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bique de l’ancienne littérature. (E. Littré.) La langue générale du Pentateuque est l’hébreu classique. (Renan.) À l’époque classique de l’hébreu, il s’établit une langue des livres. (Renan.)

— Se dit particulièrement, et par opposition h. romantique, de ce qui est fondé sur l’imitation de 1 antiquité grecque et latine, telle surtout que l’ont pratiquée les écrivains du xvue siècle : Aujourd’hui, ceux qui sont classiques n’osent plus l’avouer. Ponsard vient d’écrire un drame en «ers classiques. Le genre classique de David nous rebute par sa froideur.

— Fam. Qui est conforme à la règle, à l’usage, aux principes : Il connaît la manière classique de saluer. Là, tous nos sens furent envahis par l’apparition du déjeuner le plus séduisant, d’un déjeuner vraiment classique. (Brill.-Sav.) u Se dit aussi d’une personne qui observe ponctuellement les règles de l’art qu’elle pratique : Carême était classique à ton fourneau et romantique la plume à la main. (Roques.) Il Oui est passé dans les mœurs, dans tes habitudes, qui est reçu et comme consacré : Après auoir fini leur droit, ils employaient les vacances au classique voyage de la Suisse. (Balz.)

— Qui est d’une régularité absolue, et qui a quelque chose de compassé : Je la voudrais moins parfaite, moins majestueuse, moins classique. (G. Saud.) Un plumeau surmonté d’une volumineuse touffe de plumes noires était planté sur le côté de cette coiffure, dont il rompait agréablement les lignes peut-être trop classiques. (E. Sue.)

Terre ou sol classique, Pays considéré comme le centre, le foyer, la patrie d’une institution, d’un usage, d’une activité quelconque : La Grèce est la terre classique des beaux-arts. La Belgique est le sol classique de la contrefaçon. La Grèce était pour les Itomains la terris classique de la liberté. (Michelet.) L’Italie est la terre classique du macaroni. (Scribe.) L’Angleterre est la terris classique de la liberté. (Ë. Seherer.) L’Allemagne passe pour être la terre classique du fantastique. (G. Saml.) Il Absol. : Terre classique, Grèce ou Italie antique.

— Techn. Se dit, en termes de tissage, de toutes les étoffes dont l’entente et les dispositions ne subissent pas de variations.

— s. m. Genre ou système des écrivains ou des artistes classiques : Le classique n’est que l’expression partielle d’une cioilïsalion usée. (Ch. Nod.) Si Gringoire vivait de nos jours, quel beau-milieu, il tiendrait entre le classique et le romantique ! (V. Hugo.) Le classique et le romantique sont deux points de vue différents du beau réel. (Jouiïroy.)

— Auteur ou livre ancien ou moderne que l’on met entre les mains des élèves pour être traduit, expliqué ou étudié par eux : Les classiques grecs, latins, français.

— Écrivain ou artiste ancien dont les œuvres, universellement admirées, font autorité dans leur genre : Lire, étudier les classiques. Un classique, d’après la définition ordinaire, c’est un auteur ancien, déjà consacré dans l’admiration, et qui fait autorité dans son genre. (Ste-Beuve.) It l’artisan de l’imitation des anciens, telle que l’ont recommandée et pratiquée les écrivains du xvn« siècle : Les romantiques se composent de jeunes gens, et les classiques sont des perruques : les romantiques l’emporteront. (Balz.) Les classiques, si maltraités jadis, ont enfin vu venir le jour des représailles. (Prévost-Paradol.)

— Antonyme. Romantique.

— Encycl. Littér, Qu’est-ce qu’une littérature classique ? voilà une question qu’on a souvent agitée et qu’on n’a pas encore impartialement résolue. Aujourd’hui que la fameuse querelle des romantiques et des classiques est tout à fait apaisée, il sera peut-être moins dangereux et plus facile de discuter cette question sans parti pris. Essayons d’indiquer compendieusement les principaux caractères d’une littérature classique.

Et d’abord d’où vient ce mot ? Un auteur classique (clussicus auctor), nous dit Aulu-Gelle, est un auteur de première classe, .de premier ordre. On voit que le mot a changé de sens en passantdans notre langue. En effet, on dit souvent chez nous qu’un auteur classique est celui qu’on lit ou qu’on traduit dans les classes. Mais faut-il restreindre ainsi la portée du mot classique ? Non. Disons que, pour nous, un ouvrage classique est un ouvrage qui approche le plus possible de la perfection de 1 art.

