position des jambes). Pop. Nom donné aux tailleurs dans certaines localités.

CROCHER v. a. ou tr. (kro-ché — rad. croc}. Néol. Saisir amicalement sous le bras avec son bras courbé en croc : Ah ! je vous croche enfin !

— Argot. Crocheter, ouvrir avec un crochet : Crocher une porte.

— Techn. Egaliser, en parlant des boucles d’un tricot.

— Mar. Saisir avec un croc ; On croche

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des palans sur des élingues pour hisser des fardeaux. On croche les palans des canons et ceux de roulage, il Interjectiv. Croche ! Saisis ce cordage, cette manœuvre. Commandement d’un officier de marine a un matelot, à qui il fait prendre dans les mains un cordage pour haler dessus.

— Grav. Crocher une note, lui faire une ou plusieurs queues, pour indiquer que c’est une croche ou une division de la croche.

Se crocher v, pr. En venir aux mains, au propre et "au figuré ; Je grille de vous voir crocher avec le Maître d’école. (E. Sue.) Il On dit plus souvent se crocheter.

CROCHES s. f. pi. (kro-che — rad. croc). Techn. Tenailles dont se sert le forgeron pour saisir le fer rouge et le maintenir sur l’enclume.

CROCHET s. m. (kro-chè — dimin. de croc). Croc de petite dimension : Crochet d’espagnolette. Il parvint à fixer son crochet au sommet du mur. (E. Sue.)

— Fer coudé et pointu planté au bout d’un manche dont les chiffonniers se servent pour remuer les ordures et saisir les objets qu’ils y cherchent.

Faire un crochet, Changer subitement de direction, en parlant des personnes ou des choses : Le chemin fait ici un crochet. Il fit un crochet et disparut dans le bois.

— Loc. prov. Aller aux mûres sans crochet, Faire une entreprise sans avoir les moyens nécessaires pour réussir.

— Archit. Ornement représentant des feuilles et des bourgeons enroulés : Feuilles à crochets. il On dit aussi CROSSE.

— Constr. Sorte de Jtruelle terminée par une pointe. Il Appareil qui pénètre entre les lattes d’un plafond et se replie pour maintenir le plâtre.

— Fortif. Crochet de tranchée ou de retour, Petite place d’armes pratiquée sur la longueur d’un boyau, pour garantir les troupes contre l’enfilade.

— Art milit. petite attache d’un fourreau d’épée. il Crochet de retraite, Crochet placé à l’arrière de l’affût d’un canon, n CrocAei d’armes, Double râtelier armé de crochets, pour suspendre les armes. Il Crochet de guerre, Croc monté au bout d’une hampe dont on se servait au xve siècle pour démonter les cavaliers ennemis, il Crochet à bombes, Crochet de fer en forme de S, dont on se sert pour transporter les bombes. Il Crochet à désétouper, Crochet de fer servant à retirer les charges des coffres à munitions, 0 Crochet tirefeu, Crochet de fer servant à enflammer les étoupilles fulminantes.

— Mar. Nom qu’on donne, dans quelques ports, au petit excédant de bois qu’on laisse au bas des caisses des mâts de perroquet et de cacatois, pour les empêcher de dépsisser au-dessus des barres lorsqu’on les guindé. Il Crochet de voilier, Petit croc pour retenir la toile sur les genoux pendant qu’on la coud.

Il Crochets de roulis ou à double charnière, Petits crocs qui servent pour tendre les lits ou hamacs à carrés.

— Chass. Crochet à blaireau, Instrument pour tirer de leurs terriers les blaireaux et les renards.

— Fauconn. Ongle de l’aigle.

— Chir. Instrument servant k saisir et à extraire le fœtus. Il Instrument servant à extraire les dents molaires.

— Art vétér. Chacune des quatre petites dents du cheval et des bêtes asines, placées dans l’espace interdentaire, près de la dent du coin : Les crochets sont réellement tes dents canines. (Focillon.)

— Anat. Quatrième os de la deuxième ranr gée du carpe, appelé aussi os crochu.

— Typogr. Fer courbé qui fixe sur le sabot la page stéréotypée. Il Parenthèse dont les extrémités sont courbées en équerre []. Il Accolade, trait courbé qui sert à unir plusieurs lignes horizontales ou plusieurs colonnes verticales.

