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seconde classe et d’élèves consuls. Les postes consulaires ne sont divisés qu’en consulats généraux et en simples consulats-, la classe s’attache à la personne de l’agent et est indépendante de sa résidence. L institution consulaire de France passe auprès des autres peuples pour supérieure aux autres institutions du même genre en Europe. Cela est dû à ses règlements, qui déterminent d’une manière précise les conditions d’admission et d’avancement, les sages restrictions apportées à l’entrée dans la carrière, et enfin aux conditions de moralité, de capacité et d’aptitude requises pour en faire partie.

Les consuls généraux sont choisis parmi les consuls de première classe, les premiers secrétaires d ambassade ou de légation et les employés supérieurs du département des affaires étrangères ; les consuls de première classe sont pris parmi ceux de seconde, les chefs de bureau et rédacteurs du ministère des affaires étrangères, les secrétaires de légation et les seconds secrétaires d’ambassade ; Tes consuls de seconde classe sont pris parmi les élèves consuls, les commis principaux au ministère des affaires étrangères, les attachés payés des ambassades et des légations, les agents consulaires ou vice-con.sn/.s nommes par décret impérial, les chanceliers de légaJ tion ou de consulat, et les drogmans. Eniin nul ne peut être nommé élève consul s’il n’est licencié en droit et bachelier es sciences physiques, âgé de vingt ans au moins et de vingt-cinq ans au plus, et s’il n’a été jugé admissible après avoir subi l’épreuve d’un examen public devant une commission spéciale nommée par le ministre des affaires étrangères. Cet examen se compose d’une épreuve écrite ayant pour but de.constater que le candidat possède une ou plusieurs langues étrangères, et d’une épreuve orale portant sur une série de questions relatives à l’administration consulaire, au droit des gens, à l’économie politique et à la statistique commerciale. Les élèves consuls, dont le nombre est fixé par un règlement ministériel, sont attachés aux consulats désignés par le ministre et placés sous ta direction et l’autorité de l’agent près duquel ils résident. Les rapports fréquents des consuls avec les officiers de tout grade de la marine, militaire ont exigé que leur assimilation de position hiérarchique fût nettement déterminée. L’ordonnance royale du 7 novembre 1833 y a pourvu en donnant le rang de contre-amiral aux consuls généraux, le rang de capitaine de vaisseau et de capitaine de frégate aux consuls de première et de seconde classe.- Un consul peut être accrédité en cette qualité par plusieurs gouvernements ; c’est ce qui arrive pour les petites puissances qui, ne pouvant entretenir des consuls dans toutes les places importantes, délèguent leurs pouvoirs aux consuls d’une nation amie, absolument comme si ceux-ci étaient leurs régnicoles.

Les consuls reçoivent un traitement fixe, inscrit au budget comme celui des autres fonctionnaires publics, et calculé d’après les exigences de chaque poste et la valeur relative 3e l’argent dans chaque pays. La même ordonnance a fait disparaître les anciennes dispositions réglementaires qui leur attribuaient une partie des fonds provenant des droits de chancellerie comme supplément de traitement. Cet état de choses avait pour inconvénient de porter atteinte a la considération des coitsuls, parce qu’on pouvait les soupçonner d’abuser quelquefois de leur autorité pour exiger des droits trop élevés. Les consuls mis en « on-activ. ' ne perdent pas leurs droits à l’avancement ; ils jouissent même en cette qualité, pendant un certain nombre d’années, variant selon celui de leurs services effectifs, d’un traitement spécial.

La mise à la retraite des consuls et de tous les autres agents du service extérieur des affaires étrangères était autrefois l’objet de conditions toutes spéciales. Il en est autrement depuis la loi du 9 juin 1853 sur les pensions civiles, qui a placé les consuls sous l’empire du droit commun. Ils doivent avoir soixante ans d’âge et compter au moins trente ans de services effectifs, avec jouissance d’un traitement soumis a retenue. Le chiffre de leur pension est fixé d’après la moyenne des traitements et émoluments de toute nature dont ils ont joui pendant les six dernières années de leur exercice.

