Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 5, part. 1, Contre-Coup.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

religieux vinrent étudier la théologie, et ils se firent agréger à l’Université et recevoir docteurs, tout en suivant les opinions de Scot, qui fut parmi eux un grand homme et leur laissa son nom, ce qui fit qu’on les appela quelquefois scotistes. On désignait aussi les cordeliers qui étaient fidèles au principe absolu de la non-propriété des biens temporels sous le nom de cordeliers de la petite observance ; ceux qui au contraire se laissaient volontiers renter s’appelaient cordeliers de la grande observance.

Il était dit que les membres de cet ordre célèbre, qui se multiplièrent tellement en France qu’ils peuplèrent deux cent vingt-quatre couvents à hommes répartis en huit provinces, ne s’occuperaient qu’à ergoter ; après avoir discuté contre les docteurs de l’Université, les cordeliers s’avisèrent de se partager sur la question de savoir quelles étaient les dimensions de l’habit qu’avait porté saint François, et surtout quelle avait été la forme de son capuchon, qu’un certain nombre de religieux déclaraient nettement avoir été rond, et que d’autres soutenaient avoir été taillé en pointe. Rond ou pointu, tel était le dilemme que se posait chacun, et il fallait absolument se ranger d’un côté ou de l’autre ; de graves débats s’élevèrent à ce propos, et durèrent jusqu’au xvie siècle. Un nouveau sujet de troubles vint encore agiter les cordeliers. Laissons parler l’érudit auteur de l’Histoire de Paris : « En 1401, le provincial des cordeliers s’avisa de faire, dans le couvent de Paris, bâtir une écurie. Cette construction fut un signal de guerre. Les religieux étrangers qui étudiaient dans ce couvent voyaient dans la construction de cette écurie une infraction manifeste aux statuts de l’ordre ; les religieux français alléguaient plusieurs raisons pour prouver que le provincial ne pouvait se passer d’écuries. Les têtes s’échauffaient ; au lieu de s’entendre et de raisonner sur l’utilité de cette écurie, on se battit. « À mort tous les Français ! » crièrent les étrangers partisans de la règle. À ces mots, le combat commence ; les moines, armés de pierres, de bâtons, s’assomment, s’estropient, se tuent. Les cris des combattants, des blessés et des mourants jettent l’alarme dans le voisinage. Le roi en est averti, il envoie des troupes pour rétablir la paix ; les portes sont fermées, les soldats les enfoncent et entrent ; alors les deux partis ennemis se réunissent pour résister aux troupes du roi ; ils le font avec courage, blessent et sont blessés ; mais ils ne peuvent tenir longtemps. Quelques-uns franchissent la muraille de la ville, qui servait en partie de clôture à leur jardin ; quatorze d’entre eux pris dans les fossés, et vingt-six dans l’intérieur du couvent, furent conduits en prison, et le parlement les renvoya devant les juges criminels. »

L’obéissance et la soumission aux lois n’étaient pas les principales vertus des cordeliers, et on les vit mêlés à toutes les scènes de tumulte et de désordre qui se produisirent ; leurs mœurs relâchées et corrompues appelaient une prompte réforme ; ce fut ce que tenta d’opérer le légat du saint-siége en 1501, et ce fut afin d’arriver à ce but qu’il chargea spécialement un prédicateur célèbre par la crudité de ses expressions et la force de son éloquence grossière, Olivier Maillard enfin, d’entreprendre cette réforme. C’était une rude besogne, et, malgré tout son talent oratoire, le prédicateur échoua ; alors le légat commit les évêques d’Autun et de Castelmare à l’effet de présenter leurs remontrances aux cordeliers, mais ceux-ci opposèrent cette fois la ruse aux justes récriminations dirigées contre eux. Lorsque les évêques se présentèrent au couvent, ils trouvèrent tous les moines assemblés dans l’église et agenouillés autour du saint sacrement, tout en chantant des hymnes. Après avoir attendu patiemment la fin de ces chants sacrés, les évêques perdirent patience et demandèrent qu’ils cessassent ; mais loin d’obéir à cette injonction, les moines continuèrent à chanter pendant quatre heures durant, ce que voyant, les délégués du légat durent se retirer après avoir manifesté leur mécontentement. Le lendemain, ils se présentèrent à nouveau au monastère, et y trouvèrent derechef les cordeliers chantant ; mais cette fois ils avaient pris la précaution de se faire accompagner du procureur du roi, du prévôt de Paris et d’archers, et, voyant que leur autorité était méconnue, ils prièrent les gens de justice d’interposer la leur, et force fut aux trop fervents chanteurs de louanges du Seigneur de se taire et de recevoir les remontrances qu’on avait à leur faire. Ils changèrent alors de tactique, et voyant que les droits qu’ils invoquaient pour se défendre n’étaient pas reconnus, ils feignirent une soumission absolue et se mirent à verser d’abondantes larmes, après quoi, ayant aperçu le prédicateur Maillard, ils se vengèrent sur lui de la confusion qu’ils avaient éprouvée et le chassèrent en le maltraitant ; le malheureux prédicateur faillit être assommé.

