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Il foui donc distinguer deux sortes de cantilènes : les unes guerrières, les autres religieuses ; c’est de cette double source que sont sorties les chansons de geste, poèmes populaires nés d’hymnes populaires. Nous allons donner des exemples de chacune de ces deux espèces de can tilènes.

— CANTILENE QUERRtÈRE D’INSPIRATION

française. Cantilène de Saucourt. En 811, les Francs, dont le territoire était sans cesse dévasté par les pillards normands, résolurent de se défendre contre leurs oppresseurs. Ils prirent les armes et marchèrent contre l’ennemi. Dans les rangs de l’armée normande se trouvait un traître, nommé Isembard, qui vendait sa patrie aux étrangers. Exaspérés contre lui et furieux de l’agression injuste dont i !s étaient l’objet, les Francs, commandés par le fils de Louis le Bègue, Louis III, marchèrent contre les envahisseurs. Ils les rencontrèrent à Saucourt, en Vimeu, et se ruèrent sur eux avec une telle rage, qu’ils remportèrent une victoire complète. Ce haut fait fut transmis à la postérité par un chant, dont on a retrouvé le texte. La poésie, cette fois, a prêté secours à l’histoire. Elle a permis d’établir la date de la bataille livrée Sept mois avant la mort du roi Louis. Or on sait que ce roi mourut le 4 août 822. — La cantilène de Saucourt a été publiée par un A-llemand, M. Jean Schilter ; la seconde édition en a été donnée en 1837 par M. Hoffmann de Fullersleben, qui l’a traduite et enrichie de notes précieuses.

— CANTILÈNE GUERRIERE n’ORIGINE ALLE-MANDE. ÇantUèned’Ilildebrand{w siècle).Elle raconte le combat que selivrèrent Hildebrand et Hadebrand, le père et le fils. Chacun d’eux, dans cette pièce, tient d’assez longs discours. On sent parfaitement ici que l’on est de l’autre côté du Rhin. Tout, dans la cantilène de Sancourt, est français ; le roi qui y figure se bat à la française ; notre cœur est remué, ému. Hildebrand et Hadebrand, eux, sont des Germains ; ils côtoient les personnages des Niebelungen ; ils personnifient le courant épique qui alla se perdre, plus tard, dans le neuve de l’inspiration tudesque. La cantilène d’Hildebrand est lourde et se traîne ; celle de Saucourt vole et va droit au but.

Cantilène purement historique. Cantilène de saint Faron (vue siècle). Vers 620, Clotaire reçut à Meaux les envoyés de Bertoald, roi des Saxons ; ceux-ci, tiers et insolents, déclarèrent à Clotaire que leur souverain viendrait prendre possession de la terre de France, qui leur appartenait. Clotaire, indigné, n’écouta que sa colère et fit jeter les ambassadeurs en prison. Sa fureur était telle, qu’il décida qu’on leur couperait la tête dès le lendemain, à la pointe du jour. Vainement les leudes s’interposèrent, prétendant avec justice que c’était une violation du droit des gens ; Clotaire n’écoutait rien. Alors Faron, qui n’était pas encore dans les ordres, alla trouver les Saxons pendant la nuit et les convertit au christianisme. Quand on voulut exécuter l’inique sentence, Faron se présenta devant Clotaire et lui dit : < Ces gens-là ne sont plus Saxons ; ils appartiennent au peuple chrétien. > Faron fit pleurer l’assistance et le roi lui-même, qui accorda la grâce demandée. Le souvenir de ce trait fut consacré par une poésie, dont Helgaire nous a transmis des fragments.

Cantilène religieuse. Cantilène de sainte Eulalie (x« siècle). Elle est trop importante pour que nous ne la donnions point ; la voici, telle qu’elle a été traduite par M. Léon Gautier : « Eulalie fut une bonne vierge, — Elte avait un beau corps, une âme plus belle. — Les ennemis de Dieu la voulurent vaincre, — Voulurent la faire servir le diable.— Mais jamais elle n’eût écouté ces méchants qui lui conseillent

— De renier Dieu qui est là-haut dans le ciel. — Ni pour or, ni pour argent, ni pour parure, — Ni devant les menaces du roi, ni devant ses prières, — On ne put jamais plier

— La jeune filie à ne pas aimer le service de Dieu. — C’est pourquoi on la présenta à Maxiinien,

— Qui était, en ce temps-là, roi des païens. — Il l’exhorte, mais elle ne s’en soucie guère, — A quitter le nom chrétien. — ElLe rassemble toute sa force. — Plutôt elle souffrirait la torture — Que de perdre sa virginité.

