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bres, dont les principaux étaient : David, Dusaulx, Chénier, Romme, Mercier, Durand-Maillane, Léonard Bourdon, Fouché, Buzot.

7o  Comité des finances, 42 membres, dont les principaux étaient : Cambon, Camus, Defermont, Treilhard, Fouché, Mallarmé, Ramel, Jacob Dupont, Cussy, Mazuyer, etc.

Tels étaient les plus importants comités de la première organisation. Venaient ensuite les comités : des décrets, 9 membres ; des pétitions et de la correspondance, 24 membres ; des inspecteurs de la salle, du secrétariat et de l’imprimerie, 18 membres-, des procès-verbaux, des renvois et des expéditions, 6 membres ; des secours publics, 24 membres ; enfin d’agriculture, du commerce, des domaines, de liquidation, de l’examen des comptes, de la marine, etc.

En outre, il y avait la commission centrale, composée d’un membre de chaque comité, et chargée de présenter chaque jour un tableau du travail de l’Assemblée, c’est-à-dire de dresser l’ordre du jour.

Cette organisation comprenait 418 membres, c’est-à-dire un peu plus de la moitié de la Convention.

Le 25 octobre, l’Assemblée décréta que les comités seraient renouvelés par moitié deux mois après le jour de leur formation. Enfin, par décret du 6 novembre, chaque comité fut autorisé à faire imprimer et distribuer les projets de décrets qu’il aurait résolu de soumettre aux délibérations de l’Assemblée.

Cette organisation fut plusieurs fois modifiée ; mais les indications qui précèdent suffisent pour montrer avec quel soin les affaires étaient étudiées et préparées dans la Convention, et combien d’hommes de premier ordre y prenaient part. Nous ne rappellerons aussi que pour mémoire les grands comités de Salut public et de Sûreté générale, dont l’importance ne date que de 1793, et auxquels nous avons consacré des articles spéciaux (v. comité). Le premier surtout, le comité de Salut public, joua un rôle éclatant, et devint un véritable gouvernement, le pouvoir exécutif de l’Assemblée.

L’histoire de la Convention peut se diviser en trois périodes : 1o  depuis l’ouverture de l’Assemblée (21 sept. 1792) jusqu’à la chute des girondins (31 mai-2 juin 1793) ; 2o  depuis cette époque jusqu’à la chute de Robespierre (9 thermidor an II-27 juillet 1794) ; 3o  enfin, depuis cette révolution jusqu’à la fin de la session conventionnelle (4 brumaire an IV-26 octobre 1795).

Dès la première séance, il se produisit un fait significatif : tous les députés de ce parti qu’on a nommé la Gironde, et qui composaient le côté gauche de la Législative, allèrent se placer, avec leurs adhérents, à la droite, sur les sièges mêmes où, la veille encore, étaient assis les derniers feuillants, abandonnant la gauche à la députation de Paris et aux représentants qui en partageaient les ardeurs révolutionnaires. Ce côté devint la Montagne. Au centre, sur les bancs les moins élevés, siégeaient une masse considérable de députés qui, soit qu’ils fussent moins exclusifs, soit qu’ils eussent des idées moins arrêtées, flottèrent d’un parti à l’autre et déplacèrent la majorité au hasard des événements et de leurs propres impressions. On nomma cette région la Plaine, ou encore le Marais, par opposition à la Montagne. Effacés par les grandes personnalités politiques, les membres de ce côté, du moins le plus grand nombre, ne manifestaient le plus souvent leurs opinions que par des rumeurs confuses qui leur firent donner par leurs adversaires le surnom de crapauds du Marais. On sait que les hommes de ce temps, dans leurs passions ardentes, ne se ménageaient point les épithètes injurieuses. Tous ces groupes, d’ailleurs, voulaient énergiquement la République. Il n’y avait pas en réalité de parti royaliste à la Convention.

