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poudré, ainsi nommé à cause de l’efflores- | cence farineuse blanchâtre qui couvre son plumage vert. On peut citer encore le crick â tête bleue, qui présente plusieurs variétés. Les Américains mangent ces oiseaux, après les avoir fait tomber des arbres en les étourdissant avec la fumée des brandons qu’ils allument au-dessous. Ces, perroquets sont peu répandus en^Europe.

CRICKET 8. m. (kri-kètt — mot anglais qui sigiiif. crosse). Jeux. Exercice favori des Anglais, qui ressemble un peu a notre jeu de la balle au bond.

— Encycl. Le cricket jouit d’une vogue immense en Angleterre. Il n’est en réalité qu’une modification du jeu appelé en France crosse ou criquet. À chaque extrémité du terrain choisi, on plante, a une grande distance et vis-à-vis l’un de l’autre, deux petits poteaux ou guichets, hauts d’un mètre, éloignés de 0 m. 08 à 0 m. 10, et réunis à leur partie supérieure par une baguette de om.lî à oin.15, appelée wicket, que le moindre choc contre un des poteaux peut faire tomber. Le jeu consiste a lancer la balle de manière qu’elle aille frapper les poteaux de l’adversaire pour faire tomber le wicket. Les joueurs, divisés en deux camps, ont des vêtements de flanelle, des gants de peau analogues à ceux des salles d’escrime, et des chaussures dont la semelle est garnie de pointes d’acier pour empêcher de glisser. L’un d’eux, dans chaque camp, est armé d’un bat, c’est-à-dire d un battoir à long manche. De plus, il a les jambes protégées par des jambières matelassées, ou leggings, pour que la balle ne puisse les blesser. Cette balle, qui a presque la dureté du fur, est tantôt de liège recouvert de peau, tantôt de lanières de cuir fortement serrées. La partie ou match se compose habituellement de deux manches, appelées innings. Quelquefois cependant on convient de jouer tant d’heures, et le gagnant est celui qui, à l’expiration du temps convenu, compte le plus de i points. Le baller du camp que le sort a désigné pour commencer le jeu prend position prés de son guichet, et de là lance la bulle ; avec une rapidité foudroyante, visant de son | mieux le guichet ennemi pour le renverser. : Mais au moment où le projectile part, l’homme l au battoir du camp opposé, le bat ter, comme ou le nomme, posté un peu en avant de son guichet, arrête la balle dans sa course aérienne avec son instrument, et s’efforce en même temps de l’envoyer le plus loin possible. C’est donc sur l’adresse, la force et l’agilité du batter que repose en grande partie la responsabilité de la victoire ou de la défaite. Toute balle manquée fait perdre un ou plusieurs points, suivant les conventions, au camp du batter. Il les gagne, au contraire, si elle est reçue. Dans ce dernier cas, le batter a le droit de tirer un certain nombre de coups de suite, du moins tant qu’il réussit. Du reste, les joueurs sont libres de faire telles conventions qu’ils jugent à propos : il suffit qu’ils s’entendent d’avance.

« Ce jeu a une telle importance, dit l’auteur de VAnglais à Paris, que des joueurs de différents districts et même de différents comtés organisent de grandes parties de cricket où ils se disputent l’honneur de la victoire. Ainsi on voit souvent dans les journaux des annonces telles que celle-ci : « Cricket. Il y aura le 15 du mois courant un grand match

  • (lutte) entre les joueurs du comté de Mid

« dlesex et ceux du comté de Surrey. •

Ce jeu, essentiellement anglais et qui demande force et adresse, s’est introduit dans ces dernières années en France, où il a conquis ses lettres de grande naturalisation. Boulogne, Dieppe, Calais, Paris ont leur club de cricketers, et la ville de Paris leur a concédé un terrain au bois de Boulogne. Le 18 mai 1864, il y a eu un cricket match entre des Français et des Anglais.

On a fait quelquefois de singulières parties de cricket en Angleterre ; à Kennington par exemple, -il y avait d’un côté onze manchots et de l’autre onze joueurs ayant une jambe de bois. La partie dura plusieurs jours.

CRICKET-CLUB s. m. Société de cricketeurs : Les bureaux du chicket-club de Paris sont situés auprès de l’église anglicane de la rue d’Aguesseau, chez un undertaker, c’est-àdire chez un entrepreneur de pompes funèbres. (E. de la Bédollière.)

