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nétrèrenfc dans ces établissements, mais sans prendre un caractère particulier ; les cloîtres, /es églises devinrent moins nus, moins dépouillés ; on les décora de peintures qui rappelaient les premiers temps-de l’ordre. la vie de ses fondateurs. Les chartreuses «eurent aucune influence sur l’art de l’architecture. Ces couvents restent isolés pendant le moyen âge, et c’est à cela qu’ils durent de conserver presque intacte la pureté de leur règle. Cependant, dès le xtne siècle, les chartreuses présentaient, comparativement à ce qu’elles étaient un siècle auparavant, des dispositions presque confortables qu’elles conservèrent sans modifications importantes jusque dans les derniers temps, t Voici quelles étaient, à. quelques détails près, les dispositions principales des chartreuses : une porte unique donnait accès dans l’enceinte monastique qu’entourait le plus souvent une haute et épaisse muraille, flanquée de tours de guet et pouvant au besoin soutenir un siège contre une petite troupe ; après avoir franchi la porte, on pénétrait dans une. vaste cour sur laquelle s’ouvrait le logis du prieur, la maison des hôtes ou pèlerins, l’église, les étables, les granges, le colombier, le fournil ; dans le voisinage de l’église étaient la salle capitulaire et un petit cloître intérieur ; un second cloître, d une grande étendue, en forme de carré long, se développait dans la seconde partie de l’enceinte-, tout autour étaient disposées les cellules des moines, formant chacune un petit logis séparé, avec jardin particulier. Ces cellules s’ouvraient sur les galeries du cloître et étaient munies d’un tour dans lequel un frère venait déposer la maigre pitance destinée au reclus ; elle se composait d’une pièce chauffée servant d’atelier, d’une chambre à coucher, dont les meubles étaient un lit, une table, un banc et une bibliothèque, d’un petit promenoir couvert, avec des latrines à l’extrémité, et d’un galetas.

Les plus célèbres chartreuses sont celles de Grenoble, de Pavie ; de Florence, de Paris, dont nous donnons ci-après la description ; la chartreuse de Bologne, oàtie en 1335, suppriprimée en 1797 et convertie en campo-santo en 1801 : l’église a conservé de belles peintures d’Elisabeth Sirani, de Canuti, de Bibbiena, de Cesi, etc. ; — la chartreuse de Pise, fondée en 1367, à 8 kilom. environ de Pise, dans la vallée de Calci, au pied d’une montagne boisée d’où l’on jouit d’une belle vue sur la mer ; supprimée à la fin du siècle dernier, elle a été rétablie en 1S14 ; les bâtiments sont vastes et d’une belle apparence ; la bibliothèque est riche en manuscrits ; — la chartreuse de Naples, bâtie sur les montagnes qui dominent le golfe et la ville- ; — la chartreuse de Garignano, fondée par Jean II Visconti, à une petite distance de Milan ; l’église, d’une architecture simple et régulière, est ornée de belles fresques de Daniel Crespi, représentant les principaux faits de la vie de saint Bruno ; Pétrarque, qui vécut quelque temps retiré dans une maison de campagne du voisinage, venait souvent visiter les moines de cette cAarfreifse.-aujourd’hui, l’église est la paroisse d’un humble village, et les bâtiments du couvent servent de. magasins ;

— la chartreuse de Chiaravalle, fondée au x»e siècle, à une lieue de Milan ; l’église, de style gothique, est remarquable par la beauté de ses proportions et l’élévation de son clocher ; elle renferme des fresques du Fiammengbino, de B. Linni, qui, malheureusement, ont beaucoup souffert ;—la chartreuse au Iteposoir, fondée en 1151 par Aymon de Francigny, à deux lisues environ de Cluses, en Savoie, dans une vallée dominée par la chaîne des monts Vergi ; — la chartreuse de Miraflorès, magnifique monastère voisin de Burgos, fondé en 1441 sur l’emplacement d’un palais de Henri III ; les cellules, au nombre de vingt-six, sa composent de quatre pièces, d’un promenoir couvert et d’un petit jardin ; l’église renferme les tombeaux du roi Jean II, de sa femme Isabelle et de son fils Alonzo ; — la chartreuse de Fribourg, en Suisse ; — la chartreuse de Afarback, en Autriche ;

— la chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, fondée en 1356, par Innocent VI, agrandie par Aubert, évêque de Carcassonne, neveu de ce pontife, et par Sel va de Montirac, cardinal-archevêque de Pampelune ; cette maison,

une des plus considérables de l’ordre, avait une belle église ogivale qui renfermait des peintures du Guide, du Guerchin, de Mignard, le mausolée d’un prince de Conti, mort à Pézenas, et le tombeau d’Innocent VI, chefd’œuvre de sculpture gothique ; la bibliothèque contenait une foule de manuscrits et de volumes précieux ; ce monastère a été démoli presque entièrement pendant la Révolution, et ses richesses artistiques ont été dispersées ;

