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étudier l’art nouveau, et qu’il ne dépendit pas de lui que la typographie ne fût dès lors introduite en France.

Charles VII chez ses grands vassaux, tragédie en cinq actes de M. Alexandre Dumas, représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre de l’Odeon, le 20 octobre 1831. Charles VII, proclamé roi, quitte le château d’Espally pour aller se faire couronner à Poitiers. Quel est l’état de la France ? Des troubles menaçants agitent Paris ; Philippe de Bourgogne et Jean de Bretagne s’unissent au duc de Bedford ; quelques villes au nord de la Loire restent à peu près seules fidèles au nouveau monarque. Cependant plusieurs vaillants capitaines prêtent encore à Charles l’appui de leurs bras. Tel est le cadre historique, assez restreint d’ailleurs, jeté par l’auteur autour de son action qui en est plus d’une fois gênée. Cette action incohérente, et farouche, illuminée par endroits de quelques éclairs vraiment poétiques, a son point de départ loin de la mère patrie. Le comte de Savoisy, condamné, en expiation d’un meurtre, à aller guerroyer contre les infidèles, arme une galère et fait voile vers la Syrie, laissant derrière lui Bérengère, sa noble épouse. Un jour, dans le désert, il sauve de la mort un jeune Arabe du nom d’Yacoub, qu’un de ses archers, Raymond, vient de frapper. Mais Yacoub n’obtient la vie qu’en perdant la liberté. Esclave de Savoisy, il le suit en France, où les hommes d’armes et les gens du comte l’abreuvent de dédains et d’injures. Mais bientôt, un regard, une douce parole de Bérengère, consolent Yacoub et lui font à demi oublier son beau ciel oriental. Yacoub aime Bérengère, C’est ici que le drame s’engage. Le comte de Savoisy répudie sa femme parce qu’il n’en a pas eu d’enfants. Il attend du saint-père l’autorisation de divorcer :

De peur que si la mort le frappait aujourd’hui
Son antique maison ne mourut avec lui.

En effet, Raymond arrive porteur du message attendu ; mais Yacoub, saisi de fureur à l’aspect de celui qui faillit le tuer en Syrie, s’élance sur Raymond et l’étend mort à ses pieds. Le comte fera justice ; et quant à Bérengère, elle apprend par son chapelain le triste sort qui lui est réservé. Au moment où Savoisy va procéder au jugement de Yacoub, on annonce l’arrivée de Charles VII et d’Agnès Sorel. N’importe, le comte n’en usera pas moins de sondroit de haute et basse justice ; et il condamne Yacoub à mort ; mais Charles fait grâce à l’esclave, qui ne l’accepte pas. Yacoub va se tuer, lorsque Bérengère lui ordonne de vivre. Cette voix si chère pénètre le cœur de l’Arabe ; alors la comtesse parle d’amour… ; elle exige et obtient la promesse d’une entière obéissance. À ce moment, on vient annoncer à Charles VII que La Fayette et Gaucourt sont tombés au pouvoir des Anglais ; et l’indolent monarque, sortant enfin d’une indifférence pour la perte de ses États que l’auteur a poussée jusqu’au ridicule, tire son épée et appelle aux armes :

J’ai tiré mon épée après la France entière,
Mon épée au fourreau rentrera la dernière,

dit-il, et il part sans emmener le comte de Savoisy, qui ne rejoindra l’armée que le lendemain : le soir même, il doit s’unir à la jeune comtesse de Graville. On voit qu’il ne perd pas de temps. Mais avant, il entend les prières, les supplications de Bérengère, qui, ne pouvant rien changer à l’implacable résolution du comte, le quitte la malédiction et la menace à la bouche. Le comte ordonne qu’on conduise Bérengère dans un couvent. Mais c’est une suivante vêtue de ses habits et voilée qui s’éloigne à sa place, tandis qu’elle, ivre de jalousie et de fureur, ordonne à Yacoub de tuer le comte. L’esclave hésite à frapper celui qui l’a sauvé de la mort ; mais Bérengère aimait le comte, malgré ses perfidies ; s’il vit, elle peut l’aimer encore :

Ainsi, tant qu’il vivra, songes-y, je t’échappe,
Car je l’aime, entends-tu ? . . . .

Et elle le pousse alors dans la chambre du comte, qui vient expirer sur la scène. « Maintenant, femme, dit Yacoub,

Fais-moi tout oublier, car c’est vraiment infâme !
Viens donc, tu m’as promis de venir ; je t’attends !
D’être à moi pour toujours…

BÉRENGÈRE, expirant empoisonnée auprès du comte.
               Me voilà… prends-moi.

