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tit nécessairement dans la sphère psychologique morale. « L’âme, dit-il, pour gouverner convenablement le mouvement essentiel et continu du sang dans les vaisseaux, proportionne son effort aux circonstances organiques ; elle se fait de cette proportion nécessaire une sorte de type qu’elle s’accoutume ensuite à reproduire dans toutes ses actions morales, aussi bien que physiques. Voilà comment le sanguin, qui n a pas grand effort a. faire pour que son sang fluide circule convenablement dans ses vaisseaux ouverts, est

content, insouciant de l’avenir, incapable d’un travail opiniâtre ; comment le bilieux, ayant des canaux plus étroits et obligé d’imprimer constamment à son sang, d’ailleurs très-fluide, une impulsion plus énergique, est toujours prompt à agir, sans crainte comme sans hésitation. Voua comment le mélancolique, dont le sang est plus épais, obligé, lui aussi, a faire plus d’effort pour le lancer dans ses vaisseaux, est courageux à la peine ; comment aussi, toujours menacé d’un arrêt dans cette circulation pénible, et de la corruption des humeurs stagnantes, il est inquiet, soupçonneux et augure mal de l’avenir. Enfin, voilà pourquoi le flegmatique, au sang aqueux et froid, aux tissus lâches et mous, ayant toutes sortes de raisons pour ne pas déployer habituellement beaucoup d’énergie dans l’acte du mouvement circulatoire, est ami du repos, profondément tranquille et peu curieux de ses propres affaires. »

M. Albert Lemoine fait remarquer que la manière dont Stahl fait dériver les caractères des tempéraments est ingénieuse, mais en contradiction flagrante avec cette affirmation de l’animisme : que l’âme est l’architecte de son propre corps. > Chez les sanguins, dit-il, les vaisseaux sont libres et le sang fluide ; ce tempérament, où la vie est facile à entretenir, n’a besoin que d’une impulsion modérée de l’âme raisonnable ; les sanguins ont donc le caractère gai, sans souci et ami du loisir, parce qu’ils prennent l’habitude de gouverner leurs actes moraux comme ils font leurs actions vitales. Soit ; mais alors pourquoi les sanguins se sont-ils composé un sang si fluide et les mélancoliques un sang si épais ? Ou bien il y a là un cercle vicieux, ou bien la raison des tempéraments eux-mêmes est dans le caractère de l’âme qui s’est construit un corps suivant ses besoins, sa nature et ses puissances. 11 serait étrange que l’âme fit tout dans le corps, qu’elle en fabriquât et gouvernât toutes les parties et qu’elle se taissàt imposer pur lui ses propres passions et ses mœurs. • Il n’est pas difficile de justifier pleinement la logique de Stahl. D’après la théorie animiste, l’àmo n’est pas plus infaillible dans son action physiologique que dans son action psychologique. Pourquoi M. Lemoine veut-il qu’elle atteigne la perfection architectonique dans la formation de son corps ? Ne peut-il lui pardonner de faire quelques erreurs dans les dimensions des canaux et dans lo degré de

densité des liquides ? Est-il étonnant que son œuvre pèche par quelque point et qu’on n’y trouve point la juste mesure, l’exacte proportion qui fait le tempérament idéal (temperaînentum temperatum)" ! D’ailleurs Slahl nous apprend que l’âme de l’enfant fabrique son corps avec la substance et sur le plan que lui fournit l’âme de la mère ; et c’est ainsi, sans nul doute, qu’il explique l’hérédité des tempéraments. Enfin l’idée de faire dériver le caractère du tempérament, et non le tempérament du caractère, n’est-elle pas entièrement conforme à une doctrine qui place dans l’âme la raison’ineonsciente (logos) avant la raison réfléchie (loyismos) et qui voit dans les facultés psychologiques le dernier produit d’une activité dont la force plastique et vitale est la première manifestation ? V. animisme. (Le matérialisme a ceci de commun avec l’animisme, qu’il n’établit pas une ligue de démarcation tranchée entre le physique et le