— la chartreuse de Marseille, succursale de la précédente, fondée en 1633, au bord du ruisseau du Jarret ; il n’en reste plus que l’église, devenue une des paroisses de Marseille, sous le vocable de Sainte-Marie-Madeleine ; on y voit un beau tableau d’autel, de Michel Serre, représentant l’Assomption de la Madeleine ; — la chartreuse de Montrieux, dans le Var, fondée en 1117, dévastée à l’époque de la Révolution et restaurée récemment ; — la chartreuse de Clermont, en Auvergne, située a 50 kilom. de cette ville, du côté de Bourg-Lastic ; M. Viollet-le-Duc a publié dans son Dictionnaire (I, p. 308 et 309) le pian général de ce monastère et celui de l’une des cellules. Au siècle dernier, lie nombre des chartreuses s’élevait à cent quatre-vingt-neuf ; dans ce

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nombre, on comptait quelques couvents de femmes.

CHARTREUSE (massif de LA GRANDE’-), groupe de montagnes de France (Isère), arrondissement de Grenoble, entre l’Isère, le

Guiers, l’Hérétang et la Roise. Il a environ 120 kilom. de circonférence ; ses points culminants sont le pic de Chamechaude (2,687 m.), le Petit-Som ou Dent-de-Crolles (2,0GG ni.), la Grande-Sure (i,924 m.), et le Grand-Som |l,871 m.).

Chartreuse (la Grande-), près de Grenoble Un des tableaux exécutés par Le Sueur, pour la décoration du petit cloître des chartreux de Paris, représente saint Bruno examinant le plan de l’église de Notre-Dame de Casalibus (ou des solitaires), et des sept petites cellules qu’il fit bâtir pour lui et ses six compagnons, au milieu des montagnes sauvages du Dauphiné, dans un désert affreux appelé Chartreuse, Char trousse ou Char (roux. Ce plan n’est pas exact, sans doute ; mais le monastère fondé par saint Bruno ne comprenait en effet, à l’origine, qu’une modeste chapelle et un petit nombre de cellules isolées. Ces premières constructions n’occupaient que cette partie du désert où sont bâties maintenant la chapelle de Saint-Bruno et celle de Sainte-Marie. Par la suite, le nombre des religieux s’étant accru, un vaste monastère fut construit. ; huit fois les bâtiments furent incendiés ; ceux que l’on voit aujourd’hui datent de 1676 ; ils sont d’une architecture fort simple et ont leurs combles recouverts en ardoises. Un grand corridor, dont l’entrée communique avec de vastes pièces carrées appelées salles de France, d’Italie, de Bourgogne, d’Allemagne, conduit au logement du supérieur général de l’ordre ; a droite sont les cellules des autres dignitaires de la communauté ; à gauche, le réfectoire, la cuisine, l’église et la chapelle domestique. L’étage supérieur contient la salle du chapitre, !a grande galerie et les appartements où couchent les étrangers. Le

cloître est fromô de deux corridors longs de plus de 300 mètres, et sur lesquels s’ouvrent soixante cellules, dont chacune comprend : un vestibule, une pièce avec sa cheminée, une chambre à coucher dans laquelle est un lit

farni d’une paillasse, d’une couverture et de eux draps de laine ; un galetas, un atelier et un petit jardin. Une table, un fauteuil, un crucifix, un sablier et une petite bibliothèque forment avec le lit tout le mobilier de la cellule.

L’église, d une extrême simplicité, n’a conservé de son ancienne décoration que les stalles du chœur ; la nef est divisée en deux parties par une boiserie à claire-voie : celle du côté du chœur est destinée aux pères, l’autre aux frères et domestiques de la communauté. Il y a, en outre, trois chapelles dans l’enceinte monastique : celle de Saint-Louis, celle des Morts et celle dite domestique. — La salle du chapitre, carrée et spacieuse, est entourée de stalles adossées à la muraille : au-dessus de ces stalles sont des copies des tableaux de Le Sueur représentant la Vie de saint Bruno, et, immédiatement au-dessous du plafond, sont rangés par ordre chronologique les portraits des généraux de l’ordre.-La Bibliothèque, complètement dévastée à l’époque de la Révolution, et dont plusieurs manuscrits précieux ont été recueillis à la bibliothèque de Grenoble, se compose aujourd’hui d’environ 5,000 volumes.

