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Césalpin s’est aussi beaucoup occupa de minéralogie. • Le traité De metallicis, dit le docteur Hœfer (Histoire de la chimie, t. II, p. 56), est divisé en trois livres. Dans le premier, l’auteur parle de la matière et de la composition des corps, d’après les idéea d’Aristote, Il définit les métaux des vapeursv condensées par le froid (metalla sunt vapores a frigorg congelati). Il distingue les minéraux des végétaux en ce que les premiers ne se putréfient pas, et qu’ils ne fournissent aucun aliment propre au développement des êtres animés, et, prévoyant l’objection qu’on pourrait lui faire, il soutient que les coquillages que l’on trouve incrustés dans la substance de certaines pierres proviennent de ce que la mer avait autrefois inondé la terre ; et que, en se retirant peu à peu, elle avait laissé des traces de son passage. Il est impossible de mieux expliquer l’origine des fossiles. L’explication qu’il donne des eaux thermales, dont plusieurs sont si chaudes qu’on peut y faire cuire des œufs, est assez spécieuse et a été souvent renouvelée depuis. Cette chaleur serait produite par les combinaisons qui s’opèrent au sein de la terre…..

Le second livre traite des pierres calcaires, des marbres, des pierres précieuses, etc. Le phénomène de la cristallisation attire particulièrement l’attention de l’auteur, qui remarque ! comme caractère distinctif du règne organique et du règne minéral, que les minéraux sont les seuls susceptibles de ces formes géométriques régulières qu’ils revêtent pendant la cristallisation

Le troisième livre est consacré à la description des métaux. En parlant de la trempe du fer, l’auteur fait remarquer avec raison qu’il y a des eaux plus ou moins propres à cette opération importante. « On trempe aussi le fer, dit-il, afin de le durcir, dans les sucs de différentes plantes, comme dans du suc « de radis mélangés de lombrics terrestres, moyen déjà proposé par Albert. » À propos du plomb, Césalpin fait une observation de la plus haute importance, et qui, jointe à d’autres observations semblables, devait plus tard conduire a la découverte de l’oxygène r < La crasse (sardes) qui recouvre le plomb (exposé à l’air humide) provient d’une substance aé ■ rienne qui augmente le poids du métal. • Cette crasse qui recouvre le plomb n’est autre chose que de 1 oxyde de plomb, et la substance aérienne qui augmente le poids de ce métal, c’est l’oxygène. L’auteur appelle le plomb un savon qui nettoie l’argent et l’or dans la coupellation. L’usage des crayons de plombagine remonte sans doute au delà du xvie siècle. Cesalpin en fait la première mention en termes non équivoques : « La pierre molybdoîde est, dit-il, de couleur noire et de l’aspect du plomb. Elle est un peu grasse au toucher et tache les doigts. Les peintres se servent de ces pierres taillées en pointe pour tracer des

■ dessins ; ils les appellent pierres de Flandre, parce qu’on les apporte de la Belgique. ■ La pierre molybdoîde de Césalpin est le graphite. »

On a donné le nom de Césalpin à une herbe d’Amérique, et on conserve à Florence son herbier composé de sept cent soixante-huit espèces de plantes. Il fut sans contredit un des hommes remarquables du xvi<s siècle.

CÉSALPINIE ou CESALPINIE s. f. (sé-zalpi-nt

— de Césalpin, botaniste italien). Bot. Genre d’arbres ou d’arbrisseaux, de la famille des légumineuses, type de la tribu des césalpiniées, comprenant une quinzaine d’espèces qui croissent dans les régions tropicales des deux continents : La césalpinie bois de sappan est la seule gui soit originaire des Indes orientales. (L. Gouas.)

— Encycl. Ce genre, type de la tribu ou de la famille des césalpiniées, comprend des arbres ou des arbrisseaux, ordinairement épineux, à feuilles alternes, paripennêes ; les fleurs, disposées en grappes terminales, ordinairement jaunes, ont un calice turbiné,