— C’est pourquoi elle est morte à grand honneur. — Ils la jetèrent dans le feu, pour qu’elle y brûlât vive. — Elle était toute pure ; c’est pourquoi elle ne brûla point. — Le roi païen ne se voulut pas rendre à cela, — Avec une épée lui fit couper la tête. — La demoiselle n’y contredit pas, — Elle veut quitter le siècle, elle en prie le Christ. — Sous la forme d’une colombe, elle s’envole au ciel. — Supplions-la tous de vouloir bien prier pour nous,

— Afin que le Christ ait merci de nous — Après la mort, et nous laisse venir h lui, — Par sa clémence. »

Le texte de la cantilènB de sainte Eulalie a été publié plusieurs fois, notamment au tome 1er de l’Origine et formation de la langue française, par M. Chevallet. Cette édition était accompagnée d’un fac-similé. M. Littré (Journal des savants, octobre 1858), M. Paul Àleyer (Bibliothèque de l’École des Chartres, 5» série, tome II), M. Gaston Paris (Étude sur le rôle de l’accent latin dans la langue française) se sont également occupés de ce document curieux. La versification en a été souvent critiquée. D’après M, Littré, tous les vers y seraient décasyllabiques ; d’après M. Meyer, jls procéderaient par strophes de

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doux vers, dont les demi-strophes auraient, deux par deux, le même nombre de syllabes, tantôt neuf, tantôt dix, tantôt onze. Les eantilènes religieuses, sauf de très-rares exceptions, n’ont point produit de chansonsde geste. En musique, le mot cantilène signifie : une mélodie d’orig ; ne italienne et dont l’amour est ordinairement le sujet. Elle se distingue d’une cavatine, en ce sens que la cavatine peut être prise sur un mouvement vif, sur un allegro ; la cantilène, au contraire, affecte des formes languissantes et des modulations qui inclinent à la rêverie. On en rencontre beaucoup dans les œuvres des ma

Bellini et Donizetti.

les œuvres des maîtres modernes, tels que COUP ’

, tels

CANTILÉNISTE s. m. (kan-ti-lé-ni-sterad. cantilène). Auteur de cantilènes.

CANTIL1A, CANTILLA, noms anciens de Chantelle-le-Château.

CANTILLE, CANT1LLÉ, formes anciennes des mots canetille, canktillé.

CANTILLON {Philippe de), économiste, né en Irlande vers la fin du xvue siècle, mort en 1733. Il avait été commerçant à Londres lorsqu’il vint se fiï.er à Paris, où il fonda une maison de banque. Il prit une part active à la réalisation des projets de Liiw, gagna plusieurs millions ; puis, après avoir passé quelque temps en Hollande, il alla se fixer à Londres, où il fut assassiné par un de ses domestiques. Ami de Bolingbroke, et, si l’on en croit les •mémoires du temps, amant de la princesse d’Auvergne, Cantillon avait les manières les plus aimables, beaucoup d’esprit, et était entré en relation pendant son séjour en France avec des personnages de la plus haute distinction. Il a laissé plusieurs ouvrages : Essai sur la nature du commerce en général (l"52, in-12) ; VAnalyse du commerce (1750) ; les Délices au Brabant et de ses campag ?les (1757, 4 vol.).

CANTÏMARON s. m. (kan-ti-ma-ron). Navig. Embarcation formée de plusieurs canots liés ensemble, et employée à la pêche sur la côte de Coromandel. il On dit aussi avrils a ron.

CANT1N (cap), l’Atlas Minor des anciens, cap de la côte de Maroc, sur l’Atlantique, par 32<» 50’ de lat. N. et il» 40’ de long. O.