Les deux grands corps de bâtiments dont nous venons de décrire les parties principales sont entourés d’une muraille de clôture ; en dehors de cette enceinte, on voit un moulin et d’autres bâtiments qui servent d’écuries et d’ateliers. Les femmes, à qui l’entrée du monastère est rigoureusement interdite, sont logées dans une maisonnette située vis-à-vis du portail principal et appelée l’infirmerie. A 30 m. de distance, sur la route de Sapey, est la Courrerie, où l’on fabriquait autretois des draps, des toiles et tout ce qui était nécessaire aux maispns de l’ordre : il y avait aussi une imprimerie. Cet établissement, qui date de l’année 1296, a été incendié et reconstruit quatre fois : depuis la Révolution, il est affecté au logement des gardes forestiers de l’État.

— La chapelle de Sainte-Marie ou de NotreDame de Casalibus s’élève au milieu d’une forêt de sapins sur les hauteurs qui dominent le couvent, a l’endroit où furent bâties les cellules des premiers chartreux ; elle a été construite en 1440 par François de Marême, général de l’ordre. La chapelle de Saint-Bruno, située à quelques pas de la précédente, sur un rocher au pied duquel jaillit une belle fontaine, occupe l’emplacement de l’oratoire élevé par le saint en 1084 ; elle fut bâtie, en 1640, par Jacques de Merly, évêque de Toulon, et renferme l’autel de l’ancien oratoire.

Le vallon sauvage où est située la Grande-Chartreuse, et qui mérite si bien le nom de

Désert qu’on lui a donné, est tellement encaissé entre de hautes montagnes, pour la plupart inaccessibles, qu’on ne peut y arriver que par deux passages naturels. Le chemin le plus court, le plus facile et en même temps le plus pittoresque, e^t celui qui part de Saiut-Laurent-du-Pont, et qui côtoie en partie le

torrent du Guiers-Mort, sous une voûte touffue formée par le feuillage des hêtres et des sapins ; l’autre route, qui passe par les villages du Sapey et de Saint-Pierre-de-Chartréuse, est celle que suivent ordinairement les voyageurs venant de Grenoble. Des hauteurs

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qui dominent la Grande-Chartreuse, on jouit d’un panorama magnifique : le rocher à pic qui se dresse au N.-E. du couvent se nomme le Grand-Som ou Grand-Sommet ; son élévation au-dessus du niveau de la mer est de 1,871 mètres ; il faut trois à quatre heures, en partant de la Chartreuse, pour atteindre le sommet culminant, d’où l’on découvre le lac du Bourget, la Dent-du-Chat, le mont Blanc, le pic de Belledonne, et d’où l’on peut même apercevoir Lyon avec une lunette d’approche. Cette ascension n’offre d’ailleurs aucun danger, et est faite, chaque année, par un grand nombre de dames.

Chartreuse (l.A), OU les Chartreux do Dijon, magnifique établissement fondé à 1 kilom. de la ville, en un lieu dit Champmol, par le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, en l’année 1379 selon les uns, 1383 selon les autres. Philippe le Hardi y établit vingt-quatre religieux. Les artistes les plus célèbres de l’époque furent appelés a’ concourir a. l’érection et à l’établissement de ce riche monastère, que Philippe avait désigné pour être le lieu de sa sépulture et de celle de ses descendants. Il y fut, en effet, inhumé, revêtu de l’habit de chartreux, ainsi que ses successeurs. Toutefois, son mausolée et celui de Jean sans Peur, son fils, furent les seuls qui furent élevés sur la tombe des princes de cette race. Ces deux mausolées, faits d’albâtre, après avoir été mutilés pendant la Révolution, ont été depuis restaurés et transportés au musée da Dijon.

Aujourd’hui, la chartreuse est remplacée par un asile d’aliénés qui peut recevoir 300 malades. Il ne reste de l’ancienne église et du couvent que le portail d’entrée, le portail de l’ancienne église, une tour octogonale et le puits de Moïse, classés parmi les monuments historiques.

Le portail de l’ancienne chapelle est décoré d’un grand nombre de figures sculptées de la main de Yymagier du duc Philippe, Ciaux Suter, Une statue de la Vierge portant l’Enfant Jésus surmonte le pilastre qui sépare les deux portes ; à droite et à gauche sont les statues de Philippe le Hardi et de Marguerite de Flandre, sa femme, agenouillés aux pieds de la Vierge, et assistés d’un saint et d’une sainte qui semblent implorer pour eux la mère du Sauveur.