On accourt pour arrêter l’assassin. Yacoub fait voir aux hommes d’armes l’écrit par lequel le comte, le matin même, lui a donné la liberté :

Demeurez en hurlant près du sépulcre ouvert ;
Pour Yacoub, il est libre ; il retourne au désert.

On a reproché à Charles VII chez ses grands vassaux des défauts nombreux. La composition manque d’unité ; deux actions s’y mêlent, s’y croisent, arrêtent la marche du drame. L’épisode historique qui semble, en baptisant l’ouvrage, vouloir accaparer le principal intérêt, est inutile et pourrait disparaître sans grand inconvénient. Le roi y joue un rôle effacé et la belle Agnès, sa compagne, en le rendant tardivement à sa dignité, ne parvient pas à en faire un héros suffisant. L’histoire de Bérengère et d’Yacoub n’offre en somme que des réminiscences d’Hermione et d’Oreste déguisées par le procédé romantique sous une couleur moyen âge. Le comte de Savoisy, repoussant une femme qui ne lui donne pas de rejeton, n’est pas sympathique, et le caractère de Bérengère, réussi dans beaucoup d’endroits, laisse trop et désirer en certains autres. Comment cette femme, qui, vingt années durant, fut le modèle des épouses, se transforme-t-elle si subitement en une sorte de furie ? Il a fallu le prodigieux talent de M. Alexandre Dumas pour que les tons criards de son tableau fussent acceptés. Il en a atténué le fâcheux effet par des détails semés à profusion et quelques scènes magistralement dessinées. L’enchanteur, d’un coup de sa plume, a ôté au spectateur le loisir et la possibilité de critiquer son œuvre. On voudrait protester, se récrier, mais lui, l’auteur habile et prompt à esquiver l’observation, vous tient sous le charme et vous entraîne jusqu’au dénoûment. Là, qui songerait à retourner en arrière, qui songerait à recommencer le chemin parcouru et à planter à travers les alexandrins énergiques et quelque peu sauvages les jalons de l’analyse ? On se dit bien : le caractère d’Yacoub est faux, il est en dehors de la nature ; mais comme on ne peut nier qu’il soit tracé avec une rare puissance et une vigueur inaccoutumée, on se tait et on songe que l’art, après tout, a ses licences… surtout entre les mains de l’auteur d’Antony.

Charles VII chez ses grands vassaux, habillé à l’italienne, a fourni le sujet de la Gemma di Vergi, opéra mis en musique par Donizetti. Gemma, représentée d’abord en 1836, à Milan, au théâtre de la Scala, nous est revenue dix ans plus tard, c’est-à-dire le 16 décembre 1845. Elle fut exécutée au théâtre des Italiens de Paris par d’excellents interprètes, et l’on y a applaudi Yacoub, devenu l’Arabe Tamas sous la plume de l’arrangeur du livret italien. Les librettistes italiens ne manquent pas, on le voit, d’imagination.