moral, entre les fonctions de la vie et les facultés de l’âme, et qu’il rapporte les unes et les autres à un même principe. Pour l’animisme, le physique est déjà du moral, les fonctions de la vie sont déjà des facultés de l’âme ; pour le matérialisme, le moral est encore du physique, les facultés de l’âme sont encore des fonctions physiologiques, et qui résultent, comme toutes les autres, des propriétés de la matière organisée. » La langue philosophique, dit Cabanis, ne distingue ces deux modifications du physique et du moral, que parce que les observateurs, pour ne pas tout confondre dans leurs premières analyses, ont été forcés de considérer les phénomènes de la vie sous deux points de vue différents. • Aussi voyons-nous Cabanis, comme Stahl, expliquer le caractère par le tempérament, c’est-à-dire par les conditions dans lesquelles s’accomplissent les fonctions vitales. L’inconstance du caractère, dit-il, correspond nécessairement au tempérament sanguin, dont les

principaux attributs sont un poumon volumineux, une sanguification active, une circulation rupide, des fibres médiocrement souples, un tissu cellulaire médiocrement obreuvé de sucs. En effet, • des extrémités nerveuses, épanouies au milieu d’un tissu cellulaire qui n est ni dépourvu de sues muqueux, ni surchargé d’humeurs inertes, et sur des membranes médiocrement tendues, doivent recevoir des impressions vives, rapides, faciles. Puisqu’elles sont faciles, elles doivent être variées ; puisqu’elles sont rapides, elles doivent la succéder sans eusse-, enfin, puisqu’elles

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sont, vives, elles doivent a, ussî s’effacer sans cesse mutuellement. Exécutés par des muscles souples, par des libres dociles et qu’en même temps imprègne une vitalité considérable, une vitalité partout égale et constante, les mouvements acquièrent la même facilité, la même promptitude qui se manifeste dans les impressions* L’aisance des fonctions donnera un grand sentiment de bien-être j les idées seront agréables et brillantes, les affections bienveillantes et douces ; mais les habitudes auront peu de fixité ; il y aura quelque chose de léger et de mobile dans les aflections de l’âme, qui éprouve un sentiment presque habituel d’inquiétude en raison des résistances qui se font sentir dans toutes les fonctions, du caractère acre et ardente que les dispositions ou la quantité de la bile impriment à la chaleur du corps, de l’extrême sensibilité de toutes les parties du système. Le bien-être facile du sanguin lui est entièrementinconnu. Ce n’est que dans les grands mouvements, dans les occasions qui emploient et captivent toutes ses forces, dans les actions qui lui en donnent la conscience pleine et entière qu’il jouit agréablement et facilement de l’existence ; il n a, pour ainsi dire, de repos que dans l’excessive activité, » Chez le lymphathique « les sensations ont peu de vivacité : de là résultent des mouvements faibles et lents : delà résulte encore une tendance générale de toutes les habitudes vers le repos. Comme les fonctions vitales n’éprouvent pas de grandes résistances, à cause de la souplesse et de la flexibilité des parties, le lymphathique ne connaît pas cette inquiétude particulière au bilieux ; son état habituel est un bien-être doux et tranquille. Comme les organes n’éprouvent chez lui que de faibles irritations, et comme les impressions reçues par les extrémités nerveuses se propagent avec lenteur, il n’a ni la vivacité, ni la gaieté brillante, ni le caractère changeant du sanguin. Les fonctions et tous les mouvements quelconques se font pour lui d’une manière traînante : sa vie a quelque chose de médiocre et de borné. En un mot, le lymphatique sent ? pense, agit lentement et peu. • Chez le mélancolique, ■ des mouvements gênés produisent des déterminations pleines d’hésitation et de réserve ; les sentiments sont réfléchis, les volontés ne semblent aller à leur but que par des détours. Ainsi les appétits ou les désirs du mélancolique prendront plutôt le caractère de la passion que celui du besoin ; souvent même le but véritable semblera totalement perdu de vue ; l’impulsion sera donnée avec force pour un objet ; elle se dirigera vers un objet tout différent. C’est ainsi, par exemple, que l’amour, qui est toujours une affaire sérieuse, pour le mélancolique, peut prendre chez lui mille formes diverses qui le dénaturent, et devenir entièrement méconnaissable pour des yeux qui ne sont pas familiarisés à le suivre dans ses métamorphoses. • Aux quatre tempéraments des anciens, Cabanis ajoute le

tempérament nerveux et le tempérament musculaire : le premier, caractérisé par la prédominance du système nerveux ou sensitif sur le système musculaire ou moteur ; le second, par la prédominance du système moteur sur le système sensitif. Il fait remarquer