Le parti girondin, on l’a vu par l’élection du bureau, fut d’abord en possession de la majorité. Composé de personnalités brillantes, parmi lesquelles il faut citer surtout Vergniaud, Brissot, Guadet, Gensonné, le ministre de l’intérieur Roland, Isnard, Barbaroux ; Fauchet, Buzot, Rabaut Saint-Étienne, Ducos, Lasource, Dulaure, Louvet, etc. ; ce parti manquait d’ailleurs de cohésion et de discipline, on l’a souvent répété, et très-justement. Après avoir joué un rôle prépondérant, il se sentait maintenant dépassé, de la même manière qu’il avait lui-même effacé le parti constitutionnel, c’est-à-dire en vertu du mouvement ascendant de la Révolution. Il lui fallait de toute nécessité ou faire un pas en avant, ou se résigner à descendre au second rang, ou tout au moins renoncer à cette guerre d’âcres personnalités dont ses membres donnèrent le triste spectacle dès les premiers jours de la Convention. Dans un certain nombre de départements, ils avaient exercé une grande influence sur les élections, par leur renommée, par leurs relations, beaucoup aussi par leurs nombreux journaux, répandus partout, grâce aux fonds du ministère de l’intérieur. Mais à Paris tous leurs candidats avaient échoué. De là d’aigres rancunes contre Paris, sa députation, sa commune, ses clubs, et dans lesquels on ne peut méconnaître les ressentiments de l’orgueil froissé, au moins autant que les préoccupations d’intérêt public. Les deux partis d’ailleurs se méconnaissaient avec un aveuglement égal, et les accusations dont ils se poursuivaient n’étaient guère mieux fondées les unes que les autres. La guerre était commencée depuis longtemps déjà entre les opinions ; elle allait se poursuivre avec acharnement entre les personnes, dans le champ clos de la Convention, où les ennemis se rencontraient face à face, et finalement se résoudre en tragédies. Lutte de passions et d’idées qui fut le malheur de la Révolution, mais qui, dans l’état des choses, était peut-être inévitable ! Une observation que la destinée funeste des girondins ne doit pas empêcher de faire, c’est que, suivant la tradition constante des partis qui prétendent au monopole de la modération, ce furent eux qui donnèrent l’exemple des violences implacables ! En présence de la grandeur de la tâche à accomplir, de l’imminence des périls publics, beaucoup de montagnards étaient arrivés avec des idées de concorde et d’apaisement, et un certain nombre avaient même pris place indistinctement dans les diverses parties de la salle. Il fallut les attaques incessantes de leurs adversaires pour les décider à se grouper en masse compacte et résolue. Danton, le terrible Danton, ne cessait de prêcher l’union du grand parti de la Révolution. Robespierre lui-même montra d’abord beaucoup de modération dans ses Lettres à ses commettants, tandis qu’à la même époque les feuilles girondines étaient pleines de provocations et de calomnies. Garat, plus clairvoyant et plus modéré que ses amis de la Gironde, rapporte dans ses mémoires qu’il fit lui-même les plus grands efforts pour calmer leurs passions haineuses, leurs aveugles préventions, pour les disposer à une réconciliation sincère dans l’intérêt de la République. Tout fut inutile. À des ouvertures de rapprochement, le véhément Barbaroux avait fait cette réponse orgueilleusement absurde : « Il n’est pas possible que le vice marche jamais d’accord avec la vertu. » La vertu, naturellement, c’était lui et ses amis ; le vice, c’était le côté gauche, la Montagne. Dans de pareilles dispositions, qui étaient celles de la majorité du parti, il n’y avait de possible que la guerre.