CHARLES VIII, l’Affable, roi de France, fils de Louis XI, né à Amboise en 1470, mort en 1498. On a prétendu avec plus ou moins de vraisemblance qu’il n’était que le fils supposé de Louis XI, qui se serait prêté à cette imposture pour mettre fin aux prétentions de son frère le duc de Berry. Quoi qu’il en soit, le jeune prince fut élevé loin de la cour et son éducation fut tellement négligée, qu’il ne savait ni lire ni écrire lorsqu’il monta sur le trône (1483). Placé sous la tutelle de sa sœur, Anne de Beaujeu, il ne fut que le spectateur passif des événements qui remplirent les premières années de son règne. Ses premiers actes, en prenant le pouvoir (1491), furent de rendre la liberté au duc d’Orléans, emprisonné à la suite de sa révolte (v. guerre folle), de rejeter la main de la fille de Maximilien d’Autriche, à laquelle il était fiancé, et d’épouser Anne de Bretagne, héritière du riche duché de ce nom. Menacé d’une ligue entre Maximilien, l’Angleterre et l’Espagne, il rendit follement au premier l’Artois et la Franche-Comté, à Ferdinand le Catholique, le Roussillon et la Cerdagne, et s’engagea à payer à Henri VII 745,000 écus d’or. Cette politique déplorable s’explique sans se justifier par les projets romanesques qui fermentaient dans la tête chimérique du jeune monarque. Il voulait faire valoir les prétentions des princes français au royaume de Naples et rêvait même de chasser les Turcs de Constantinople et de rétablir en sa faveur l’empire byzantin (il s’était fait céder par André Paléologue ses droits à cet empire détruit). Il avait d’ailleurs quelques appuis douteux dans la Péninsule. Les préparatifs de cette expédition furent conduits contre toutes les règles de la prudence, et le roi partit, en 1494, avec 30,000 hommes, sans argent, sans vivres, sans magasins et sans réserve, tomba malade à Asti et dut emprunter à la duchesse de Savoie ses diamants, qu’il mit en gage pour nourrir ses soldats. La division des États italiens favorisa cette entreprise, qui avait plutôt le caractère d’une équipée que d’une expédition militaire, et Charles traversa l’Italie du nord plutôt en conquérant qu’en allié. Florence chassa les Médicis et lui ouvrit ses portes ; Ludovic Sforce, duc de Milan, craignant pour ses possessions, favorisait sa marche sur Naples ; le pape Alexandre VI lui donnait l’investiture du royaume de Naples et de Jérusalem, et lui livrait en même temps (mais après l’avoir fait empoisonner) le prince Zizim, frère proscrit de Bajazet, dont le monarque français comptait se faire un instrument pour diviser les Turcs. Les États napolitains furent conquis en quelques jours ; Ferdinand II s’enfuit, et Charles fit une entrée triomphale à Naples, revêtu des ornements impériaux. Si la promptitude de cette conquête étonne, la facilité avec laquelle on la perdit ne paraît pas moins surprenante. Quelques mois s’étaient à peine écoulés, et les Napolitains étaient déjà las de la domination française. D’un autre côté, une ligue ennemie se formait sans mystère entre les premiers instigateurs de l’expédition, le pape, le duc de Milan, auxquels se joignirent les Vénitiens, l’Espagne, l’empereur, etc. Instruit que les coalisés voulaient lui couper la retraite, le roi de France laisse 5,000 hommes à Naples, traverse l’Italie avec précaution et rencontre les ennemis à Fornoue, sur les bords du Tanaro. Une victoire décisive sur des forces au moins triples des siennes lui permet de continuer sa retraite et de délivrer le duc d’Orléans assiégé dans Novare (1495). Cette folle expédition n’amena aucun résultat, et la garnison du Naples dut capituler peu de temps après. De retour en France, Charles se livra sans retenue à des débauches effrénées qui tarirent en lui les sources de la vie. Comme il préparait une nouvelle expédition en Italie, il mourut au château d’Amboise des suites d’un coup qu’il s’était donné à la tête. Il avait eu trois fils morts en bas âge. Son cousin, le duc d’Orléans, lui succéda sous le nom de Louis XII. Incapable, présomptueux, ignorant, ce prince, néanmoins, était aimé pour la douceur et la générosité de son caractère.