L’Estoile, dans ses mémoires pour servir à l’histoire de France (année 1577), rapporte « qu’une fille fort belle, déguisée en homme, et qui se faisait appeler Antoine, fut découverte et prise dans le couvent des cordeliers. Celle-ci servait, entre autres, frère Jacques Berson, qu’on appelait l’enfant de Paris et le cordelier aux belles mains..Ces révérends Pères disaient tous qu’ils croyaient que c’était un vrai garçon ; on s’en rapporta à leur conscience. Quant à cette fille-garçon, elle en fut quitte pour le fouet, ce qui fut grand dommage à la chasteté de cette honnête personne, qui se disait mariée, et qui, par dévotion, avait servi dix ou douze ans ces bons religieux, sans jamais avoir été intéressée en son honneur. »

Le scandale de la vie que menaient les cordeliers était devenu tel, que le général de l’ordre se détermina à venir tout exprès à Paris pour entreprendre une réforme devenue indispensable ; mais il ignorait à quels hommes il avait affaire. À peine eurent-ils été informés de la visite de leur chef, que le plus grand nombre d’entre eux résolurent de résister à ses volontés, tandis que les autres, redoutant avec raison les suites que pouvaient avoir cette rébellion, étaient d’avis qu’il fallait faire acte de condescendance et de soumission. Chaque parti persévérant dans son opinion, on en vint aux mains, et une fois de plus les cordeliers se battirent et firent un tel vacarme que les archers furent obligés d’intervenir, de se saisir des plus récalcitrants et de les conduire à la prison de Saint-Germain-des-Prés, où ils furent fustigés d’importance.

Il n’y avait pas trois jours que la tranquillité semblait être rétablie dans le couvent, qu’une nouvelle dispute s’éleva et qu’une bataille s’y livra ; cette fois le parlement, fatigué de l’insubordination de ces moines, intervint, et l’ordre parut enfin renaître, mais il ne dura guère. Au mois d’août de la même année, une émeute, ou plutôt une véritable révolution, mit le couvent sens dessus dessous ; les uns dépavèrent les cours, les autres enlevèrent les tuiles des toits et jetèrent ces projectiles à la tête de ceux qui tenaient pour le général de l’ordre ; le combat dura deux jours, et plusieurs des combattants demeurèrent sur le champ de bataille. Le général voulut s’interposer ; mais, voyant que les pavés allaient lui pleuvoir sur la tête, il prit la fuite, et vint se jeter à genoux devant le premier président du parlement de Paris, pour le supplier de faire cesser le carnage ; la force armée en vint seule à bout, et on découvrit encore une femme dans le couvent.

Jusqu’alors, nous avons vu les cordeliers se faire la guerre entre eux. Ces singuliers religieux ne bornèrent pas là leurs exploits : l’un d’eux, maître des novices, croyant avoir à se plaindre de deux bourgeois de Paris, les attira sous un prétexte quelconque dans l’intérieur du couvent, et les y fit fouetter par les novices. Sortis des mains de ces forcenés, les bourgeois allèrent se plaindre à qui de droit, et le parlement ordonna l’arrestation de l’instigateur de cette vilaine action ; mais alors l’évêque de Paris réclama, ce qui n’empêcha pas le parlement de condamner le moine à faire amende honorable et de l’interdire pendant trois ans. Quant aux bourgeois, ils en furent pour leur fessée.

