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vernement consulaire. Cela signifia qu’en politique on fait bon marché de la morale, et que, se plaçant tout à fait en dehors des notions du juste et de l’injuste, on n’envisage dans un acte que la conséquence qu’il peut entraîner.

« Richard Lenoir, un des plus grands citoyens que la France ait eus, s’est ruiné pour avoir fait travailler six mille ouvriers sans commande, les avoir nourris, et avoir rencontré des ministres assez stupides pour le laisser succomber à la révolution que 18U a faite dans les tissus. Eh bien ! cet homme est aujourd’hui l’objet d’une souscription sans souscripteurs, tandis que l’on a donné un million aux enfants du général Foy. La France est sans aucun sentiment religieux. L’histoire de Richard Lenoir fait répéter : C’est plus qu’un crime, c’est une faute.

Honoré dk Balzac.

« L’honorable industriel n’hésita point à condamner l’usure et l’autre spécialité de son ami Jeffs. « Les gens comme nous, dit-il, doivent opérer en grand. Risquer son nom et son’ argent dans une affaire de quatre sous, « c’est pis qu’un crime, c’est une bêtise. • |

Ed. About. I

« La perspective de ce danger lit éclore dans l’esprit de la femme ambitieuse une réflexion que le plus spirituel des diplomates modernes avait exprimée en termes presque semblables, à propos d’une catastrophe sanglante. ■ Dans ma position, se dit Isaure, la moindre aventure serait plus qu’un crime, ce serait une faute. »

Charles de Bernard.

< Il prend son parapluie, et le voila qui se regarde dans la glace de son armoire, cherchant une façon élégante de porter son parapluie. Il le met le long du bras, sous sou bras, sur son bras ; rien ne le satisfait. Il était plongé dans ce grave travail, quand tout à coup son regard se rencontre avec le regard moqueur de sa femme, qui, depuis quelques moments l’observait dans cette étude. Il a pâli, rougi, puis blêmi, comme s’il avait commis un crime. C’est plus qu’un crime, c’est une faute, dirait un Talleyrand’ de la diplomatie de ménage. »

»»« DE MA1NTENON.

Le mari n’est pas homme, je croi, A monter aux honneurs par l’escalier du roi ; J’ai, dans cet entretien, sondé son caractère. C’est un vieux nom gonflé de gloire héréditaire, Une lame d’acier dans un fourreau d’airain ; Un vrai soldat. — Allons. — Un billet de ma main..,

(Elle écrit.)

■ Veillez ; quelqu’un vous trompe... "

(S’inlerrompanl tout à coup.) , Une lettre anonyme !...

Un piège 1... un guet-apensl... jamais !

(Elle froisse la lettre.)

Cest plus qu’un crime.

C’est une lâcheté !

LOUIS BOUILIIET.

— AUus. littér. Quelque* crimes toujours précédeni le» grande crimci ; Aîttvï que la vertu, le crime a «e» degré», . Allusion a deux, vers de Sa Phèdre de Racine, acte IV, scène II. Hippolyte, accusé d’un crime affreux par son père, lui répond :

D’un mensonge si noir justement irrité, Je devrais faire ici parler la vérité, Seigneur ; muisji ; supprime un secret qui vous touche, Approuvez le respect qui me Terme la bouche ; Et, sans vouloir vous-même augmenter vos ennuis, Examiner ma vie et songez qui je suis. Quelques crimes toujours jrrècèdent les grands crimes ; Quiconque a pu franchir les bornes légitimes Peut violer enfin les droits les plus sacrés ; Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés.

Dans le passage suivant, Massillon a paraphrasé éloquemment les vers de Racine :

« Non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux, avant que d’être adultère ; Salomon se laissa amollir par les délices de la" royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux avec des femmes étrangères ; Judas aima l’argent, avant que de mettre à prix son maître ; Pierre présuma, avant que de renoncer ; Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem... Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit. »

■ Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes.. Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés... »

Saihte-Beuve.

— AllÙB. littér. Quoi crime ahoininn1>lo I

Allusion à un hémistiche de la fable les Animaux malades de la peste. V. animai, .

Vrov. littér. Le crime fait la boule, el »ou pas i cebufaud, Allusion à un vers de Th. Corneille. V. échafaud.