3u’une différence fondamentale de mœurs et e caractère correspond au contraste que présentent ces deux tempéraments. La prédominance du système nerveux, en faisant

éprouver le sentiment habituel d’une certaine faiblesse musculaire relative, porte nécessairement à réfléchir sur les moyens de compenser ce qui manque en force motrice par remploi mieux dirigé de celle qu’on a ; d’où il suit alors qu’on pense plus qu’on agit, et qu’avant d’agir on a presque toujours beaucoup pensé. La prédominance du système musculaire, en nous donnant la conscience d’une grande vigueur, nous pousse sans cesse au mouvementée rend indispensable au sentiment de la vie, et produit ITiabitude de tout considérer, de tout évaluer sous le rapport des opérations de la force et de son ascendant trop souvent victorieux.

Si le caractère dépend du mode d’accomplissement des fonctions vitales, il est évident qu’il variera selon les circonstances qui feront varier le fonctionnement des divers appareils de l’économie ; de là l’influence attribuée au climat sur le caractère. Hippocrate pose en principe que plus les intempéries des Saisons sont multipliées et intenses, que plus les accidents du sol sont variés, plus les mœurs des hommes présentent de diversité. L’uniformité du sol, Funiforinité de la température, l’uniformité des caractères vont ensemble. Tel sol, tel climat, tels hommes. La différence que nous constatons entre le caractère des Asiatiques et celui des Européens doit être attribuée surtout à la différence du climat. ■ En Asie, dit le père de la médecine, les mutations alternatives du troid et du chaud ne sont jamais grandes ni brusques ; jamais le corps n’y sort tout à coup de son assiette naturelle ; jamais l’esprit n’éprouve ces commotions qui rendent naturellement le caractère plus farouche, et qui lui donnent plus d’indocilité et de fougue qu’un état de choses toujours le même ; car ce sont les changements qui excitent l’esprit de l’homme et qui ne lui laissent aucun repos. > Après Hippocrate, Montesquieu s’est attache à montrer combien les caractères des hommes sont différents sous les divers climats. « L’air froid, dit-il, resserre les extrémités des fibres exté CARA

rieures de notre corps : cela axigmentp leur rassort et favorise le retour du sang dès extrémités vers le cœur. Il diminue là longueur de ces mêmes fibres : il augmente donc encore par là leur force. L’air chaud, au contraire, relâche les extrémités dès fibréS et les allonge : il diminue donc leur force et leur ressort. On a donc plus de vigueur dans les climats froids. L’action dû cœur et la réaction des extrémités des fibres s’y font mieux, les liqueurs sont mieux en équilibré, le sang est plus déterminé vers le cœur, et réciproquement le cœur a plus de puissance. Cette force plus grande doit produire bien des effets : par exemple, plus de confiance en soi-même, c’est-à-dire plus de courage ; plus de connaissance de sa supériorité, c’est-à-dire moins de désir de la vengeance ; plus d’opinion de sa sûreté, c’est-à-dire plus de franchise, moins de soupçons, de politique et de ruses. Enfin, cela doit faire des caractères bien différents. Mettez un homme dans un lieu chaud et enfermé, il souffrira par les raisons que je viens de dire une défaillance de cœur très-grande. Si, dans cette circonstance, on va lui proposer une action hardie, je crois qu’on ly trouvera très-peu disposé ; sa faiblesse présente mettra un découragement dans son âme ; il craindra tout,

