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père, mais qui fut peu après déclarée marjeure, administra avec la plus grande habileté son petit État, pendant la période difficile de la guerre de Sept ans, et donna à Charles-Auguste et à son autre fils, Frédéric-Ferdinand-Constantin, né peu de temps après la mort de son père, les maîtres les plus distingués parmi les savants de l’époque. Ils eurent pour gouverneur le comte de Gœrtz, plus tard ministre de Prusse, et pour précepteur d’abord Seidler et Hermann, puis, à partir de 1772, Wieland, qui écrivit pour eux son Miroir d’or. Dans un voyage que les jeunes princes firent à Paris et en Suisse, en 1774, ils eurent occasion de voir Gœthe, et Charles-Auguste, qui avait alors dix-sept ans, contracta avec le poète, qui n’en avait guère que vingt-cinq, une amitié dont l’anniversaire fut fêté cinquante ans plus tard, en 1825, avec la plus grande solennité. Déclaré majeur en 1775, Charles-Auguste prit en main les rênes du gouvernement, et épousa peu après la princesse Louise de Hesse-Darmstadt. Il entra au service militaire de la Prusse en 1786, fit comme volontaire les campagnes du Rhin en 1792 et en 1793, et fut promu au grade de lieutenant général prussien en 1797. Après la bataille d’Iéna, il revint dans ses États, se joignit en 1806 à la confédération du Rhin, et, au mois d’octobre 1808, reçut à Weimar la visite de Napoléon et d’Alexandre, après l’entrevue d’Erfurth. En 1813, il fit partie de la ligue contre Napoléon, entra en 1814 au service de la Russie et conduisit dans les Pays-Bas une armée de 25, 000 hommes. Il se rendit ensuite avec les alliés à Paris, à Londres, puis à Vienne, où le congrès agrandit ses États et en fit un grand-duché. Il prit également part en 1815 à la campagne de France, pendant laquelle il eut à ses côtés son plus jeune fils Bernard, qui se distingua de la façon la plus éclatante à la bataille de Waterloo. À la paix, il reçut une indemnité de trois millions, qu’il employa à répandre le bien-être dans son duché. Il s’attacha surtout à en réformer l’administration judiciaire et fut le premier prince allemand qui accorda en 1816 à ses États la constitution nationale qui avait été promise en 1815 aux pays allemands. Il laissa également une grande liberté à la presse, jusqu’à ce que la fête de Wartbourg et les licences de l’Oppositions Blatt (feuille d’opposition) l’eussent contraint d’y apporter des restrictions. Protecteur éclairé des lettres et des arts, il attira à sa cour la plupart des hommes remarquables de l’Allemagne à cette époque. Parmi eux, il nous suffira de citer les noms de Gœthe, de Voigt, qui furent l’un et l’autre ses ministres, de Herder, de Wieland, de Schiller, d’Einsiedel, de Knebel, de Musaeus, etc. Toutes les branches de l’administration furent réorganisées sur de nouvelles bases pendant son règne. Il s’appliqua surtout à répandre l’instruction publique dans ses États, et fut pour l’université d’Iéna un protecteur généreux et infatigable. Enfin, c’est à lui que la ville de Weimar doit son beau parc, son château ducal, entièrement reconstruit, l’ancien ayant été incendié en 1771 ; son jardin botanique, sa nouvelle école municipale, etc. Une partie de sa Correspondance avec Goethe a été publiée ces dernières années (Leipzig, 1863, 2 vol.).