Crime* des reine* de France, ouvrage publié par Louis-Marie Prudhomme, en 1793.

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« Le premier besoin d’un peuple qui veut être, libre, dit l’auteur, c’est de connaître les crimes de ses maîtres ; car les grands ne nous paraissent grands que parce que nous sommes à genoux ; levons-nous. » Il se lève, en effet, et, se posant en face de la royauté, il dresse le procès - verbal do ses fautes. Dépouillant en farouche patriote tout sentiment de galanterie et de pudeur, il se cache dans la ruelle du lit pour nous révéler les secrets de l’alcôve. Quant aux crimes politiques, ils appar- j tiennent à l’histoire, et l’auteur ne les relève que pour mémoire. • 1

Un peuple est sans honneur et mérite ses chaînes, Quand il baisse son front sous le sceptre des reines.

Telle est l’épigraphe choisie par Prudhomme et dont il donne le commentaire. Une femme devenue reine, d’après lui, change de sexe et se croit tout-permis ; comme une des maîtresses de Jupiter, elle est jalouse de lancer elle-même la foudre, au risque d’être consumée par elle. Elle est d’autant plus libre, que son royal époux sera toujours considéré comme le bouc émissaire de ses fautes, quand même il deviendrait évident qu’il n’a agi que sur ses conseils. ■ Et, pour une Egérie, que d’Agrippines ! s’écrie Prudhomme. Xantippé sur le trône eût fait de Socrate un despote ! » Le recueil des Crimes des reines de France justifie bien l’emblème de la mythologie hébraïque représenté par Samson et Dalila. Et le plus grand malheur, c’est que la faiblesse abuse toujours de sa force. En parcourant le livre de Prudhomme, on reconnaît que la quenouille a frappé sur nos têtes un bien plus grand nom*bre de coups d’autorité que le sceptre, et que les crimes sont plus fréquents chez les reines que chez les rois. Le sexe 4IOUX, tranquille, compatissant est susceptible d’appétits violents, de passions malfaisantes, de caprices sanguinaires. Souveraine du roi au lit conjugal, la reine veut conserver son autorité et

! étendre au delà ; de là ses forfaits,

Prudhomme dresse une liste de Jézabels et d’Athalies recrutées sur le trône de France. Frédégondé, Basine, Catherine de Médieis, Marguerite de Bourgogne et Isabeau de Bavière sont les plus brillants fleurons de cette couronne de royales prostituées. Malheureusement l’auteur, comme tous les gens qui écrivent de parti pris, fait de son livre un lit de Procuste sur lequel viennent s’étendre, bon gré, mal gré, toutes les femmes qui ont eu l’honneur de régner sur la France. On voit avec peine figurer près de ces ignominies couronnées Blanche de Castille, mère de saint Louis, Marie Leczinska, la femme de Louis XV, et Marie-Antoinette, dont la mort récente exigeait plus de ménagements. Sortant même de son cadre, Prudhomme range au nombre des reines Gabrielle d’Estrées, Diane de Poitiers, Mme de Maintenon, M me de Montes- ’ pan, MBie de Pompadour, et jusqu’à la DubarrvI

Le style de l’ouvrage est assez correct, mais trop emphatique ; visant toujours à l’effet, il n’atteint le plus souvent que la boursouflure. Le mérite principal de ce recueil, c’est d’avoir contribué à étouffer ce respect ridicule qui faisait s’incliner des gens honorables devant le vice, parce qu’il était couronné.

Crime» de l’amour (les), roman en quatre volumes, publié en 1800 par le marquis de Sade, comprenant douze nouvelles héroïques et tragiques, précédées d’une dissertation sur les romans. L’auteur trop célèbre de Justine a pris dans les jV«iV» d Young cette épigraphe : « Amour, fruit délicieux que le ciel permet à la terre de produire pour le bien de la vie, pourquoi faut-il que tu fasses naître des crimes et pourquoi faut-il que l’homme abuse de tout ?» Tel est le thème qu’il développe avec talent, il faut l’avouer, et en se conformant à ces singulières maximes de sa préface : • O toi, qui veux parcourir l’épineuse ’ carrière du romancier, ne perds pas de vue qu’il est l’homme de la nature, qu’elle l’a créé pour être son peintre, et que, s’il ne devient pas l’amant de sa mère dès que celle-ci l’a

mis au monde, il est indigne d’écrire. Le sot

I cueille une rose et l’effeuille, l’homme de génie la respire et la peint. » Cette préface se termine par un désaveu formel de la paternité de Justine, malheureusement ce n’est qu’un mensonge greffé sur une ignominie.