Elle éclata dès les premières séances, cette lamentable guerre, avec la fureur aveugle de toutes les luttes fratricides. Affectant de considérer Paris comme un repaire de brigands, les girondins débutèrent par réclamer des lois répressives contre l’anarchie. « À mon arrivée ici, dit Lanjuinais, j’ai frémi… » Paroles doublement ridicules, car alors Paris était dans la plus profonde tranquillité, et, d’autre part, Lanjuinais était un homme d’une indomptable énergie, et qui ne frémissait guère. Tout à coup, démasquant la pensée du parti, Buzot, après un discours violent, demanda que la Convention s’entourât d’une troupe soldée prise dans les 83 départements. Une commission fut nommée pour préparer un projet dans le sens des diverses propositions girondines. Première victoire. Le lendemain, 25 septembre, nouveau combat. Lasource déclama contre le despotisme de Paris. « Il faut, dit-il, que Paris soit réduit à un quatre-vingt-troisième d’influence comme chacun des autres départements. » Puis il affirme qu’il existe dans la Convention des hommes qui aspirent à la dictature, à la tyrannie. Rébecqui et Barbaroux désignent Robespierre, sans donner d’ailleurs aucune preuve. C’était là un commérage qui avait traîné dans les feuilles girondines, et suivant lequel Danton, Robespierre et Marat devaient usurper le pouvoir et former un triumvirat. À force de la ressasser, les girondins avaient fini par croire à ce roman. Danton, dans un discours mesuré qui contrastait avec les emportements de l’autre parti, fait appel à la concorde, demande qu’on n’étende point à tous les députés de Paris la responsabilité des exagérations de Marat ou d’autres, et, pour couper court aux accusations mutuelles, propose de décréter la peine de mort contre quiconque parlerait soit de dictature, soit de détruire l’unité de la République. On sait que, de leur côté, les girondins étaient accusés de nourrir des projets de fédéralisme. Robespierre, à son tour, se disculpa dans une longue improvisation et conclut de la même manière que Danton. Enfin Marat parut à la tribune, et, malgré les clameurs d’une partie de l’Assemblée, exposa ses idées particulières. Il déclara fièrement que c’était lui seul qui avait demandé un dictateur. Et en effet, il l’avait fait hautement, publiquement ; c’était une des mille idées souvent extravagantes qu’il lançait chaque jour, et qui, venant de lui, l’engageaient seul et ne pouvaient avoir un caractère bien sérieux aux yeux des gens sensés. De nouvelles tempêtes éclatèrent encore dans cette séance. Vergniaud, Boileau, Brissot, attaquèrent la Commune et rappelèrent les tristes journées de septembre. Un des thèmes favoris des girondins, c’était de rendre tous leurs adversaires en masse solidaires des massacres. Cependant il était avéré qu’eux-mêmes n’avaient rien fait pour les empêcher, et que même ils étaient loin alors de témoigner pour ces terribles événements l’horreur dont ils firent parade depuis. Cependant, le pouvoir était alors entre leurs mains (sauf la justice, où était Danton). Roland et Pétion avaient atténué, excusé les exécutions, et Gorsas les avait qualifiées de justice nécessaire. V. septembre (Massacres de).

De guerre lasse, ils se rejetèrent sur Marat, qui ne leur donnait que trop de prise, mais qu’ils tentèrent en vain de faire décréter d’accusation, donnant ainsi l’exemple de vouer leurs collègues à la proscription. C’est à la suite de ce nouvel orage que Marat s’appliqua un pistolet sur le front. Cette longue et déplorable lutte se termina sans aucun résultat pour ceux qui l’avaient provoquée. L’Assemblée passa à l’ordre du jour sur les accusations et décréta l’unité et l’indivisibilité de la République.

Mais le combat n’était que suspendu. Il reprit bientôt avec une nouvelle force, mêlant sa furie à toutes les questions que débattait l’Assemblée. Se croyant assurée de la majorité, toute-puissante dans les ministères, disposant de nombreux journaux, appuyée par les autorités départementales, la Gironde tomba dans le vice éternel des partis triomphants et des pouvoirs forts : elle ne sut ni se contenir, ni supporter autour d’elle aucun dissident, rien qui échappât à son action. Tout en se prétendant le parti de la modération, elle étonna les plus violents par son ardeur agressive et par ses emportements. Bien avant ses adversaires, dans les premiers jours de la Convention, elle avait eu la pensée d’une épuration de l’Assemblée. Garat l’avoue. Ce projet fut abandonné comme impraticable, mais on tenta du moins de le réaliser en détail, par la mise en accusation des principaux montagnards. Ces tentatives insensées, les déclamations continuelles contre la Commune populaire du 10 août, contre Paris et sa députation, n’eurent d’autre résultat que d’exciter de plus en plus les patriotes ardents contre les brissotins, comme on disait alors, et de détacher de leur cause un certain nombre de conventionnels qui avaient voté quelque temps avec eux. Bientôt la puissante Société des jacobins leur échappa entièrement. Garat, leur ami, devenu ministre de la justice, les défendit autant qu’il le put, mais ne voulut point les suivre dans la violence. Pache, présenté au ministère de la guerre par Roland, se sépara résolument d’eux quelque temps après. Bientôt enfin leur intolérance et leur exclusivisme tournèrent décidément contre eux la capitale entière, avec ses sections, ses sociétés populaires et toutes ses autorités constituées. Mais, avant même que cette opposition unanime de la grande ville fût complètement formée, ils ne songeaient qu’à la contenir et à la comprimer ; d’où leur projet de s’envelopper d’une garde départementale, dont Buzot vint présenter le plan définitif le 8 octobre. Dans son rapport, il tient exactement le même langage que les émigrés de Coblentz. Il faut voir avec quelle violence emphatique le pâle avocat d’Évreux parle de cette ville sacrée qui, en assurant le triomphe de la Révolution, a consommé l’affranchissement de la France et préparé l’émancipation du monde. Ses adversaires politiques sont naturellement, des factieux, des reptiles, des hommes « qui ont besoin de l’anarchie pour dominer, du crime pour jouir ; des hommes que l’humanité surveille et que la loi doit enfin écraser, etc. » Le rapport concluait à ce que chaque département envoyât autant de fois quatre fantassins et deux cavaliers qu’il avait de députés ; au total 4,470 hommes. La nomination du commandant était réservée à l’Assemblée.

