Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 5, part. 1, Contre-Coup.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les mouvements fédéralistes, appuyés, et même ouvertement dirigés, en certains endroits, par le royalisme, concurremment avec des députés fugitifs, furent désorganisés dans leur centre principal par la déroute des insurgés du Calvados et successivement comprimés. Mais cet appui, que les girondins avaient trouvé dans l’élément royaliste, augmenta l’irritation contre eux ; cette rencontre dans la guerre civile, cette promiscuité dans la révolte (punition des fédéralisés) parut une complicité réelle et justifia toutes les accusations. Le meurtre de Marat par une virago fanatique accourue d’un centre girondin acheva de porter au comble l’exaspération populaire. « Elle nous tue, dit à ce sujet Vergniaud ; mais elle nous apprend à mourir. »

La plupart des malheureux girondins étaient, en effet, destinés à être sacrifiés, les uns comme fauteurs de la guerre civile, les autres comme complices.

En outre, soixante-treize représentants, signataires d’une protestation contre le mouvement des 31 mai-2 juin, furent emprisonnés par décret et ne rentrèrent dans la Convention qu’après le 9 thermidor.

La Gironde était à peine vaincue, que la Convention, pour répondre à l’impatience du pays, se hâta de reprendre le travail de la constitution. Le projet primitif préparé sous l’inspiration de Condorcet fut en partie abandonné, et une nouvelle commission, dont Hérault-Séchelles fut le rapporteur, reçut la mission de rédiger et de coordonner un nouveau projet de pacte social. Cette œuvre, en quelque sorte improvisée, fut discutée, votée avec une rapidité extrême et soumise à l’acceptation du peuple (v. constitution de 1793). Soumise aux délibérations le 10 juin, elle fut achevée le 23. Ce résultat ne contribua pas peu à faire accepter aux dissidents la victoire. de la Montagne et à montrer que l’Assemblée, délivrée enfin de ses discordes, allait maintenant marcher d’un pas rapide et sûr.

Cependant la guerre de la Vendée continuait toujours ; mêlée de succès et de revers ; Lyon était en pleine révolte et se préparait à donner la main aux Piémontais ; tout le Midi était embrasé ; des insurrections fédéralistes éclataient de toutes parts ; nos frontières étaient de nouveau profondément entamées ; Mayence capitulait ; Condé, Valenciennes tombaient au pouvoir de l’ennemi, qui bientôt allait pouvoir faire jonction avec les révoltés de l’Ouest ; la route de Paris était ouverte ; au Nord, sur le Rhin, aux Alpes, aux Pyrénées, nous étions enveloppés, assaillis par les armées de la coalition. Une fois encore, la France paraissait perdue.

Fendant que son comité de Salut public organise la défense, la Convention prend coup sur coup des décrets terribles contre la Vendée, contre les accapareurs, les déprédateurs des assignats ; ordonne que la reine sera jugée, que les tombeaux des rois seront détruits, interdit le placement des fonds sur les banques étrangères, et par le décret d’accusation contre Custine montre aux généraux qu’elle saura briser leurs résistances, réprimer leur ambition et punir leur trahison ou leur impéritie. En même temps Carteaux reçoit l’ordre de réduire Marseille, et Dubois-Crancé Lyon. Bientôt les envoyés des assemblées primaires arrivent à Paris apporter le vœu de la France pour l’acceptation de la constitution ; réunis le 10 août au peuple de Paris dans une fête grandiose, ils accueillent avec enthousiasme l’idée d’une mesure prodigieuse, la levée en masse. Quelques jours plus tard, elle est décrétée. Tous les Français sont déclarés en réquisition permanente pour le service de la patrie. Les jeunes gens iront au combat ; les hommes mariés forgeront des armes ; les femmes feront des tentes, des habits, les enfants de la charpie ; les vieillards se feront porter dans les places publiques pour exciter le courage des guerriers et prêcher la haine des rois et l’unité de la République. Des ateliers d’armes seront établis sur les places publiques, et le sol des caves sera lessivé pour fournir le salpêtre. Les bataillons rassemblés dans chaque district seront réunis sous une bannière portant cette devise ; Le peuple français debout contre les tyrans, etc. Le jour même de l’adoption de ces mesures (25 août) Carteaux domptait la contre-révolution à Marseille et prenait possession de la ville aux acclamations des patriotes. Bordeaux faisait sa soumission. Mais Toulon, dominé depuis quelque temps par les royalistes, était livré par eux aux Anglais (28 août).