CHARLES-FRÉDÉRIC, grand-duc de Saxe-Weimar-Eisenach, fils aîné du précédent, né à Weimar en 1783, mort en 1853. Il reçut l’éducation la plus brillante à la cour de son père, qui était alors le centre de réunion des beaux esprits de l’Allemagne. En 1804, il épousa Marie Paulowna, née en 1786, fille de Paul Ier czar de Russie, et se trouvait à la cour de son beau-frère Nicolas lorsqu’il apprit, en 1828, la mort de son père. Son premier soin, eu arrivant au pouvoir, fut d’introduire de sages réformes dans les dépenses de la cour. Il s’occupa ensuite, avec le concours des états, d’apporter à la législation les modifications qu’exigeaient les idées de l’époque, relativement surtout au clergé et à l’instruction publique. L’agriculture, le commerce et l’industrie furent aussi de sa part l’objet d’une sollicitude toute particulière, et il contribua activement à l’établissement du zollverein dont il avait accueilli l’idée première avec enthousiasme. Le contre-coup de la révolution française de 1830 fut à peine sensible dans ses États. IL n’en fut pas de même en 1848, où la ville de Weimar fut en proie aux troubles politiques qui agitèrent l’Allemagne à cette époque ; mais ils durèrent peu de temps, grâce à la sagesse et à la fermeté du grand-duc, qui se présenta au-devant des groupes tumultueux rassemblés dans la cour du château ducal, et sut les apaiser autant par le calme de sa contenance que par les promesses qu’il leur fit. Il appela au ministère le conseiller d’État de Wydenbrugk, homme aux vues libérales, et s’occupa aussitôt de réaliser ses promesses. La liberté de la presse, la réforme de la loi électorale et par suite celle de la représentation nationale, tels furent pour le grand-duché les principaux résultats des événements de 1848, résultats qui furent maintenus, quoique bientôt après les idées réactionnaires eussent presque partout en Allemagne repris leurs cours. Le grand-duc, fidèle à la nouvelle constitution qu’il avait octroyée à son peuple, ne chercha jamais à la modifier, malgré toutes les tentatives faites auprès de lui de différents côtés pour l’y décider. La grande-duchesse Maria Paulowna, qui mourut en 1859, lui avait donné trois enfants:le prince Charles-Alexandre, son successeur ; la princesse Marie, née en 1808, mariée en 1827 au prince Charles de Prusse, et la princesse Auguste, née en 1811, qui épousa en 1829 le prince Guillaume, depuis roi de Prusse.

CHARLES-ALEXANDRE, grand-duc actuel de Saxe-Weimar-Eisenach, fils du précédent, né à Weimar en 1818, eut pour précepteur le conseiller de légation Fr. Soret, de Genève, mort en 1865, homme aussi distingué par son profond savoir que par la perfection de ses manières, et étudia, de 1835 à 1837, aux universités d’Iéna et de Leipzig. Il parcourut ensuite l’Autriche, l’Angleterre et la Hollande, servit quelque temps à Breslau dans un régiment de cuirassiers prussiens et épousa en 1842 la princesse Wilhelmine-Marie-Sophie, née en 1824, fille de Guillaume II, roi de Hollande. Pendant le règne de son père, il prit une part active à l’administration du duché, et cultiva avec un goût tout particulier les beaux-arts et les sciences. Depuis qu’il a été appelé à lui succéder en 1853, il a agi en toutes circonstances comme un prince nettement constitutionnel. Non-seulement il a su maintenir l’état de prospérité auquel le gouvernement de ses prédécesseurs avait amené ses États, mais encore il y a introduit de nouvelles réformes, entre autres la liberté d’industrie. Il s’est montré fidèle à la politique traditionnelle de sa maison dans toutes les crises politiques qui, depuis 1859 surtout, ont agité l’Allemagne. Dans la question du Sleswig-Holstein, dans celles de la réforme fédérale et de la réforme commerciale du zollverein, il s’est fait le défenseur du progrès le plus libéral et le plus exempt de préjugés. Le respect et l’affection que lui portent ses sujets ont surtout éclaté à la fête du 6 mai 1866 célébrée en l’honneur de la cinquantième année d’existence de la constitution octroyée en 1816 au grand-duché par son aïeul. À l’issue de la guerre qui a éclaté en 1866 entre la Prusse et l’Autriche, il est entré dans la confédération de l’Allemagne du Nord par le traité du 18 août 1866. De son mariage avec la grande-duchesse Sophie, il a eu trois enfants, le grand-duc héritier Charles-Auguste, né en 1844; la princesse Marie, née en 1849, et la princesse Élisabeth, née en 1854.

ROIS D’ESPAGNE.

CHARLES Ier. Le même que Charles-Quint empereur d’Allemagne. V. ce mot.