— Mus. Petit trait qu’on ajoute à la queue d’une note, pour en indiquer la valeur. V. CROCHE.

— Cost. Petite boucle de cheveux : Ses cheveux étaient d’un beau noir, et faisaient, à la vieille mode, le crochet sur ses tempes. (J.-J. Rouss.)

Elle donne déjà le bon tour aux crochets.

Reqhard. Nous avons toutes deux enragé tout le jour Contre un maudit crochet qui prenait mal son tour.

Reokard. Il Agrafe : Un crochet d’acier. Un crochet de diamants.

— Techn. Fer courbé dont on se sert pour ouvrir les portes dont on n’a pas les clefs : Ouvrir avec un crochet, h Outil d’horloger, qui sert à creuser les pièces au tour. Il Ciseau courbe du tourneur, Il Instrument de doreur pour agiter et mêler l’or et le vif-argent dans le creuset. Il Sorte de romaine ou de peson. Il Sorte d’aiguille à pointe courbe, dont on se sert pour certains ouvrages de femmes : Broder au crochet. Il Ouvrage qu’on fait avec la même aiguille : C’est avec les points de bavette que s’exécute ce qu’on appelle le crochet à jour. (Balz.) Il Grands crochets, Barres de fer longues de 3 m. 60 et ayant une extrémité recourbée, qui, dans la fabrication des

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glaces coulées, servent à tirer du fourneau les cuvettes pleines de verre fondu, il Crochet à larmes, Crochet pour faire retomber en larmes le verre fondu. || Crochet de menuisier, Fer courbé et dentelé pour arrêter sur le banc une pièce qu’on y rabote, u Crochet de raffineur, Crochet pour arrêter le blanchet sur le bord du panier, u Crochet du fabricant de drap, Crochet recourbé aux deux bouts pour fixer l’étoffe sur la table à tondre. Il Crochet de tuile, Crochet pour arrêter la tuile sur la latte. Il Clou à crochet, Clou dont la tête est courbée à angle droit.

— Min. Crochet de sûreté, Appareil destiné à empêcher les cages ou les bennes, quand elles arrivent à l’orifice des puits d’extraction, de frapper la molette sur laquelle passe le câble de suspension, ce qui amènerait la rupture de la molette ou celle des cages ou des bennes. Il On l’appelle aussi évitk-molette.

— Agric. Outil de fer, à deux dents recourbées, qui sert à biner et à retirer le fumier des étables.

— Hortic. Branche d’arbre longue d’environ 0 m. 15, que le jardinier conserve lorsqu’il est obligé de couper les autres. Il Petit rameau, ou mieux bifurcation de rameaux taillée en forme de V, qui sert à fixer les marcottes dans le sol. Il Accident qui se manifeste sur les marcottes d’oeillet, et qui les rend noueuses, crochues et chancreuses.

— Vitic. Rameau ou sarment de vigne raccourci à trois ou à quatre yeux dans la taille.

U Syn. de covirson.

— Mamm. Longue canine de certains animaux : Les crochets d’un chien, d’un cheval.

II On dit plus souvent croc.

— Erpét. Nom que l’on donne aux dents a venin des vipères et des autres serpents venimeux : Sur 263 espèces d’ophidiens connus, 57 seulement portent des crochets empoisonnés. (A. Maury.)

— Entom. Nom donné aux mandibules des aptères. Il Organe recourbé qui se trouve près de l’anus des orthoptères. Il Pièce crochue qui termine les tarses. Il Appendice recourbé qui fixe l’aile supérieure à l’inférieure chez les hyménoptères et chez quelques lépidoptères.

— Annél. Nom donné à des soies courtes courbées en crochets.

— Penh. Sorte de main de fer ou de grappin, pour saisir les coquillages au fond de l’eau : l’rainer le crochet.

— Conchyl. Crochet de matelot, Nom marchand d’une coquille univalve appelée aussi araignée de mer.

