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subi le jugement de l’eau bouillante sans éprouver aucun mal. Cette manière de comprendre la religion était assez habituelle ; lorsque les souverains juraient un traité d’alliance ou de paix la main sur un reliquaire, ils avaient eu soin auparavant de faire enlever les reliques, pour ne pas être tenus par leur serinent. On en avait vu demander au pape la permission de se parjurer, et quelques pontifes avaient eu la faiblesse d’y consentir.

Quelques jours avant le duel, les deux adversaires rirent prier pour eux dans tous les monastères, afin d’implorer l’aide et l’assistance de Dieu. De semblables prières étaient fort en usage, et le missel de cette époque contenait une messe spéciale appelée missa pro duello. Le 29 décembre 13S6, on dressa les lices derrière Saint-Martin ; un des côtés fut bordé d’échafauds pour les gens de la cour, et le reste laissé pour le peuple. À l’heure fixée par les ordonnances, Carrouges et Le Gris se rendirent sur le champ de bataille. La femme de Carrouges était aussi présente, montée sur vu char couvert de draperies de deuil ; mais le roi ordonna de la renvoyer et de ne pas la laisser pénétrer dans l’enceinte. Comme elle s’en retournait, son mari, qui entrait dans les lices, la rencontra et lui dit : « Dame, par votre information et pour votre querelle, je vais aventurer ma vie et combattre Jacques Le Gris ; vous savez si ma cause est juste et loyale. ■ Elle répondit : • Monseigneur, il est ainsi, et vous combattez tout sûrement, car la cause est bonne. ■ Après il la baisa, la prit par la main, fit le signe de la croix et entra dans le champ clos, accompagné du comte de Saint-Pol. Le Gris arriva avec le comte d’Alençon. Les deux champions étaient armés de toutes pièces et furent assis sur une chaise, l’un vis-à-vis de l’autre, suivant l’usage. Carrouges, qui était sujet à des accès de lièvre, en ressentit une dans ce moment, mais il ne laissa pas de se conduira vaillamment. Les deux adversaires combattirent d’abord à cheval ; puis, ils mirent pied à terre et se prirent corps à corps.

Carrouges fut d’abord blessé à la cuisse ; mais Le Gris étant venu à tomber, son adversaire lui mit aussitôt l’épée sous la gorge et le pressa d’avouer qu’il avait violé sa femme ; Le Gris jura que cela était faux, attestant Dieu et le salut de son âme. Carrouges, voyant qu’il ne pouvait le forcer à avouer son crime, lui passa son épée au travers du corps. Ensuite, se tournant vers l’assemblée, il demanda s’il avait bien fait son devoir : un oui unanime lui répondit. Il alla alors se jeter aux pieds du roi, qui le fit lever et lui donna 1,000 fr. d’or, et une charge dans sa maison avec 200 livres de pension. Le corps de Le Gris fut tiré hors de la lice avec un croc, et traîné à Montfaucon pour y être pendu. Carrouges alla prendre sa femme, rendue innocente par sa victoire, et qui eût été brûlée vive dans le cas contraire ; il la mena à Notre-Dame pour rendre grâces à Dieu, et offrit comme témoignage de sa reconnaissance l’armure encore toute sanglante de Le Gris, devenue, selon l’usage, sa propriété. Le parlement adjugea à Carrouges a somme de 6,000 fr. d’or, à prendre sur les biens de Le Gris. Carrouges partit ensuite pour la Terre sainte, d’où il ne revint plus. Quant à sa femme, elle se retira dans une cellule murée, genre de pénitence fort usité au moyen âge, et y finit ses jours.

Quelque temps après la mort de Le Gris, un écuyer condamné à la potence pour ses crimes déclara, au moment de subir te dernier supplice, que c’était lui-même qui avait violé la dame de Carrouges, dans l’appartement de laquelle il avait trouvé moyen de s’introduire. On n a jamais su la vérité sur ce point, mais, quand on voit notre justice se tromper tous les jours, il ne faut pas s’étonner des erreurs produites par les duels judiciaires.