Il est vraiment pénible de n’avoir à signaler dans l’histoire de cet ordre que des faits scandaleux. L’immoralité, la luxure, l’ivrognerie étaient les péchés mignons de ces Pères, dont l’humeur turbulente était devenue proverbiale. On se demande comment, en présence de leurs dérèglements, de leur esprit d’insubordination et de leurs nombreux méfaits, le gouvernement ne put parvenir à supprimer un ordre inutile : et dont l’existence était aussi nuisible à la religion qu’à la tranquillité publique. Loin de là, les rois de France les favorisaient, et d’abondantes libéralités augmentaient sans cesse leurs richesses sans qu’ils se crussent obligés de témoigner la moindre reconnaissance à ceux-là même de qui ils les tenaient. En 1580, un novice ivre s’endormit dans une stalle du chœur, laissant auprès de lui un cierge allumé qui mit le feu à la boiserie du jubé, et en moins de trois heures il ne resta de l’église du couvent que les quatre murs. Les cordeliers prétendirent que l’incendie avait été allumé par les jacobins, et ceux-ci, à leur tour, ripostèrent que les cordeliers avaient mis le feu eux-mêmes à leur église afin de la faire rebâtir avec l’argent des fidèles, qui ne manqueraient pas de les indemniser et au delà. Ce fut ce qui arriva ; le roi Henri III se chargea de la reconstruction du chœur, ce qui n’empêcha pas les cordeliers, qui d’abord avaient élevé une statue à ce royal bienfaiteur, de renverser cette statue en 1589 et de lui couper la tête. On voit par cet exemple comment ils entendaient la reconnaissance. Cette ingratitude n’effraya pas le surintendant des finances Bullion, qui plus tard légua par son testament aux cordeliers une somme de 100,000 livres.

Les cordeliers de Paris possédaient, entre autres reliques, le cordon de saint François d’Assise, et ils avaient institué dans leur église une confrérie sous le nom de confrérie du cordon, de saint François.

L’ordre fut supprimé en France en 1790.

Les poëtes du XVIIIe siècle s’égayèrent souvent aux dépens des cordeliers, et Piron, Grécourt, ainsi que les versificateurs licencieux de leur époque, choisirent de préférence les cordeliers pour en faire les héros de leurs poëmes obscènes. Le Chapitre des cordeliers est une des œuvres les plus immorales et en même temps les plus connues de Piron ; mais à côté de ces productions dont on n’ose louer la forme, tant le fond est d’une obscénité révoltante, on trouve des épigrammes et des traits plaisants décochés contre les cordeliers, toujours à propos de leur luxure et de leur ivrognerie.

Mais si les cordeliers donnèrent souvent prise aux plaisanteries des gens irréligieux, cela ne les empêchait pas d’être en grande vénération parmi le peuple, et même souvent chez les hommes appartenant aux classes les plus élevées. On sait que, selon les idées du temps où la foi régnait triomphante, un laïque qui mourait dans l’habit d’un ordre religieux, revêtu avec la permission du chef de l’ordre, avait plus de chances qu’un autre d’être sauvé. Les généraux des ordres monastiques vendaient quelquefois cette permission, d’autres fois ils l’accordaient comme une faveur. C’est ainsi qu’en 1502 Gilles Dauphin, général des cordetiers, en considération des bienfaits que son ordre avait reçus de Messieurs du parlement de Paris, envoya aux présidents, conseillers et greffiers du parlement, la permission de se faire enterrer en habit de cordelier. En 1503, il gratifia d’un semblable brevet le prévôt des marchands, les échevins et les principaux officiers de la ville. Il ne faut pas regarder cette permission comme une simple et vaine politesse ; car on tenait pour certain, comme le rapporte l’abbé de Choisy dans son Histoire ecclésiastique, à l’année 1332, que saint François fait régulièrement chaque année une descente du paradis en purgatoire pour en tirer les âmes de ceux qui sont morts dans l’habit de son ordre.


Cordeliers (club des). Parlons d’abord du couvent ; nous verrons ensuite le club. Le plus ordinairement, un couvent n’est rien moins qu’un club (et ici nous avertissons le lecteur que nous donnons à l’expression rien moins — la locution la plus traîtresse de notre langue — le sens affirmatif) ; oui, rien moins qu’un club : les extrêmes se touchent. Donc, dans la rue de l’École-de-Médecine, en face de la rue Hautefeuille, on voit encore, dans une cour, à gauche, une chapelle d’un style grave et sévère qui fut originairement le réfectoire et l’école de l’ancien couvent des cordeliers, dont l’église et les bâtiments s’étendaient jusqu’en face de l’emplacement où l’École de médecine a été construite. Cette école des cordeliers, fameuse au moyen âge, était le centre des mystiques, la capitale de l’ordre le plus démocratique de l’Église, qui avait fait de la pauvreté la première venu chrétienne, véritables sans-culottes du moyen âge et qui poussèrent jusqu’au fanatisme la haine de la propriété.

