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«■.aie, enveloppée fle ténèbres. Ce ne fut que deux ou trois ans après la révolution de 1630, quaid les expériences accomplies en Angleterre et en Amérique eurent retenti dans le monde entier, qu’il fut vraiment possible de s’interroger sur les applications plus générales dont ce nouveau moyen de communication pourrait être susceptible. Alors surgirent en toule des questions naguère imprévues ; mais il en est une qui chez nous domina toutes les autres. On se demanda par qui les chemins de fer seraient établis ? Serait-ce par l’État ? serait-ce par l’industrie privée ? • Lorsque ce grand problème économique fut porté à la tribune française (s mat 1S37), le pouvoir était entre les mains du ministère du 15 avril, présidé par le comte Mole. Ce ministère avait devant les yeux, d’une part, l’exemple de l’Angleterre et de l’Amérique, où l’exécution par l’industrie

Êrivée avait prévalu ; d’autre part, celui de la elgique, qui avait préféré l’exécution par l’État. It se prononça pour les Compagnies, sous diverses formes, avec ou sans subvention du Trésor, par des concessions directes ou par des adjudications. On prenait le terme de quatre-vingt-dix-neuf ans pour maximum de la durée des concessions ; on se réservait la faculté de reviser les tarifs à l’expiration des trente premières années, et ensuite, après chaque période de quinze ans, la faculté de rachat était stipulée au profit de l’État, Tel fut le premier système formulé devant le pouvoir législatif par le gouvernement de Juillet.

Ce système de la concession à l’industrie privée, le ministère semblait l’avoir adopté à regret et sans conviction. La discussion témoigna combien sa pensée était oscillante. Dès le principe, le ministre des travaux publics, M. Martm (du Nord), déclara qu’il était très-porté à partager l’avis de ceux qui voulaient que les grandes lignes appartinssent exclusivement à l’État ; mats qu’il ne pensait pas que ce système put triompher devant la Chambre, ni que celle-ci fût disposée à voter les fonds nécessaires, à Sans doute, il vaudrait mieux, dtsait-il, que le gouvernement fit lui-même les grandes lignes, mais c’est une question de possibilité. Les dépenses des chemins de fer que nous avons demandés s’élèveraient en totalité à une somme de 280 millions. En vérité, comment serait accueillie par la Chambre la demande d’un semblable crédit ?» Le directeur des ponts et chaussées, M. Legrand, chargé de soutenir les projets en qualité de commissaire du gouvernement, insistait dans le même sens d’une manière encore plus explicite. Il ne cachait pas qu’il serait à désirer eue l’État pût se charger des grandes lignes, de ces lignes qui devront devenir des instruments de la puissance publique. « Les grandes lignes, disait M. Legrand, sont de grandes renés du gouvernement ; il faudrait que l’État pût les retenir dans sa main ; et si nous avons consenti à confier ces travaux à l’industrie particulière, c’est sous la condition patente, avouée, écrite dans la loi, qu’un jour le gouvernement pourra rentrer dans la possession pleine et entière de ce grand rnoyes de communication, si l’intérêt du pays le requiert. »

Le système de l’exécution par l’État fut défendu par M. Mallet, qui représenta les Compagnies comme devant être plus occupées à réaliser des bénéfices qu’à bien exécuter les travaux. On devait craindre qu’elles ne confiassent les emplois à des gens peu capables de remplir leurs fonctions. « Le gouvernement, disait-il, a tous les moyens nécessaires pour faire marcher immédiatement le service ; il a, pour la gestion administrative, la direction des ponts et chaussées, les préfets et les préfectures ; pour la gestion financière, le ministère des finances, les receveurs généraux, les payeurs, les préposés aux recettes disséminés dans les villes et dans les campagnes, acquittant les mandats des préfets. » M. le

— comte Jaubert, qui fut depuis ministre des travaux publics, et M. Berryer, avouèrent aussi leur préférence pour le système 4e l’exécution

fiar l’État, du moins relativement aux grandes ignés, M, Jaubert opposait aux divers modes sous lesquels l’État se proposait d’intervenir le dilemme suivant : ou 1 entreprise semble douteuse au gouvernement, ou le succès lui en parait assuré ; dans le premier cas, il ne doit pas laisser les particuliers s’y engager, car il est leur tuteur ; dans le second cas, pourquoi n’entreprend-il pas lui-même le travail ? Par les subventions, il prête son crédit ; ne vaut-il pas mieux qu’il l’emploie lui-même et reste le maître ? »