CHARLES II, fils de Philippe IV et de Marie-Anne d’Autriche, né en 1661, mort en 1700. Il monta sur le trône en 1665, sous la tutelle de sa mère. Dernier rejeton de la maison d’Autriche épuisée, il eut cependant, malgré sa faiblesse et son ineptie, la bonne inspiration d’appeler à la tête des affaires, contre la volonté de la régente, don Juan d’Autriche, le vaillant bâtard, dont l’administration ne répondit pas à l’attente publique, et qui d’ailleurs mourut peu de temps après. L’Espagne, sous le règne de Charles II, se précipita dans une décadence rapide, perdit par le traité de Nimègue la Franche-Comté, plusieurs villes des Pays-Bas, ainsi que ses dernières places en Artois, flotta entre l’influence de la France et celle de l’Autriche, ruinée à l’intérieur par une administration corrompue pendant que les flibustiers pillaient ses colonies d’Amérique. Maladif, incapable, hébété même et jouet de toutes les intrigues qui s’agitaient autour de lui, Charles II en arriva à ce point qu’on put lui persuader qu’il était ensorcelé et qu’il permit qu’on l’exorcisât. Marié deux fois, à Louise d’Orléans, nièce de Louis XIV, et à la sœur de l’empereur, Anne, veuve de l’électeur palatin, il fut tour à tour l’instrument docile des deux cours étrangères. Il n’eut point d’enfants, et la diplomatie régla par deux fois, de son vivant et sans le consulter, le partage de sa succession. Accablé d’obsessions, il finit par instituer le petit-fils de Louis XIV son successeur au trône d’Espagne, malgré son aversion pour les Français. C’était son troisième testament. Il mourut peu de temps après.

CHARLES III, fils de Philippe V et d’Élisabeth Farnèse, né en 1716, mort en 1788. Il fut d’abord connu sous le nom de don Carlos. En 1731, il prit possession des duchés de Parme et de Plaisance, qui lui étaient garantis par les traités, dans le cas d’extinction de la maison de Farnèse. Pendant la guerre de la succession de Pologne, comme allié de la France et de l’Espagne, il battit les impériaux à Bitonto, s’empara de Naples, puis de la Sicile, et fut définitivement reconnu comme roi par le traité de Vienne en 1738 (Charles VII de Naples, Charles V de Sicile). Le nouveau monarque, qui avait fait preuve de bravoure sur les champs de bataille, mérita la reconnaissance de ses sujets par son administration habile et prévoyante, par le développement qu’il donna au commerce, aux arts et à l’industrie, par ses utiles réformes judiciaires et financières et par les monuments dont il embellit Naples, Caserte, etc. La mort de son frère aîné Ferdinand lui donna la couronne d’Espagne en 1759. Il abandonna les Deux-Siciles à l’un de ses fils et fut accueilli en Espagne avec un enthousiasme et des espérances qui ne furent pas déçues. Il réorganisa les finances délabrées, donna une impulsion, à l’agriculture en faisant remise aux laboureurs de ce qu’ils devaient au fisc et en leur distribuant gratuitement des grains pour ensemencer leurs terres en friche, réforma la monnaie, altérée sous les règnes précédents, établit la liberté du commerce des grains, institua la banque de Saint-Charles, et la plaça sous la direction d’un Français habile, le comte de Cabarrus, embellit Madrid, fonda des écoles spéciales pour l’artillerie, le génie et la marine, fit exécuter de vastes travaux d’utilité publique, releva le travail de l’inepte mépris où il était tombé, pour la ruine de l’Espagne, en admettant aux charges municipales ceux qui exerceraient un métier et en les déclarant même aptes à aspirer à la noblesse. Enfin, dans toutes les parties du gouvernement et de l’administration publique, son règne fut fécond et réparateur. Il fut d’ailleurs secondé dans ses réformes par des ministres habiles, Aranda, Campomanès, Jovellanos, Florida-Blanca, etc. Souvent aussi il rencontra une vive opposition, notamment dans le clergé et les moines. En 1767, il supprima dans ses États l’ordre des jésuites et déporta les Pères en Corse. Sa politique extérieure ne fut pas sans gloire, bien que son alliance avec la France par le pacte de famille lui eût fait perdre temporairement Minorque, la Floride, etc., pris par les Anglais. Il échoua aussi, malgré ses efforts, contre les pirates barbaresques qu’il attaqua à plusieurs reprises. Sous son impulsion, la marine espagnole se releva de sa décadence. Ce fut lui qui établit dans les solitudes incultes de la sierra Morena des colonies d’Allemands qui les cultivèrent et les rendirent florissantes. On cite de lui deux mots caractéristiques qui peignent bien l’état de l’Espagne à son avènement. Au sujet des résistances contre ses utiles réformes, il disait : « Mes sujets sont comme les enfants, qui pleurent quand on les nettoie. » Lorsqu’on lui parlait de trames, d’intrigues dans les affaires publiques, ou de dissensions élevées dans les familles, il avait coutume de demander : « Quel moine y a-t-il dans cette affaire ? » Il mourut en emportant les regrets de ses sujets et l’estime de l’Europe.