Le puits de Moïse, jadis placé au centre du grand.cloître et construit de 1396 à 1399, a 7 m. 15 de diamètre. Au milieu s’élève un immense piédestal hexagone qu’entourent les statues de Moïse, de David, de Jérémie, de Zacharie, de Daniel et d’Isaïe.

Le tome II des Mémoires de la commission des Antiquités de la Côte-d’Or contient un Rapport de M. déSaint-Mesmin sur les restes de l’ancienne Chartreuse de Dijon.

Chartreuse (LA) OU les Chnrtreul de Parts,

couvent démoli à l’époque de la Révolution et qui était situé rue d’Enfer, a côté du Luxembourg. En 1257, saint Louis fit venir cinq religieux de l’ordre des chartreux et les installa au village de Gentilly ; l’année suivante, il leur fit don, sur leur demande, d’un vieux château à demi ruiné, situé hors des murs de Paris, près de la route qui conduisait à Issy ; cet antique manoir, appelé le château Vauvert, passait pour être hanté par les revenants et par tous les démoijs de l’enfer ; les Parisiens n’en approchaient qu’avec effroi et, pour exprimer une course dangereuse, on disait : Aller au diable Vauvert, locution qui) par la suite, se changea en celle-ci : Aller au diable au vert. Les chartreux, qui n’avaient pas plus peur du diable Vauvert que d’un autre, prirent possession du vieux manoir, et, après quelques démêlés avec le curé de Saint-Séverin, qui redoutait de voir une partie de seâ revenus passer à la communauté naissante, ils fondèrent une magnifique église dont Pierre de Montereau fut l’architecte et dont saint Louis posa la première pierre en 1260. Le nouveau monastère devint bientôt un des plus florissants et des plus riches de l’ordre. Au siècle dernier, ses bâtiments et son enclos occupaient une superficie de 220,634 m. carrés ; il avait deux cloîtres entourés de quarante habitations composées de plusieurs pièces et ayant chacune son jardin. Le grand cloître avait 136 m. dans un sens et 91 ni. dans l’autre ; la surface du préau, qui servait de cimetière aux religieux, était d’environ l hectare. Le petit cloître, qui s’ouvrait sur la rue d’Enfer, avait des vitraux magnifiques et fut décoré, dès 1350, de fresques représentant les principaux épisodes de la vie de saint Bruno ; ces fresques furent remplacées, en 150,8, par des peintures sur toile, et, celles-ci s’étant altérées à leur tour, les moines chargèrent Eustache Lesueur de renouveler cette décoration. Le célèbre artiste retraça la vie du saint en vingt-deux tableaux, entremêlés de cariatides et de tfgures d’anges peintes en grisaille. V. Bruno (vie de saint)]. Ces tableaux, qu’accompagnaient des vers latins assez médiocres

furent vendus à Louis XVI par les moines, en 1776 : ils font partie aujourd’hui des richesses artistiques du Louvre. Aux quatre extrémités du cloître, Lesueur et ses élèves avaient peint une Vue de la Chartreuse de Grenoble, une Vue de la Chartreuse de Pavie, Saint Bruno examinant le vlan de la Chartreuse de Home et le Plan de l’ancienne Chartreuse de Paris porté par deux anges. Ces deux derniers ouvrages ont été placés au Louvre, les deux autres ont disparu. L’église des chartreux de

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Paris possédait un magnifique lutrin en bois sculpté, orné des figures des Vertus théolo- ■ gales, un maître-autel et des stalles également en bois, dont l’exécution avait coûté trente années de travail à un religieux du monastère ; elle renfermait aussi un grand nombre de tableaux dus aux plus habiles peintres français du tcviio siècle : la Résurrection de la fille de Jaire, de La Fosse ; le Paralytique sur le bord de la piscine, le Centenier, la Chananéenne, la Résurrection de Lazare, de J.-B. Corneille ; Jésus au. milieu des docteurs, de Philippe de Champaigne ; le Christ guérissant ] les malades (aujourd’hui au Louvre), de Jouvenet ; la Résurrection de Lazare, de Bon Boulogne ; YBémorrhoïsse, de Louis de Boallongne ; la Vocation de Simon-Pierre et d’André, de Dnmbnt le Romain ; les Aveugles de Jéricho, d’Antoine Coypel ; la Samaritaine, de Noôl Coypel ; le Miracle des cinq pains, de Claude Audran ; YApparition du Christ à ta | Madeleine (aujourd’hui au Louvre), de Le-I sueur. On remarquait encore dans le chapitre j un beau Christ en croix, que Philippe de Champaigne regardait comme un de ses meii-1 leurs ouvrages et qu’il avait laissé par testament iiux chartreux de Paris ; ce tableau, qui a été gravé par Poilly, se trouve aujourd’hui au palais du Luxembourg. C’est à tort que certains biographes prétendent que Lesueur termina ses jours dans le couvent qu’il avait enrichi de ses chefs-d’œuvre.