— s. m. pi. Châssis sur lequel les portefaix assujettissent leurs fardeaux. Il Fam. Être sur les crochets, ou aux crochets de, Vivre aux dépens de : J’ai avancé la dépense du voyage, depuis notre garnison jusqu’à ce village-ci ; nous y avons séjourné quinze jours sur mes crochets. (Regnard.) Avec deux cents francs devant lui, un ouvrier b’kst jamais aux crochets de personne, jamais embarrassé. (E. Sue.)

— Archit. Les architectes donnent le nom de crochet à un ornement saillant dont l’extrémité se recourbe et s’enroule en forme de feuillage ou de bourgeon. Cet ornement a été particulièrement employé par des artistes du moyen âge pour la décoration des chapiteaux, des frises, des gables ou pignons, des archivoltes et des colonnettes réunies en faisceau. M. Viollet-le-Duc signale l’apparition du crochet, a l’état d’embryon, dans la corniche supérieure de la nef de l’église de Vézelay, qui date des premières années du xiie siècle, et dans les chapiteaux intérieurs de cette même nef. Mais c’est surtout dans les monuments de l’Ile-de-France et des provinces voisines que les crochets prennent une place importante dans l’ornementation, à dater du milieu du xme siècle. Le chœur de Notre-Dame de Paris, élevé à cette époque, est entouré de piliers cylindriques dont les chapiteaux présentent, aux angles, des crochets à tiges larges, à tètes formées de folioles qui se recourbent sur elles-mêmes avec beaucoup de souplesse. À la fin du xne siècle, dit M. Viollet-le-Duc, les crochets prennent souvent, dans les chapiteaux, la place importante : ils soutiennent les angles du tailloir, ils font saillie sur la partie moyenne de la corbeille ; ils se divisent en folioles découpées, se contournent et s’enroulent, comme le fait un bourgeon commençant à se développer. Il est évident qu’alors les sculpteurs ont abandonné les dernières traditions de la sculpture antique, et qu’ils s’inspirent des végétaux, dont ils observent avec un soin minutieux les développements, les allures, sans toutefois s’astreindre à une imitation servile. « Par la suite, on fit des crochets terminés, soit dans les chapiteaux, soit dans les archivoltes, par des tètes humaines ou par des fleurs ; quelquefois même on remplaça cet ornement par un animal, en conservant sa silhouette caractéristique. Au xine siècle, on abusa quelque peu des crochets ; on s’en servit principalement pour denteler les lignes droites qui se détachent sur le ciel, comme les arêtiers des flèches et les rampants des pignons ; en même temps on leur donna un développement et une richesse extraordinaires. Les crochets que l’on voit dans les édifices bourguignons de cette époque se distinguent entre tous par une exubérante végétation. Peu a peu, les têtes des crochets, au lieu de se recourber comme autrefois, se re CROC

dressèrent, s’épanouirent sur les corbeilles des chapiteaux et les profils des frises. Au xive siècle les crochets disparaissent pour toujours des corniches et des chapiteaux ; mais on les conserve sur les rampants des pignons et des gables. À cette époque, et surtout pendant le siècle suivant, les crochets de rampants prennent les formes végétales les plus variées, les plus touffues ; parmi les plus finement travaillés, nous citerons ceux des hôtels de Cluny et de la Trémouilte, de Saint.-Gennain-1°Auxerrois, du jubé d’Albi, des cathédrales deTroyes, de Toul, etc.

— Mécan. Les crochets servent k saisir les poids que l’on veut élever au moyen de palans ou de moufles ; ils sont à traverse mobile, simples ou doubles. Dans les chemins de fer, on distingue les crochets de traction ou d’attelage, et ceux des chaînes de sûreté. Les premiers, fixés à la barre d’attelage des wagons, sont pla ces sur la traverse extrême du châssis ; ils servent U transmettre l’effort de la traction de la machine à chacun des véhicules que Von y attelle au moyen des tendeurs qu’ils portent dans un œil ménagé à cet effet dans chacun d’eux. Les seconds, qui se trouvent placés de part et d’autre des crochets d’attelage, sont fixés à’l’extrémité des chaînes de sûreté ; ils reçoivent les maillons de celles-ci, dont le but est de remplacer l’appareil de traction, dans le cas où un effort brusque viendrait k le rompre.

