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fcllque poursuivait le cours de ses triomphes militaires aux Pyrénées, aux Alpes et sur le Rhin, et la campagne de 1794 fut aussi glorieuse que celle de l’année précédente. Sauf des revers partiels, on sait que cette prodigieuse série de victoires allait se prolonger pendant vingt ans.

Cependant le comité de Salut public était profondément divisé ; mais ses membres, par un admirable sentiment de patriotisme, ensevelissaient ces divisions dans le silence, dans la crainte qu’elles ne profitassent aux ennemis de la République et que le faisceau du gouvernement n’en fût brisé. La Convention, qui les ignorait, votait presque toujours de confiance, souvent sans discussion, les mesures qui lui étaient présentées. Bans ce comité, comme nous l’avons expliqué à l’article spécial qui lui est consacré, le travail avait été divisé entre les membres, et chacun était à peu près maître daDs sa spécialité ; vu l’immensité des affaires (jusqu’à cinq cents par jour), les signatures se donnaient même souvent de confiance ; et, d’ailleurs, trois suffisaient pour la validité. C’était là un grand abus ; mais il y avait impossibilité physique à ce qu’il en fût autrement. Ceci explique comment Robespierre put faire beaucoupde choses dont ses collègues, accablés par leurs travaux, n’avaient une connaissance précise que quand elles étaient accomplies. Cependant il y avait parfois des orages, et même de très-violents, et les triumvirs furent positivement accusés, par Carnot, notamment, de tyrannie, de prétentions dictatoriales. Un jour il présenta une nouvelle liste de conventionnels dont il demandait la mise en accusation. Le comité, cette fois, refusa. Robespierre en fut vivement courroucé. À ce moment, son génie amer l’entraînait de plus en plus dans la naine et les noirs soupçons ; il se sentait enveloppé d’inimitiés et menacé par les débris des partis qu’il avait immolés ; il s’exagérait même et les dangers qu’il courait et le nombre de ses ennemis, et ne voyait partout que machinations et complots ; le maniement de la police ne faisait qu’aggraver cette maladie de l’effroi, qui est le commencement de la punition des tyrans.

Pour compléter la réaction religieuse qu’il avait provoquée et qui fait de lui le précurseur du concordat, il vint lire à la Convention, le 18 floréal (8 mai), un manifeste religieux d’une beauté qu’il serait puéril de méconnaître,

que sorte le pontife, fut célébrée avec éclat, et, en le présentant à l’Europe comme le restaurateur de l’ordre moral, ne fit que coutirmer ses adversaires dans lg soupçon qu’il nourrissait des projets de dictature. Deux jours après, cet nomme, que quelques historiens systématiques nous représentent comme voulant mettre fin au régime de la terreur, faisait présenter par Couthon, à l’insu du comité, cette affreuse loi du 22 prairial, son œuvre spéciale, qui supprimait les défenseurs et les témoins flans la procédure du tribunal révolutionnaire (tout peuplé de robespierristes). Il y eut quelques orages ; mais la Convention, terrifiée, vota la loi. C’était évidemment tendre la gorge au couteau : car, on ne pouvait s’y méprendre, ceci était l’indice effrayant de nouvelles proscriptions. Un certain nombre de représentants ne pouvaient faire un pas sans être surveillés, obsédés par les espions de Robespierre ; les victimes étaient marquées, tout le monde les désignait.

La loi du 22 prairial porta ses fruits, et cette période est l’apogée de la l’erreur. Mais Robespierre fut abattu avant d’avoir pu faire dans l’Assemblée les nouvelles épurations qu’il avait si laborieusement préparées.

Après une suite de discordes intérieures dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer, il arriva ce qui devait fatalement arriver : une ligue se forma contre Robespierre, composée de tous ceux qui se savaient proscrits, des amis de ceux qui l’avaient été, des républicains ardents qui voyaient s’élever une tyrannie, aussi bien que de ceux qui voulaient une réaction. Robespierre fut renversév. thermidor- (journée du 9)] et envoyé à l’échafaud, avec Saint-Just, Couthon, Lebas, Hanriot, Dumas, Payan, Fleuriot-Lescot, etc., et quatre-vingts membres de la Commune, qui s’était déclarée en insurrection ; tous avaient été, en masse, mis hors la loi comme traîtres et rebelles.