Nous entrons ici dans la période terrible que Grégoire a nommée les jours caniculaires de la Révolution, et à laquelle l’histoire a conservé le nom de Terreur. Enveloppé d’un cercle de feu, poussé au dernier degré de l’exaltation par la grandeur des périls, par les trahisons et les complots ; affamé par l’insaisissable accapareur, qui se riait de tous les décrets, le peuple éclate en réclamations formidables. Il entraîne dans son mouvement les jacobins et la Commune. Le 5 septembre, Pache, maire de Paris, et Chaumette, procureur général de la Commune, à la tête d’un cortège immense, se présentent à la barre pour exprimer le vœu des sections et des autorités. Il y eut là une de ces scènes indescriptibles qui se produisirent si souvent dans la vie orageuse de la Convention. Peuple, municipaux et représentants, s’exaltant mutuellement, précipitent la République dans les mesures de plus en plus extrêmes. Billaud-Varennes, Drouet, Basire, Danton, Thuriot, Moïse Bayle, Léonard Bourdon, convertissent en motions les vœux des pétitionnaires. Barère, avec sa prodigieuse facilité, élucide et résume le tout dans un rapport improvisé, et s’écrie, après les jacobins et la Commune : « Plaçons la terreur à l’ordre du jour ! » Enfin les mesures suivantes sont adoptées : Création d’une armée révolutionnaire composée de 6,000 hommes, pour comprimer les ennemis de la Révolution, surveiller les accapareurs et protéger la circulation et l’arrivage des subsistances. Prohibition de vente ou d’achat ailleurs que sur les marchés publics ; inventaire des greniers et fixation d’un taux uniforme, d’un maximum. L’agiotage sur les assignats puni de mort. Le tribunal révolutionnaire divisé en quatre sections, comme moyen d’accélérer les jugements. Brissot, Gensonné, Clavière et Lebrun, renvoyés devant ce tribunal. Épuration des comités révolutionnaires, dans lesquels, en beaucoup d’endroits, les royalistes s’étaient glissés. On sait que ces comités étaient chargés de surveiller et d’arrêter au besoin les contre-révolutionnaires. Ils étaient nommés par les localités ou par les représentants en mission. Chacun de leurs membres recevait une indemnité de 3 livres par jour. Le nombre des séances dans les sections fut fixé à deux par semaine, et, pour que l’élément populaire n’en fût pas écarté, une indemnité de 2 livres fut mise à la disposition des citoyens qui n’auraient d’autre ressource que le travail journalier de leurs mains. La France était pleine d’agents étrangers : un décret d’arrestation frappa tout étranger qui n’obtiendrait pas des municipalités un certificat d’hospitalité.

Le 17, adoption de la fameuse loi des suspects, rendue, chose assez remarquable, sur le rapport du jurisconsulte Merlin (de Douai), au nom du comité de législation, présidé par Cambacérès. V. suspects.

On ne saurait avoir l’idée de justifier les mesures par lesquelles la Convention inaugura le régime de la Terreur, et généralement tous les actes violents de cette grande et terrible époque ; mais il ne faut pas cesser de le répéter : (a Révolution fut une grande bataille livrée contre l’ancien régime, et les révolutionnaires étaient des soldats constamment sur la brèche. Avant de maudire aveuglément, il est donc équitable de tenir compte de cet état de guerre qui surexcitait naturellement les passions, et de mille autres circonstances qu’on ne peut omettre sans dénaturer la physionomie des événements. Écoutons un publiciste bien connu par l’extrême modération de ses idées, M. de Tocqueville : « J’oserai dire, parce que je tiens les faits dans ma main, qu’un grand nombre des procédés employés par le gouvernement révolutionnaire ont eu des précédents et des exemples dans les mesures prises à l’égard du bas peuple pendant les deux derniers siècles de la monarchie. » (L’Ancien régime et la Révolution.) Ici l’illustre écrivain ne dit même pas assez, et si l’on voulait se placer à ce point de vue, les « excès » de la Révolution seraient trop faciles à expliquer ; car si le peuple avait voulu solder les représailles du passé, se venger de tout ce qu’il avait souffert, il est clair que l’immolation de plusieurs générations n’eût pas suffi à établir l’équilibre. Mais tout en écartant cet argument, qui blesse d’ailleurs la magnanimité des principes démocratiques, un fait historique demeure, celui d’une grande colère nationale contre les castes privilégiées, dont la domination et les excès paraissaient d’autant plus odieux, qu’on avait goûté les premiers bienfaits de la liberté. Toutefois, il fallut les complots sans cesse renaissants de la faction, son opposition implacable aux réformes les plus modérées, ses trahisons, ses complicités avec l’étranger, les sanglantes réactions dont elle fut l’âme, les périls suprêmes qu’elle fit courir à la France, pour raviver cette colère presque éteinte et faire oublier la grande effusion de 1789, où toutes les classes avaient fraternisé dans l’élan d’une joie immense et d’un espoir infini.