Mais qu’est-ce que la perfection en littérature ? Nous répondrons avec Hegel : c’est le rapport adéquat du fond et de 1» forme, de la pensée et de l’expression. Une œuvre classique, c’est donc celle où nous pouvons rencontrer cette harmonie parfaite, ce juste équilibre entre le fond et la forme, entre les pensées qui sont comme l’âme de l’écrivain et l’expression qui est le corps dont il les revêt. Dire de bonnes choses ne suffit pas : pour qu’elles soient immortelles, pour qu elles deviennent classiques, il faut les dire bien.

Sortons de l’abstraction : consultons l’histoire et voyons si les faits sont d’accord avec notre théorie. Il y a trois siècles réputés classiques. Cette harmonie, ce rapport adéquat entre le fond et la forme n’est-il point le caractère dominant des ouvrages qu’ont produits les siècles de Périclès, d’Auguste et de

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Louis XIV ? Sophocle et Platon, Virgila et Horace, Bossuet, Racine, La Fontaine, Molière, ne sont-ils pas immortels parce qu’on trouve dans leurs écrits un style toujours à la hauteur de la pensée ? N’est-ce point l’éloge qu’on leur prodigue sans cesse ? Il est devenu banal à force d’être vrai : tant pis, il faut le répéter encore ; car chercher ailleurs le secret de leur génie et de leur éternelle jeu» nesse, ce serait aveuglement.

Mais ce rapport entre la forme et le fond, il y a des peuples qui ne l’atteignent jamais : c’est-à-dire qu’il y a des peuples qui n’ont pas eu et n’auront jamais de littérature classique. Et il en est des arts comme des lettres. Il y a un art classique, comme une littérature classique ; mais certains peuples n’ont pu avoir ni l’un ni l’autve. Voyoz les Égyptiens : leur art est resté toujours imparfait. Jamais ils n’ont su allier leurs grandes conceptions à une forme achevée. Ils avaient le sens du gigantesque et du terrible. Ils ont fait des colosses, comme les Assyriens, mais n’ont jamais fait des statues (spirantiaœra) comme les Grecs. Ceux-ci, au contraire, ont tout de suite atteint la perfection de l’art, c’est-à-dire la proportion ; ils ont su rendre avec le marbre toute la beauté du corps humain, sans le grossir outre mesure. Rien de trop, telle fut leur devise : Mêden agan ! Et ils ont fait de même en littérature. Us n’ont été ni en deçà ni au delà de la vérité ; est-ce à dire qu’il n’y ait jamais eu de grandes inspirations et d’heureuses natures chez les autres peuples ? Non ; mais à ceux-là l’instrument a manqué : ils avaient îe génie et n’avaient point l’art ; ils ne savaient point traduire leurs pensées, soit que la langue dont ils disposaient fût encore informe et grossière, soit que les procédés de l’art ne leur fussent pas connus. C’est ce qui est arrivé à Ermius, à Névius, par exemple, et aux poètes du moyen âge. Mais, s’il iaut atteindre la proportion, il ne faut pas la dépasser ; et c’est ce que l’on peut reprocher aux âges dits romantiques, ou de décadence. Lucain ne se contente pas de l’expression simple, juste, qui répond exactement à sa pensée. Il veut plus : il veut trop. C’est ce qui arrive parfois aussi à Lope de Vega, à Byron, à Shakspeare lui-même, et pour aller jusqu’aux auteurs contemporains, à V. Hugo.

Poursuivons notre étude, et cherchons les autres caractères d’une littérature classique. Si l’harmonie delà forme et du fond est indispensable, l’équilibre de l’imagination et de la raison n’est pas moins nécessaire. Il ne suffit pas de concevoir de grandes choses, il faut qu’elles soient vraisemblables et sensées. Tel peuple, telle époque a eu l’imagination, mais n’a pas eu la raison ; elle a enfanté beaucoup d’eeuvres originales, qui surprennent, qui étonnent, qui attachent et intéressent par endroits, mais qui ne sont pas classiques, parce que l’imagination déréglée a présidé seule à leur production. C’est le cas des vieilles épopées de l’Inde, du Mahabaratha, ân Ramayana, etc. Quelle richesse de conception ! quelle abondance ! mais aussi quel désordre et quelle extravagance parfois ! On croit d’abord être emporté dans un rêve étrange, mais non sans charme, et puis le rêve se transforme bientôt en cauchemar ; cette lecture devient fatigante : on ferme le livre. Pas de raison, partant pas de vérité. Boileau l’a dit en deux vers souvent cités et qui pourraient servir de devise au classique ;

Aimez donc la raison, que toujours vos écrits Empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prii.