Une nouvelle période commence. Nous avons eu successivement le règne de la Gironde et celui de la Montagne. Bientôt la Plaine va régner à son tour. Sieyès et d’autres muets vont ressusciter. Des médiocrités comme Durand-Maillane, Boissy d’Anglas, etc., vont occuper la scène et précipiter la décadence de la République. La contrerévolution se réveille vivante et terrible, se Î(réparant à centupler ses efforts. Les révoutionnaires ardents qui avaient contribué à

la chute du tyran, et les thermidoriens eux-mêmes, furent rapidement débordés parle flot d’une réaction qui rencontra d’autant moins d’obstacles que le parti renversé avait dépeuplé la Montagne, et que les grandes et fortes personnalités avaient presque toutes disparu. Le funeste système de l’épuration avait porté ses fruits : la vie, la force, la substance, ce qui nourrissait la Révolution, était desséché, tari, enfoui dans la terre. La presse révolutionnaire et populaire avait été frappée avec Marat, Camille, Hébert ; la tri CONV

bune avec Danton, Hérault, Saint-Just’, Couthon, Robespierre ; la révolution philosophique avec Cloots ; la Commune et Paris avec Chaumette et les Cordeliers. Comment la réaction n’aurait-etle point débordé ? Robespierre et son parti avaient préparé les voies en émasculant la Révolution de toutes ses forces, de toutes ses originalités, et il est avéré qu’ils se préparaient à frapper encore. Les Jacobins, énervés de longue main par les épurations, par la discipline que leur imposait leur grand prêtre, vont végéter encore quelque temps d’une vie purement mécanique, pour disparaître à jamais.

Mais achevons l’énumération des faits.

11 était dans la nature des choses que la l’erreur officielle finît avec Robespierre, en qui l’opinion publique l’avait personnifiée, injustement d’ailleurs, car, nous l’avons dit, ce régime violent fut le produit des circonstances bien plus que l’œuvre des hommes, et il ne pouvait guère finir que par une crise. Seulement, cet événement, qui devait ouvrir à la France une ère de calme et d’union, donna le signal des vengeances judiciaires et des assassinats politiques. La l’erreur avait été simplement déplacée.

Les thermidoriens purs, Tallien, Fréron, Barras, Thuriot, Legendre, Merlin (de Thionville), Bourdon (de l’Oise), Lecointre, etc., exercèrent pendant quelque temps une certaine action sur l’Assemblée, tandis que les révolutionnaires comme Billaud - Varennes, Collot-d’Herbois et autres, et même l’équivoque et versatile Barère, tolérés d’abord, ne tardèrent pas à être l’objet des plus violentes attaques. L’Assemblée avait complété les comités de Salut public et de Sûreté générale, aboli la loi du 22 prairial, remanié le tribunal révolutionnaire, et. approuvé de nombreux élargissements de prisonniers. Bientôt Fouquier-Tinville fut décrété d’accusation, sur

ce cri de Fréron : « Je demande qu’il aille cuver dans les enfers le sang qu’il a versé I» Dans les départements, la l’erreur blanche commençait par la proscription et l’assassinat des patriotes, pendant que dans la capitale la jeunesse dorée préludait à ses exploits. Cependant la Convention, livrée à des entraînements contradictoires, entendait si peu faire les affaires de la contre-révolution, qu’elle décréta (26 fructidor an II—12 septembre 1794) la translation des restes de Marat au Panthéon, et l’expulsion des cendres de Mirabeau. Le 21 septembre elle assista en corps à cette cérémonie avec toutes les autorités constituées. Le char portant la dépouille de l’Ami du peuple était ombragé de quatorze drapeaux, destinés à être envoyés ensuite aux quatorze armées de la République.

Le 5 frimaire an III (25 novembre 1794), elle décrétait Carrier d’accusation. Le 18 du même mois (8 décembre), elle rappelait dans son sein les soixante-treize signataires de la protestation contre le 31 mai ; c’étaient les débris d’un temps antique, les survivants de la Gironde, mêlés de quelques royalistes masqués. La réaction suivait son cours naturel. Les jacobins, assiégés, assommés par la jeunesse dorée, avaient été récemment supprimés par décret comme société, en même temps que s’ouvrait le club de Clichy, centre thermidorien, qui devint peu à peu une officine royaliste.