Singulière destinée des lieux ! c’est dans cette enceinte que, en 1357, le prévôt des marchands, Étienne Marcel, celui qu’on a nommé le Danton du XIVe siècle, fit créer par les états une quasi-république ; c’est de là qu’il envoya dans les provinces des députés pour organiser la réquisition contre la féodalité, et dont la mission fait songer à celle des illustres commissaires de la Convention.

Aujourd’hui transformée en un triste musée de chirurgie, décorée de savantes horreurs, avec des salles de dissection et d’études anatomiques adossées à sa partie postérieure, cette salle a retenti des accents de Danton et des révolutionnaires les plus fameux.

L’église souterraine, qui s’étendait au-dessous des bâtiments détruits, recéla pendant quelque temps l’imprimerie du journaliste si souvent poursuivi, Marat.

Il est nécessaire de distinguer ce que beaucoup d’écrivains ont confondu, c’est-à-dire le club des Cordeliers proprement dit, ou Société des amis des droits de l’homme et du citoyen, et la réunion officielle du district des Cordeliers, puis de la section du Théâtre-Français, lors de la division en sections. Le personnel, d’ailleurs, était à peu près le même, sauf que le club comptait quelques membres qui n’appartenaient pas à la section. Les assemblées du district se tinrent d’abord au couvent des cordeliers ; en 1792, les assemblées de la section se tenaient dans l’église Saint-André-des-Arts, démolie depuis, et qui était située sur l’emplacement de la place du même nom. L’année suivante, elles se tinrent de nouveau aux cordeliers.

Les cordeliers, dès le commencement de la Révolution, se distinguèrent par des traits caractéristiques. C’était une société populaire dans le plus large sens du mot. Chez eux n’existait pas, comme aux Jacobins, la distinction entre l’assemblée des hommes politiques, membres de la société, et les réunions fraternelles où ceux-ci admettaient les ouvriers pour les régenter et les catéchiser. Les Cordeliers délibéraient les portes ouvertes, mêlés au peuple, communiquant sans cesse avec la foule. Ils formaient un club essentiellement parisien et révolutionnaire, ouvert à tous, écho sonore où vibraient toutes les passions de la multitude, antre sibyllin où la Révolution eut son trépied, ses délires et ses oracles. Les jacobins, plus graves, plus prudents, eurent pendant longtemps (et ils conservèrent même toujours quelque chose de ce caractère) la physionomie d’une sorte de séminaire de docteurs politiques, de députés, de fonctionnaires, de casuistes constitutionnels, de notabilités bourgeoises, n’admettant guère le peuple que pour l’instruire et le diriger. Formant une grande association qui s’étendait sur toute la France, une société mère à laquelle s’affiliaient les petites jacobinières départementales (comme les provinces et la maison mère des ordres religieux), ils avaient une grande puissance sur l’opinion publique, sur l’assemblée et dans les sphères gouvernementales. Les cordeliers n’avaient point d’affiliations au dehors ; mais ils régnaient sur la rue, sur les sections et la Commune, par l’initiative et l’audace ; et quand Paris vibrait et bouillonnait sous le souffle ardent des cordeliers, les révolutionnaires politiques étaient bien obligés de suivre le mouvement.

Ils comptaient dans leurs rangs des individualités fortes et originales : Danton, d’abord, le tonnerre et l’oracle du club ; Marat, l’austère fanatique, le publiciste tout-puissant ; Camille Desmoulins, le fils de Voltaire, l’étincelant journaliste ; d’autres écrivains patriotes, Fréron, Robert, et son épouse Mlle  Kéralio ; Hébert, le pittoresque et furieux père Duchesne ; Chaumette, l’aventureux étudiant, futur procureur de la Commune et promoteur des fêtes de la Raison ; Fabre d’Églantine, l’auteur du Philinte ; le boucher Legendre ; le philosophe Anacharsis Cloots ; Momoro, imprimeur et journaliste ; Vincent, le fougueux adolescent qui deviendra l’adjoint de Bouchotte au ministère de la guerre ; Gusman, ce grand d’Espagne enrôlé d’enthousiasme dans la sans-culotterie, etc.