CARROUGES, bourg de France (Orne), ch.-l, de cant., arrond. et a 30 kilom. N.-O. d’Alençon ; pop. aggl. 648 hab. — pop. tôt. 950 hab. Commerce de bestiaux, chevaux et toiles ; exploitation d’ardoises ; fabriques de tissus ; haut fourneau ; fonderie. Le bourg de Carrouges existait déjà au vie siècle, si l’on en croit la tradition, et aurait reçu son nom de l’un de ses comtes, Karl le Rouge, qui était né avec une tache de sang au iront. Le château atteste l’ancienne splendeur de ce bourg. Il fut commencé au xive siècle, terminé au xve par Jean Blosaen, grand sénéchal de Normandie ; agrandi et restauré au xvne et au xvilis siècle, Louis XI y séjourna en 1473, et l’on montre encore la chambre qu’il y occupait. Les autres parties remarquables de l’édifice sont, à l’intérieur : la salle des gardes, la salle de spectacle, l’oratoire, un escalier monumental, et une chambre du deuxième étage décorée de boiseries intéressantes du xvii» siècle ; à l’extérieur, le donjon, tour carrée et crénelée, de 17 m. de hauteur sous le toit, et le pavillon d’entrée, décoré d’un fronton triangulaire et flanqué de pilastres. Dans son ensemble, dit M. Bachelet, le château de Carrouges offre « une masse énorme de bâtiments disposés en carrés, percés d’ouvertures de toutes les formes et de toutes les grandeurs, coiffés de toits pointus qui se découpent les uns sur les autres en triangles bizarres ; une série de constructions du xve au xvme siècle, rapprochées par les besoins du moment, selon les caprices des architectes ou des propriétaires, sans élégance ni régularité, mais offrant une divera’

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site originale, un ensemble imposant et séivère. • Parmi les curiosités que renferme ce château, nous citerons une suite de portraits de la famille des Leveneur qui posséda Carrouges, des armures fort anciennes, entre autres une très-belle cuirasse de Jean Leveneur, qui fut tué à la bataille d’Azincourt, et une chasuble qu’on dit avoir été donnée a la chapelle par Louis XI.

CARROUSEL s. m. (ka-rou-zel — de l’ital. carosello ou garosello, tumulte ; formé de gara, querelle). Sorte de tournoi ou des cavaliers partagés en quadrilles exécutent des exercices et des évolutions, et que l’on entremêlait autrefois de danses allégoriques et de représentations scéniques : Donner, célébrer un carrousel. On fit, en 1662, un. carrousel visà-vis des Tuileries. (Volt.) Philippe de Valois consola la France de la bataille de l’Ecluse, en donnant à sa cour des carrousels et des spectacles. (Vacquérie.) Le carrousel de 1SOG représentait les quatre éléments. (DeChesnel.)

Donc, en vos ârae3 courtoises,

Graves, pairs et damoisels,

La lui des joutes gauloises

Et des galants carrousels, V. Huoo.

|] Lieu, enceinte où se donne un carrousel : La barrière du carrousel.

— Encycl. De tous temps les peuples ont aimé les fêtes, les représentations publiques, celles surtout qui étaient en harmonie avec leurs goûts, leurs mœurs et leurs habitudes. Chez les Grecs, où les exercices corporels étaient en honneur, il y avait les luttes, le pugilat et les courses de chevaux. Les Romains, plus guerriers, eurent d’abord les exercices du grand Cirque, puis enfin les gladiateurs et les combats de bétes féroces. Au moyen âge, la chevalerie inventa les tournois, amusement et exercice cher à tous ces bras vaillants et avides de gloire, amusement toutefois qui n’était pas sans péril, puisqu’il n’y avait presque pas de tournoi qui ne fût signalé par quelque grave accident. En vain le pape avait interdit d’enterrer en lieu saint ceux qui succombaient dans ces luttes réprouvées par l’Église ; en vain un frère de saint Louis était devenu fou à la suite d’un coup de masse d’armes reçu sur la tête dans un tournoi ; toutes les défenses, tous les malheurs avaient été impuissants à réprimer cet amour pour les jeux guerriers ; le progrès des mœurs put seul y parvenir, et l’accident arrivé à Henri II signala la fin des tournois qui commençaient à passer de mode. Mais les seigneurs ne perdirent pas pour cela leur amou’r des parades, et les carrousels leur devinrent une occasion de montrer leur adresse et leur habileté, d’étaler les splendeurs de leurs costumes.

