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et indisciplinée, qui ne sait plus que perdre des batailles ; ce n’est pas encore la. royauté. Le roi Jean est prisonnier à Londres. Le Dauphin, ce pâle jeune homme qui a ramassé le sceptre tombé sur le champ de bataille de Poitiers, le trouve trop lourd pour sa main débile, et le dépose sur la table des états généraux. À l’ouverture de ces états, la noblesse, anéantie et comme écrasée sous le poids de sa honte, déclare son impuissance. Anglais, Navarrais, troupes de chevaliers et compagnies d’aventure ravagent le territoire. La consternation est universelle. Qui donc sauvera l’État ? Les communes. Là, dans ces asiles fortifiés, et mieux défendus encore par le courage de leurs habitants que par leurs murailles, se sont réfugiés les lumières, les richesses, le patriotisme, !a vie. La on sent encore battre le cœur de la France. À Reims, la ville sainte où l’on sacre les rois, les bourgeois repoussent pendant deux mois les assauts de l’année anglaise, préparent sa ruine prochaine et effacent à demi la tache d’e Poitiers. Pour la première fois, enfin, apparaît sur la scène politique une ville qui n’en disparaîtra plus. Sans posséder le titre de commune, Paris est la commune par excellence. La cité reine, qui a grandi pendant une longue minorité sous la tutelle de nos rois, se déclare majeure enfin, et devient, à elle seule, un nouveau pouvoir dans l’État, pouvoir très-irréguUer sans doute/mais très-réel, qui dans les crises supplée à tous les autres, mais avec iequet tous les gouvernements devront compter désormais.

Vectigal dans le principe, et municipe vers la fin du ivc siècle seulement, Paris, sous l’empire, était compris dans la province Lyonnaise, et ne jouissait alors d’aucune des prérogatives propres à favoriser le développement d’une cité. Son accroissement n’en fut pas moins très-rapide, grâce à sa position insulaire au sein d’un fleuve navigable qui traverse de riches territoires. Au vio siècle, son importance était déjà telle, que, dans le partage des États de leur père, les quatre fils de Clotaire l’r laissèrent indivise entre eux cette ville exceptionnelle et s’interdirent même la l’acuité d’y entrer isolément. L’an 884, Paris devint fief héréditaire d’un comte, et ne fut réuni à la couronne de France que cent cinquante ans après, sous le règne de Henri l’r. 13e cette dernière époque date sa merveilleuse prospérité.

La plus ancienne organisation municipale de Paris était un corps de commerçants {marchands de l’eau, nautee parisienses, et, plus tard, hanse parisienne). Le chef de cette corporation prenait le titre de prévôt des marchands. Il avait la police des ports, et présidait un siège de justice, dit le parloir aux bourgeois, ou la maison de la marchandise. Mais la riche et puissante cité devenant ta capitale définitive du royaume et la résidence ordinaire du roi, la magistrature populaire du prévôt des marchands, plus commerciale d’ailleurs que politique, dut céder le pas à une institution supérieure, qui relevât plus directement de l’autorité royale. Le prévôt de Paris était un grand personnage. Il avait hérité de tous les pouvoirs des anciens comtes, et ne reconnaissait d’autre chef hiérarchique que le roi lui-même et son conseil, et, plus tard, le parlement. À ce poste de haute confiance ne parvenaient que des hommes d’un mérite reconnu et d’une fidélité non douteuse. Depuis ces temps reculés jusqu’à nos jours, l’administration de Paris n’a cessé d’être régie par des lois particulières.

Les rois de France aimaient alors leur fille aînée, cette bonne grande ville de Paris, si industrieuse, si riche et si docile, que jamais un murmure n’y avait troublé leur repos. Philippe-Auguste favorise lahanse parisienne. Il lui construit des ports et des entrepôts ; il lui concède un péage sur la navigation ; il lui cède les criées et la petite justice ; il appelle volontiers dans ses conseils les bourgeois de Paris, et, quand il part pour la croisade, c’est à leur probité qu’il confie sa fortune personnelle. Au siècle suivant, sous le despotisme intelligent de Philippe le Bel, Paris, siège d’un parlement déjà redoutable et d’une savante université, n’est plus une ville comme une autre ; c’est la tète d’un corps politique, c’est le cerveau de la France, où fermentent les idées de l’avenir. Vienne une occasion^ un grand danger, une de ces tourmentes ou la main d’un pilote inexpérimenté laisse tomber le gouvernail, c’est Paris qui le ramassera. Nous verrons alors Paris roi de France, et parfois un simple bourgeois roi de Paris : royauté d’un jour, passagère comme la tempête, mais qui, dans les grandes crises, maintient l’unité nationale et sauve le pays.