Charles VIII (histoire de), roi de France, par le comte de Ségur (Paris, 1835, 2 vol. in-8o). Cette histoire d’un règne de quinze ans est divisée en trois parties intitulées ; États de Tours, Réunion de la Bretagne à la France, Conquête de Naples. La troisième, qui étudie les événements des six dernières de ces quinze années, est de beaucoup la plus étendue. C’est en effet celle qui devait comprendre le plus de récits et de descriptions, mettre en scène le plus de personnages. Malgré cela, les deux premières parties sont dignes d’attention, car elles ont des rapports plus intimes avec l’histoire intérieure de la France. La brièveté du récit ne nuit d’ailleurs en rien à l’intérêt. Avant d’aborder l’histoire de son héros, M. de Ségur commence par tracer un portrait de Louis XI. Ce despote de la féodalité n’avait laissé ni testament ni aucun acte authentique exprimant sa dernière volonté. Charles VIII, encore bien jeune, petit et difforme, passa de la tutelle de son père à celle de sa sœur, Anne de Beaujeu, qui gouverna le royaume comme régente. C’est ce titre qui donna à ses actes un reflet de l’autorité royale et lui permit de traiter de rébellions, d’attentats et de conspirations, les résistances intéressées du duc d’Orléans et des autres princes. Les états généraux tenus à Tours, en 1484, eurent surtout à s’occuper de régler ces différends. Cette assemblée a laissé des traces dans l’histoire plutôt à cause de la vivacité des débats que par l’importance de ses résultats. On y traita de presque tous les intérêts publics, et l’on rédigea de longues doléances distribuées sous les cinq titres de l’Église, de la Noblesse, du Commerce, de la Justice, de la Marchandise. Les états de Tours avaient affermi et accru la puissance de la dame de Beaujeu. En arrivant à la deuxième partie de l’ouvrage, qui a pour titre : Réunion de la Bretagne à la France, l’auteur s’applique surtout à recueillir et à raconter les faits plus spécialement relatifs au règne d’Anne de France ou de Beaujeu, ainsi que les fautes et les malheurs du duc d’Orléans. La régente éprouva une vive et persévérante opposition, dont elle sut triompher. La Bretagne et le duc d’Orléans, premier prince du sang, qui oubliait ses devoirs et ses intérêts même, furent vaincus, le 27 juillet 1488, par La Trémouille, à la bataille de Saint-Aubin. Le duc perdit sa liberté, et les Bretons conservèrent par un traité quelques restes d’indépendance. Une des idées les plus heureuses de la dame de Beaujeu fut de songer à marier le roi, son pupille, qui atteignait l’âge de vingt ans, à la jeune héritière de Bretagne, belle et jeune fille savante, recherchée par plusieurs princes. Las de cette tutelle, Charles VIII se souvient enfin qu’il est roi, et, par un entraînement tout chevaleresque, va, sans permission de sa tutrice, délivrer le duc d’Orléans, prisonnier à Bourges. En retraçant ces événements, l’auteur n’énonce pas toujours assez rigoureusement les véritables dates pour prémunir les lecteurs contre des anachronismes qui, dans une histoire moins exacte que la sienne, auraient pour le lecteur des conséquences fâcheuses. Après avoir donné satisfaction à l’archiduc Maximilien par la cession de l’Artois et de la Franche-Comté, et à Ferdinand le Catholique, roi d’Aragon, par la cession du Roussillon et de la Cerdagne, l’on ne songea plus, à la cour de France, qu’à l’exécution du projet suggéré à Charles VIII de conquérir Naples et Constantinople ; folle entreprise, s’il en fut. Cette campagne de 1494 n’avait l’approbation ni de l’amiral Graville, ni même du duc d’Orléans, qui eût voulu la restreindre à la conquête du Milanais, ni surtout de la dame de Beaujeu, qui avait, en ce moment, perdu presque tout crédit. Le bon petit roi écouta de préférence des conseillers ambitieux et cupides. L’entreprise s’accomplit ; ce fut, on le sait, une marche triomphale interrompue de temps à autre par des plaisirs, ou par de courtes résistances. Maître de Naples, Charles oublie la conquête de Constantinople. Les Français ne songent qu’à retourner dans leur patrie. D’ailleurs, les cours de Vienne et de Madrid parviennent à liguer contre la France Milan, Rome et Venise. La Trémouille dirige la retraite au milieu d’embarras et de périls croissants. Une brillante et décisive victoire sauve les Français et écrase les Italiens et les Allemands à Fornoue, en 1495 ; mais la retraite ressemble à une fuite, à une déroute. 20,000 Suisses accourent pour renforcer l’armée française, et l’effrayent elle-même autant que les ennemis ; leur approche dispose les deux partis à la paix ; on signe le traité de Verceil. 5,000 Français et 2,000 Suisses restaient à Naples sous les ordres du gouverneur ou vice-roi Montpensier. Une capitulation honteuse, résultat de l’indolence et de l’incapacité de Montpensier, termina cette aventureuse expédition. Pendant le séjour du roi en Italie, le royaume avait été assez sagement gouverné par le duo de Bourbon.

L’ouvrage de M. de Ségur se recommande, dit Daunou, « à tous les hommes de lettres par les grâces du style, à quelques-uns peut-être par les teintes néologiques de plusieurs pages ; aux gens de guerre, par une exposition savante des détails qui intéressent leur profession ; aux hommes d’État, par des réflexions profondes ou ingénieuses sur l’art de gouverner. Ce brillant ouvrage, quoiqu’on y puisse remarquer certaines formes plus ou moins hasardées, n’appartient point à la nouvelle école historique. Les faits n’y sont enchaînés que par leurs propres circonstances, et non par une théorie générale des causes et des effets de toutes les vicissitudes humaines. L’histoire ne s’y présente pas comme un système, mais comme une étude expérimentale, dont les résultats deviennent d’autant plus instructifs qu’ils ont été obtenus par l’observation seule, sans divination, sans hypothèse. »

L’auteur excelle dans l’art de peindre les personnages de cette époque ; on peut cependant lui reprocher quelques répétitions. Son style est brillant, rempli d’images pittoresques, et s’il n’est pas toujours irréprochable dans ses hardiesses, il brille souvent par des qualités supérieures.