CRICKETEUR s. m. {kri-ke-teur — angl. crickeler, même sens). Amateur du jeu decricket : Les collégiens d’Oxford sont les premiers cricketeurs du monde. (E. de la Bédollière.) Il On écrit aussi CRiCKETER, à l’anglaise.

CRICO-ARYTÉNOÏDIEN, IENNEadj. Anat. Se dit de deux muscles du larynx : Muscles

CRICO-ARYTÉNOÏDIENS.

— Substantiv. : Les crico-arttbnoïdiens.

— Encycl. Deux muscles du larynx portent le nom de crico-aryténoïdiens. Le premier, crico-aryténoîdien postérieur, est un muscle pair, triangulaire, situé à la face postérieure du cartilage cricoïde. Il s’insère sur cette face, et de là se porte vers l’apophyse postérieure et externe du cartilage aryténoïde, où il s’insère en même temps que le crico-aryténoîdien latéral. Il sert à la phonation. Portant l’apophyse externe du cartilage aryténoïde en arrière, il est tenseur de la corde vocale inférieure, et dilatateur de la glotte.

Le muscle crico-aryténoîdien latéral est

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aussi un muscle pair, congénère du précédent, situé profondément sous le cartilage thyroïde. Il s’insère à la partie latérale du bord supérieur du cartilage cricoïde, d’une part, et de l’autre à l’apophyse postérieure et externe du cartilage aryténoïde. Les muscles crico-aryténoïdiens latéraux, en faisant exécuter aux cartilages aryténoïdes un mouvement de rotation sur leurs articulations thyroïdiennes, agissent comme constricteurs de la glotte et servent à la phonation.

CRICOÏDE adj. m. (kri-ko-i-de — du gr. krikos, anneau ; eidos, aspect). Anat. Se dit du cartilage annulaire du larynx, situé à la partie inférieure de, cet organe : Le cartilage

CRICOÏDE.

— Substantiv, : Le cricoïde,

— Encycl. Le cartilage cricoïde a la forme d’un anneau, étroit en avant, beaucoup plus haut en arrière ; il occupe la partie inférieure du larynx, qu’il sépare de la trachée-artère ; il est, en quelque sorte, le premier anneau de la trachée. Sa face externe présente, latéralement et en avant, des facettes articulaires en rapport avec les petites cornes du cartilage thyroïde ; en arrière, la saillie médiane sur laquelle sont implantées quelques libres de l’œsophage, et les dépressions concaves qui logent les muscles erieo-aryténoïdiens postérieurs. Sa face interne est revêtue par la muqueuse laryngienne ; sa circonférence supérieure donne attache à la membrane cricothyroïdienne, au muscle crico-thyroïdien, à des fibres du muscle aiyténoïdien, et est en rapport, en arrière, avec la base des cartilages aryténoïdes. Sa circonférence inférieure donne attache à la membrane qui l’unit au premier anneau de la trachée-artère. Son rôle est de fournir des points d’attache aux muscles laryngiens, et il joue dans la phonation le même rôle que les autres cartilages du larynx.

CRICO-PHARYNGIEN adj. m. Anat. Se dit d’un muscle qui s’étend du cricoïde au pharynx : Le muscle crico-pharyngien.

— Substantiv. : Le crico-pharyngiën.

CRtCOSTOME adj. (kri-ko-sto-me — du gr. krikos, anneau ; stoma, bouche). Hist. nat. Qui a là bouche ou l’ouverture ronde.

— s. m. pi. Famille de mollusques ayant pour type le genre turbo.

CRICO-THYROÏDIEN, IENNE adj. Anat. Se dit d’un des muscles du larynx : Muscle cricoTHïroïdikn.

— Substantiv. : Le crico-thyroïdien.

— Encycl. Le muscle crico-thyroïdien est un muscle pair, triangulaire, situé à la partie postérieure dû larynx ; il s’insère à la face antérieure du cartilage cricoïde, d’une part, et de l’autre, au bord inférieur du corps et des petites cornes du cartilage thyroïde et à la face postérieure de ce cartilage. En faisant basculer le cartilage thyroïde sur le cartilage cricoïde, les crico-thyroïdiens agissent comme tenseurs des cordes vocales ; ils servent à la phonation.

CRICO - THYRO - PHARYNGIEN adj. m. Anat. Se dit d’un muscle qui s’étend du cricoïde au thyroïde et au pharynx : Muscle

CRICO-TUYRO-PHARYNGIKN.