En l’an de malheur 1355, le prévôt des marchands s’appelait Étienne Marcel, et ce nom, illustre entre tous, était porté par un homme aux idées larges, aux vues supérieures, aussi hardi dans le conseil que résolu dans l’exécution. Avec Étienne Murcel, c’était la bourgeoisie en personne, c’était la commune de Paris qui présidait les états généraux. En le plaçant à. leur tête, les quatre cents députés des villes avaient en quelque sorte cburonné dans son héroïque représentant le pouvoir municipal.

Il y parut bien lorsque les états, effrayés des graves mesures qu’ils avaient votées, résignèrent leur mandat ; lorsque la commission des Trente-Six, bien qu’émanée de la portion la plus énergique dos états, désurta sou poste.

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Dans cette confusion extrême, il n’y eut plus qu’un seul souverain, le prévôt des marchands.

Arrêtons-nous maintenant sur cette figure imposante, sur ce précurseur des grands révolutionnaires d’une époque récente, et tellement semblable au-plus fier d’entre eux que, dans la perspective fuyante des âges, on pourrait les oonfondre. On a souvent comparé notre Marcel au Marcel flamand, Jacques d’Artevelde, qui, peu d’années auparavant, dans des circonstances non moins critiques, avait, lui aussi, usurpé le pouvoir souverain et élevé à la hauteur d’un trône le banc d’un magistrat municipal ; et si le succès décidait du mérite, l’avantage resterait, il faut en convenir, au héros gantois, dont l’œuvre survécut à Sa chute ; mais si d’Artevelde était à la hauteur de son temps, Marcel dépassait le sien de quatre siècles. Et puis, quelle différence dans les situations ! Lorsque parut le fameux brasseur, les villes de Flandre, quoique vaincues à Cassel, tressaillaient encore d’orgueil au souvenir de Courtrai. Des deux rois qui se disputaient leur pays, les Flamands en avaient un dans leur alliance, et ce n’était pas alors le moins puissant. Unies jusqu’alors par l’identité de vues, d’intérêts et de périls, les grandes communes du Nord s’étaient de plus exercées depuis longtemps a la pratique de la liberté dans les orages de la vie politique, et ce n’était plus une nouveauté pour elles qu’une révolte contre le souverain légitime. Enfin, pour asseoir solidement son autorité, il suffisait au réformateur gantois d’en élargir la base en l’étendant jusqu’aux extrêmes limites dé la démocratie. Kn France, les difficultés étaient bien autres. Poiliers avait été précédé de Crécy, et le découragement avait gagné les plus intrépides. Ce n’était pas un roi seulement que Marcel avait à combattre, c’étaient deux rois, et même trois, car il faut bien compter aussi parmi ses ennemis ce méchant roi de Navarre, cet allié de hasard qui l’abandonna et causa sa perte. Les villes de Flandre avaient formé entre elles une ligue puissante. Paris restait isolé, et l’autorité de Marcel ne s’étendit jamais au delà des faubourgs. Les tisserands de Gand avaient déjà essayé plus d’une fois leurs maillets sur les cottes de mailles ; les. paisibles artisans de Paris ne connaissaient pas encore la force de leurs chaînes et de leurs barricades. Enfin, il s’agissait bien ici de libertés municipales à sauver ! C’était un État, un grand État qu’il fallait tirer de l’abîme, une société disloquée à reconstituer politiquement du faite à la buse. Cette tâche surhumaine, à laquelle s’usa plus tard, et dans un temps plus éclairé, toute une génération d’athlètes, Étienne Marcel osa l’entreprendre tout seul, en pleine anarchie, en pleines ténèbres : c’est sa gloire ; et, s’il y échoua, c’est qu’on ne fait pas impunément violence à l’histoire, et que, de son temps, aucune puissance humaine n’y eût réussi.