En dehors des grands centres commerciaux assignés aux consufs comme, résidence fixe, ces fonctionnaires pouvant difficilement assurer une protection efficace aux nationaux de toute classe et sur tous les points compris dans leur circonscription, on les autorise à déléguer une partie de leurs pouvoirs a des agents en sous-ordre eommissionnés par eux et destinés à servir d’intermédiaires entre eux et leurs compatriotes qui sont établis ou de passage dans les ports et villes d’importance secondaire. Ces délégués portent le titre d’agents consulaires, quelquefois celui d’agents vice-co ! !S !</s, lorsqu’ils ont été nommés par décret impérial et.pourvus ensuite d’un brevet d’institution par Je consul dans le ressort duquel ils doivent résider. Quel que soit leur titre, ces agents consulaires remplissent leurs « fonctions sous le contrôle direct et spécial du chef qui les a brevetés. À côté des agents consulaires se trouvent les officiers consulaires, c’est-à-dire les drogmans et les chanceliers. Les drogmans sont, dans le 1, e vant et en Barbarie, les interprètes des consuls. Un certain nombre d’entre eux résident à Paris pour

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former les élèves drogmans. Les drogmans sont nommés par l’empereur ; les élèves drogmans par le ministre des affaires étrangères. Les chanceliers sont des officiers publics qui assistent les consuls. En matière politique et administrative, ils remplissent l’office de secrétaires ; en matière judiciaire, ils sont tantôt greffiers, tantôt huissiers. En matière dé comptabilité, ils perçoivent sous le contrôle du consul le droit de chancellerie ; à ce titre, ils sont les préposés du trésor et de la caisse des consignations. Dans les autres pays, ils sont chargés des traductions officielles et des fonctions de notaire au même titre et avec la même autorité que les notaires publics de France. Il y a deux sortes do chanceliers : les chanceliers de première classe sont nommés par l’empereur ; ceux de seconde classe sont présentés par les consuls et agréés par le ministre. Dans les consulats du Levant et de Barbarie, les fonctions de chancelier se cumulent avec celles de drogman.

Les attributions des consuls ne sont pas les mêmes dans" tous les pays. Elles varient d’État à État, soit en raison des dispositions inscrites dans les traités, soit en raison des maximes de la législation de ceux de ces États avec lesquels on n’a pas de traité relativement aux fonctions consulaires, soit enfin en raison des usages locaux. L’autorité en vertu de laquelle les consuls exercent les attributions qui leur sont conférées par les lois et règlements s’appelle, en langue diplomatique, provision. Cette autorité, s’exerçant sur un territoire étranger, doit être autorisée par un acte émanant de la souveraineté territoriale, qui délivre un excquatw. L’exercice de l’autorité est alors plus ou moins restreint suivant la teneur de Vexequalur. En Espagne, en Sardaigne, aux États-Unis, dans le Levant et en Barbarie, les attributions des consuls sont réglées par des traités spéciaux. Partout ailleurs leurs attributions sont établies par le droit commun de l’Europe, et toujours idendiquesà celles dont jouissent les consuls étrangers sur le territoire français.