Les nouvelles contenues dans ces volumes sont : Juliette et Raunac, ou la Conspiration d’Amboise, excellent morceau d’histoire plein d’intentions dramatiques heureusement traduites ; la Double épreuve ; Miss Henriette Stralson ; Fadilange ou les Torts de l’ambition ; Florville et Courvai ou le Fatalisme ; Rodrigue ou la Tour enchantée, conte allégorique ; Laurence et Antonio ; Ernestine ; Dargeville ou le Criminel par vertu ; la Comtesse de Sancerre ou la Rivale de sa ûlle ; Eugénie et Franval, et Oxtiern, dont 1 auteur a tiré une pièce en trois actes et en prose, représentée au théâtre de Molière, et dont le Moniteur constate le grand et légitime succès. Nous allons l’analyser en quelques lignes. Oxtiern, grand seigneur suédois, libertin déterminé, a violé et enlevé Ernestine, tille du comte de Falkcnheim. Sur une fausse accusation, il fait jeter en prison l’amant de sa victime, qu’il emmène dans une auberge dont le maître, Fabrice, se trouve être un honnête homme. Le père d’Érnestine vole sur les traces du ravisseur, retrouve sa fille et provoque

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Oxtiern. La jeune comtesse, très-habile elle-même à l’épée, envoie à son bourreau un car- ’ tel sous le nom de son frère. Le misérable découvre cette ruse, et conçoit l’horrible projet de mettre la fille aux mains avec le père. Tandis que se livre ce combat sacrilège, l’amant d’Ernestine, délivré par Fabrice, accourt, tue Oxtiern, et arrive à temps pour mettre (in au duel entre le comte de Faikenheim et Ernestine, qu’il épouse.

lia donnée ne manque ni d’invention, ni d’intérêt, ni d’énergie, malgré l’atrocité révoltante du rôle d’Oxtiern, plus scélérat et plus vil que Lovelace, dont il n’a pas les séduisants défauts.

Les autres nouvelles contenues dans les Crimes de l’amour pourraient également fournir d’excellents sujets de drames. L’amour y figure toujours comme la cause première et majeure des forfaits qui souillent la terre. L’auteur laisse cependant entrevoir cette vérité consolante : « L’amour ne corrompt que les cœurs corrompus, n’amollit que les âmes faibles, ne dérange que les cerveaux égarés, tandis qu’il fortifie les forts. C’est le canevas de la nature brodé par le caractère. » Le plus grand défaut de cet acte d’accusation dressé contre l’amour, c’est de se tromper sur les qualités du prévenu. Le marquis de Sade, obéissant aux instincts grossiers de sa nature, ne comprend que l’amour sensuel, et prend les crimes et les désordres produits par l’effervescence des sens pour le résultat de l’amour, cette passion délicate, source du dévouement et de la générosité. L’amour, d’après lui, c’est le corps qui parle au corps, jamais l’aine qui communique avec l’âme. Il n’est point étonnant que, parti d’une définition aussi fausse, il ait abouti à des résultats encore plus faux. Il faut reconnaître avec M. Villeterque «qu’en dépit des lonfueurs, les Crimes de l’amour se recommanent par une grande fécondité d’imagination et une riche variété de tableaux, »

À ce critique judicieux et modéré, le marquis de Sade répondit par un pamphlet ordurier, rappelant trop, pour la forme et le fond, le style de Justine.

Crime» célèbre» (les), annales criminelles publiées vers 1840 par Alexandre Dumas, en huit volumes, renfermant dix-huit causes, dont nous allons citer les titres : 1° les Cenci, parricide que le talent de l’auteur rend presque excusable, et que, dans la position d’une malheureuse tille violée et afùchée comme mabresse par son père, nous voyons sans colèii ; 20 la célèbre empoisonneuse la Britlvilli&-<t ; 3° Cari Ludwig Sand, l’assassin du fameux littérateur traître à sa patrie Kotzebue ;

  • « l’infortunée Marie Stuart ; 5« Nisida ; 6» l’empoisonneuse Desrues ; 7° Martin

Guerre, cet homme qui, grâce à une prodigieuse ressemblance, trompa la femme du véritable Martin Guerre ; 8° Ali - Pac/ta ; - 9" les Massacres du Midi ; 10° la Comtesse de Saint- Gérait ; lie Jeanne de Naples ; 12» les liorgia ; 13° Urbain Grandier, la victime de l’ignorance, de l’intolérance et du fanatisme ; H<* Vaninka ; 15° Murât ; 16» la Marquise de Ganges ; 17» la Constantin ; 18" le Masque de fer.