Sous la vigoureuse impulsion de Marcel, les états généraux, s’érigeant en assemblée constituante, avaient décrété l’égalité politique, l’abolition des privilèges, l’universalisation de l’impôt, l’armement des citoyens en masse, la permanence des assemblées nationales et une réforme complète de la justice et de l’administration. C’était toute une révolution. Quand on se reporte au chaos des temps, on tombe de stupéfaction à voir des bourgeois, fils de serfs, s’élever d’un bond à une si haute conception du droit public ; mais restait la mise en œuvre. Or ici, il faut bien le dire, était-ce une conception organique sérieuse et surtout opportune que cette fameuse ordonnance de 1357, qui désarmait la royauté siins la remplacer, au moment où le salut de l’État dépendait de la plus énergique concentration de pouvoirs ? Non. Les meilleurs remèdes appliqués à contre-temps tuent le malade, et les réformes prématurées du xivc siècle n’étaient que l’inspiration du désespoir.

Trois ordres divisés d’origine, d’intérêts, de sentiments, d’opinions ; des états provinciaux contrecarrant, par esprit de localité, les mesures générales ; un peuple ivre de misère et de fureur, errant comme des bandes de loups affamés et rendant guerre pour guerre, victimes pour victimes, étaient-ce donc la des éléments de gouvernement ? Non ; et le prévôt des marchands n’eut pas la folie d’y croire. Malgré ses méfiances trop justifiées, et même après l’avoir humilié de son chaperon bleu et rouge, c’est au dauphin qu’il se rattache ; c’est avec son protégé frémissant de rage qu’il essaye encore de gouverner. Le dauphin s’enfuit de Paris et casse ses propres ordonnances. Marcel appelle le Navarrais : mesure imprudente, mais qui témoigne encore de son respect pour le principe monarchique et d’un vif sentiment de l’unité politique. Charles le Mauvais le trahit et passe à l’ennemi. C’est alors, alors seulement, que l’indomptable prévôt, abandonné des états, suspect à la haute bourgeoisie, sans appui, sans vivres, sans garnison, se met en pleine révolte, redouble d’activité, fait tendre les chaînes, creuser des fossés et se retranche enfin dans sa dernière forteresse, la maison de ville, en conviant Paris au salut de la France. C’était une faute. Paris n’avait pas encore conquis sur les provinces assez d’empire pour leur imposer sa volonté. Et si, par l’esprit étroit d’égo’i’sme local qui régnait alors, chaque ville eût imité la capitale, la nationalité française eût couru de grands hasards. Marcel s’y trompa, et après lui bien d’autres, et les Cabochiens et la Ligue et la Fronde. Mais le bon sens populaire

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ne suivit pas le chef dans sa tentative aventureuse. Les mêmes bourgeois, qui avaient juré de viure et mourir à bonne fin avec le prévôt, l’abandonnèrent, et il succomba ; mais ce ne fut pas sans avoir imprimé à l’esprit public une secousse qui se fit sentir longtemps.

Nous ne décrirons pas la réaction et l’affaissement qui suivirent la chute du prévôt des marchands. Paris consterné ne se releva de sa stupeur qu’à la mort de Charles V ; mais il fut vaincu une seconde fois et sans avoir combaftu. Les franchises municipales de Paris et des autres grandes comntunes tombèrent avec les bannières flamandes aux champs de Rosebecque. Cette fois, la réaction tint de la rage. Prévôt, échevins, greffiers, centeniers, quarteniers, dizainiers, syndics des corporations, tout fut supprimé à la fois au bruit des supplices. En 1407, Jean sans Peur restitua aux bourgeois de Paris leurs franchises, qui furent compromises de nouveau, cinq ans après, par le triomphe passager des Armagnacs. Mais déjà l’histoire de Paris est devenue l’histoire de France, et on ne saurait plus voir dans la Capitale du royaume une simple municipalité.

Au xvic siècle, l’esprit communal, éteint en Italie, affaibli dans le Nord, lutte péniblement en France contre les empiétements du pouvoir absolu. Il en est de même dans l’Europe continentale. Nous allons, pour compléter le tableau, jeter un coup d’œil sur l’Allemagne et sur la péninsule ibérique.

Jusqu’au xe siècle, les villes furent rares en Allemagne. Seules les provinces autrefois romaines, les bords du Rhin, l’Alsace, l’Helvétie et les contrées au sud du Danube avaient conservé quelques vestiges de leurs anciens municipes. Deux grandes cités, Cologne et Strasbourg, étaient dans ce cas. On possède encore une charte de cette dernière ville de l’an 9S0, en lis articles, dont les sages dispositions feraient honneur à un grand État. La population est divisée en vingt-deux tribus, dont deux de nobles et vingt de bourgeois et artisans, divisés en corps se métiers : organisation qui a résisté n bien des crises, parce qu’elle assurait la prépondérance-aux classes chez lesquelles s’incarne l’instinct d’ordre et de conservation.