Voici quelles sont ces attributions *. 1° Les consuls peuvent régler aimablement tous les différends qui naissent entre leurs nationaux. Au Levant, en Barbarie, en Chine, en Cochinchine, au Japon, dans l’imanat de Mascate, ces pouvoirs sont plus étendus et entraînent l’exercice de la juridiction civile, commerciale et criminelle. 2° Ils remplissent sans réserve les fonctions attribuées en France aux officiers de l’état civil ; leurs chanceliers remplissent sous leur contrôle les fonctions de notaires. 3° Ils oïit droit de police et d’inspection sur les gens de mer, au même titre que les administrateurs et commissaires de la marine dans les ports français ; ils président le tribunal maritime commercial de leur résidence, et peuvent faire arrêter les délinquants, capitaines ou matelots, réclamer les déserteurs et faire séquestrer les bâtiments, a moins que quelque sujet du pays ne soit lésé par ce séquestre ou cette arrestation. 4° Ils reçoivent les contrats d’affrètement, les déclarations et rapports des capitaines de navires ; autorisent, lorsqu’il y a lieu, les emprunts à, la grosse aventure, dressentles procédures d’avaries et les règlements auxquels ces avaries peuvent donner lieu, reçoivent et donnent acte des délaissements de navires, dirigent les sauvetages des navires français et procèdent au rapatriement des équipages des navires naufragés ou délaissés, 5° En temps de guerre, ils sont chargés de tout ce qui concerne l’administration des prises, et en cas de force majeure ils procèdent à la vente des navires capturés ; ils sont, en outre, chargés de mettre à exécution les décisions du conseil des prises. 6° Les marchés pour fournitures quelconques faites aux navires de la marine impériale doivent, partout où il y a un consul, être passés en chancellerie et en présence du consul. Les consuls doivent, en outre, éclairer les commandants des bâtiments sur les usages de la localité et les moyens de ravitaillement, ainsi que faciliter aux officiers le placement de leurs traites et les moyenr de justifier leurs dépenses. 7» Les consuls procèdent aux inventaires des successions des Français qui décèdent dans leur résidence ; ils liquident ces successions et en transmettent le produit à la caisse des consignations, à moins que les ayants droit ne soient représentés par un fondé de pouvoirs. 8° Ils reçoivent tous les actes de leurs nationaux, délivrent ou visent les passo-ports, les patentes de santé, les certificats de vie ; ils reçoivent les dépôts et légalisent les actes des autorités territoriales qui doivent être produits en France. 9° Ils sont spécialement chargés de donner au gouvernement toutes les informations, soit politiques, soit commerciales, qu’ils peuvent croire de nature à contribuer à l’accroissement des relations commerciales et industrielles. 10° Enfin ils sont chargés, comme conséquence directe et essentielle de leur-institution, de répandre à l’étranger la connaissance des faits d’intérêt général ou particulier du ressort de nos lois de finance, de commerce et de police. Les agents consulaires n’exercent aucune juridiction civile, commerciale ou criminelle.’ Ils ne reçoivent les dépôts et ne dressent les actes de l’état civil et les actes notariés qu’autant qu’ils y sont spécialement autorisés par décret.

CONSUL (Guillaume), jurisconsulte français, né ù Vie, au xvne siècle, fut avocat à Riom. Il est auteur d’une Paraphrase de Bas-

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maison sur la coutume d’Auvergne (Clermont, 1667, in-4»), ouvrage estimé. Sa fille, religieuse hospitalière de l’hôtel-Dieu de Riom, a écrit la Vie édifiante de M. Jacques lJasquier-Bouray, prêtre, instituteur de sa congrégation (Paris, 1714, in-12).

CONSULAIRE, adj. (kon-su-lè-re — lat. consularis, de consul). Hist. rom. Qui a rapport aux consuls romains ou à leurs fonctions : La pourpre, les faisceaux consulaires. La dignité CONSULAIRE.

ie porte à Claudius la faisceau consulaire.

De Jouï.

Il Homme consulaire, ou substantiv. Consulaire, Celui qui avait rempli les fonctions de consul : La. villa d’Est est la seule villa moderne qui m’ait intéressé au milieu des débris des villas de tant d’empereurs et de consulaires. (Chateaub.)

Quand l’urne d’or enfermait ses héros,

Rome honorait leurs ombres consulaires ;

Pour ïeur bâtir des palais funéraires.

Elle épuisa les marbres de Parts.

C. Delavioîîe.

A-été employé dans le sens d’homme honoré, respecté : M. de Chateaubriand était devenu l’homme consulaire de tous les partis royalistes. (Lamart.) Il Famille consulaire, Celle qui avait eu un consul parmi ses membres. Il Prouince consulaire, Celle qui ne pouvaitavoir pour gouverneur qu’un consul ou un personnage consulaire, il Age consulaire, Celui où l’on pouvait se porter candidat à la dignité de consul. Il Année consulaire, Temps qui s’éconlait depuis l’entrée en fonctions de deux consuls, jusqu’à l’installation de leurs successeurs.

— Hist. mod. Qui a rapport aux consuls de la République française : La garde consulaire avait été formée de quatre bataillons d’infanterie. (Thiers).

v Jurisp. Qui concerne les anciens jugesconsuls : Décision consulaire. Tribunal consulaire. Et l’on voit le marchand, à bon droit courroucé, Maudissant mille fois l’auteur par a, b, c. S’en aller, à l’abri des protêts consulaires. Du bruit de sa déroute effrayer ses confrères.