Sur le chemin de fer de Rouen, on se sert, pour détacher la machine à l’arrivée sans arrêter le convoi, d’un crochet mobile, engagé d’une part sur le crochet fixe d’attelage du premier wagon, et d’autre part fixé par trois anneaux à la cordeau moyen de laquelle la machine traîne obliquement le convoi. Lorsque l’on veut opérer la séparation, on agit sur la chape qui sert à fixer le crochet jusqu’à ce que celui-ci se soit séparé du crochet d’attelage du convoi ; la machine cesse alors de remorquer les wagons. Sur le chemin deferdeSaintÉtienne, on emploie un autre système de crochet, au moyen duquel on peut, le convoi étant en marche, dételer instantanément la machine ; il se manœuvre par un mécanisme qui agit sur un frein que l’on serre tout en séparant la machine du train.

Crochets du père Martin (LES), drame en

trois actes, de MM. Grange et Cormon, représenté pour la première fois à Paris, sur le théâtre de la Galté, le 2 août 1858. Qu’on se figure l’histoire de l’Enfant prodigue eu lithographie, populaire. Le dessin est rude, la couleur crue, les types sont vulgaires ; mais, dit M. Paul de Saint-Victor, le sentiment emporte la forme, et le public s’est pris d’une vive sympathie pour ce brave et honnête drame qui essuie de grosses larmes avec de ■ gros poings. Ce père Martin est un vieux commissionnaire qui a amassé 50,000 fr, à faire des commissions et à porter des colis dans les rues du Havre. Le père Martin a un fils, et naturellement il veut en faire un monsieur. Ce fils sera avocat, et ses paroles vaudront leur pesant d’or. Ceci arrêté, le commissionnaire envoie son rejeton k Paris suivre les cours de droit ; Armand, au lieu de feuilleter le code, manie les cartes, courtise les filles, brûle beaucoup de cigares, absorbe un nombre infini de chopes et contracte des dettes. Il a trouvé aux environs du Panthéon l’usurier primitif de Molière, l’ami aux doigts crochus qui avance la somme demandée, moitié en pistoles, moitié en acordéons ou en chiens de verre filé. Un rat de l’Opéra, M’o Olympia, s’est chargée de déniaiser Armand : ses griffes lustrées au citron déchirent les billets de banque que le sieur Charançon, l’usurier, consent à avancer ; M"0 Olympia se ferait au besoin des papillotes avec le papier signé Garât, afin de hâter la consommation de la petite fortune paternelle. Un jour, la dette, une harpie sans entrailles, fond inopinément sur le père Martin, et, de sa voix glapissante, lui apprend les désordres de Son fils. Le père Martin paye, et, pour ne pas désoler sa femme, qui croit Armand un modèle de sagesse, d’assiduité et de travail, il feint d’avoir essuyé des pertes k la suite de spéculations hasardeuses ; mais, comme après tout il n’a pas la niaiserie du père Goriot, il embarque secrètement Armand pour le nouveau monde. La rude vie de la mer, ta lutte de chaque jour avec les nécessités de toutes sortes sur cette terre lointaine où l’or, comme partout, se cache et veut être conquis par un labeur opiniâtre, la rupture violante des habitudes du.quartier Latin et des mauvaises relations, corrigeront ce drôle, qui n’est peut-être pas irrémédiablement gangrené. Pendant que le fils prodigue gratte le sol aurifère de 1 Australie, le père Martin a repris ses crochets ; il a remis sur sa tête blanchie le bât de l’homme de peine ; il porte comme autrefois des paquets, fait des commissions^ et, ployé sous les fardeaux, arpente les grands quais du Havre. La fatigue fait trembler ses vieilles jambes, la sueur l’aveugle ; il va cependant, et, du pas d’un bœuf qui creuse son sillon, il parcoui’t les rues de la ville, cachant soigneusement sa peine et son chagrin. Au dénoùment, le fils revient d’Australie, corrigé, enrichi, et il épouse une jeune fille, Amélie, • qui depuis l’enfance l’aimait d’un pur amour. Le père Martin remise définitivement ses crochets polis par un long usage, et la mère Martin pleure toutes les larmes de ses yeux. Pour bien Hoir, le drame marié le vieil usurier