Mais, dans les pays jadis indomptés, Bavière, iSouabe, Francouie, Saxe (entre le Rhin et l’Elbe), Frise (côtes de la mer du Nord et de la Hollande), la population, tout aux occupations agricoles, vivait soit dans des villages ouverts, soit dans des fermes isolées, comme on en trouve encore en Westphalic. L’Allemagne avait à cette époque pour limite orientale le cours de l’Elbe, de la Saale, de l’Inn et la forêt de Bohême. Au delà do cette frontière habitaient les Slaves (Wendes au nord, Windès au sud, Tchèques en Bohême), dont lus postes avancés atteignaient Lunebourg en Hanovre, Altenbourg en Thuringe et Bumberg on Franconie.

On considéra en Allemagne le roi Henri l’Oiseleur, de la maison de Saxe (919-930), comme le fondateur des villes. Il ne fit cependant qu’attirer par des privilèges les populations dans les lieux fortifiés pour se garantir des incursions des Madgyares. Ces ennemis une fois domptés par lui et par son fils Othon le Grand, les villes auraient cessé d’être, si d’autres causes n’avaient prolongé leur existence.

Le commerce s’était relevé de sa longue décadence. En Italie et en Flandre, on voyait poindre l’ère des grandes communes. Les Anglo-Saxons émergeaient de la barbarie. Lo

Nord Scandinave s’ouvrait peu à peu au christianisme et à la civilisation. À l’est de la Baltique, enfin, l’empire russe venait d’être fondé. Placée entre ces contrées, dont les unes commençaient à produire et d’autres à consommer, l’Allemagne, qui ollrait d’ailleurs une certaine unité de gouvernement et une tranquillité relative, devint la route naturelle des échanges, d’autant plus que l’anarchie féodale éloignait de la France le commerce de transit. De plus, l’industrie s’y était créée aux leçons d’artisans étrangers attirés par des évêques intelligents. Peu à peu l’Allemagne devint le centre d’un commerce immense qui suivait trois routes principales : de la Lombardie en Flandre et en Angleterre, par le Rhin ; de la Vénétie à la mer Baltique, par le Tyrol, Augsbourg, Nuremberg, Brunswick et Liibeck ; de Bavière en Hongrie, par le Danube. Ce mouvement profita aux villes existantes et en créa de nouvelles. Outre celles que nous venons de citer, Bâle, Worms, Cologne, Aix-la-Chapelle, Lunebourg, Francfort-sur-le-Mein, Dortmund en Westphalie

devinrent de bonne heure des villes libres et de grands centres de civilisation.

La querelle du sacerdoce et do l’empire eut pour résultat, en Allemagne comme en Italie, l’indépendance des cités ; mais, tandis que dans la péninsule les grandes communes, pour la plupart, soutinrent le saint-siége, en Germanie elles se déclarèrent pour l’empereur. Worms et Cologne prirent la tête du mouvement, et soutinrent vigoureusement Henri IV Contre Rome et le clergé. Elles en furent récompensées par le privilège de ne relever que de l’empereur (d’être immédiates, en termes de droit germanique). Ce privilège s’étendit parla suite à un grand nombre de villes et même à de simples villages, et la bourgeoisie des cités libres et impériales resta fidèle h ses traditions jusqu’à l’époque où, avec les Hohenstauffen, tomba l’antique monarchie allemande. Le rôle de l’empereur, vis-à-vis dos communes,

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avait été, avec plus de sincérité peut-être, analogue à celui des rois de France. Mais, dans la période suivante, depuis le milieu du xme siècle jusqu’à la Réforme, les empereurs, h de rares exceptions près, ne se considérèrent plus comme magistrats justiciers, et cherchèrent à étendre leur pouvoir dynastique aux dépens des cités comme des princes de l’empire. Alors se rompit la vieille alliance de la bourgeoisie et de la couronne, et, dans la décomposition générale, les villes cherchèrent leur salut dans dos confédérations. Peu après l’émancipation des cantons suisses, on put croire que les villes du sud-ouest triompheraient des princes et do la noblesse, A cette époque où la féodalité, partout aux prises avec les commîmes, les écrase à Cassel et à Rosebecque, la ligue des cités rhénanes soutient contre elle une lutte d’un demi-siècle, où la victoire resta indécise. La noblosse put troubler le commerce des cités, mais non le détruire. C’est même à dater de ce moment que la Ligue hanséatique prit les plus gigantesques proportions.