Guyétaud,

— Fam. Avoir la goutte consulaire, Se disait autrefois, en plaisantant, d’un débiteur qui n’osait mettre le pied dehors, de peur d’être arrêté sur un ordre des juges-consuls  : Depuis une ooutth consulaire qui m’a pris, je n’ai de santé que les fêtes et les dimanches, encore ne marché-jepas trop sûrement. (Danc.)

— Antiq. rom. Fastes consulaires, Tables de marbre trouvées à Rome, et qui contiennent les noms des rois, des consuls, des tribuns militaires ayant pouvoir de consuls, des dictateurs, des censeurs et des maîtres de la cavalerie, jusqu’à l’an de Rome 754.

— Numism. Médailles consulaires, ou s. f. Consulaires, Celles qui ont été frappées vers le temps de Marius, de Sylla, de César, pour célébrer un fait propre à illustrer quelque famille. Il Afommies consuinires, ou s. f. Consulettres, Monnaies romaines frappées sous la république, qui était administrée par des consuls. On les appelle aussi monnaies des familles romaines, parce que les membres des principales familles de Rome y figurent comme consuls.

— Blas. Hache consulaire, Hache entourée d’un faisceau de verges, comme celles que l’on portait devant les consuls romains.

— s. m. Titre donné, dans le moyen âge, aux lieutenants impériaux qui administraient les provinces sous l’autorité du vicaire diocésain.

— s. f. Hist. Pièce de canon à la bouche de laquelle le dey d’Alger fit attacher le consul de FraDce, et qui est aujourd’hui dressée comme une colonne monumentale sur la place d’armes de Brest.

— Encycl. Numism. Médailles et monnaies consulaires. Les monnaies consulaires sont nombreuses et extrêmement variées. La plupart sont d’argent, mais il y en a aussi d’or et de bronze. On en connaît peu des trois métaux pour chaque famille. Il est rare que ces pièces aient été fabriquées par l’ordre ou du. vivant des personnages dont elles portent les noms. Ces noms y ont été placés d’après les instructions des triumvirs monétaires et du préteur urbain, qui, ayant dans leurs attributions la partie iconographique du monnayage, ont voulu perpétuer le souvenir de leurs ancêtres ou celui des personnes auxquelles ils étaient attachés par des liens de reconnaissance ou d’intérêt. La même observation s’applique aux efrigies, telles que celles des rois de Kome, de Regulus, de Marius, de Sylla, de l.ucullus, des Scipions, etc., que l’on remarque sur certaines consulaires, Jules César, le premier, osa se faire représenter, de son vivant, sur les produits du monnayage, et cette innovation fut adoptée par ceux qui se disputèrent le pouvoir jusqu’à Auguste, même par Marcus Junius Brutus, l’un des meurtriers du dictateur. Les monnaies consulaires n’ayant aucune marque qui indique l’époque de la fabrication, il est impossible d’en faire une classification chronologique ; on les range suivant l’ordre alphabétique des noms de famille.

Ou a publié une foule d’ouvrages sur les monnaies consulaires. Les plus complets, et, par conséquent, ceux qui permettent de se passer do tous les autres, sont les suivants :

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Riccio, Le monete délie antiche famiglie d :. Borna (Naples, 1843, in-4o) ; Cohen, Description générale des monnaies de la république romaine (Paris, 1857, in-4o).

— Hist. Fastes consulaires. V. fastes.

CONSULAIREMENT adv. (kon-su-lai-re-man — rad. consulaire). Suivant l’usage, à la manière des juges-consuls : Demande jugée CONSULAIREMENT. (Acad.)


CONSULARITÉ s. f. (kon-su-la-ri-té — rad. consulaire) Dignité des consuls honoraires sous les empereurs romains : Ceux qui obtenaient le titre de consuls, sans en exercer les fonctions, avaient la consularité et non le consulat. (Complém. de l’Acad.)


CONSULAT s. m. (kon-su-la — lat. consulatus ; de consul. Hist. rom. Titre, dignité de consul, gouvernement consulaire : À Rome, le consulat était la première des dignités. Vous me citerez Caton qui demanda le consulat : ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux. (P.-L. Courier.)