Avec de tels éléments, on comprend assez quel rôle dut jouer cette société dans le grand drame de la Révolution. Elle fut constamment, en effet, à l’avant-garde, par ses journalistes, par ses orateurs et par ses hommes d’action. Bien qu’il y eût entre eux des nuances d’opinion assez tranchées, ils étaient reliés par des idées communes et formaient une sorte de tribu. La plupart demeuraient autour du club, au centre de ce quartier, l’un des plus révolutionnaires de Paris, à une époque où tous l’étaient, même les quartiers riches et bourgeois.

Les cordeliers protégèrent Marat contre les nombreuses poursuites dont il fut l’objet et lui ménagèrent des asiles assurés, protestèrent contre le désarmement des citoyens non inscrits sur les contrôles de la garde nationale, contre la distinction des citoyens actifs et passifs, contre le décret sur le marc d’argent ; proposèrent les premiers (en juin 1791) la devise : Liberté, égalité, fraternité, et, lors de la fuite du roi, prirent l’attitude la plus énergique et se prononcèrent hautement en faveur de la République. Ils délibérèrent, affichèrent et pétitionnèrent en ce sens : c’est un des leurs, Robert, qui rédigea la pétition demandant la déchéance du roi, et que signa le peuple sur l’autel de la patrie, au Champ-de-Mars (17 juillet 1791).

À la suite des événements de cette malheureuse journée, les cordeliers les plus influents furent poursuivis, réduits à fuir ou à se cacher. Le journal de Marat fut saisi, l’Orateur du peuple, de Fréron, la feuille de Camille Desmoulins cessèrent forcément de paraître. Le Journal du club des cordeliers, qui paraissait depuis le 28 juin, dut également suspendre sa publication. Momoro, l’un des rédacteurs, essaya de le continuer et en prépara quelques numéros, qui contiennent des détails d’un grand intérêt sur l’affaire du Champ-de-Mars, mais qui furent saisis chez lui et qui sont restés inédits. Ces numéros manuscrits existent encore et font partie d’un cabinet d’autographes bien connu.

Cependant le club, après une interruption d’une quinzaine de jours, reprit ses séances, mais dans la salle du musée de la rue Dauphine (alors rue Thionville) ; il ne retourna aux cordeliers qu’en septembre 1793.

Son importance ne fit que grandir au milieu de ces luttes. Comme société, il n’était pas, comme on l’a dit, rival des Jacobins, à proprement parler ; il partageait leur influence et suivait à peu près la même ligne, sauf que les cordeliers avaient plus d’initiative, plus d’indépendance individuelle et d’audace, et que, comme nous l’avons dit, leur action s’exerçait surtout sur Paris. Beaucoup d’entre eux d’ailleurs faisaient également partie des jacobins.

Avec ses principes républicains bien connus et son tempérament révolutionnaire, la Société des amis des droits de l’homme joua un rôle fort actif dans la révolution du 10 août, qui porta Danton et plusieurs autres cordeliers au pouvoir. Elle fournit aussi la majorité de la députation parisienne à la Convention, ce qui prouve à la fois et son influence et la notoriété de ses membres. Elle avait également la plus grande action sur la nomination des représentants au conseil général de la Commune. Elle se prononça naturellement contre les girondins et contribua à les renverser.

Si la mort tragique de Marat fut un deuil public dans tout Paris, elle fut un deuil de famille dans la section et dans le club. Le corps de l’Ami du peuple fut solennellement déposé sous les arbres du jardin des cordeliers, et son cœur, enfermé dans une urne, resta suspendu à la voûte de la salle des séances.

Cependant, peu à peu, l’ancien élément, les Danton, les Legendre, les Desmoulins, etc., absorbés par leurs travaux à la Convention et par les jacobins, cessèrent de fait de faire partie des cordeliers, dirigés dès lors de plus en plus exclusivement par le parti de la Commune, par le sans-culottisme pur, par Hébert, Chaumette, Momoro, etc, enfin par ceux qu’on a nommés les hébertistes, et auxquels se rattachaient Ronsin, général de l’armée révolutionnaire, Collot d’Herbois, Pache, Bouchotte et d’autres révolutionnaires ardents.

C’est ce parti, comme on le sait, qui provoqua et dirigea le mouvement contre le culte