M. Berryer ne se montrait pas absolu dans ses préférences ; il reconnaissait que l’exécution par l’État pouvait rencontrer des obstacles sérieux dans la situation des choses ; mais, le système des concessions admis, il ne voulait pas que L’on songeât à un autre mode d’interventionde l’État que la garantie d’un minimum d’intérêt. Il qualifiait â’immoral le système des subventions directes, ’ parce qu’elles donnent l’essor à l’agiotage, par l’appât de la prime, et, avec les inévitables’imprévus des évaluation^ primitives, préparent des Réceptions certaines, axtie actionnaires. Comme p, n était disposé a, Ç’in^uïé.ter del’é, te, ndu€ ; iΣS charge^ que la ga,çantiéd’intèrêt pouvait éré, e ; r à. 1 État, M. Berner "^v’aït pris soiii d’ajouter : « L’État garant iira un minimum d’intérêt pendant ; vin^tj Yingt-cinq, trèntp, quarante ans peut-être ; yous dé terminerez une limite ; et si les chemins çle fer doivent produire les résultats qu’on en attend, il est évident que dans quinze ou vingt ans le mouvement général que leur établis CHEM

sèment aura produit sera tel, que la garantie du minimum d’intérêt se trouvera illusoire. • La subvention directe fut défendue par M. Duchâtel contre les accusations de M. Berryer. Qu’est-ce que l’agiotage ? disait-il. C’est

I espoir du bénéfice ; toutes les fois qu’on peut s’imaginer que les valeurs éprouveront une hausse considérable, l’agiotage apparaît sur-le-champ. C’est ainsi qu’on le voit toujours à. la naissance du crédit public. Or, avec la garantie d’intérêt, que fait-on ? On assure les capitaux contre la plupart des mauvaises chances, et sinon contre certaine perte, du moins contre la perte totale ; on leur laisse toutes les chances de bénéfice ; on crée de cette façon le principe d’une hausse certaine. Ainsi la garantie d’intérêt développe l’agiotage comme la subvention directe ; elle n’est donc pas préférable, sous le rapport moral, à la subvention directe : L’orateur analysait ensuite les caractères de la subvention. Quand l’État accorde une subvention, c’est qu’il croit, ’c’est que les capitalistes croient comme lui, -qu’en raison des chances de perte, les profits de telle entreprise déterminée ne promettent pas d’être assez forts pour que les capitaux se décident à s’y engager. Alors l’État s’abonne en quelque sorte avec les capitalistes moyennant une certaine somme. Il leur dit : il y a de mauvaises chances à craindre ; l’entreprise qui devait rapporter 6 ou 5 pour 109 peut n’en rapporter que 5 ou 4 ; je vous donnerai une certaine somme, et par la vous pouvez réaliser le profit auquel vos capitaux ont droit de prétendre. A ces explications sur le phénomène économique, M. Duchâtel ajoutait quelques considérations sur la subvention directe envisagée comme moyen de finance. Il montrait qu’avec ce système on pouvait déterminer exactement les engagements de l’État. L’État devant faire face sur son budget aux dépenses que les subventions lui imposaient, il était facile de eombineren conséquence les ressources duTrésor.

Les systèmes de la concession directe et de l’adjudication furent aussi l’objet du débat. Les uns soutenaient que la subvention de l’État impliquerait de plein droit la voie de l’adjudication ; croyant a ^efficacité delà concurrence sous cette forme, ils condamnaient la concession directe comme étant un moyen d’influence pour le pouvoir exécutif. Les autres faisaient valoir qu’avec la concession directe on avait l’avantage de connaître ceux avec qui l’on traite, et de pouvoir s’assurer d’avance de leur capacité et de leur moralité. Il est bon, disait M. Jaubert, que les concessionnaires, que les principaux administrateurs, soient, pour ainsi dire, incorporés à l’entreprise. Une sorte de responsabilité morale pèse alors sur leurs têtes. C’est ainsi que de grands travaux ont été exécutés, qui font l’honneur de la France et de l’Angleterre. Le système de la concession directe est le seul qui créa les sacrifices prolongés et les dévouements généreux.

Telle fut la discussion de 1837. Elle aboutit, sur la proposition de M. Bureaux de Pusy, soutenue par M. Dufaure, à un vote d’ajournement motivé par l’insuffisance des études dont les projets ministériels étaient sortis.