CHARLES IX, roi de France, deuxième fils de Henri II et de Catherine de Médicis, né en 1550, à Saint-Germain-en-Laye, mort au château de Vincennes en 1574. Connu d’abord sous le titre de duc d’Orléans, il succéda en 1560 à son frère François II, qui n’avait fait que passer sur le trône. Sa mère, Catherine de Médicis, envahit plutôt qu’elle n’obtint la régence, avide d’un pouvoir toujours près de s’abîmer sous le choc des factions. Les principaux événements de sa minorité furent la tenue des états d’Orléans, de Pontoise et de Saint-Germain, l’édit de janvier, le colloque de Poissy, le massacre de Vassy, la première guerre religieuse, terminée par une brusque pacification, l’assassinat de François de Guise devant Orléans, et la reprise du Havre sur les Anglais. Déclaré majeur en 1563, au parlement de Rouen, Charles, qui avait à peine quinze ans, resta soumis aux mêmes influences, et partit accompagné de sa mère pour une longue tournée dans les provinces, dont le dernier terme fut cette entrevue de Bayonne où le duc d’Albe et les envoyés de Philippe II s’attachèrent à faire prévaloir dans son esprit les maximes implacables de la politique espagnole à l’égard des réformés. C’est pendant ce voyage qu’il fixa par un édit (1564) le commencement de l’année au 1er janvier (précédemment l’année commençait à Pâques), et qu’il signa à Moulins l’ordonnance pour la réformation de la justice. L’influence conciliatrice du chancelier de L’Hôpital contre-balançait encore en lui les funestes inspirations des Guises et de la reine mère. Bientôt de nouvelles persécutions forcèrent les protestants à reprendre les armes. Vaincus à la bataille de Saint-Denis (1567), ils acceptèrent la pacification de Longjumeau. Mais les passions étaient trop furieuses de part et d’autre, et les hostilités recommencèrent après la retraite de L’Hôpital, le seul représentant de la paix et de la conciliation dans le conseil du roi. Deux ans d’une guerre qui couvrit le pays de sang et de ruines, et dans laquelle les catholiques furent vainqueurs à Jarnac et à Moncontour, semblèrent avoir épuisé la fureur des partis et amenèrent la paix de Saint-Germain (1579), qu’on nomma la paix boiteuse et mal assise, par allusion aux négociateurs royaux, Biron et de Mesmes, dont le premier était boiteux et le second seigneur de Malassise. Ce traité fut considéré comme un piège tendu aux calvinistes, dont on préparait le massacre. Il est certain que rien ne fut négligé pour endormir les défiances du parti et attirer les chefs à Paris. Mais peut-être ne faut-il voir là qu’un des mille revirements de la politique tortueuse de Catherine de Médicis, bien moins fixe dans ses desseins qu’on ne l’imagine communément. Charles IX lui-même, caractère fantasque, violent, irrésolu, partagé entre sa haine du protestantisme et sa crainte des chefs catholiques, flottait sans cesse entre des résolutions contraires, subissant le joug de sa mère, qu’il était incapable de briser, et dont sans doute il n’eût pu se passer. Peut-être fut-il sincère en accueillant Coligny dans son conseil, en le traitant avec déférence, en le berçant de l’espoir d’une expédition en faveur des Pays-Bas, dont il lui réservait le commandement, en mariant sa sœur Marguerite à Henri de Navarre, et en veillant à l’observation des édits favorables aux protestants, qui affluaient à Paris autour de leurs chefs, pleins d’une confiance que ne purent altérer ni les rumeurs sinistres qui se répandaient, ni la mort subite et mystérieuse de Jeanne d’Albret, ni même la tentative de meurtre dont Coligny faillit être la victime le 22 août 1572. Après cet événement, qui trahissait les desseins de Catherine et de ses odieux conseillers, Charles se rendit chez l’amiral et l’accabla de protestations d’amitié. Peut-être encore ignorait-il l’affreux projet, car on ne saurait admettre une dissimulation aussi profonde chez un prince dont le naturel avait été perverti, nais qui n’était, après tout, qu’un enfant. Quoi qu’il en soit, la cour donna, deux jours après (24 août 1572), le signal du massacre de la Saint-Barthélémy. On a rapporté que Charles n’autorisa cette effroyable exécution que vaincu par les obsessions de sa mère, de Tavannes, de Biragues et de Nevers, qui égarèrent sa conscience et sa raison en lui représentant l’existence du parti calviniste comme incompatible avec l’indépendance de la couronne et la sécurité du royaume. D’ail-