A-t-on compté toutes les blessures reçues par le puissant athlète avant qu’il tirât le glaive à son tour contre des ennemis dont le ressentiment était implacable et dont les prétentions insolentes étaient un outrage aux droits de la nation, à l’émancipation légitime des citoyens, à l’affranchissement de l’humanité ? Et comment pense-t-on que les royalistes eussent traité les patriotes s’ils avaient été vainqueurs ? Les faits répondent suffisamment. Partout où le royalisme a momentanément triomphé, dans le Midi, en Vendée, à Lyon (où il avait rapidement débordé le girondinisme), à Marseille, à Toulon, le sang a coulé à flots et les vaincus ont été immolés avec un effroyable luxe de barbarie.

Le terrorisme, triste héritage de la vieille monarchie, était la doctrine naturelle des hommes du passé. Dès le début de la Révolution, elle est professée avec une sauvage naïveté par cet intraitable parti. C’est toujours par la force, par les supplices, par les coups d’autorité qu’il veut ramener la nation aux carrières de l’ancien régime. Avant Marat, en mai 1789, la pieuse, la sainte Madame Élisabeth demande qu’on coupe des têtes (v. sa correspondance, dans l’ouvrage de M. de Beaucourt, Étude sur Madame Élisabeth, p. 22). Bien avant le tribunal révolutionnaire, le bon Cazotte conseillait à Louis XVI d’établir, dès qu’il aurait recouvré son autorité, « un tribunal de justice composé de cinq membres, chargé de poursuivre et d’exécuter brièvement les criminels révoltés contre la monarchie. » À la veille du 14 juillet, Breteuil, l’homme de la reine, avait dit : « S’il faut brûler Paris, on la brûlera et l’on décimera ses habitants : aux grands maux les grands remèdes ! » Le complot de la cour, que la victoire du peuple fit avorter, était alors de dissoudre l’Assemblée et de livrer au bourreau les principaux coupables, députés, journalistes, etc. L’extermination des patriotes était d’ailleurs la théorie officielle du parti, qui la mit en pratique partout où il obtint un moment l’avantage. Ouvrez tous les journaux royalistes, de 1789 au 10 août, il n’y est question que de pendre, de fusiller, de rouer, de faire mourir sous le fouet tous ceux qui ont participé à la Révolution. Le manifeste de Brunswick, rédigé par des émigrés, témoigne suffisamment de la mansuétude de la contre-révolution ; et le bombardement de Verdun montre bien que ce manifeste de sang n’était pas purement comminatoire.

Qu’on remarque aussi, pour nous en tenir à la Convention, que les mesures les plus terribles décrétées par la grande Assemblée pour faire face à une situation sans exemple ne furent que des représailles immédiates de la guerre sauvage qui était faite à la France, à l’intérieur comme aux frontières.

À l’article terreur, nous entrerons dans quelques développements à ce sujet. Ici nous devons nous borner à cette observation que la Terreur ne fut pas un système, une préméditation, mais un entraînement de colère, un expédient de combat ; c’était la fureur de la défense opposée à la fureur de l’attaque. Qu’on réprouve ces excès de la guerre, rien de mieux ; mais qu’on ne les isole pas des circonstances qui les firent naître.