Comme on le voit par le titre des articles composant les Crimes célèbres, l’ouvrage d’Alexandre Dumas ne fait pas entièrement double emploi avec le recueil des Causes célèbres de Dusessarts. Ce dernier n’a publié que le compte rendu des procès célèbres ; Dumas a raconté des crimes qui n’ont été flétris que par l’opinion publique, tels que les massacres du Midi et la captivité de l’homme au masque de fer. Le mérite de ces récits, c’est d’êtré aussi intéressants qu’un roman, au lieu de ressembler, comme ceux de Desessarts, à un article de la Gazette des Tribunaux. Le fécond écrivain anime tout ce qu’il touche ; il transforme chaque crime en un petit drame avec exposition, développement et dénoûment habilement combinés pour exciter la terreur et la pitié. Il est parvenu à rendre les bourreaux quelquefois plus intéressants que les victimes, comme dans l’affreux drame de famille des Cenci. On sait quelles tragédies sanglantes signalèrent les débuts de la Restauration dans le Midi, les haines implacables qu’elles excitèrent, les lâches vengeances qui profitèrent de ces temps de trouble pour se satisfaire, les atrocités commises au nom du roi et de la religion par Trestaillon et ses bandes, à la honte éternelle du gouvernement qui les toléra. Ces infamies Sont reproduites avec toute leur énergie dans les Crimes célèbres. Les scènes dramatiques s’y succèdent rapidement, et, soit que l’auteur retrace à sa manière un massacre constaté par l’histoire,

soit qu’il crée quelque circonstance, imagine

I quelque détail, un intérêt palpitant vous at-I tache à ses pages. Le style est clair, naturel, ■ vif, animé, coloré, chaleureux. On sent l’indignation et la pitié s’agiter dans le cœur de l’auteur.

Crime (le) ou l’Expiation, tragédie en quatre actes, de Mûllner, représentée à Vienne en 1813. On a’traduit de différentes façons le titre de cette pièce, qui, en allemand, s’appelle die Schutd. Les mots expiation, crime, faute ont été tour à tour adoptés. Mûllner appartenait à ce groupe de dramaturges dont

iWerner était le chef, et dont Grillparzer fut la caricature ; le but de leurs œuvres étaitde prouver que la fatalité pesait sur la vie humaine et qu’elle réclamait sans pitié ses vie CRIM

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times. Une taute commise devait avoir son expiation matérielle ; on cherchait en vain, par mille précautions, à fuir la punition, a échapper au châtiment, celui-ci relançait le coupable dans lespays les plus lointains. Ce n’était pas la justice divine qui le frappait, c’était cette même fatalité qui lui avait fait commettre un crime. Dans ce genre de drames, le Vingt-quatre f vrier de Werner est célèbre ; dans ('Aïeule, Grillparzer a poussé ce système jusqu’à la plus ridicule et la plus puérile exagération. Il a provoqué ta parodie spirituelle du comte de Platen, a. Fourchette fatidique, avec laquelle toute une famille se tue.