urcéolé, à limbe partagé en cinq divisions ; une corolle a cinq pétales ; dix étamines velues à la base. Le fruit est une gousse aplatie, un peu oblongue, ligneuse ou spongieuse, renfermant deux a quatre graines. Ce genre renferme environ quinze espèces, qui croissent dans les régions. tropicales des deux continents. La césalpinie hérissée (cœsalpinia eckinata) est un grand arbre à rameaux longs et divergents, chargés de grappes de belles fleurs panachées de jaune et de rouge, qui exhalent une odeur agréable. Son bois, connu sous le nom de bois de Brésil ou de brésillet de Fernamboue, est dur, pesant, compacte, susceptible de prendre un beau poli ; aussi l’estime-t-on beaucoup pour les ouvrages de tour et de marqueterie. Mis au feu, il a la propriété de pétiller beaucoup et de ne répandre presque pas de fumée ; du reste, il est trop précieux pour qu’on l’emploie au chauffage. Il est fort recherché pour la teinture en rouge ; on reconnaît qu’il est de bonne qualité à la saveur sucrée qu’il répand quand on le mâche. Cette espèce croît dans l’Amérique du Sud. La césalpinie sappan, appelée aussi campêche sappan ou brésillet des Indes, est un petit arbre épineux, originaire des Indes orientales et cultivé aux Antilles, où l’on en fait do belles et bonnes haies, que l’on doit avbîr soin de tailler plusieurs fois dans l’année, sans quoi ces arbres produiraient de nombreuses graines, qui auraient bientôt infesté de jeunes niants les cultures voisines, Le bois de jsàppan,

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qui est très-dur, sort aux mêmes usages que

I espèce précédente ; à Amboine, on en fait de jolis meubles, des clous et des chevilles pour les constructions navales. Plus facile à travailler que le bois de Fernamboue, il est aussi plus riche en principe colorant et donne au coton et à la laine une plus belle nuance. Sa teinture est d’abord noire comme de l’encre ; mais, par l’addition de l’alun, elle devient d’un beau rouge. À Sedan, la simple décoction de ce bois est employée pour adoucir et velouter la draperie ; elle sert aussi de fond aux teinturiers pour les couleurs grises et violettes. Ce bois était anciennement connu sous le nom de bakatn ou lignum pressillum. Lors de la découverte de l’Amérique, une espèce (cœsalpimu brasiliensis), fournissant un bois analogue, fut trouvée dans une région qui reçut de là le nom de Brésil, C’est du moins une des étymologies que l’on donna au nom de la contrée appelée aujourd’hui Brésil. La césalpinie faux-mimosa, originaire du Malabar, est remarquable par ses folioles aussi irritables que celles de la sensitive. Quelques espèces de cé~ salpinies sont cultivées dans les jardins de l’Europe, où elles exigent la serre chaude ou la serre tempérée.

CÉSALPINIE OU CESALPINIE, ÉE adj. (sé-zal-pi-nié). Bot. Qui ressemble ou qui se rapporte aux césalpinies.

— s. f. pi. Tribu de la famille des légumineuses, ayant pour type le genre césalpinie, et regardée par plusieurs auteurs comme une famille distincte.

CÉSANA, bourg du royaume d’Italie, dans la Vénétie, province et a 15 kilom. S.-O. de Bellune, sur la rive gauche de la Piave ; 2, 000 hab. Château fort,

CÉSANNE, bourg du royaume d’Italie, province et à 25 kilom. S.-O. de Suse, sur la rive gauche de la Doria Ri paria, au pied du mont Genèvre, chef-lieu de mandement ; 1, 890 hab. Pendant les guerres de la Révolution, un détachement français périt de froid dans ce village.

CESANO, petite rivière du royaume d’Italie, province d’Urbino, prend sa source au versant oriental des Apennins, à l’E. du village de Santiono, coule de l’O. À l’E., et se jette dans l’Adriatique à 6 kilom. S. de Marotta, après un cours de 50 kilom.


CÉSAR s. m. (sé-zar — du lat, cœsar ou cœso, enfant extrait du sein de sa mère par incision, opération qui a été depuis appelée opération césarienne. Jules César était né de cette façon. D’autres prétendent que ce nom fut donné à un membre de la famille de Jules qui avait une abondante chevelure, en latin cœsaries). Hist. Nom donné aux empereurs romains de la famille de Jules César, plus tard à tous les empereurs romains : Suétone a écrit la vie des douze Césars. (Acad.) Les cendres de Germanicus seront portées au tombeau des Césars. (Mass.) Ce que les esprits généreux regrettaient, dans la Rome des Césars, c’était moins la liberté perdue que les mœurs anéanties. (O. de Vallée.)

Errant dans le palais, sans suite et sans escorte,
La mère de César veille seule à sa porte.
Racine.