Un autre caractère des époques et des littératures classiques, c’est d !e reconnaître la souveraineté du goût. Le goût, c’est-à-dire le sens du beau, de la proportion, de la mesure, n’existe pas dans les âges de formation et n’existe plus dans les âges de décadence. Au temps d’Ennius, au moyen âge, le goût n’est pas encore formé ; au temps de Lucain, il est déformé et dégradé. Au contraire, pendant le siècle d’Auguste comme pendant le siècle de Louis XIV, « il y a un bon et un mauvais goût, » et tous les écrivains se soumettent au contrôle du public dont ils se reconnaissent justiciables et qui peut les condamner ou les absoudre au nom du goût.

Une autre préoccupation des écrivains classiques, c’est l’amour du vrai et du bien. Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable, Se disent-Us « avec le législateur du Parnasse. » Mais cette vérité qu’ils poursuivent, sera-ce la reproduction exacte, fidèle, de la réalité, c’est-à-dire, pour employer le mot consacré, le réalisme ? Non. L’art et la littérature classiques consistent dans une sage alliance de l’idéal et du réel, mais l’idéal seul ne suffit pas. Il y a une part d’idéal dans les personnages de Raphaël, mais il y a aussi une part de réalité, sans quoi ils ne seraient pas vrais, c’est-à-dire qu’ils ne seraient pas vivants. De même, en littérature, l’art classique est celui qui peint la nature non pas telle qu’elle est, comme le photographe, mais en s’attachant surtout aux traits Tes plus frappants et les plus généraux, comme a fuit Molière.

Voilà ce qu’est l’amour du vrai en littérature : nous avons ajouté l’amour du bien

comme un des caractères des écrivains classiques.

Que le bon soit toujours camarade du beau, a dit. La Fontaine. Il est rare qu’une œuvre immorale soit réellement belle, et, à coup sûr,

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une œuvre immorale ne sera jamais classique. Sans demander à l’écrivain d’être toujours un prédicateur, un moraliste, ce qui répugnerait à certains génies comme à certains genres littéraires, il faut l’avertir qu’il ne saurait être vraiment immortel en faisant l’apologie du vice ou en se complaisant exclusivement dans la peinture du mal.

Tels sont, selon nous, les principaux caractères qui constituent une littérature classique. Enumérons-les pour nous résumer : harmonie du fond et de la forme, équilibre de l’imagination et de la raison, proportion, ’mesure, respect du goût, amour du vrai et du bien, voilà en somme toutes les qualités que l’on • retrouve chez les grands écrivains d’Athènes et de Rome, comme aussi chez nos immortels auteurs classiques.

Donner une liste des auteurs classiques serait une entreprise chimérique. Beaucoup d’écrivains, qui ne peuvent pas être considérés comme de vrais classiques, ont cependant laissé des pages dignes des plus grands maîtres. Rien n est plus difficile que de bâtir un Temple du goût. M. Sainte-Beuve suppose quelque part qu’il est chargé d’en construire un nouveau après Voltaire, et voici les heureux élus qu’il consent a y faire entrer. ■ Homère, dit-il, comme toujours et partout, serait le premier, le plus semolable à un dieu ; mais derrière lui, et tel que le cortège des trois rois mages d’Orient, se verraient ces trois poëtes magnifiques, ces trois Homères longtemps ignorés de nous et qui ont fait, eux aussi, à l’usage des vieux peuples de 1 Asie, des épopées immenses et vénérées, les poètes Valmiki et Vyasa des Indous, et le Firdousi des Persans.... Les Solon, les Hésiode, les Thêognis, les Job, les Salomon (et pourquoi pas Confucius lui-même ?) accueilleraient les plus ingénieux modernes, les La Rochefoucauld et les La Bruyère, lesquels se diraient en les écoutant : « Ils savaient tout ce que