Charles III (ordre de). Espagne. Le 10 septembre 1771, à l’occasion de la naissance du prince des Asturies, l’infant Charles-Clément, le roi Charles III institua cet ordre et le voua au mystère de l’immaculée Conception de la Vierge. Il s’en déclara grand maître et attacha cette dignité à la couronne d’Espagne. Le pape Clément XIV approuva cet ordre par une bulle en 1772. Destiné à récompenser ceux qui se sont distingués par leur mérite et leur vertu, il subsista jusqu’en 1808, époque à laquelle Joseph-Napoléon, devenu roi d’Espagne, le supprima. On le rétablit en 1814, et il fut composé de soixante chevaliers grands-croix, de deux cents chevaliers pensionnés, et d’un nombre illimité de chevaliers surnuméraires. Pour être reçu grand-croix ou chevalier pensionné, il faut faire preuve de noblesse et avoir au moins vingt-cinq ans ; pour être reçu surnuméraire, il faut avoir au moins quatorze ans. Les grands-croix ont le titre d’excellence et jouissent à la cour des privilèges qui y sont attachés. À leur réception, les chevaliers jurent de vivre et de mourir dans la religion catholique, de défendre les mystères de la sainte Vierge, de ne rien entreprendre, directement ou indirectement, contre la personne et les États du roi, de le reconnaître pour chef de l’ordre. La devise de l’ordre est : Virtuti et merito (à la vertu et au mérite). Les grands-croix portent en écharpe un large ruban moiré coloré en trois parties égales ; le milieu est blanc et les deux côtés bleu azur. À ce ruban est suspendue la croix à quatre branches et à huit rayons, avec boules d’or aux extrémités, portant dans un médaillon l’image de la Conception d’un côté, et le chiffre de Charles III de l’autre. Chaque branche de la croix est séparée de l’autre par une fleur de lis dorée. Les prélats et les ecclésiastiques qui sont grands-croix portent la décoration suspendue au cou par un large ruban ; les autres la portent attachée à un ruban en écharpe de droite à gauche. Les chevaliers pensionnés portent la croix à la boutonnière, et en outre une plaque plus simple que celle des grands-croix, au milieu de laquelle on lit le chiffre III. Les chevaliers surnuméraires portent la croix à la boutonnière sans avoir de plaque. Le collier de l’ordre se compose de trophées, de tours et de lions. On ne le porte que les jours de cérémonie avec un costume particulier.

CHARLES IV, fils et successeur du précédent, né à Naples en 1748, mort à Rome en 1819. Il monta sur le trône en 1788. Jeune encore, il avait épousé sa cousine Marie-Louise de Parme, qui, dans la suite, prit sur son faible esprit un ascendant absolu, et causa en partie les malheurs de son règne. Il n’avait aucune des qualités gouvernementales de son père, et laissa péricliter l’œuvre de régénération commencée avant lui. Monarque indolent et apathique, époux aveugle et lâchement complaisant, il accorda toute sa confiance au trop fameux Godoï, favori de sa femme, qui, dominé lui-même par la reine, fit renvoyer un des ministres les plus capables du règne précédent, Florida-Blanca, et contribua aux mesures les plus funestes de ce règne déplorable. Lorsque la Convention mit Louis XVI en jugement, le gouvernement de Charles IV intervint maladroitement pour sauver à prix d’or le monarque français, essaya sans plus de succès d’intimider ceux qu’il n’avait pu corrompre, et commença contre la République une guerre qu’il se trouva heureux de terminer en 1795 par le traité de Bâle et par l’abandon de la partie espagnole de Saint-Domingue. La France lui imposa en même temps une alliance offensive et défensive qui l’obligea plus tard à faire la guerre au Portugal et à l’Angleterre. La perte de l’île de la Trinité, la rétrocession de la Louisiane à Napoléon, le pillage en mer de ses galions par les Anglais, la destruction de sa marine à Trafalgar sont les seuls fruits que recueillit l’Espagne, devenue en quelque sorte la vassale de l’Empereur, qui lui imposait des tributs d’hommes et d’argent et inspirait les actes les plus importants de sa politique. Abusé par un traité secret avec Napoléon, qui lui promettait une partie du Portugal, Charles IV laissa sans méfiance occuper une partie de l’Espagne par les troupes françaises, en même temps qu’entraîné par un complot de son fils Ferdinand et par une émeute à Aranjuez, il abdiquait, puis protestait presque aussitôt contre un acte qu’il prétendait lui avoir été arraché par la violence. Murat occupait Madrid ; Charles et Ferdinand, réduits à prendre pour arbitre de leurs différends et de leurs prétentions le souverain qui se préparait à les dépouiller, s’épuisaient en démarches, en intrigues et en sollicitations, et se laissèrent enfin attirer à Bayonne (1808), où l’empereur imposa à l’infant la renonciation à la couronne en faveur de son père, qui lui-même, par un acte inqualifiable, avait, dès la veille, abandonné tous ses droits à Napoléon, lequel adjugea le trône d’Espagne à son frère Joseph. Charles IV reçut pour résidence le château de Compiègne avec une pension considérable. Il vécut ensuite à Marseille, puis à Rome, conservant jusqu’à la fin de sa vie une confiance inaltérable dans l’épouse qui avait causé tous ses malheurs et dans l’homme qui l’avait entraîné dans l’abîme.