Discussion de 1838. Après son échec de la session de 1837, le ministère du 15 avril prépara, pour la- session suivante, un projet conçu dans un esprit tout différent, c’est-à-dire où était adopté le système de l’exécution par l’État. Le 15 février 1838, M. Martin (du Nord) vint exposer les vues nouvelles du ministère.

II montrait que le temps était venu de s’occuper sérieusement des chemins de fer, l’instrument de civilisation le plus puissant que le génie de l’homme eût créé depuis l’invention de l’imprimerie. Il parlait des conséquences incalculables qu’ils étaient destinés à produire sur la vie des nations, de la prospérité qu’ils ne pouvaient manquer d’amener en étendant etenmultipliantles relations des hommesentre eux, en faoilitant les transports des matières pperoières sur les lieux de production, et des produits fabriqués sur les lieux de consommation. Il disait le développement que ces voies nouvelles avaient reçu depuis quelque temps en Angleterre, aux États-Unis et en Belgique. La France, habituée à marcher la première dans toutes les carrières de progrès et d’amélioration, pouvait-elle rester en arrière du grand et fécond mouvement qui se manifestait de toutes parts ? Déjà sans doute nous avions vu construire quelques chemins de fer sqr. notre territoire ; mais ces entreprises étaient encore bien restreintes. Il fallajt sans doute songer à des opérations plus étendues, et arrêter un plan général. M. Martin (du Nord) arrivait ensuite à l’exécution des chemiTts de. /fer par l’État. Ce mode d’exécution était, selon lui, réclamé par l’unité économique du pays^ «’La France, disait-il, resterait éternellement partagée en provinces qui â’auiftieçtfc entre elles que de rares relations. ; la grande unité du pays, qu’il est si "important (l’établir, ne «.ferait jamais pbtenuet si l’on imposait des tarifs élevés, sur les communications destinées b, joindre entre elles les frontières du royaume, ■

Sour assurer au pays le bienfait de tarifs mor érés, le gouvernement était obligé, par la force même des choses, de se charger des chemins de fer, comme il se charge des grandes routes de terre, où il n’exige de péages que dans des cas exceptionnels, pour la construction des grands ouvrages d’art par exemple. Une raison d’ordre politique venait en aide à la raison d’ordre économique. « Qui peut prévoir, se demandait le ministre, qui peut prévoir

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les conséquences que l’ouverture des ligues de chemins de fer peut exercer sur l’avenir du pays, sur l’état de sa politique et de sa civilisation, sur les rapports des habitants entre eux et avec le gouvernement ? Est-il prudent d’abandonner-à l’intérêt privé, quand il s’agit de grandes lignes, ces moyens de communication qui doivent devenir quelque jour des lignes essentiellement politiques et militaires, et qu’on peut justement assimiler à des rênes de gouvernement ?» Puis venaient des doutes sur la force de l’industrie particulière. M. Martin (du Nord) n’admettait l’efficaeité de son intervention que pour des entreprises renfermées dans des limites restreintes ; il était à craindre qu’elle ne succombât quand il s’agirait d’embrasser des spéculations demandant des capitaux aussi considérables que ceux qu’exigeraient les voies ferrées. D’ailleurs, il ne s’agissait pas d’exclure les Compagnies particulières de toutes les entreprises de chemins de fer. On ne leur enlevait que les grandes lignes. Quant aux lignes secondaires, aux lignes d’embranchement, l’État n’avait ni la pensée ni le désir de s’en réserver l’exécution.