Malgré nos déchirements intérieurs, la lutte contre l’Europe féodale et monarchique n’avait souffert aucune interruption, et la République armée poursuivait d’un irrésistible élan le cours de ses triomphes. La Convention, avec une fierté romaine, avait déclaré qu’elle ne traiterait avec aucun ennemi qui occuperait le territoire français ; et la victoire avait partout répondu à l’audacieuse énergie de ce langage. Sur tous les points la coalition était réduite à la défensive. La délivrance complète du territoire, la reprise de nos quatre F laces du Nord, la conquête de lu Hollande, enlèvement de Fontarabie, de Saiot-Sébastieu, de Figuières, de Roses, de Cologne, de Trêves et de toute la rive gauche du Rhin, etc., marquèrent cette étonnante campagne de 1794, qji arracha des cris d’admiration aux détracteurs les plus acharnés de la République,

En septembre 1793, l’Assemblée, pressée par les circonstances, avait fixé un maximum du prix des grains pour toute la République, système qui fut étendu peu après à tous les objets et denrées de première nécessité. Nous n’avons pas à juger ici cette mesure, à laquelle un article spécial sera consacré, et qui jusqu’à présent a été généralement appréciée à un point de vue trop exclusif, comme tous les grand expédients révolutionnaires. Ce qui est certain, c’est que le maximum soutenait l’assignat, qui pendant toute la l’erreur resta presque toujours au pair, en assurant une aisance relative, et que son abrogation subite, pendant la réaction thermidorienne (3 nivôse an III — 23 décembre 1794), causa une dépréciation énorme dans le papier national, une effroyable aggravation de la pénurie publique, et, en fin de compte, ne profita qu’aux agioteurs, aux tripoteurs de biens nationaux et autres sangsues. Les représentants du peuple mêmes ne pouvaient plus vivre avec leur indemnité, qui dut être portée de 18 à 36 livres par jour {23 nivôse — 12 janvier 1795). Une disette factice, au sein de l’abondance, fut savamment organisée par des nuées de spéculateurs, et l’Aisemblée dut nommer une

commission d’approvisionnement qui, sous la direction de l’inepte Boissy d’Anglas (qu’on

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surnomma Boissy-Famine), n’approvisionnait absolument rien., Le peuple n’avait gagné, au triomphe des honnêtes gens, que de mourir de faim, et il regrettait hautement cette maternelle Commune de 1793, dont la sollicitude le nourrissait, et qu’il avait laissé immoler.

Cependant il restait encore dans la Convention un noyau d’indomptables montagnards attaqués sans relâche par les proscripteurs. Les diatribes contre les membres des anciens comités étaient constamment à l’ordre du jour. Enfin, le 12 ventôse an III (2 mars 1795), à la suite d’un long rapport de Saladin, l’Assemblée décréta d’accusation Billaud, Collot, Vadier et Barère, vainement défendus par Robert Lindet et Carnot, et qui furent un peu plus tard condamnés à la déportation, pour les punir d’avoir contribué à sauver la France.

Époque étrange et pleine de contradictions : pendant que la République, en pleine décadence, proscrivait ses fondateurs et que la réaction avait trouvé, pour égorger les patriotes les plus purs, lheureuse épithète de terroriste ; pendant que Lyon et les villes du Midi étaient ensanglantées au nom de l’humanité et de la modération ; pendant que le peuple mourait de faim et était réduit à des distributions de deux onces de pain par jour,

l’ancienne société renaissait, avec ses prostituées, ses joueurs, ses élégants escrocs, ses agioteurs, etc., tout un monde éclos dans la boue de l’ancien régime, qui paradait aux balcons des théâtres et dans ces balfdes victimes où la luxure impudente roulait dans l’orgie son faux deuil. Les mœurs, si austères pendant la l’erreur, avaient subi la même rénovation. La renaissance de la bonne compagnie avait naturellement rouvert les cavernes de jeu, les tripots, les maisons de prostitution, les caprées à la Louis XV, toutes ces officines de corruption que 1793 avait fermées, et qui vont atteindre avec le Directoire a l’apogée de leur prospérité. Au milieu des saturnales de la réaction, on n’en célébrait pas moins solennellement l’anniversaire du supplice de Louis XVI. L’Institut national de musique exécuta à cette occasion, dans la Convention même, un morceau de Gossec, dont le ton plaintif et tendre frappa d’abord d’étonnement, puis d’indignation, même les plus violents réacteurs de l’Assemblée. Et tous, interpellant avec colère les musiciens, leur demandent s’ils pleurent la mort du tyran. Blessés d’un tel soupçon, les virtuoses, pour toute réponse, enlèvent d’enthousiasme l’air national du Ça ira, aux applaudissements des représentants ; et Gossec, non moins ému, explique que l’intention de sa musique était d’exprimer le bonheur d’être délivré d’un tyran. Telles étaient les bigarrures de ce temps, que c’était en invoquant l’ombre sacrée de Marat que le furieux Fréron, dans son Orateur du peuple, prêchait tous les jours l’extermination des anarchistes, et que les muscadins, la jeunesse dorée, abattaient les bonnets rouges, assommaient les patriotes, brisaient et traînaient ài’égout les bustes de l’Ami du peuple sur l’air de la Carmagnole et aux cris de vive la République. ■