Lu hanse était une alliance offensive et défensive des villes unies par les intérêts de leur négoce. Elle s’étendit bien au delà des villes de l’Allemagne : Bergen en Norvège, Danzig, Riga, Novogorod y étaient affiliées, de même que Cologne, Louvuin et d’autres villes de l’intérieur des terres. La confédération avait ses Hottes, ses années, ses trésors communs. Ses assemblées se tenaient généralement à Liibeck, ville aujourd’hui décime, mais qui était alors la plus puissante des places maritimes, et qui dominait tout le commerce avec les pays slaves et Scandinaves. On la voit encore au commencement du xvie siècle en guerre avec le Danemark et décidant par ses flottes les destinées du Nord.

Mais la guerre de Trente ans devait anéantir la gloire et la puissance des villes libres. À l’exception de Cologne et d’Aix-la-Chapelle, restées catholiques, et d’Augsbourg, qu’on peut considérer comme mixte, toutes les grandes communes immédiates avaient adopté la réforme religieuse. Le commerce s’enfuit do l’Allemagne, théâtre d’une guerre dévastatrice, et prit le chemin de la France, où l’attirait une sécurité plus grande, à l’ombre du despotisme monarchique. La Hollande et l’Angleterre héritèrent de la Ligue hunséatique, dont la dissolution avait été prononcée dans une dernière assemblée tenue à Brème en 1G30. Brème. Hambourg, Liibeck et Danzig y restèrent seules fidèles à l’antique union. Novogorod, la grande commune slave, Novogorod la Sainte, l’asile de la liberté dans le Nord, était tombée sous les coups d’Ivan Wasilievitch, après avoir perdu sur la brèche ou par la famine les trois quarts de ses habitants. Strulsund, Riga, Weimar étaient dovenues suédoises. Quand Magdebourg, détruite par Tilly, se releva de ses ruines, ce ne fut plus comme ville libre, mais sous la domination brandebourgeoise. Augsbourg, qui avait compté 90,000 habitants, était réduites à s,000, et Nuremberg complètement ruinée.

Pour terminer sans l’interrompre ce rapide aperçu historique, nous devons ajouter que la révolution politique inaugurée par les traités de Westphalie fut loin de profiter aux libertés communales. Une fois l’autorité impériale réduite à un vain fantôme, les princes allemands, dont les territoires s’étatont arrondis et la domination consolidée, portèrent les derniers coups aux villes libres. Worms et Spire furent détruites par les armées de Louis XIV. Manheim recueillit leurs dépouilles. Strasbourg et les autres villes impériales de l’Alsace se détachèrent de l’empire, et, jusqu’à la Révolution française, les communes n’ont plus joué de rôle en Allemagne. Elles végétèrent plutôt qu’elles ne vécurent jusqu’au jour où les jeux de la conquête vinrent les incorporer aux territoires princiers.

Mais telle est la force des traditions libérales, que l’annexion aux États souverains des villes autrefois libres, si misérable que fût devenue leur existence, fut d’une grande valeur pour ces États eux-mêmes : elle apporta un précieux élément d’indépendance, fruit d’une longue autonomie, et dont il serait facile, aujourd’hui encore, de reconnaître l’origine.

Depuis la chute de l’empire romain, les destinées des peuples européens sont tellement solidaires que leurs annales ne forment pour ainsi dire qu’une seule histoire. Il ne s’y produit nulle part un grand événement qui n’ait aussitôt et partout son retentissement. Un seul pays fait exception à la règle générale. Séparée des autres États, moins par l’épaisseur des Pyrénées que par le caractère particulier do ses habitants, 1 Espagne, jusqu’au xvie siècle, ne participa point au mouvement général du continent. Tout en conservant jusqu’à un certain point l’originalité de leur physionomie, les autres peuples en ont adouci ou modifié lus traits au frottement des relations sociales. L’Espagnol de nos jours est encore le Celtibère des Romains. Les institutions romaines ont glissé sur lui sans l’entamer. Les lois visigothes n’y ont pas jeté de profondes racines. Bien plus, huit siècles de domination arabe y ont passé comme un fait accidentel, comme les vagues qui, en se retirant, ne laissent aucune trace sur le rivage des mers. L’Espagne enfin a eu aussi ses chartes municipales ; mais ses commîmes ne procèdent pas de la même origine que les autres. En Italio la première commune est un comptoir ; en