parce qu’il sentira qu’il ne peut rien. Les peuples des pays chauds sont timides comme les vieillards le sont ; ceux des pays froids sont courageux comme le sont les jeunes gens... Dans les pays froids, on aura peu de sensibilité pour les plaisirs ; elle Sera plus grande dans les pays tempérés ; dans les pays chauds, elle sera extrême. Comme on distingue les climats par les degrés de latitude, on pourrait les distinguer, pour ainsi dire, par les degrés de sensibilité... Dans les climats du Nord, à peine le physique de l’amour a-t-i ! la force de se rendre bien sensible ; dans les climats tempérés, l’amour, accompagné de mille accessoires, se rend agréable par des choses qui d’abord semblent être lui-même et ne sont pas encore lui ; dans les climats plus chauds, on aime l’amour pour lui-même, il est la cause unique du bonheur, il est la vie... Vous trouverez dans les climats du Nord des peuples qui ont peu de vices, assez de vertus, beaucoup de sincérité et de franchise. Approchez des pays du Midi, vous croirez vous éloigner de la morale même : des passions plus vives multiplieront les crimes ; chacun Cherchera à prendre sur les autres les avantages qui peuvent favoriser ces mêmes passions. Dans les pays tempérés, vous verrez des peuples inconstants dans leurs manières, dans leurs vices même et dans leurs vertus : le climat n’y a pas une qualité assez déterminée pour les fixer eux-mêinës. La chaleur du climat peut être si excessive que le corps V sera absolument sans force. Pour lors, l’abattement pas* sera à l’esprit même ; aucune curiosité, aucune noble entreprise, aucun sentiment généreux ; les inclinations y seront toutes passives- là paresse y fera le bonheur ; la plupart des châtiments y seront moins difficiles à soutenir que l’action "de l’âme, et la servitude moins insupportable que la force d’esprit qui est nécessaire pour se conduire soi-même. »

Théorie des causes morales extérieures. Le système qui rapporte la différence des caractères à la différence des influences morales auxquelles les hommes sont soumis dès l’enfance a été soutenu par Helvétius et Hume. Helvétius refuse à l’organisation et au tempérament toute influence sur les passions et le caractère des hommes. L’enfant, dit-il, entre dans la vie sans idées, sans passions. L’unique besoin qu’il éprouve est celui de la faim. Ce n’est point au berceau que se font sentir les passions de l’orgueil, de l’avarice, de l’envie, de l’ambition, du désir, de l’estime et de la gloire. Ces passions factices, nées au sein des cités, supposent des conventions et des lois déjà établies entre les hommes, par conséquent leur réunion en société. Or, si l’on naît sans passions, l’on naît aussi sans caractère. Dirat-on que nous recevons de la nature l’espèce d’organisation propre à former en nous tel ou tel caractère. Sur quoi fonder cette conjecture ? A-t-on remarqué qu’une certaine disposition dans les nerfs, les fluides, les muscles, donnât constamment la même manière de penser ? Si les caractères étaient l’effet de l’organisation, l’éducation serait impuissante à les modifier. Le moral change-t-il le physique ? La maxime la plus vraie rend-elle l’ouïe aux sourds ? Les plus sages leçons d’un précepteur aplatissent-elles le dos d’un bossu ? allongent-elles la jambe d’un boiteux ? élèvent-elles la taille d’un pygmée ? Ce que la nature fait, elle seule peut te défaire. L’unique sentiment qu’elle ait dès l’enfance gravé dans nos cœurs est l’amour de nous-mêmes. Cet amour, fondé sur la sensibilité physique, est commun à tous les hommes. Aussi, quelque différente que soit leur éducation, ce sentiment est-il toujours le même en eux. Si l’homme varie dans tout autre sentiment, c’est que tout autre sentiment est en lui l’effet de causes morales extérieures. La principale de ces causes morales extérieures est la forme du gouvernement. L’expérience prouve qu’un gouvernement différent donne tour à tour à la

même nation un caractère élevé ou bas, constant ou léger, courageux ou timide, « Quel tableau frappant d’un changement subit dans le caractère d’une nation nous présente l’histoire romaine I Quel peuple, avant l’élévation dés Césars, montre plus de force, de vertu, plus d’amour pour la liberté, plus d’horreur

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pour l’esçlavajfe, et quel peuple, trône des Césars affermi, montré plus dé faiblesse et dé Servilité ?.., Tout change alors dans Rome, et l’on voit à ce caractère opiniâtre et gravé qui distinguait ses prémief s habitants sâccéder <îè caractère léger et frivole que Juvénalleurre ? proche dans sa dernière satire. • Si nous considérons le caractère non plus dans les nations^ mais dans les individus, nous le voyons changer avec les positions qu’ils occupent, par celte raison bien simple que tout changement de position entraîne un changement dTiabitudeg, Pourquoi le bandit, transporté d’Angleterre en Amérique, y devient-il souvent honnête ? C’est qu’il devient propriétaire, c’est qu’il â des terres à cultiver et qu’enfin sa position a changé. Qu’on ne parle pas de nature et d’organisation : c’est invoquer des qualités occultes. La nature nous donne l’amour de soi, qui est identique chez tous les hommes ; tout le reste n’est qu’habitude. Dire qu’un homme ne peut changer de caractère, c’est dire qu’il ne peut contracter des hubitùdes nouvelles ; c’est imposer arbitrairement des limites à la puissance de l’éducation.