Avant d’apparaître en France, les carrousels avaient existé déjà chez les Goths, les Maures, les Espagnols et les Italiens, peuples qui s’étaient toujours distingués par j les raffinements de leur galanterie. C est I de cette dernière nation qu’ils nous vinrent, I et c’est en 1605, à l’hôtel de Bourgogne, qu’on

! le vit pour la première fois en France. A,
! l’exemple des tournois dont ils furent d’abord

| le simulacre, les carrousels étaient donnés soit en l’honneur des dames, soit pour célébrer un événement heureux, un fait mémorable d’une nature quelconque. Il n’était pas de sujet qui ne pût se plier aux exigences des carrousels ; ainsi on y représentait la prise de l’île de Chypre, le jugement de Flore, le triomphe du Soleil, et mille autres sujets tirés soit de la fable, soit de l’histoire. On alla même jusqu’à y représenter le triomphe des vertus de saint François de Sales. Ce dernier carrousel eut lieu dans la ville de Grenoble, la 26 mai 1667, et le P. Ménestrier le décrit longuement. Les naissances, les victoires et surtout les mariages étaient les principaux événements qui servaient de prétexte aux carrousels. Au mariage du duc de Bavière avec la princesse Adélaïde de Savoie, en 1650, on vit les Hercules dompteurs des monstres et l’Amour victorieux des Hercules ; pour celui du duc de Parme avec la princesse Marguerite de Savoie, on représenta la Gloria délie corone dette Marghérite ; pour celui du duc de Savoie avec mademoiselle d’Orléans-Valois, on fit ladispute des lis, des montagnes, des jardins, des étangs et des vallées pour couronner cette princesse. Quand le carrousel devait figurer un combat, celui cjui l’ouvrait déclarait son dessein par un défi et par des cartels ; ces cartels contenaient les noms et les adresses de ceux que les tenants envoyaient défier, le lieu et le mode du combat, les propositions qu’ils voulaient soutenir contre tout venant, la jour destiné au combat et le nom de ceux qui envoyaient le défi. Ils étaient rédigés dans le style précieux et quintessencié de 1 époque. Voici un passage de celui qui fut donné en 160S pour le mariage des princesses de Savoie : « Le prince Alimédor aux chevaliers de Piémont et de toute l’Italie. — Vous qui, parmi les délices de la fortune, espérez la victoire par la trempe de vos armes et la présence de vos dames, cessez de relever vos courages dans les faibles appas de cette vaine espérance, puisque c’est moi qui arrive : moi, dis-je, qui, en pourpoint et éloigné de la beauté qui m’enflamme, n’apporte pour toutes armes que le souvenir dont ma constance méfait ressentir la douleur. Vous en éprouverez les effets, et puisque cette ardeur me vient de celle qui me liant le cœur m’a délié le bras et 11 main, je

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vous défie h toutes sortes de combats, tant à cheval qu’à pied.» La troupe se divisait en quadrilles, mot venu de l’italien squadra, qui signifie une compagnie de soldats rangés ea bataille. Les rois et les princes étaient naturellement à la tête de ces quadrilles, dont il devait y avoir quatre au moins et douze au plus. Chacun d’eux se distinguait car la forme des habits, ou du. moins par la diversité des couleurs ; ces couleurs étaient ordinairement celles du chef du quadrille, ou de sa maîtresse, ou de la personne en l’honneur de qui était donné le carrousel. Outre les principaux figurants du carrousel, qui tous étaient rangés dans les quadrilles, il y avait les comparses, les pages, les hérauts, qui, par leur tmmbre, la richesse de leurs costumes, contribuaient encore à la variété et à l’agrément de l’ensemble.

On mêlait souvent aux carrousels des récits, qui étaient les explications de la pompe, de 1 appareil et de la plupart des machines dont ils étaient composés. Ces récits étaient ordinairement une pièce de vers en l’honneur de l’héroïne delà fête. Des nymphes, des amours, ou d’autres personnages allégoriques s’avançaient portés sur des machines d’une construction merveilleuse. C’est dans cette partie surtout que se trouvaient les surprises et le luxe des carrousels, et nos décorations de théâtre les plus extraordinaires ne peuvent en donner qu’une idée imparfaite. Toutes les voitures, tous les véhicules avaient une forme particulière : ici c’était une guerrière assise dans un char en forme d’oiseau ; plus loin, cinquante chevaliers s’avançaient portés sur le dos d’un lion gigantesque ; les chai’S de triomphe étaient d’une majesté imposante par leur forme et par leur hauteur. Mais c’étaient surtout las machines qui étaient admirables par la complication de leur ingénieux mécanisme. Au