« Le système du ministère, dit M. Michel Chevalier, offrait certainement des inconvé-. nients à côté des avantages qu’on lui attribuait ; mais enfin c’était une solution qui nous eût donné les chemins de fer. À cette proposition, grande explosion ; les rivalités politiques s’en mêlèrent. La science elle-même, sophistiquée par la passion, vint donner son appui à l’opposition systématique. Un savant illustre eut la faiblesse de prêter l’autorité de son nom k ce complot ourdi contre les chemins de fer. L’exécution par l’État fut repoussée à une immense majorité. » Arago, le savant illustre dont parle ici M. Michel Chevalier, fut nommé rapporteur par la commission chargée d’examiner la loi. Voici en quels termes il défendit, dans son rapport, le système de l’exécution par les Compagnies contre la proposition ministérielle : « Suivant nous, messieurs, il faut abandonner l’exécution des cAemins de fer, grands et petits, à l’esprit d’association, partout où il a produit des Compagnies sérieuses, fortement et moralement constituées ; l’action gouvernementale immédiate doit s’exercer dans les seules directions où, l’intérêt national des travaux étant bien constaté, il n’y a cependant pas de soumissionnaires, soit à cause de l’incertitude des produits, soit même, nous allons jusque-la, à raisotude leur insuffisance reconnue. Jamais une commission honorée de votre confiance n’a pu avoir l’inqualifiable pensée de subordonner judaïquement au bon vouloir, ou au caprice des Compagnies de capitalistes, l’exécution de travaux dont le bien - être et la sûreté du pays pourraient dépendre. Autant sur ce point nos convictions sont arrêtées et profondes, autant, d’un autre côté, il nous semble nécessaire de mettre des bornes à l’esprit de monopole qui domine trop évidemment l’administration française. Examinons au surplus si, comme le ministre le pense, il est indispensable de confier à l’État l’exécution des longues lignes de chemins de fer, et en général de toutes les grandes communications qui ont pour objet de rattacher entre elles les extrémités du royaume... Le gouvernement, vous dit-on, doit rester maître des tarifs sur les che~ mins de fer ; il doit pouvoir les modifier à. son gré d’après les besoins de l’intérieur, ou d’après ceux de nos relations avec l’étranger. C’est à merveille, messieurs ; mais comme le mot impossible est français, quoi que jadis on en ait pu dire, à peine le grand principe est-il proclamé, qu’il faut reculer devant son application absolue, devant l’immensité de la tâche. Que fait-on alors ? On sacrifie les embranchements ; on soutient que le bas prix des transports n’a d’importance que sur les grandes lignes ; là le gouvernement veillera scrupuleusement aux intérêts des voyageurs et du

commerce ; sur les lignes secondaires, le commerce et les voyageurs seront livrés à la merci des Compagnies. Avant d’aller plus loin, demandons-nous a quel signe certain l’embranchement sera distingué de la ligne principale ?., . Supposons le réseau du Nord complètement exécuté, tel que le gouvernement le propose, et transportons-nous par la pensée à Amiens. Le chemin s’y bifurque ; une des branches’se dirige sur Lille ; la seconde va à Boulogne ; elles parcourent l’une et l’autre des distances à peu près pareilles ; mais la première, ayant eu l’heureuse chance d’être qualifiée de ligne principale, jouira aux frais de l’État de tarifs très-bas ; sur la seconde, au contraire, qui, avec des. droits égaux à la même faveur, se trouvera, par hasard, reléguée dans l’ordre <Jes embranchements, le tarif sera beaucoup plus élevé, puisqu’il aura fallu le calculer sur la dépense réelle d’exécution et d’entretien. Eh bien, nous le demandons, personne pourrat-il s’expliquer une pareille différence, quand elle sera, du fait du gouvernement ? A quel titre nos communications avec la Belgique seraient-elles plus favorisées que nos communications avec l’Angleterre ?... La faculté de changer à chaque instant les tarifs que le gouvernement réclame avec tant de vivacité ne

lui serait pas plus tôt accordée que la force des choses l’obligerait d’y renoncer. Personne n’a cru sérieusement que l’État pût se charger, lui-même de l’exploitation si compliquée, si minutieuse d’une longue ligne de chemins de fer. Les chemins une fois construits, il faudrait inévitablement les affermer ; mais qui ne voit que le tarif serait la clause principale du cou CHEM