Mûllner a suivi la même route, et a même donné une suite an drame de Werner qu’il a intitulé le Vingt-neuf février, et qui est la conclusion logique de la première pièce. L’intrigue du drame est très-simple, mais le prologue est très-compliqué. Il s’agit d’un fratricide ; tous les événements, toutes les péripéties, la catastrophe même concourent a arracher d’abord le secret, puis l’aveu du crime, que le coupable expie volontairement. La femme d’un grand seigneur norvégien, le comte d’CEfindour, va prendre les eaux de Barégos. Elle accouche heureusement d’un fils, qui meurt deux ans plus tard. Une dame espagnole lui cède son second dis, qui est du même âge. De retour en Norvège avec cet enfant adoptif, la comtesse redevient mère ; elle accouche d’une litle. Trompée dans son espoir, elle révèle tout au comte, qui, privé d’héritier mâle, obtient du roi un diplôme de substitution. L’enfant espagnol, investi de tous les titres d’une famille norvégienne, sera le fratricide ; voici comment. La darne espagnole, dona Laura, n’a cédé son fils à une étrangère que sous le coup d’une crainte superstitieuse ; elle a un autre fils, don Carlos, son premier-né : or une bohémienne lui avait prédit que si elle accouchait d’un second fils, celui-ci assassinerait son frère. Elle a donc voulu détourner la prédiction fatale. Les deux frères grandissent. Don Carlos, resté en Espagne, épouse la belle et noble Elvire, dont il n’est pas aimé. Hugues, le Norvégien, ayant appris, à la mort de son père, tout ce que celui-ci savait de son secret, veut retrouver ses véritables parents. Ignorant leur nom, il se rend en Espagne. Le hasard fait qu’il rencontre Carlos ; il conçoit pour lui la plus vive amitié. Malheureusement il se prend aussi du plus ardent amour pour Elvire, qui encourage sa passion. Le jeune étranger hésite entre l’amour et l’amitié. Il sauve la vie de Carlos en exposant la sienne. Prévenu par Elvire que son mari veut attenter à ses jours, la jalousie espagnole ne pardonnant pas, Hugues part pour se réconcilier avec lui ; il l’aperçoit seul à la chasse dans une forêt, sans en être vu lui-même. Toutes les passions se soulèvent dans son cœur ; il couche Carlos en joue, le coup part, et le fratricide est consommé. Peu de temps après, Elvire, aisément consolée, épouse le meurtrier de son mari.

Cette exposition du prologue est presque un compte rendu de tout le drame. Le poète n’a qu’à révéler aux spectateurs ce que la lecteur vient d’apprendre. La scène est en Norvège, dans le château où le coupable a emmené Elvire et Otto, enfant de douze ans, fils d’El’vire et de don Carlos. Jerta, véritable fille du feu comte d’CErindmir, habite avec eux et se croit la sœur de Hugues. Le premier acte ne sert qu’à poser Tes caractères. Au second acte, Hugues révèle à Jerta, sans trop de nécessité, le "secret de sa naissance. Jerta va le communiquer à Elvire. Il en résulte entre les époux une scène de jalousie qui leur rappelle les circonstances de leur liaison et la mort de Carlos. L’imagination du meurtrier s’exalte, les remords le déchirent. Un étranger, déjà annoncé, parait ; c’est don Valeros, l’époux de dona Laura, le père de Carlos. Hugues croit voir entrer l’ombre de sa victime. Il s’évanouit deux fois en lui entendant raconter qu’après un long séjour en Amérique il a voulu voir dans le cercueil le corps de son fils tué pendant son absence. L’attitude de ce corps lui a prouvé l’existence d’un crime, et il cherche le coupable dans le Nord, où certains signes le conduisent. I<e troisième acte achève les révélations. Valeros, qui a déjà conçu des soupçons contre Hugues, arrive à connaître la vérité par une suite d’explications ou d’imprudences, suivies d’un aveu formel. Hugues, frappé de la malédiction paternelle, conçoit et déclare la résolution d’expier son crime sur un échafand. Tel devrait être le dénoûment, l’action est épuisée. Mais l’auteur a imaginé de mettre en scène une catastrophe sanglante dans un quatrième acte fort long. Il en résulte que les coupables, Hugues et Elvire, se poignardent tous les deux.

Cet épisode est inutile ; la véritable catastrophe de la tragédie est l’aveu du fratricide arraché à Hugues par la torture du remords. Ce but, en effet, semble indiqué par la marche même de la pièce. C’est de cette idée qu. ressortent toutes les beautés de l’ouvrage ; c’est d’elle qu’il emprunte sa moralité, ha fable traitée par le poète donne trop de place aux petits moyens, aux invraisemblances, au merveilleux. Ilja aussi trop d’oppositions de caractères, de sentiments, de climats et de religions ; des contrastes perpétuels engendrent la monotonie. Le véritable mérite de la tragédie de Mûllner consiste dans le d.éve-