Cependant, suivant les ordres de la Convention, le représentant Dubois-Crancé avait commencé le siège de Lyon, mais avec des forces insuffisantes. Trois autres commissaires de l’Assemblée, Couthon, Châteauneuf-Randon et Maignet, avaient été envoyés en Auvergne pour entraîner les patriotes contre la ville rebelle, où commandait le royaliste Précy et qui était pleine d’émigrés et de prêtres réfractaires. Dans ces temps extraordinaires, nul ne s’étonnait qu’on eût choisi pour une semblable mission, toute de mouvement et d’action, un homme comme Couthon, paralysé des deux jambes. Les rudes montagnards du Puy-de-Dôme furent électrisés, soulevés, et le paralytique amena 30,000 hommes devant Lyon. Ce fut lui qui acheva le siège et qui reçut la capitulation de la ville (9 octobre). La Convention, dans ses formidables colères, avait rendu un décret terrible, en vertu duquel il ne devait rester debout que les habitations des pauvres, celles des patriotes égorgés ou proscrits, les édifices industriels et les monuments consacrés à l’humanité et à l’instruction publique. La réunion des maisons conservées recevrait le nom de Ville affranchie. Une colonne serait élevée, avec cette inscription : Lyon fit la guerre à la liberté ; Lyon n’est plus ! Couthon, porté dans un fauteuil, se contenta de frapper d’un petit marteau l’un des édifices de la place Bellecour, en disant : « La loi te frappe. » Puis il se fit rappeler par le comité de Salut public, et fut remplacé dans sa mission par Collot d’Herbois et Fouché.

L’ennemi, cependant, malgré l’état désespéré où était la France, avait hésité à marcher sur Paris et s’attardait à des entreprises de détail, telles que le siège de Dunkerque et du Quesnoy. Mettant à profit ces lenteurs, le comité de Salut public, sous la direction de Carnot, organisait les forces de la grande levée et préparait cette lutte inouïe à laquelle rien n’est comparable dans l’histoire militaire des nations, et qui eut pour résultat définitif de rendre la grande République arbitre des destinées de l’Europe.

Mais les conditions de cette lutte étaient nécessairement l’unité de direction, la concentration du pouvoir ; pour faire manœuvrer avec ensemble tant de corps lancés à de grandes distances les uns des autres, étouffer les rivalités des généraux, faire concourir toutes les forces particulières à un plan général, la Convention avait son comité de Salut public, Carnot, l’organisateur de la victoire ; enfin les représentants du peuple en mission aux armées, et qui, investis d’une autorité supérieure à celle des généraux, réalisaient le phénomène d’un pouvoir central présent, à chaque heure du jour, sur tous les points où se déployait le drapeau national.

Faite pour un temps de paix, la constitution était inapplicable en des circonstances aussi critiques ; c’est ce qui était universellement compris. Aussi le 10 octobre, sur un rapport de Saint-Just, la Convention décréta que le gouvernement serait révolutionnaire jusqu’à la paix, ce qui revenait à suspendre momentanément la constitution.

Poursuivant ses travaux au bruit des combats, l’Assemblée venait de décréter l’établissement du calendrier républicain. Elle préparait l’unité de poids et de mesures, l’établissement de l’École polytechnique et de l’École normale, du télégraphe, du système décimal, du code civil ; instituait le grand livre, s’occupait du développement des sciences et des arts, jetait les bases d’un plan d’éducation nationale et cherchait les moyens d’universaliser dans toute la République l’usage de la langue française par l’extinction des patois locaux.

Ce mois d’octobre 1793 est encore mémorable par la victoire de Wattignies, par le déblocus de Maubeuge, par la grande défaite des Vendéens à Cholet, enfin par le jugement et l’exécution de Marie-Antoinette et des vingt et un girondins détenus. Dans cette terrible période, la tragédie est constamment mêlée à l’épopée. Logique implacable des temps de lutte et de colère : les révoltes fédéralistes et le meurtre de Marat avaient tué les girondins ; la Vendée, les complots royalistes, la trahison de Toulon et la coalition des rois avaient tué la coupable, mais infortunée femme de Louis XVI. Bientôt de nouvelles victimes vont monter les degrés de l’échafaud, Mme Roland, Philippe-Égalité, Bailly, Madame Élisabeth, Barnave, et tant d’autres dont le sang fut loin de consolider l’édifice républicain. Mais le char de la Terreur était lancé, et les premiers qui tentèrent d’arrêter, sa course effrayante tombèrent eux-mêmes victimes de leur généreux effort.