Cette idée de donner une sorte de maison militaire à la Convention, venant précisément du parti qui avait provoqué la dissolution de la garde constitutionnelle du roi, parut à beaucoup de personnes se rattacher à des projets de domination. L’Assemblée ajourna prudemment la discussion. Paris sentit vivement l’injure de cette proposition. Les sections envoyèrent leurs députés à la barre. Il y eut beaucoup de protestations et de débats ; mais, en résumé, la mesure ne fut jamais appliquée. Seulement on vit arriver à Paris une troupe de huit cents Marseillais, appelés par Barbaroux pour défendre la Convention, que personne n’attaquait, et pour écraser l’anarchie. Ces ardents Méridionaux, fort étonnés d’être reçus en frères par les prétendus anarchistes, furent bientôt gagnés en partie à la Révolution.

Cependant les girondins préparaient une attaque en règle contre Robespierre. Chose étrange et qui montre bien la légèreté et l’impuissance de ce malheureux parti, c’est que le champion qui fut choisi pour abattre un tel ennemi, un homme aussi austère et si fortement assis dans sa popularité, ce champion ne fut autre qu’une espèce de femmelette lascive, un polisson littéraire de l’ancien régime, Louvet, l’auteur du roman obscène de Faublas, devenu l’un des enfants perdus, l’un des énergumènes de la Gironde. Le 29 octobre, à la suite d’un rapport envoyé par Roland et rempli des déclamations habituelles, le maigre tribun, transfuge des boudoirs, s’élance à la tribune, et, dans un discours écrit, préparé de longue main, il vocifère : « Robespierre, je t’accuse !… » Pendant une heure il ressasse tous les absurdes commérages dont se nourrissait la crédulité de son parti. En résumé, il accusait Robespierre de marcher au suprême pouvoir, et il concluait à l’examen de sa conduite par un comité et à la mise en accusation immédiate de Marat. Danton, cette fois, était épargné. On avait sans doute compté emporter l’affaire par un coup de majorité, au milieu des clameurs accoutumées ; la machine était montée pour cela. Robespierre sentit le piège. Il demanda un délai de quelques jours pour examiner cette extravagante philippique et la réfuter, ce qu’on ne pouvait lui refuser sans impudeur, En attendant, Roland prit sur lui d’expédier dans les départements, aux frais du trésor, quinze mille exemplaires du factum de Louvet-Faublas. On sait d’ailleurs qu’il inondait la France des pamphlets girondins. C’est ainsi qu’il interprétait le décret qui l’autorisait à répandre les bons ouvrages aux frais de l’État. Le lendemain de cette fameuse séance, l’infatigable Barbaroux remonta à la tribune pour reprendre la thèse de Louvet ; mais il fut interrompu par les marques d’impatience de l’assemblée.