— Substantiv. : Le crico-thyro-pharyn-

G1EN.

CRICO-TRACHÉAL, ALE adj. Anat. Qui a rapport au cricoïde et à la trachée-artère : Muscles crico-trachkaux.

— Substantiv. : Les crico-trachéaux.

CRI-CRI s. m. (kri-kri — onamatop.). Entom. Nom vulgaire dû grillon domestique et du grillon des champs : Il entendait tout chanter autour de lui, le vent à travers tes roseaux, les oiseaux sur les branches, et jusqu’aux humbles cigales et aux infimes cri-cri, rampant dans l’herbe. (A. Cler.)

Cri ! cril

Quel est ce cri,

Cette plainte touchante ?

Cri ! cri !

Comme du cri

De ce grillon qui chante

Mon cœur est attendri I

— Ornith. Nom vulgaire du bruant proyer.

Cricri ci ica mitrons, pièce bouffonne, jouée à Paris en 1829, et destinée à parodier le drame célèbre d’Alexandre Dumas, Henri III et sa cour. Elle était l’œuvre de MM. Dupeuty, Carmouche et Jouslin de la Salle. Les trois dramaturges associés n’étaient pas les prerolers à parodier le drame de M. Dumas. Déjà, au Vaudeville, on avait trouvé dans la Cour du roi Pétaud des allusions souvent même trop transparentes aux situations et aux personnages de Henri III. La lutte des romantiques et des classiques était de plus en plus vive. Les feuilletons et les brochures ne suffisant plus, les classiques eurent recours à la parodie, et la Cour du roi Pétaud fut leur première attaque en ce genre. Elle échoua, ou à peu près. Cricri et ses mitrons, autre calque grotesque du drame romantique applaudi par le public malgré l’indignation des classiques, eut plus de succès que la première parodie. C’est que dans cette pièce les auteurs, en gens d’esprit, au lieu de prendre parti dans la querelle, avaient eu l’heureuse idée de faire rire à la fois des deux camps. Chacun avait

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son lot, et ces bouffonneries impartiales ne pouvaient manquer leur effet.

Cricri est un boulanger, mais un boulanger classique ; il fait le pain comme ses aïeux. Son cousin, au contraire, Gueusard le Balafré, est de la nouvelle école en boulangerie ; il innove ; il fait le pain à la mécanique. On voit quelle rivalité doit diviser les deux cousins, et combien elle est digne de faire pendant à la terrible lutte de Henri III et des ligueurs. Comme dans la Cour du roi Pétaud, les auteurs de la parodie avaient suivi pas à pas les scènes du drame, et chaque situation, comme chaque personnage, avait sa contre-partie dans la pièce bouffonne. Peu d’invention, mais de la gaieté, de l’entrain. Le style, parfois un peu leste, pour ne pas dire grossier, ne manquait pas d’une certaine originalité. La pièce était en vers burlesques. Le jeu des acteurs fut pour beaucoup dans le succès de Cricri et ses mitrons. Que de piëfces contemporaines-dont on peut en dire autant ! On admirait à cette époque le fameux I.héric dans le rôle de SaintPétrin, dit Chaud-chaud. Il imitait d’une manière étonnante le jeu épileptique de Saint-Mégrin. Ce Lhéricétait le Berthelier du temps.

CRID s. m. (kridd). Poignard des insulaires des Célèbes. Il On dit aussi criss et cric. V. cRrss.

CRIDOTHÈRE s. m. (kri-do-tè-re). Ornith. Syn. du genre Martin.

CRIE s. f. (krî — rad. crier). Criée, proclamation. Il Vieux mot. | — Pierre de la crie, Pierre sur laquelle on , faisait autrefois les publications, et où l’on j vendait à l’encan les meubles saisis. À Paris, on voyait jadis dans la cour du palais une table I de marbre destinée à cet usage, et sur laquelle

! on faisait les exécutions quand la cour ordon :

nait qu’un libelle serait brûlé par la main du , bourreau. Il y en avait de semblables dans I plusieurs autres villes de France.

! CRIÉ, ÉE (kri-é) part, passé du v. Crier.

Dit, chanté à très-haute voix : Cela n’est pas chanté, mais crié.

N’ai-je pas bien servi dans cette occasion ?

Dit l’Ane en se donnant tout l’honneur de la chasse.

— Oui, reprit le lion, c’est bravement crié.