Cependant, exaspéré par la marche de la contre-révolution et par l’effroyable misère qui l’accablait, le peuple de Paris envahit la Convention, le 12 germinal an III (1" avril 1795), en criant : Du pain et la constitution n’e1793.Cette foule était d’ailleurs inoffensivé et se dispersa après quelques heures de tumulte. Mais la majorité feignit d’y voir une conspiraiion de la Montagne et se hâta de décréter d’arrestation Duhem, Choudieu, Chasles, Muguet, Amar, Foussedoire, Ruamps, Léonard Bourdon, Moïse Bayle, etc. [V. qsrminal an III (journée du 12)]. En outre, l’Assemblée ordonna le désarmement des anarc/iisles, épithète élastique parfaitement comprise, et qui dans l’état des choses s’appliquait à tous les patriotes.

Le 1er prairial suivant (20 mai), nouvelle invasion de l’Assemblée. Cette fois le peuple était écumant et terrible. La Convention, rassemblée au bruit du tocsin, au moment où le flot populaire battait les portes, prête le serment de mourir à son poste. La devise de l’insurrection était la même : Du pain et la constitution de 17931 Au milieu de la famine, le peuple n’oubliait pas la grande religion de nos pères : la" loi. La mise en activité de la constitution était alors le mot d’ordre des républicains, car tout le poids du gouvernement révolutionnaire pesait maintenant sur eux. Le peuple demandait en outre la permanence des sections, le rétablissement de la Commune, la rentrée des représentants emprisonnés, la mise en liberté des patriotes, etc. La journée se passa au milieu des plus effroyables tempêtes, pendant que la cloche du pavillon de 1 Unité sonnait sans interruption le tocsin. Enfin le soir, quelques représentants, les débris de la Montagne, Romme, Goujon, Duquesnoy, Soubrany, pour sauver la Convention et le peuple, convertissent en motions les vœux des insurgés ; beaucoup de membres delà droite, malgré leur serment, n’étaient plus sur leurs sièges. Les motions furent votées dans le tumulte. Mais vers une heure du matin, les comités ayant rassemblé des forces, ce qui restait d’insurgés fut dispersé sans grande résistance. Les absents reparurent alors, altérés de vengeance, et l’Assemblée vota sans presque délibérer la mise en accusation des montagnards qui s’étaient compromis dans le mouvement. C’étaient Romme, le principal auteur du calendrier ; Soubrany, si brillant dans ses mis CONV

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sîons militaires ; le magnanime Goujon, Duroy, l’intrépide Bourbotte, Duquesnoy, Peyssard,

?ui échappa k l’arrêt de mort. Les autres

urent condamnés. Ces hommes d’airain se frappèrent tous successivement du même couteau et furent portés sanglants sur l’échafaud. Ils semblaient emporter avec eux ce qui restait des mâles vertus de la République,

Les mouvements insurrectionnels ne furent entièrement domptés que le 4, et la Convention compléta sa victoire par de nouvelles mesures de répression et par le désarmement de ce quartier Saint-Antoine, qu’on avait autrefois surnommé le faubourg de Liberté, ainsi que de diverses autres sections. V, prairial ’• an III (journées de).

Ces malheureux événements précipitèrent encore la réaction ; lo Convention, emportée par une sorte de vertige, décréta de nouvelles arrestations de représentants : Ricord, Escudier, Salicetti, Panis, Vouland, Ruhl, Jagot, Élie Lacoste, Lavicomterie, David, Jean-Bon Saint-André, Robert Lindet furent ■ jetés en prison. La faction osa même s’attaquer à Carnot, mais ses efforts se brisèrent aux pieds du grand citoyen.