  • nous savons, et, en rajeunissant l’expé

« rience, nous n’avons rien trouvé. ■ Sur la colline la plus en vue, la plus accessible, Virgile, entouré de Ménandre, de Tibulle, de Térence, de Fénelon, se livrerait avec eux à des entretiens d’un grand charme et d’un enchantement sacré. Son doux visage serait éclairé du rayon et coloré dé pudeur, comme ce jour où, entrant au. théâtre de Rome dans le moment qu’on venait d’y réciter ses vers, il vit le peuple se lever tout entier devant lui, par un mouvement unanime, et lui rendre les mêmes hommages qu’à Auguste lui-même. Non loin de lui, et avec le regret d’être séparé d’un ami si cher, Horace présiderait à son tour (autant qu’un poète et qu’un sage peut présider) le groupe des poëtes de la vie civile et de ceux qui ont su causer quoiqu’ils aient chanté. » Nous voudrions pouvoir continuer cette délicieuse citation, et achever avec M. Sainte-Beuve la liste de ces grands génies qui ont tous pour leur part enrichi V esprit humain, qui ont fait faire un pas en avant au monde par leurs écrits. Nous ne reprocherons pas a l’éminent critique d’avoir

ouvert si largement les portes de son Temple du goût ; mais nous regretterons qu’il ait confondu dans sa dissertation, si fine et si spirituelle d’ailleurs, les écrivains classiques avec les hommes de génie. Quelque Sympathie que l’on ressente pour Valmiki, "Vyasa et Firdousi, on ne peut se dissimuler qu’ils ne sont pas et ne seront jamais classiques. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont point de mérite. Mais ils n’ont pas cette mesure, cette proportion ou telle autre des qualités que nous avons énumérées plus haut, et leurs poèmes ne sauraient devenir des livres de chevet, des livres classiques. Il en est de même de beaucoup de nos grands poëtes. Qui oserait jamais soutenir que tout Victor Hugo puisse être classique ? U restera de cet immortel auteur un ou deux volumes où sera exprimée toute la quintessence de son œuvre. C’est déjà beaucoup. On lira encore le reste : mais on le lira une fois, tandis que ce petit recueil exquis, on lereprendrasans cesse avec un nouveau plaisir, comme on reprend sans cesse les grands classiques déjà consacrés par une longue admiration, Homère, Virgile, Horace, La Fontaine, Molière, André Chénier, Musset, dont on ne so fatigue jamais parce qu’ils sont de tous les temps et de tous les pays.

— B.-arts. Classiques et romantiques. Un critique d’art, mort il y a quelques années, après avoir pendant près d un demi - siècle rédigé les articles Beaux-Arts dans le Journal des Débats, M. Delécluze, grand admirateur de David, publia, en 1828, un petit Traité de peinture, suivi d’un vocabulaire où il définissait ainsi les épithètesde classique et de romantique, mises récemment à la mode dans le monde artiste : « Classique. Mot latin d’origine, qui signifie citoyen de première classe. On l’a appliqué aux auteurs de premier rang, et enfin à tous les auteurs de l’untiquité. Depuis quelques années, en France, on désigne par le mot classique tout peintre sans imagination, qui fait profession d’imiter machinalement les ouvrages de la statuaire antique ou ceux des maîtres du xvie siècle. On va même jusqu’à donner ce nom à ceux qui exécutent leurs travaux d’après la théorie et la pratique des anciens. Enfin, on stigmatise particulièrement de ce nom les imitateurs maladroits du peintre David. — Romantique. Mot emprunté à la langue anglaise, où il veut dire sauvage, inculte, romanesque, faux. On ne sait pas encore au

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juste ce que l’on entend k présent par ta peinture romantique. Toutefois ?’par l’inspection comparative des ouvrages faits par les artistes dits romauiigues, on peut juger que, dans leur théorie, le coloris et l’effet sont placés en première ligne parmi les moyens d’imiter et d’agir sur les spectateurs, tandis que l’expression des formes est négligée comme un accessoire presque insignifiant. En conséquence de ce système, les romantiques repoussent l’étude de la perspective, du dessin, de l’anatomie et du modelé, comme.conduisant à des résultats trop mathématiques et contrariant la marche, l’essor du génie. On peut considérer les peintres romantiques comme une secte d’artistes spiritualistes qui oublient que, sans la connaissance des modifications de la matière, il est bien difficile d’exceller dans un art d’imitation. Les épithètes de classique ou de romantique que se donnent les peintres ne sont pas précisément des compliments. • On voit ce que ces définitions ont de spirituellement ironique et de cruel pour la nouvelle école de peinture} or, telle était la colère excitée par les essais romantiques, qu’un organe du classicisme, le Journal des artistes, en rendant compte du livre de M. Delécluze, n’hésita pas à taxer l’auteur d’une indulgence extrême pour ces révolutionnaires de l’art ; et voici en quels termes ce journal (i6 décembre 1827) définit h son tour l’école naissante : « Une école qui a résolu de détrôner le beau, de substituer la nature commune à la nature choisie, de mettre des à-peu-près de forme et de couleur à la place de l’imitation exacte des objets, enfin de remplacer la noblesse et la correction par l’ignoble, moins difficile à atteindre, et par le vague, le négligé, qui ne demandent aucune étude. » Nous verrons tout à l’heure comment les romantiques ripostaient à ces critiques méprisantes ; mais auparavant il* ne sera pas