carrousel de Bavière de l’an 1662, comme la pompe commençait à défiler d’une grande tour, on entendit d’abord un horrible fracas de trompettes extraordinaires et semblables à celles qu’on donne au furies de l’enfer. Au son de ces trompes, Médée parut au plus haut de la tour sur un char de feu tiré par un dragon et suivi de huit landes armées de torches ardentes. Tous ces monstres allèrent se jeter à un des bouts de la lice, dans une grande ouverture qui représentait l’entrée de 1 enfer. L’an 1585, à la réception de l’infante Catherine d’Autriche, on fit paraître autour de la galerie royale, où était la princesse, douze petites galères, sur chacune desquelles étaient vingt-quatre gentilshommes vêtus de satin blanc à broderies d’or. Ces galères étaient suivies de trois monstres marins, dont l’un, de 160 pieds de long, était plein d’yeux faits de miroirs ; ses écailles étaient d’argent et il partait sur le dos un écueil chargé de plantes’ et de corail ; il étendait deux grandes ailes qui couvraient les rames, dont les mouvements étaient réglés par les battements de ces ailes. Étant près de la galère royale, il tira le col en ded%ns, comme par respect, et puis retendit de plus de 20 pieds, au grand étonnement de tout le monde. Sur l’écueil était assise une troupe de nymphes dont l’une, vêtue de brocart d’or, avec quantité de filets de perles et de branches de corail, présenta les clefs de la ville dans un bassin, et récita des stances à la princesse. Sur le plus haut du rocher était l’Amour vertueux, qui tenait des poissons d’une main et des fleurs de l’autre ; l’Honneur, sur le bas du rocher, semblait conduire ce monstre avec une bride d’or de 20 brasses.

Dans l’intervalle de chaque exercice, les quadrilles se réunissaient tous ensemble et formaient des figures réglées d’avance par l’organisateur du carrousel. Entre les figures avaient lieu les exercices, dont les principaux étaient ceux de la bague, de la quintaine et du faquin. L’exercice de la bague consistait à enlever au bout de la lance une bague suspendue en l’air : les chevaux de bois, qu’on voit encore aux fêtes des environs de Paris, « sont un lointain souvenir des carrousels. Parfois le soin d’enlever la bague était confié à une dame assise dans un char, dont un cavalier, debout derrière elle, tenait les rênes pour en guider la course. Un curieux manuscrit de Versaillesj qui représente les fêtes données sous Louis XIV, contient plusieurs gravures de ce genre. La quintaine n’était autre chose qu’un trou d’arbre ou un pilier contre lequel on allait rompre sa lance, pour s’exercer à atteindre l’ennemi par des coups mesurés. La course au faquin s appelait ainsi parce qu’on se servait d’un faquin ou mannequin armé do toutes pièces, contre lequel on courait ; les Italiens la nommaient la course au Sarrasin, parce qu’ils se.servaient d’une tète de Sarrasin. Pour cet exercice, le mannequin était fixé sur un pivot, de façon que si on le frappait au front, entre les yeux, sur le nez, il restait ferme et immobile ; mais si on le frappait ailleurs, il tournait si rudement que le cavalier qui n’était pas assez adroit pour esquiver le coup était frappé d’un sabre de bois ou d’un sac plein de terre, à la grande joie des spectateurs. Ce jeu était fort ancien ; au moyen âge, ’ il avait eu une grande vogue, et non-seulement les chevaliers en faisaient un de leurs exercices, mais, à certains jours de fête, les seigneurs s’amusaient à voir leurs serfs s’exercer contre ce mannequin, qui leur rendait plus de coups qu’il n’Bn recevait. Au carrousel de 1662, chaque cavalier courait la lance à la-main, le long de la barrière, pour emporter une tête de Turc posée sur un buste

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de bois doré, sur la barrière même, à la hauteur de 6 pieds ; puis, quittant sa lance et faisant une demi-volte à droite, il prenait sous sa cuisse un dard qu’il venait lancer sur un autre buste, à la distance de 5 pieds ; ensuite. il s’écartait par une autre demi-volte et revenait le long de la barrière lancer un dwd contre une tête de Méduse tenue par un Persée, qui de l’autre main avait une épée comme pour se défendre ; puis enfin, s’écartant une dernière fois, il revenait l’épée à la main pour emporter une tête posée sur un buste de bois à 1 pied de terre.

Pendant tout le xvne siècle, les carrousels eurent une grande vogue, en Italie surtout, où ils se répétaient presque toutes les années. À Florence, on représenta sur l’Arno l’expédition des Argonautes ; et en hiver, ce fleuve étant gelé, on organisa sur la glace un carrousel en traîneaux et en patins. Les ducs de Savoie se distinguèrent aussi par leur amour pour ce genre de distraction. On en donnait très-souvent à Turin, et une fois on en vit un sur le lac qui domine les hauteurs du mont Cenis. En France, un des plus célèbres a été celui que donna Louis XIV dans la cour des Tuileries, qui porte encore le nom de cour du Carrousel.