Après la suppression des chartreux en 1790, on démolit leur monastère et leur église et on annexa une grande partie de leur enclos aux jardins du Luxembourg. C’est sur les terrains de cet enclos que fut tracée la belle avenue de l’Observatoire et que furent établies les pépinières : les édiles d’alors ne se doutaient pas des^soucis qu’ils préparaient à M. Haussmann.

Chartreuse de Florence (u), située & une

lieue environ de la ville, sur un coteau au pied duquel deux petites rivières, la Greva et î’Ema, marient leurs eaux gazouillantes, fut fondée, en 1341, Par le Florentin Niccolo Acciajoli, sénéchal de la reine Jeanne de Naples, qui avait formé le projet d’y instituer un grand lycée pour cinquante élèves et qui obtint de la république l’autorisation de fortifier cet édifice. On eroit que l’architecte fut le célèbre AndreaOrgagna ; mais plusieurs bâtiments sont d’une date bien postérieure. Au haut de l’escalier principal on voit une magnifique fresque de Jacopo da EmpoU, représentant le Christ au milieu des apôtres. L’église est superbe ; elle renferme des fresques de Bernardino Poccetti retraçant les principaux épisodes de la Vie de saint Bruno ; diverses autres peintures de Cocchi, Mancini, Sacconi, Orazio Fidani, Piero di Matteo ; des statues par Erraanno Tedesco, Mutteo Tedesco, Pinelli. Les chapelles latérales, dont Je dessin est attribué à l’architecte Zanobi del Rosso, renferment aussi de bonnes peintures, entre autres un Saint Louis, de Luigi Sabatelli, et un Saint Jean-Baptiste, de Pietro Benvenuti. Deux peintures à fresque de Cocchi, représentant Adam et Eve et la Résurrection du Christ, décorent l’escalier qui conduit h la chapelle souterraine où sont les tombeaux de la famille Acciajoli ; parmi ces tombeaux, on distingue celui du sénéchal Niccolo, sculpté par Andréa Orgagna, et celui du cardinal Angiolo Acciajoli, ouvrage de Donatello et do Giuliano da San-Gallo ; le tableau d’autel do cette chapelle est de Cosimo Gamberucci et les fresques sont de Poccetti. Dans la salle du chapitre, on admire un Crucifiement, do Mariotto Albertinelli ; une Madone, attribuée par les uns à Andréa del Sarto et par d’autres à Puligo ; un Saint Bruno, de Biliverti ; le mausolée de Leonardo Buonafede, dû a Francesco da San Gallo, etc. Le bénitier et la chaire du réfectoire sont l’ouvrage de Mino da Fiesole. Les cloîtres sont ornés de nombreuses statues et de petits oratoires tout dorés. Il y a aussi plusieurs œuvres d’art remarquables dans la maison des hôtes (foresteria), où Charles-Quint demeura (1536) et qu’habitèrent les papes Pie VI et Pie VII.

Chartreuse de Pa->ïe (la), monastère, célèbre, situé à une lieue de Pavie, au milieu d’une plaine fertile. Jean-Galéas Visconti, seigneur de Pavie et comte de Vertu, fonda ce monastère, en expiation du meurtre de son oncle Bamabo et de ses cousins. Il le dota magnifiquement et y établit vingt-cinq chartreux. L église, dont il avait posé la première pierre le 8 septembre 1396, fut terminée en deux ans, ainsi que les bâtiments de la communauté. L’inauguration en fut faite avec une grande solennité. « Je crois, dit Mme Louise Colet (l’Italie et les Italiens), je crois revoir le duc Galéas, accompagné de sa femme Catherine, nièce de ce Barnabo qu’il avait faitmourir, remplissant de son cortège la cour aujourd’hui déserte. Les hallebardiers font la haie ; les gonfalons flottent au vent ; les pages et les écuyers étalent leurs pourpoints déchiquetés et leurs toques à plumes ; les duchesses et les châtelaines passent avec leurs robes collantes à fraise de dentelles. Le prieur, entouré de ses religieux au costume rigide, sort de l’église pour recevoir le duc, leur bienfaiteur ; les cloches carillonnent, les psaumes retentissent dans la nef, le chœur est éclairé par des milliers de cierges, tout est en fête pour célébrer la venue de l’assassin couronné qui oublie son forfait I ■

La Chartreuse de Pavio est peut-être le mo-