Deux députés, Ruhl et Maure, désespérant de la République, se tuèrent, le premier en se

S longeant un poignard dans le cœur, l’autreun coup de pistolet.

Dans les départements, la réaction était plus violente encore. Des Dandes d’assassins, sous les noms de compagnies de Jéhu et du Soleil, égorgeaient impunément en plein jour. À Lyon, & Marseille, à Nîmes, à Arles, à Aix, à Avignon, etc., les massacres de prisonniers patriotes se succédaient sans interruption. Enfin cette époque sinistre, à laquelle la Terreur légale ne saurait être comparée, ne fut qu’un long deux septembre, suivant l’exprèssion d’un écrivain non suspect de jacobinisme, Ch. Nodier. Partout les royalistes conspiraient à visage découvert ; les émigrés rentraient en foule ; Louis XVIII avait une agence à Paris. La révolte de l’Ouest, plusieurs fois pacifiée, se perpétuait par les brigandages de la chouannerie, par le débarquement de Quiberon et par de nouvelles prises d’armes en Vendée.

Une chose cependant pouvait consoler les patriotes de "tant de malheurs, c’était l’héroïque attitude des armées républicaines en’ face de la coalition des rois.

Cependant les thermidoriens et les réacteurs qui avaient conservé, malgré leurs fureurs, des sentiments républicains, commençaient à se sentir débordés par le royalisme, qui, dans l’Assemblée même, comptait quelques partisans cachés ou quelques convertis ; menacés eux-mêmes et réduits à lutter contre le torrent, ils se rejetèrent dans ce système de bascule inauguré déjà par Robespierre, et qui bientôt allait devenir toute la politique du Directoire.

Aux demandes de mise en activité de la constitution de 1793, l’Assemblée avait répondu par la promesse de préparer les lois organiques de cette constitution. Une commission fut enfin nommée à cet effet, et commença ses travaux le 17 floréal an III (e mai 179S). Son premier soin fut d’écarter dédaigneusement l’acte de 1793, œuvre de la Montagne, repoussée d’ailleurs par la majorité. Elle prépara ensuite une constitution nouvelle avec la division du pouvoir législatif en deux chambres, et l’institution d’un pouvoir exécutif composé de cinq membres (v. Anciens, Cinq-Cents, Directoire et constitution de l’an III). L’exercice des droits politiques était subordonné au payement d’une contribution. Discuté pendant les mois de messidor et de thermidor, le projet de constitution fut adopté le 5 fructidor (22 août). Mais après de si’terribles ébranlements, au moment où la contre-révolution était armée de toutes parts, on jugea qu’un renouvellement intégral du pouvoir législatif présentait les plus grands dangers, et, pour ménager la transition, l’Assemblée décida, par ses décrets des 5 et 13 fructidor (22 et 30 août), que les deux tiers de la Convention entreraient dans la nouvelle législature. Le choix des membres était laissé aux assemblées électorales. Cette décision, commandée par des circonstances exceptionnelles et une nécessité impérieuse, provoqua une explosion parmi les royalistes, qui avaient espéré trouver dans le moment critique d’un changement de régime l’occasion d’un triomphe complet. Les patriotes étaient proscrits, le peuple abattu, ta bourgeoisie égarée par une presse royaliste forteroentorganisée, sous le masque républicain. Paris était rempli d’émigrés, de prêtres réfractaires et de chouans ; tes sections, après tant d’épura^-. lions et de proscriptions, étaient dominées entièrement par la faction qui agitait Paris et se préparait ouvertement a la révolte. La constitution et les décrets touchant les deux tiers conventionnels furent soumis au vote des assemblées primaires dans toute la France et adoptés à une grande majorité. Ce résultat augmenta la fureur Ses royalistes, qui, sa croyant maîtres de la capitale, prirent enfin les armes contre la Convention le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795). On eut alors le curieux spectacle d’une sédition d’ex-nobles, de riches, de propriétaires, de muscadins, qui seuls composaient alors la garde nationale et les sections, et qui, réunis à leurs clients et aux citoyens qu’ils avaient égarés, formaient une masse considérable, a laquelle la Convention n’avait à opposer que quelques forces réunies