Les représentants du peuple envoyés en mission aux armées ou dans les départements étaient investis, comme nous l’avons dit, d’un pouvoir presque dictatorial, ce qui leur a fait donner par certains historiens le surnom de proconsuls. Ils devaient d’ailleurs s’appuyer sur les sociétés populaires, et par une correspondance active rendre compte de tous leurs actes à la Convention, dont ils représentaient le pouvoir, ou au comité de Salut public. Ils portaient un costume qui avait été prescrit par décret du 4 avril 1793 : l’habit bleu à revers rouges, le chapeau rond orné de trois plumes flottantes aux couleurs nationales, une écharpe tricolore en ceinture, un sabre nu pendu à un baudrier de cuir noir.

Ces ardents missionnaires rendirent d’immenses services, soit aux armées où ils stimulaient les généraux et enflammaient l’ardeur des soldats en les guidant souvent au feu, soit dans les départements, où ils activaient les enrôlement et les réquisitions, contenaient les royalistes, et organisèrent, au milieu de difficultés inouïes, d’immenses services, approvisionnements, subsistances, munitions, convois, etc.

Malheureusement, un petit nombre d’entre eux se souillèrent de crimes, Collot et Fouché à Lyon, Carrier à Nantes, Lebon à Arras, Fréron à Toulon, Tallien à Bordeaux, etc. ; et ces souvenirs terribles ont presque fait oublier les belles missions de Carnot, de Lamarque, de Levasseur, de Bourbotte, de Merlin (de Thionville), de Saint-Just et Lebas, de Baudot, de Lakanal, de Soubrany, de Grégoire, de Dubois-Crancé, de Jean-Bon Saint-André, de Cavaignac, de Lacombe Saint-Michel, de Duquesnoy, et de deux cents autres, dont plusieurs trouvèrent une mort héroïque, comme Fabre (de l’Hérault) à la défense de Port-Vendres. « Nous pouvons, écrit M. Michelet, dire hardiment que trente représentants ont mérité, pour leurs missions seules, d’être mis au Panthéon. »

Le 3 nivôse an II (23 décembre 1793), la grande armée vendéenne était anéantie par Marceau à Savenay. Six jours auparavant, le 29 frimaire, les soldats de la République reprenaient possession de Toulon. Le 6 nivôse, Hoche, par le déblocus de Landau et l’occupation des lignes de Weissembourg, rend l’Alsace à la France et rejette l’ennemi au delà du Rhin. La campagne de 1793 s’achevait, le long des frontières, au milieu des triomphes.

À l’intérieur, le régime révolutionnaire avait été définitivement constitué par le décret du 14 frimaire (4 décembre), qui créait en même temps le Bulletin des lois. Les ministres avaient été supprimés et remplacés par douze commissions placées sous l’autorité du comité de Salut public. L’action de la Convention s’étendait partout ; elle gouvernait directement par ses décrets, par ses commissaires, par ses deux grands comités, stimulée elle-même, poussée à l’action par les sections et la Commune de Paris, par tous les grands foyers révolutionnaires.

Cependant, au moment où la République luttait avec une indomptable énergie contre tant d’ennemis, elle était déchirée de nouveau par les partis.

« La Révolution, dit M. Louis Blanc, parcourait ses phases inévitables ; sortie des flancs du XVIIIe siècle, elle en traduisait en actes les pensées, et mettait aux prises les deux grandes écoles dont nous avons décrit la lutte intellectuelle. »

Ces deux grandes écoles, l’illustre historien les retrouve partout, dans Voltaire et Rousseau, dans la Gironde et la Montagne ; enfin le dualisme, se poursuit dans la Montagne même. Pour qui connaît les préoccupations constantes de M. Louis Blanc, il serait inutile d’ajouter qu’il s’agit ici des doctrines de l’individualisme et de la solidarité.

Il est certain que Robespierre était le disciple exclusif de Rousseau. Mais n’est-ce point tomber dans le système, dans la fantaisie pure, que de diviser les révolutionnaires en catégories tranchées, de les parquer comme un bétail philosophique dans des théories absolues ? On ne saurait nier les tendances de tel ou tel personnage ; mais en général il régnait