sans intérêt de remontera l’origine de la querelle. Cette querelle, à dire vrai, est fort ancienne ; elle s’est reproduite à toutes les époques critiques de l’histoire de l’art ; c’est l’éternel antagonisme du style simple et naïf et du grand style, de la couleur et de la forme, du naturalisme et de l’art hiératique, du réalisme et de l’idéalisme, des modernes et des anciens, etc. Nous n’examinerons pas ici toutes les phases de cette lutte interminable ; nous nous bornerons à retracer, d’après les témoignages contemporains, la lutto qui a divisé l’école française, vers les dernières années de la Restauration, et qui a coïncidé avec notre grande révolution littéraire.

Le classicisme naquit du besoin de protester contre les mièvreries et les mensonges pittoresques mis à la mode par Boucher, Vanloo et les autres peintres pornographes, qui avaient fait les délices de la société coicompue du xviii« siècle. Un maître dont lo génie n’est point contestable, David, fut le chef de cette réaction qui avait pour but de ramener l’école française aux sentiments élevés, aux sujets héroïques, à la noblesse des pensées et à la sévérité du style. « Rejetant, de propos délibéré tous les systèmes de peinture dont la France s’était engouée à diverses époques, dit M. Maxime Du Camp, il voulut aller chercher dans l’étude exclusive de l’art antique un point de départ nouveau ; il ne s’inquiéta ni des hommes ni des événements qu’il voyait ; il remonta maladroitement le courant des siècles et «’éprit d’une admiration sans bornes pour des costumes, des attitudes, des mœurs qui n’avaient plus leur raison d’être ; à force de vivre dans le passé, il ne vit plus que le passé ; les faits les plus simples lui apparurent à travers des apothéoses olympiennes ; il oublia toute vérité ; il donna à ses personnages des apparences roides et guindées qui convenaient mieux à la statuaire qu’à la peinture, et, croyant naïvement retrouver la tradition perdue de l’antiquité, il inventa une tradition-nouvelle. Son école fut aussi fausse que celle qu’il détruisait ; mais, en vertu de cette loi fatale des contrastes qui pousse toujours les choses humaines vers les extrêmes, elle devint aussi sérieuse, aussi froide, aussi gourmée que celle qui disparaissait avait été frivole, sémillante et débraillée. Le vrai, qui est le beau dans l’art, ne fut ni pour l’une ni pour l’autre : le tableau des Subines est une toile de convention comme le Voyage de Cytkère ; seulement la convention est différente. Ce fut de ce moment néanmoins, il faut le reconnaître avec sincérité, que data la rénovation de l’école française, égarée depuis longtemps à la recherche d’afféteries sottes et dangereuses. En forçant ses élèves à ne travailler que d’après le modèle, à contempler sans cesse les splendeurs de l’art antique, David sut enrégimenter sous ses ordres des artistes sérieux, qui auraient pu devenir des artistes remarquables s’ils ne s’étaient enfermés dans les règles étroites et comme hiératiques d’une | tradition que nos mœurs ne comportent plus. Mais ils firent abnégation de leur originalité ; ils ne firent que copier servilement des œuvres déjà connues et méritèrent enfin la réaction qui se dressa contre eux à la fin de la Restau-I ration. Ils en étaient arrivés à imiter les an tiques, comme M. de Campistron imitait les « tragédies grecques. Sous prétexte de noblesse,

! ils en vinrent à une froideur si compassée, si

, roide, qu’elle fut ridicule et servit de but aux

! plaisanteries et aux quolibets : ce fut justice ;

I seulement, et comme toujours, la réaction alla trop loin. Non contente, en effet, de pousser vers l’oubli les élèves maladroits de David, elle insulta David lui-même, et le traita de