CANTINE s. f. (kan-ti-ne. — Pour l’étymologie de ce mot, qui a été expliquée de différentes manièresj’v. les articles canette et canton). Etablissement spécial qui donne à boire et à manger aux soldats, aux prisonniers, aux ouvriers d’un même chantier, aux pensionnaires d’un même établissement : Manger à la cantine. Tenir une cantine. En temps de guerre, il y a des cantines ambulantes à la suite des troupes. (Acod.)

— Par ext. Caisse à compartiments dans laquelle on porte des provisions de bouche pour un voyage : Nous sommes partis de très-bonne heure, après avoir remonté notre cantine. (Chateaub.)

— À Lyon, Bocal de verre blanc où l’on met des liqueurs et des fruits à t’eau-de-vie : Cantine de cerises.

CANTINIER, 1ÈRE s. (kan-ti-nié, iè-re). Personne qui tient une cantine : La cantinière d’un 'régiment. Nos annales sont riches d’actes de dévouement et d’héroïsme de plusieurs cantinières. (De Chesnel.)

— Adjectiv. Qui porte la cantine, les provisions du voyage : Nous -bûmes tous, car l’âne caNtinier nous suivait. (Brill.-Sav.)

— Encycl. Les mots cantinier, vivandier, ont en réalité le même sens ; mais, dans l’usage ordinaire, le premier s’emploie plus particulièrement pour désigner 1 individu qui tient une cantine sédentaire, c’est-à-dire une cantine de port ou de caserne, tandis que le second sert surtout à dénommer le marchand qui tient une cantine ambulante, c’est-à-dire qui est autorisé à suivre une troupe en marche. Toutefois, il n’est pas rare qu’on les prenne l’un pour l’autre, indistinctement. Les eantiniers à poste fixe sont nommés par le ministre de la guerre, qui les choisit parmi d’anciens sous-officiers mariés. Quant aux eantiniers ambulants, ils sont désignés par les chefs de corps, et, dans les marches comme dans les campements, ils ont leur place marquée à la suite du régiment, du bataillon ou du détachement auquel ils sont attachés. Les cantinières et les vivandières sont toujours les femmes des eantiniers et des vivandiers ; mais il arrive quelquefois, du moins en temps de paix, que les cantinières ou les vivandières des régiments n’ont ni eantiniers ni vivandiers, cest-à-dire qu’elles seules tiennent réellement la cantine, pendant que leurs maris vaquent à leurs occupations ordinaires. C’est, en effet, une règle absolue qu’elles soient unies, et en légitime mariage, à un sous-officier ou à un simple soldat du corps : la veuve du plus méritant sous-officier ne pourrait être admise que dans des circonstances exceptionnelles, encore ne serait-ce qu’à titre temporaire. Qui ne connaît la cantinière de régiment ? Après le tambour-major, c’est sur elle que se portent tous les regards. Elle marche derrière la musique, quelques pas en avant de l’état-major. On voit bien qu’elle sait ce qu’elle vaut. Aussi, comme elle cherche à prendre les allures, le chic des corps dont elle l’ait partie S La cflntinièra de la ligne, avec soii chapeau ciré à la marinière, ne ressemble pas plus à la cantinière des zouaves que le plus

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naïf Dumunct au plus déluré des zouzous. Même différence dans les troupes à cheval, entre la cantinière des hussards ou des guides et celle des cuirassiers ou des dragons ; mais ce n’est là qu’une affaire d’uniforme. Que vienne la guerre, et les cantinières se transforment si bien qu’elles ne se distinguent plus. Ce sont mêmes sentiments, même patriotisme, même bravoure. À la caserne, la cantinière était blanchisseuse, cuisinière, marchande. En campagne, elle est aussi tout cela, quand elle en a le temps ; mais, de plus, elle est infirmièré, sœur de charité, combattant même, s’il te faut. Nos annales militaires sont remplies d’exemples de cantinières dont l’héroïsme et l’abnégation ont égalé, souvent surpassé l’héroïsme et l’abnégation des hommes les plus brave3 et les plus dévoués. Sous le premier Empire, comme depuis, plusieurs cantinières ont même été nommées chevalières de la Légion d’honneur, obtenant ainsi une distinction qui n’avait pas été précisément instituée pour leur sexe. En général, la cantinière Ïirofesse le plus profond dédain pour toutes es personnes de son sexe ; pour elle, ce sont des femmelettes ; elle appartient à un sexe intermédiaire, à quelque chose d’androgyne, beaucoup plus rapproché du sexe fort que du sexe faible. Un fils fait ses délices : c’est un enfant de troupe ; une fille l’humilie profondément, et c’est en rougissant jusqu’au blanc des yeux qu’elle se voit obligée de donner le sein. Quand on lui demande combien elle a d’enfants, contrairement à ces malins paysans de nos campagnes, qui disent invariablement : ■ Ma femme en a deux, u elle répond fièrement, en frisant la moustache qu’elle enrage de ne pas avoir : « Demandez-le à mon mari, j je ne m’occupe pas de ces choses-là. »