Venez tous admirer la fête où vous invite
Néron César, consul pour la troisième fois.
V. Hugo.

|| Titre affecté, dans la suite, à l’héritier présomptif de l’empire romain : Dioctétien régla qu’il y aurait toujours deux empereurs et deux Césars. (Montesq.) |Titre que se donnèrent les empereurs d’Allemagne, se considérant comme les successeurs des empereurs d’Occident : Ces Césars d’Allemagne ne furent point des hommes médiocres. (L. Veuillot.)

— Par ext. Empereur, souverain, héros, homme puissant : Si les vœux de la terre y faisaient quelque chose, on verrait moins de Césars et plus de Raphaëls. (P.-L. Cour.)

Les Césars enchaînent la terre.
Sous leurs drapeaux ensanglantés.
Balzac.

|| Homme d’un courage éprouvé : C’est un César, un vrai César.

Faute de cultiver la nature et ses dons, Oh ! combien de Césars devenus Laridons ! La Fontaine.</poem>

— Nom que l’on donne fréquemment à des chiens de chasse :

Laridon et César, frères dont l’origine
Venait de chiens fameux, beaux, bien faits et hardis,
Hantaient, l’un les forêts, et l’autre la cuisine.
La Fontaine.

— Loc. prov. : Il veut être César ou rien, Se dit d’un homme qui hasarde tout pour parvenir. || II faut rendre à César ce qui appartient à César, Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû. Ce proverbe est tiré de l’Évangile, où il est employé dans un sens littéral.

— Encycl. Voici ce que dit M. Guizot sur le titre de César : « Les princes qui, par leur naissance ou leur adoption, appartenaient à la famille des Césars, prenaient le nom de César. Après la mort de Néron, ce nom désigna la dignité impériale elle-même, et ensuite le successeur choisi. On ne peut assigner avec certitude l’époque à laquelle il fut employé pour la première fois dans ce dernier sens. Bach (Hist. jurispr. rom., p. 304) affirme, d’après Tacite (HisL, liv. I, chap. XV) et Suétone (Galba, chap. xvii), que Galba donna à Pison Licinianus le titre de César, et que ce fut là l’origine de l’emploi de ce mot ; mais les deux historiens disent simplement que Galba adopta Pison pour successeur, et ne font nulle mention du nom de César. Aurelius Victor (In Traj., p. 348, édit. Arntzen) dit qu’Adrien reçut le premier ce titre lors de son adoption ; mais comme l’adoption d’Adrien est encore douteuse, et que d’ailleurs Trajan, à son lit de mort, n’eût probablement pas créé un nouveau titre pour un homme qui allait lui succéder, il est plus vraisemblable qu’AElius Verus fut le premier qu’on appela César, lorsqu’Adrien l’eut adopté (Spart., In JElio Vero, chap. I et II). »

L’historien anglais Gibbon fait les remarques suivantes sur le même sujet : « Lorsque nous avons examiné toutes les parties qui composaient l’édifice de la puissance impériale, nous avons souvent désigné sous le nom bien connu d’Auguste celui qui en avait jeté les fondements avec tant d’art ; cependant il ne reçut ce nom qu’après avoir mis la dernière main à son ouvrage. Né d’une famille obscure, dans la petite ville d’Aricie, il s’appelait Octave, nom souillé par tout le sang versé dans les proscriptions. Lorsqu’il eut asservi la république, il désira pouvoir effacer le souvenir de ses premières actions. Comme fils adoptif du dictateur, il avait pris le surnom glorieux de César ; mais il avait trop de jugement pour espérer d’être jamais confondu avec ce grand homme, pour désirer même de lui être comparé. On proposa dans le sénat de donner un nouveau titre au chef de l’État. Après une discussion sérieuse, celui d’Auguste fut choisi parmi plusieurs autres, et parut rendre d’une manière convenable le caractère de paix et de piété qu’il affectait constamment. Ainsi le nom d’Auguste était une distinction personnelle, celui de César indiquait la famille illustre qui s’était frayé un chemin au trône. Il semblait que le premier dût expirer avec le prince qui l’avait reçu ; l’autre pouvait se transmettre par adoption, et passer avec les femmes dans une nouvelle branche. Néron aurait donc été le dernier prince qui eût eu le droit de réclamer une si noble extraction ; cependant, à sa mort, ces titres se trouvaient déjà liés, par une pratique constante, avec la dignité impériale ; et depuis la république jusqu’à nos jours, ils ont été conservés par une longue suite d’empereurs romains, grecs, francs et allemands. Il s’introduisit bientôt cependant une distinction entre ces deux titres : le souverain se réservait le nom sacré d’Auguste, tandis que ses parents étaient le plus communément appelés Césars. Tel fut, au moins, depuis le règne d’Adrien, le titre donné à l’héritier présomptif de l’empire. »