ROIS ET PRINCES FRANÇAIS.

CHARLES MARTEL ou KARL LE MARTEL, duc d’Austrasie, maire du palais des rois francs. Il était fils naturel de Pépin d’Héristal et d’Alpaïde et naquit en 689, Soupçonné d’avoir trempé dans le meurtre de Grimoald, fils de Pépin et de Plectrude, il avait été déshérité et jeté en prison par ordre de son père dans la forteresse de Cologne. À la mort de Pépin, les Austrasiens le tirèrent de son cachot et le proclamèrent duc. Il écrase d’abord les Neustriens, qu’il poursuit jusqu’à Paris, refoule ensuite les Frisons au delà du Rhin et porte ses ravages jusqu’en Saxe. Les Neustriens vaincus appellent à leur aide les Aquitains, qui s’avancent jusqu’à Soissons. Charles, accouru à temps, enveloppe dans la même défaite Aquitains et Neustriens (719) et se trouve ainsi maître de toute la France du Nord, comme maire du palais du fantôme mérovingien Chilpéric II. De nouveaux et redoutables ennemis se présentent, les Arabes, maîtres de l’Espagne et qui débordaient sur tout le Languedoc, lançant déjà leur innombrable cavalerie jusqu’en Poitou et jusqu’en Bourgogne. Le terrible Marteau accourt de la Germanie, où il guerroyait presque continuellement, entraînant à sa suite une foule de barbares d’outre-Rhin, rencontre l’émir Abdérame et les Sarrasins dans les plaines de Poitiers (732), en fait un carnage exagéré sans doute par l’imagination populaire, et sauve ainsi par cette mémorable victoire la civilisation chrétienne et l’Occident de la conquête musulmane. Il reprit ensuite quelques villes du Midi où flottait l’étendard du Prophète, mais ne put emporter Narbonne, et essaya en vain de brûler les Arènes de Nîmes, changées par les Arabes en forteresse. On distingue encore aujourd’hui sur les murs la trace de l’incendie. L’invasion germanique n’était pas moins à craindre pour la Gaule, et ce ne fut que par une longue suite d’expéditions que Charles Martel parvint à refouler les barbares de ces contrées belliqueuses où il recrutait ses soldats. C’est sans doute à sa vaillance irrésistible, à son activité, à ces coups multipliés frappés sur les ennemis des Francs qu’il dut son surnom de Marteau. On n’a d’ailleurs à cet égard aucune certitude et diverses opinions ont été émises. Pour attirer les guerriers sous ses drapeaux et pour les y retenir, il leur livrait les biens du clergé, crime irrémissible qui ne lui a jamais été pardonné par l’Église. Ni le service immense qu’il avait rendu à chrétienté en faisant rétrograder les sectateurs du Coran, ni l’appui efficace qu’il donna aux missions chrétiennes en Germanie, ni la protection accordée au pape contre les Lombards ne purent apaiser l’irritation de l’Église contre l’envahisseur de ses biens : sa mémoire demeura chargée pour jamais d’anathèmes et de malédictions. À la mort de Thierry, il ne fit point nommer un autre roi et dédaigna de prendre lui-même ce titre méprisé en la personne des derniers mérovingiens, et qui bientôt devait passer à son fils Pépin. Il laissa le trône vacant et gouverna avec une autorité absolue depuis 735 jusqu’à sa mort, arrivée à Kiersy-sur-Oise en 741. Disposant de la France comme d’un domaine acquis, comme d’une principauté, il partagea en mourant la Neustrie et l’Austrasie entre ses fils Carloman et Pépin.

CHARLES LE GRAND. V. Charlemagne.

CHARLES Ier, le Chauve, roi de France, puis empereur, fils de Louis le Débonnaire et de Judith de Bavière, né à Francfort-sur-le-