La Fontaine. t

— Annoncé, publié : Cela a été crié partout. Il Vendu a la criée : Viandes criées à la halle.

CR1ECII, bourg d’Écosse, comté de Sutherland, à 13 kilom. O. de Dornoch, sur la Shin, près de son embouchure ; 2,354 hab. Élève de moutons ; lilage du lin. Pêche assez active.

CRIÉE s. f. (kri-é — rad. crie). Jurispr. Vente publique aux enchères : Meubles vendus à la criée. Et mes pauvres effets seront donc vendus à la criée ! (E. Sue.) Il Se disait autrefois de l’annonce obligatoire de cette vente : Faire la criée. Il Audience des criées, Audience consacrée à l’adjudication des immeubles, tant sur expropriation forcée que sur vente volontaire.

— Comm. Vente à la criée, Vente en gros qui se fait au plus offrant, dans les halles centrales de Paris, avant l’ouverture du marché au détail.

— Encycl. Vente à la criée. Le nom de vente à la criée, appliqué chez nous à la vente aux enchères, vient de la coutume où l’on était jadis de faire crier publiquement par un huissier ou sergent la vente des meubles ou immeubles faite par décret de justice. Chez les Romains on usait de semblables proclamations, qui étaient appelées bonorum publicationes,

Îirœconia. Ces proclamations se faisaient sous a lance, sub hasta, de même que la vente forcée des effets mobiliers ; de là était venu le terme de subhastation, longtemps usité dans quelques-unes de nos anciennes provinces. Aux proclamations on ajoutait des libelles ou tables d’enchères, qui contenaient la désignation des objets, le jour de la vente, et ledit du magistrat qui l’avait ordonnée. Les ventes se faisaient sur les places publiques et étaient présidées par les administrateurs du trésor de Saturne ; une pique dressée devant leur tribunal annonçait que c’était une vente à l’encan. Un héraut, monté sur une pierre, criait et l’objet et son prix. Toute criée commençait par une formule assez bizarre : Biens de Porsenna à vendre. C’était un souvenir du lucu-1 mon étrusque qui était venu assiéger Rome, | l’avait soumise et" forcée de se déclarer sa ’ vassate. Rome, devenue puissante, avait voulu

! se venger de cet échec, et, renversant les

rôles, par cette formule exigée sous peine de nullité, elle avait voulu faire croire à la défaite et à la fuite de Porsenna. Mais cette manœuvre puérile ne pouvait empêcher l’his- ; toire de conserver le souvenir du fait accompli. À Rome, lesventes à la criée abondaient : c’était ainsi qu’étaient vendus les prisonniers de guerre. Sur le champ de bataille encore fumant de carnage, sur la place publique des villes prises d’assaut, une pique était dressée devant le tribunal du préteur t femmes, enfants, vieillards, guerriers échappés à la fureur du glaive, dédiaient et étaient adjugés aux marchands d’esclaves, qui allaient vendre ces malheureuses victimes sur les places de Rome ou d’Alexandrie.

La vente à la criée est très-ancienne en France ; dans le style du parlement, Dumoulin en fait mention sous le titre de de subhastalionibus, a cette époque, le mot criée