La dignité de César subsista aussi sous le second empire jusqu’à Alexis Comnène, qui, ayant désigné Nicéphore Mélissène comme César, et voulant donner une plus haute dignité à son propre frère Isaac, créa ce dernier Sébastocrator, avec la prééminence sur Mélissène, ordonnant que, dans les allocutions et les discours publics, Isaac Sébastocrator fût nommé le second et Mélissène le troisième.


CÉSAR (Lucius Julius), consul romain, l’an 90 av. J.-C., au moment où éclatait la guerre sociale. Il subit un échec en Campanie, et perdit dans une autre rencontre toute son arrière-garde dans les défilés du Samnium. Les succès de Marius et de Sylla réparèrent bientôt ces désastres, et César les fit lui-même oublier en inspirant au sénat une concession habile. Sur sa proposition, ce corps rendit une loi qui accordait le droit de cité à toutes les villes restées fidèles. — Son fils, Lucius Julius César, oncle du triumvir Marc-Antoine, fut lieutenant de César dans les Gaules, consul en 64, et faillit être égorgé par les satellites de son neveu pendant les proscriptions.


CÉSAR (Caius Julius Strabon), frère du consul Lucius Julius, orateur et poète, membre du collège des pontifes. Il appartenait au parti de l’aristocratie et périt dans les proscriptions de Marius, l’an 87 av. J.-C. Cicéron l’a placé comme interlocuteur dans son traité De oratore. Comme orateur et comme poète, il se distinguait plus par l’élégance que par l’énergie. Il reste quelques fragments de ses discours.