Ces distractions d’une noblesse oisive, ambitieuse d’étaler son luxe et de dépenser son argent, qui ne lui coûtait rien à acquérir, ont disparu pour jamais. Les carrousels de notre temps sont les expositions universelles, où l’on ne voit d’autres luttes que celles de l’intelligence, du travail, de l’activité et de l’industrie, luttes à la fois fécondes et moralisantes.

Carrousel (Place de). Une des plus vastes pinces publiques de Paris. Elle s’étend en face de la cour des Tuileries et est encadrée de toutes parts par les bâtiments de l’ancien Louvre et du nouveau. L’emplacement occupé actuellement par la place du Carrousel était autrefois un terrain vague, qui s’étendait des murs de la ville jusqu’au palais des Tuileries. Vers 1600, un jardin y fut créé, qui subsista jusqu’en 1655, sous le nom de Jardin de Mademoiselle, du nom de M’e de Moutpensier, qui habitait alors les Tuileries. Lors de l’achèvement du palais, le jardin de Mademoiselle fut détruit, et ce fut sur son emplueenient que Louis XIV, le 5 et le 6 juin 1662f donna le célèbre carrousel qui laissa son nom à la place. Cette fête, dont le souvenir demeura longtemps populaire, surpassa en mafnificence et en éclat toutes celles qu’on avait onnées jusqu’alors, sans en excepter les joutes de 1612, sur la place Royale. Le roi, en costume romain, y figura en personne ; Monsieur commandait les Persans ; le prince de Condé, les Turcs ; le duc d’Enghien son fils, des Indiens ; le duc de Guise, petit-fils du Balafré, un des originaux de l’époque, commandait les Américains. On rompit des lances, on courut la bague, et le duc de Guise notamment lutta avec le grand Coudé. À cette époque, la place du Carrousel était loin d’offrir l’étendue et la symétrie qu’on admire aujourd’hui : la belle ordonnance en était déjà gâtée par de chétives constructions, qui ne tardé rent pas à la circonscrire. La Révolution n’ê pargna pas la dénomination donnée à la place par l’ancien régime ; un arrêt de la Commune, du 19 janvier 1793, ordonne ; « que l’arbre de la fraternité qui doit être planté sur la place du Carrousel sera entouré de quatre-vingt-quatre piques formant un faisceau et portant le nom de chaque département, et, en outre, que la place du Carrousel sera dorénavant appelée place de la Fraternité. ■ Le nom de place du Carrousel ne tarda pas néanmoins à lui être rendu. L’Empire vint, et par la démolition d’une partie des maisons de la rue Saint-Nicaise et de plusieurs hôtels, commença l’agrandissement de la place. Bientôt eut lieu l’érection de l’arc de triomphe qui porte le même nom.

La place du Carrousel est aujourd’hui, grâce à l’achèvement du nouveau Louvre, qui a supprimé l’informe amas de masures et de constructions hétéroclites qui la déshonoraient encore il.y a dix ans, une des plus splendides de l’Europe. En ce moment, à propos de la reconstruction des Tuileries, on parle d’enclaver l’arc de triomphe dans la cour du palais, qui recevrait, dans ce but, un accroissement important.

Carrousel (ARC DE TRIOMPHK DU). V. AHC.

CARROUSSEou CAROUSSEs. f. (ka-rou-se). Bombance : Le festin ne fut pas fort magnifique ; mais il y avait de bon vin vieux, dont nous fîmes carrousse après souper. (D’Ablane.) Elle, sitôt qu’elle eut mis dormir sa maîtresse, s’en vint devers moi sans larder, et lors ce fut d nous de boire et de faire carroussb de vin ensemble et de baisers. (P.-L. Cour.)

Alaoiel, qui de sa vie,

Selon sa loi, n’avait bu vin,

Goûta ce soir, par compagnie,

De ce breuvage si divin

Insensiblement fit etnrousse.

La Fontaine,

CARROUSSE s. m. (ka-rou-se). Syn. de CARROccio. » On a dit aussi carrouze. "

CARRO7.A ou CAKROZZA (Jean), médecin italien, né à Messine en 1678, mort en 17 30. Il avait étudié toutes les sciences, et il soutint avec éclat une thèse : De amni re scibUi. On lui doit, outre cette thèse : Contra vulgo scîeniias acquisitas ptf disciplinam (1702), et

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