On ne voit point l’or seul présider au sénat,

Et de profanes lois fixer lo conszUat.

Corneille.

Les Parthes, les Persans veulent des souverains,

Et le seul consulat est bon pour les Romains.

Corneille.

Il Exercice des fonctions de consul : Le consulat de Cicéron fut assez troublé. Cicéron disait de Caninius Jtéoélius, qui n’avait été consul qu’un seul jour : Nous avons un consul si vigilant, qu’il n’a pas dormi wie seule nuit pendant son. consulat.

—Hist. mod. Titre de consul de la République française ; gouvernement consulaire établi par-la constitution do l’an VIII. Histoire du consulat. Dès les premiers jours de l’avénement de Bonaparte au consulat, ses alentours savaient déjà de quelle façon il fallait s’y prendre pour lui plaire. (Ml, le de tjUiCl.) Le consulat fut une restauration. (M»’" de Staël.) || Fonction de consul dans un port étranger : Le consulat de Shiyrne. Le consulat britannique à Bordeaux. Il Résidence de consul : Aller faire viser son passe-port au consulat. La maison du consulat est bâtie presque au bord de la mer. (Chateaub.)

— Jurispr. Dignité, fonctions de juge-consul. Il Consulat de la mer, Code maritime obligatoire sur la Méditerranée, durant le moyen âge, et dont la rédaction est attribuée aux Catalans : Les lois d’Oleron sont tirées principalement du consulat de la mer. (Complém. de l’Acad.)

— Mar. Déclarations et rapports de mer que tout capitaine est tenu de faire par-devant le consul de sanation, à son arrivée dans un port étranger.


CONSULAT (LE). On donne ce nom à la période de notre histoire moderne qui s’étend du 18 brumaire an VIII (9 nov. 1799) à l’établissement de l’empire (18 mai 1804). On ne l’ignore point, le consulat, c’est déjà le gouvernement personnel de Napoléon, c’est déjà l’empire ; la République n’existait plus que de nom ; l’institution s’absorbait dans l’homme, qui, sous la fiction d’un titre de magistrature romaine, exerçait en réalité la plénitude du pouvoir, la dictature ; le drame de la Révolution se terminait comme les républiques italiennes, par l’établissement d’une seigneurie. Victor Hugo a vigoureusement esquissé la physionomie de ce temps en quelques vers bien connus :

.... Rome remplaçait Sparte ;
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte ;
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l’empereur brisait le masque étroit.

Dans notre article Bonaparte, nous n’avons étudié l’homme, nous ne l’avons envisagé, que comme général de la République, et, conséquemment. nous nous sommes arrêtés après le récit du coup d’État des 18-19 brumaire. À dater de ce moment, c’est en effet une ère nouvelle qui s’ouvre pour la France, une autre phase de la vie du moderne César. C’est donc ici que nous avons à décrire les développements de cette prodigieuse existence, dont on trouvera l’épanouissement complet et la conclusion à l’article Napoléon Ier.

On sait que les vainqueurs de Saint-Cloud avaient fait rendre par un conciliabule de quelques députés, complices ou gagnés, une loi qui instituait trois consuls provisoires chargés de réorganiser la République et de préparer une constitution. Le 20 brumaire, à cinq heures du matin, ces magistrats improvisés, Bonaparte, Sieyès et Roger-Ducos, quittèrent Saint-Cloud et vinrent s’installer au palais du Luxembourg, qui avait été la résidence officielle du Directoire. Dès leur première séance, le général prit plutôt qu’il ne reçut la présidence, et se dessina comme le maître réel de la situation, non sans un amer dépit de Sieyès, qui se croyait destiné au rôle prépondérant et se regardait comme l’héritier naturel du gouvernement renversé. Toutefois, sa réputation de métaphysicien politique le désignait évidemment comme le législateur du coup d’État. Ce fut lui, en effet, qui fut chargé d’élaborer la nouvelle constitution.

La commission consulaire, qui craignait quelque tentative de résistance du parti républicain, organisa rapidement son gouvernement, et, pour s’attacher les classes riches et les débris des factions royalistes, abolit l’emprunt forcé et la loi des otages, qui plaçait