Ces accusations continuelles, ces luttes funestes produisaient au dehors une grande agitation ; elles augmentaient l’impopularité des girondins et grandissaient leurs adversaires. Attaquée sans relâche, et souvent avec la plus insigne mauvaise foi, la Commune était en lutte ouverte avec la Convention. Des bandes armées, appelées du fond des provinces, continuaient à affluer dans la capitale. On accusait hautement le côté droit de provoquer des troubles pour avoir un prétexte à l’institution d’une garde et même au transfèrement de la Convention. Marat tonnait dans son journal avec sa violence habituelle, égalée d’ailleurs, sinon dépassée, par les journaux de la Gironde. Le 3 novembre, deux jours avant le jour fixé pour la défense deRobespierre, des dragons et quelques centaines de ces fédérés que les girondins, de leur autorité privée, faisaient venir à Paris pour maintenir officieusement l’ordre qu’eux seuls troublaient, parcoururent les rues le sabre nu en vociférant : Vive Roland ! À la guillotine Marat, Robespierre et Danton ! Enfin, le 5, Robespierre présenta sa justification dans un discours qui contenait son apologie, sans doute, mais qui en définitive était une réfutation magistrale du réquisitoire acrimonieux de Louvet. Cette belle défense fit une profonde impression sur la Convention, qui, à une immense majorité, en décréta l’impression et l’envoi aux 83 départements. Puis, malgré l’acharnement de Louvet, de Barbaroux et de quelques autres, l’assemblée passa à l’ordre du jour sur l’accusation. La Gironde n’avait obtenu d’autre résultat que de préparer un triomphe éclatant à l’un de ses principaux ennemis. Déjà, dans la séance du 29, il s’était passé un fait caractéristique. Pendant que Louvet déclamait sa diatribe, un député quitta les bancs de la droite avec indignation et monta s’asseoir au sommet de la Montagne, au milieu de la députation de Paris. C’était Anacharsis Cloots, le philosophe de la République universelle, l’orateur du genre humain.

Nous ne pouvons, on le comprend, entrer dans tous les détails de ce duel formidable qui eut l’échafaud pour dénoûment, et qui eut un autre résultat non moins funeste, celui d’assombrir les âmes, de les exalter dans la haine et de donner aux passions un caractère inexorable. Nous ne croyons pas nécessaire non plus de rappeler les accusations banales et absurdes dont se poursuivaient mutuellement les deux partis. Les uns, les vaincus, par le dernier cri sorti du fond de leur cœur, en face de l’échafaud ; les autres, par leurs travaux, par leur lutte gigantesque contre l’Europe des rois, ont suffisamment prouvé combien ces accusations, ces soupçons étaient peu fondés.

Cependant l’inauguration de la République avait été fêtée par de brillants succès militaires. La canonnade de Valmy retentissait encore au moment où la Convention se rassemblait. Au milieu même des combats dont elle était déchirée, elle avait rendu des décrets d’intérêt général, envoyé des commissaires aux frontières et aux armées, et activé le travail de ses comités. Bientôt Montesquieu entrait en Savoie, Anselme dans le comté de Nice ; Lille, bombardée, incendiée, soutenait héroïquement un siège comparable à ceux de Carthage et de Numance ; Custine s’emparait de Spire, de Worms et de Mayence, Houchard de Francfort ; conquêtes faciles, car les peuples enthousiasmés se précipitaient au-devant du drapeau de la République, dans les plis duquel rayonnait la grande devise : Guerre aux despotes ! Paix et liberté aux peuples ! Enfin, les Prussiens en retraite filaient à travers la Champagne, et Dumouriez préparait l’invasion de la Belgique. La guerre des principes servait d’auxiliaire à la guerre de défense ; la France n’envahissait pas pour conquérir, mais pour délivrer, et, partout où elle déployait son drapeau, elle proclamait l’indépendance des nations et la souveraineté du peuple : ses soldats étaient des missionnaires, les croisés de la liberté. Telle était la doctrine de la Convention. Aussi les idées républicaines germaient-elles sous les pas de nos volontaires, qui étaient accueillis avec un enthousiasme inexprimable à Chambéry, à Nice, dans le Palatinat, en Belgique, etc., et qui ne rencontraient guère pour ennemis que les formidables armées des rois. À cette grande époque, les nations, a dit le poète,

Ceignaient de fleurs le front de nos soldats.

La Belgique, la Savoie, le comté de Nice, qui avaient arboré le drapeau tricolore et planté l’arbre de la liberté, demandèrent leur réunion à la République, avant d’être entièrement délivrés des armées de la coalition. Le comité diplomatique et l’Assemblée examinaient toutes ces demandes avec la plus scrupuleuse attention ; et, chose qui frappait d’étonnement l’Europe monarchique et féo-