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ne s’appliquait pas seulement à la vente, mais aussi aux proclamations à haute voix qui devaient être faites à certains jours fixés, par le ministère d’un huissier ou sergent, pour faire savoir à tous ceux qui pouvaient y avoir intérêt que le bien saisi réellement serait vendu et adjugé par décret. Ces criées étaient répétées ordinairement trois fois, de quinzaine en quinzaine ; un les faisait le dimanche à l’issue de la messe, c’est à-dire au lieu et à l’heure où on était sûr de trouver le plus de monde réuni. C’était un cas de nullité, si la criée se faisait après vêpres, et non après la messe. La criée était fuite par des crieurs jurés, qui ont disparu depuis que les afriVhes ont remplacé les proclamations. Les ventes à la criée furent d’abord faites par les sergents, puis par les huissiers-priseurs, auxquels ont succédé nos eommissaires-priseurs actuels. Tant qu’elles ne portèrent que sur les objets mobiliers vendus soit après décès, soit par autorité de justice, les ventes à la criée n apportèrent que de minces résultats. Elles ne commencèrent à devenir importantes que lo jour où la richesse, le goût des arts, eurent donné naissance aux amateurs, collectionneurs et brocanteurs, qui font aujourd’hui la fortune des ventes publiques. La plus ancienne mention d’une vente de ce genre est faite par Gilles Crozet : « Au mois 5’aoust, audit temps (1550), furent vendus publiquement en la Mégisserie plusieurs images, tables, autelz, peintures et autres ornemens d’église qu’on avoit apportez et sauvez des églises d’Angleterre. » Une vente du siècle suivant non moins curieuse est ceile des effets précieux du cardinal Muzarin, décrétée par le parlement le 16 février 1649. ■ Tous les meubles étant dans la maison dudit cardinal seront vendus au plus offrant, » disait l’arrêt, qui ajoutait : « sur la bibliothèque et les meubles du cardinal qui seront vendus, il sera, par préférence, pris la somme de 150,000 fr., laquelle sera donnée â celui ou ceux qui représenteront ledit cardinal à justice, mort ou vif. » Segrais parle également de la vente publique des meubles de Scarron après sa mort ; cette vente s’appelait alors un inventaire. Au xviue siècle, on voit augmenter et le nombre des amateurs et celui des ventes ; parmi ces ventes il faut citer celle de la comtesse de Verrue, dont la magnifique collection commença à populariser en France l’école hollandaise, et celle qui se fit après la mort de Mme de Pompadour, dont le mobilier De mit pas moins d’un an à se vendre. Depuis le siècle dernier, l’amour du bibeiotage a toujours été en augmentant, mais il a conservé sa physionomie, et, en lisant le passage suivant de Mercier, on ne sait s’il parle d’une vente de 1780 ou de 1869 : « La charge d’huissier-priseur (car tout est charge : qu’est-ce que les rois n’ont pas vendu ?) devient de jour en jour plus lucrative. Plus il y a de luxe, plus il y a de nécessiteux. Le combat sourd de l’aisance et de la pauvreté occasionne une multitude de ventes et d’achats. Les pertes, les banqueroutes, les décès, tout est favorable aux huissiers-priseurs, en ce que les revers de la fortune, les changements de lieu et d’état se terminent toujours par des ventes forcées ou volontaires, il y a ensuite les petites ruses du métier. Tel huissier-priseur est souvent marchand tacite ou bien associé avec des marchands ; et, dans les adjudications il sait conséquemment couper la broche à propos, c’est-à-dire adjuger suivant qu’il lui plaît, d’après ses vues secrètes ou celles de ses commettants cachés. L’adjudication est un prononcé inévitable ; mais que de clameurs avant le mot définitif I L’huissierpriseur est obligé d’avoir un crieur à gnges, un stentor. On n’entend que cette répétition étemelle des acheteurs : Un sol ! un sol ! tandis

me l’huissier crie de son côté : Une fois ! deux.

ois ! trois fois ! Ou dirait que l’objet crié va être adjugé sur-le-champ, car l’huissier dit toujours : Pour la dernière fois, en voulez-vous ? n’en voulez-cous pas ? Un sol ! un sol ! répète l’assemblée ; et voilà l’objet qui de sol en sol remonte subitement à mille livres au-dessus du premier prix. Un sol a fait pencher la balance, un sol l’a fixée invariablement. L’huissier en habit noir avec sa voix flùtée, et le crieur déguenillé, mais gorgé d’eau-de-vie, dont le timbre fait trembler les vitres, usent leurs poumons à parler en publie, comme le dit le poëte Rousseau dans sa plaisante épigramme. L’oreille est fatiguée par cette répétition continuelle, assommante. Les paix là ! du stentor enroué surmontent à peine les bruits confus de la multitude qui se passe de main en main les objets, les regardant, les dédaignant, selon les goûts et les besoins du moment. Quand vous avez assisté à une de ces vente ? tumultueuses, vous en avez les cris monotones et le bourdonnement dans l’oreille pendant quinze jours. On adjuge de cette manière depuis un tableau de Rubens jusqu’à un vieux justaucorps percé par les coudes. Dans les ventes après décès, les chaudronniers en cheveux plats ouvrent toujours la séance, car on commence toujours par la batterie de cuisine, le mort n’en ayant plus besoin. Ils se trouvent dans la salle du défunt avec tous ceux qui viennent acheter ses diamants, ses meubles de boule et ses dentelles. ■ Comme autrefois’, les amateurs brocantent toujours, et le bon

ublic, alléché par le faux espoir de profiter une bonne occasion, se laisse toujours duper par les marchands.» La plupart de ces ventes, dit encore Mercier, sont simulées. Un marchand voudra vider sou magasin d’un seul

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