Hume n’accorde aux causes physiques, telles, que l’air, la nourriture, le climat, aucune influence sur le caractère des peuples. Il prétend que les mœurs générales d’une nation sont déterminées uniquement par les causes morales, c’est-à-dire par les causes qui agissent sur l’esprit en qualité de motifs, telles que la nature du gouvernement, les révolutions qii’il a subies, l’abondance ou la disette qui règne dans la masse du peuple, etc. Il Justifie cette opinion par les considérations suivantes.

Dans un État fort étendu, qui compte une longue suite de siècles écoulés depuis son origine, on remarquera toujours que le caractère national se répand universellement, et produit partout les mêmes mœurs. C’est ainsi que l’empire de la Chine nous montre, dans tous ses habitants, une uniformité frappante, que l’extrême différence des zones n’est pas capable d’effacer.

De petits États qui se touchent diffèrent souvent du tout au tout par rapport au caractère, et on les discerne aussi aisément que les nations les plus éloignées les unes des autres. Les Athéniens se distinguaient par leur bonne humeur, leur esprit et leur politesse ; la froideur, la bêtise et la rusticité des Thôbains étaient proverbiales ; cependant Athènes n’était qu’à une petite journée de Thèbes.

Le caractère national a, pour l’ordinaire, les mêmes bornes que l’État. En traversant uno rivière, eu passant une montagne, oh trouve, avec un nouveau gouvernement, de nouvelles mœurs. Comment conçoit-on que les qualités de l’air changent si exactement avec les limites d’un empire ? Les batailles, les truites, les mariages qui règlent souvent ces limites, décideraient-ils du climat et de l’atmosphère ?

Lorsque les membres d’une nation dispersée par toute la terra sont étroitement unis et communiquent entre eux, malgré cette dispersion, ils conservent tous le caractère national. Voyez les Juifs dans toute l’Europe et les Arméniens dans tout l’Orient.

Lorsque deux nations, habitant la même contrée, ne se mêlent point, soit par principe de religion, soit à cause de la différence des langues, chacune conserve durant plusieurs siècles ses mœurs propres, qui sont souvent opposées à celles de l’autre. Voyez les Turcs et les Grecs modernes.

Les peuples ne quittent point leur caractère avec leur pays natal ; il les suit aussi bien que leur langage et leur législation : il voyage avec eux sur toute la surface du globe. Entre les tropiques même, on discerne aisément les colonies espagnoles, anglaises, françaises et hollandaises.

Les mœurs des habitants du même climat changent considérablement d’une génération à l’autre : un autre gouvernement, le mélange d’un peuple étranger peuvent produire ces changements. Qu’ont de commun les Grecs des guerres médiques avec les Grecs modernes, les Romains de la république fondée par Brutus avec les Romains sujets de l’Église ?

La politique, le commerce, les voyagea donnent à des nations voisines une ressemblance de caractère plus ou moins frappante, selon que leurs liaisons sont plus ou moins étroites.

Théorie de i’innéilé cérébrale. À l’opposé de la théorie précédente, qui proclamfi la toute-puissance des causes morales et de l’éducation sur la formation ducaractère, se place le système qui voit dans le caractère le développement spontané de dispositions apportées en naissant. Ce système peut invoquer l’autorité de Voltaire. « L’âge affaiblit le caractère, dit l’auteur du Dictionnaire philosophique ; c’est un arbre qui ne produit plus que quelques fruits dégénérés ; mais ils sont toujours de même nature ; il se couvre de nœuds et de mousse, il devient vermoulu ; mais il est toujours chêne ou poirier. Si on pouvait changer son caractère, on s’en donnerait un, on serait le maître de sa nature. Peut-on se donner quelque chose ? Ne recevons-nous pas tout ? Essayez d’animer l’indolent d’une activité suivie, de glacer par l’apUthie l’âme bouillante de l’impétueux, d inspirer du goût pour la musique et pour la poésie à celui qui manque do goût et d’oreille ; vous n’y parviendrez pas plus que si vous entrepreniez de donner la vue a un aveugle-né. Nous perfectionnons, nous adoucissons, nous cachons ce que la nature a