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fout ? On ne traiterait, dit-on, que pour un cer* tain nombre d’années. Voilà déjà une concession bien large, si on la rapproche des espérances qu’on avait d’abord embrassées. L’exploitation ne serait jamais concédée que pour un terme assez court. Et qui peut assurer que pour un terme assez court on trouverait jamais une Compagnie qui consente à faire exécuter k ses frais le matériel immense qu’exigerait l’exploitation de la ligne de Paris à Marseille, ou même seulement l’exploitation de la ligne de Paris à Strasbourg ?... L’esprit d’association vient à peine de naître, et déjà il a reçu des développements considérables. De toutes parts, les capitaux, grands et petits, affluent vers les entreprises industrielles. Cette tendance, qu’il faut soigneusement distinguer du déplorable agiotage dont la Bourse de Paris a-été récemment le théâtre, ouvre à notre pays un avenir entièrement nouveau et mérite vos encouragements. C’est cette tendance qui nous a inspiré la pensée que le moment était venu de sortir des vieux errements et de fournir à l’association une occasion solennelle d’essayer ses forces, de montrer sa puissance ; c’est elle aussi qui nous a persuadé que des Compagnies privées pourront exécuter, avec leurs propres ressources et sans subvention aucune, la plupart des chemins de fer projetés., . Le ministère nous demande quelles sont les opérations un peu vastes que les associations particulières ont pu conduire heureusement à leur terme ? Notre réponse est toute prête ; elle sera très-simple : en France, aux époques dont parle l’exposé des motifs, les Compagnies n’étaient pas encore nées. Oh ! l’objection aurait une grande force, si on avait pu l’appliquer aux contrées dans lesquelles l’esprit d’association existe depuis longtemps, et où il a toujours reçu de l’autorité encouragement et appui. Mais, comme de raison, la b rance seule a été mise en scène. Par là on s’est soustrait à l’accablante énumération de routes, de chemins de fer, de ponts, de canaux, de ports, d’embarcadères, de docks, d’établissements industriels de tout genre qui, dans un pays voisin, démontrent à chaque pas que l’association est le plus énergique ressort dont les nations modernes puissent faire usage pour accroître leur bien-être, leur richesse et leur importance politique. »

Le rapporteur ne se bornait pas à critiquer le plan ministériel, il formulait en un certain nombre d’articles le système que la commission opposait à ce plan. Il faut citer quelques-uns de ces articles, afin de bien faire comprendre quelles étaient les vues économiques du rapport. Les compagnies devaient être tenues de faire un cautionnement dont elles ne pourraient réclamer la restitution qu’après l’achèvement de la cinquième partie des travaux concédés. Elles pourraient être mises en déchéance, soit en cas de non-exécution des travaux dans le délai déterminé, soit pour un manquement grave aux conditions du cahier des charges. La déchéance ne serait pas une confiscation déguisée. Une adjudication des travaux commencés aurait lieu au profit de la compagnie. La dévolution définitive à l’État ne serait prononcée que dans le cas où, après deux épreuves, à six mois de distance, il n’y aurait pas eu d’acquéreur. Le chemin ne pourrait être continué qu’en vertu d’une loi qui réglerait le montant de l’indemnité à laquelle les adjudicataires primitifs pourraient avoir droit. La faculté de rachat des chemins de fer serait désormais réservée à l’État dans tous les cahiers des, charges, qui ne seraient d’ailleurs acceptés et signés qu’après que des engagements dûment souscrits représenteraient un capital égal au moins à la moitié de l’estimation de la dépense. Aucune émission ou négociation de titres, même provisoire, ne pourrait avoir lieu avant la promulgation do la loi. Hormis des cas exceptionnels fort rares, la concession directe, seul moyen d’apprécier la moralité et la solidité des Compagnies, devait être préférée à l’adjudication.

Le rapport d’Arago fut vivement soutenu par M. Billault au nom de l’esprit d’association, éloqueininent combattu par M. de Lamartine au nom de l’esprit démocratique. Il est intéressant de rappeler les arguments de ces deux orateurs. M. Billault s’attacha à montrer la corrélation qui, selon lui, existait, d’une part, entre le pouvoir absolu et le système de l’exécution par l’État, de l’autre, entre le régime constitutionnel et le système de l’exécution par des compagnies. Il résumai* sa pensée en ces termes : « Voilà les deux thèses bien posées ; s’il s’agit d’un gouvernement absolu, qu’il fasse et fasse seul, qu’il se garde de l’esprit d’association ; mais s’il s’agit d’un gouvernement constitutionnel, si surtout ce gouvernement est naissant, si le pays a besoin de former sous son nouveau principe ses mœurs et son esprit politique, qu’il encourage, qu’il développe par tous les moyens les. industries et l’association ; il ne saurait vivreni devenir puissant que par elles. Voilà comment je comprends la question. Je conçois, ai» reste, parfaitement les répugnances de l’administration pour les Compagnies. Cette répu^

gnance est conséquente à l’esprit de son organisation. Qui a organisé l’administration des ponts et chaussées ? Un gouvernement absolu, l’empire !... Je suis sans aucune préoccupation hostile contre les ponts et chaussées, je sais quel est le mérite de son personnel et la juste considération à laquelle il a droit ; mais je cite un fait, et il confirme mes doctrines : c’est le pouvoir absolu avec toute s*