CÉSAR (Caius Julius), consul romain, dictateur, et l’un des plus grands capitaines de l’antiquité, né à Rome dans le mois de juillet (quintilis de l’ancien calendrier), l’an 100 av. J.-C. Il appartenait à une illustre famille patricienne qui prétendait descendre de Vénus, d’Énée et d’Ancus Martius, quatrième roi de Rome. Voici, à cet égard, les paroles qu’il prononça lui-même dans l’oraison funèbre de sa tante ; « Mon aïeule était descendante d’Ancus Martius, la tige des rois de Rome ; la gens Julia, à laquelle appartient ma famille, descend de Vénus ; il y a donc, dans notre famille, et la sainteté des rois, si puissants parmi les hommes, et la majesté des dieux, qui sont maîtres des rois. » D’un autre côté, sa naissance, qui le rapprochait des dieux, le rapprochait du peuple : il était aussi neveu de Marius. Il grandit au milieu des guerres civiles, fut nommé prêtre de Jupiter à dix-sept ans par son oncle Marius, et proscrit par Sylîa, dont il avait refusé d’êpouser la fille. Il se réfugia en Bithynie, auprès du roi Nicomède III, et vécut quelque temps à sa cour. On sait quelles accusations lui furent prodiguées à ce sujet et le poursuivirent toute sa vie, jusqu’au sein même du sénat, et au milieu de sa pompe triomphale. À Rome, les plus grands personnages, et jusqu’aux vestales, sollicitèrent longtemps son pardon de Sylla, qui ne céda à la fin qu’avec la plus vive répugnance, voyant dans ce jeune homme indocile et hardi plusieurs Marius, et prophétisant qu’il détruirait un jour le parti de la noblesse. Toutefois, César ne revint en Italie qu’après la mort du dictateur, et profita de son séjour en Asie pour faire plusieurs campagnes militaires sous les préteurs romains. Il parut alors au barreau, échoua dans plusieurs accusations, observa pendant quelque temps l’attitude des partis, cherchant déjà, dès cette époque, une occasion de fortune politique dans les troubles publics et la lutte des factions. Puis il repartit pour aller prendre, à Rhodes, des leçons d’éloquence auprès du célèbre rhéteur Apollonius Molon. Dans le trajet, il fut pris par des pirates, qui lui demandèrent une rançon énorme ; il leur en promit une encore plus considérable, en les avertissant qu’il les ferait tous mettre en croix, menace qu’il accomplit en effet peu de temps après. Pendant son séjour à Rhodes, il leva spontanément des troupes et battit un lieutenant de Mithridate qui avait attaqué des peuples alliés des Romains. De retour à Rome (74), où on venait de l’élire membre du collège des pontifes, il s’attacha à gagner la faveur populaire par d’abondantes distributions et par des flatteries habiles. Au milieu des occupations de la vie la plus débauchée, il ne négligeait rien de tout ce qui pouvait préparer son élévation. Éloquent, audacieux, dissolu, prodigue jusqu’à la folie, il donnait sans compter, et contractait des dettes immenses, ne se réservant d’autre moyen de liquidation que la guerre civile et les révolutions. Il fut nommé successivement tribun militaire, questeur, édile, exploita l’affection de la plèbe et des soldats pour le souvenir de Marius en faisant hardiment replacer dans le Capitole les images proscrites du vainqueur des Cimbres, appuya Pompée pour faire restituer aux tribuns les privilèges dont ils avaient été dépouillés par Sylla, parut enfin dans tous ses actes favoriser les passions populaires contre le sénat et l’aristocratie. Distributions, jeux, combats de bêtes ou de gladiateurs, festins publics, il prodiguait tout pour gagner des partisans, et parvint ainsi à se faire nommer souverain pontife, malgré ses mœurs, et quoiqu’il professât à peu près ouvertement l’athéisme. Désigné préteur au moment de la découverte de la conjuration de Catilina, il fut violemment soupçonné d’avoir trempé dans ces projets de bouleversement. Il défendit du moins avec beaucoup d’art les conjurés dans le sénat, et fut réduit à invoquer la protection de Cicéron pour détourner l’effet des accusations dont il était l’objet. C’est pendant sa préture, qu’un jeune patricien débauché, Publ. Clodius, s’introduisit chez lui la nuit sous des habits de femme, pendant qu’on y célébrait les mystères de la bonne déesse, dans l’intention de se rapprocher de Pompeia, femme de César, dont il était épris. Reconnu et chassé, il fut mis en accusation comme sacrilège et acquitté par des juges corrompus à prix d’or. César avait répudié sa femme à la suite de cette aventure ; mais, comme il voulait se faire une créature de Clodius (qui devint en effet un de ses instruments), il rendit un témoignage favorable, et les juges s’étonnant qu’il eût répudié sa femme, puisque, d’après son témoignage, il ne la croyait pas coupable : « C’est, répondit-il, parce que la femme de César ne doit pas même être soupçonnée. » Après sa préture, il fut désigné par le sort pour le gouvernement de l’Espagne Ultérieure (61), où déjà il avait été questeur. Ses créanciers s’opposaient à son départ, et il fallut que l’opulent Crassus se portât caution envers les plus exigeants pour une somme de plusieurs millions de francs. C’est en traversant un misérable village des Alpes, pour se rendre dans sa province, qu’il aurait dit à ses amis qu’il aimerait mieux être le premier dans cette bourgade que le second dans Rome, révélant ainsi son caractère et la nature de son ambition. On rapporte aussi qu’en présence d’une statue d’Alexandre le Grand, à Cadix, il se serait écrié : « À mon âge, Alexandre avait déjà conquis le monde ; et je n’ai encore rien fait ! » En Espagne, il fit une guerre acharnée aux barbares, sans oublier de rétablir sa fortune délabrée et d’enrichir ses soldats par d’immenses extorsions. À son retour, il voulut briguer à la fois les honneurs du triomphe et le consulat ; mais il n’obtint que cette dernière charge, par le crédit de Pompée et de Crassus, qu’il avait habilement réconciliés, et avec qui il avait formé une sorte d’association pour dominer la république. C’est ce qu’on a nommé le premier triumvirat. Le sénat était parvenu à lui donner pour collègue Bibulus, son ennemi (60). Mais il le réduisit à une telle impuissance, qu’on disait à Rome : « Nous ne sommes plus sous le consulat de César et de Bibulus, mais sous le consulat de Jules et de César. » Fort de l’appui d’une faction puissante et de l’impopularité du sénat, il agit en effet à peu près souverainement, et, comme s’il s’essayait à la monarchie, fit passer une loi agraire assez équitable, à laquelle le sénat eut la maladresse de s’opposer, gagna les chevaliers en leur livrant des