j CANTIONNAIRE S. m. (kan-si-o-nè-redu lat. cantio, chanson). Recueil de cantiques,

I CANTIQUE s. m. {kan-ti-ke — du lat. canticum, chaut). Chant religieux, et particulièrement chant religieux d’action de grâces : Le cantique de Moïse, de Marie, de Siméon. Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. (Boss.) /( chantait da ?is la paix les cantiques de Siw. (Fléch.) Jamais Homère n’a approché de la sublimité de Moïse dans les cantiques. (Fén.) David, malgré ces pieux cantiques qui faisaient son occupation et ses plus chères délices, paraissait à la tête des armées et des affaires publiques. (Mass.) Les Germains exaltaient leur dieu Tuiston dans de vieux cantiques. (Chateaub.) Chez les Hébreux, les cantiques étaient souvent chantés avec des chantrsde musique, et accompagnés de danses. (Bouillet.)

Mes filles, chantez-nous quelqu’un de ces cantiques. Où vos voix si souvent, se mêlant a mes pleurs, De la triste Sion célèbrent les malheurs.

Racing.

... Ton peuple fidèle, autour des noirs arceaux, Se courbe en murmurant sous le vent des cantiques, Comme au souffle du nord un peuple de roseaux. A. de Musset.

Un baudet chargé de reliques

S’imagina qiTort l’adorait ;

Dans ce penser, il se carrait,

Recevant comme siens l’encens et les cantiques. La Fontaine.

Il Espèce d’ode écrite en langue vulgaire, sur un sujet religieux, et destinée à être chantée dans les églises ; Les cantiques de SaintSulpice. Les cantiques de Vàme dévote. Mes compagnons, étant leurs chapeaux goudronnas, vinrent entonner d’une voix rauqve leur simple cantique à Notre - Dame de Bon - Svcours. (Chateaub.)

— Liturg. Les quinze psaumes graduels, les derniers des psaumes de David, il Chez les

Îirotestants, Tout chant religieux autre que es psaumes.

— Par ext. Chant ou autre témoignage bruyant de quelque sentiment : Les cantiques de douleur. Entonner des cantiques de joie. Les psaumes avaient succédé aux cantiques des joies du siècle. (Boss.)

Les oiseaux du printemps chantent dans les buissons Leurs cantiques d’amour, leurs joyeuses chansons.

Mllo DE PoLIGNY.

— Fig. Culte, honneur rendu à Dieu : Et ce qui souffre, et ce qui crie,

Et ce qui chante, et ce qui prie.

N’est qu’un cantiqSc aux mille accents.

Lamartine.

Cantiques spirituels, Se dit de tous les cantiques dont, l’objet est d’exalter les sentiments religieux.

— Loc. fam. Chanter un beau cantique, So réjouir d’avoir échappé, par une chance très-heureuse, à quelaue grave accident : Vous l’avez échappé belle ; vous pouvez chanter un beau cantique I n Quel cantique me chanteivous là ? Que dites-vous là ? Quelles histoires nous contez-vous ?

— Epithètes. Pieux, dévot, saint, sacré, céleste, di-vin, sublime, gai, joyeux, solennel, spirituel, inspiré, mélodieux, harmonieux, humble, faible, triste, lugubre, touchant, attendrissant.

— Encycl. On désigne sous le nom de cantiques spirituels àes pièces de vers en couplets, destinées à être chantées, et célébrant, soit des faits de l’Ancien ou du Nouveau Testament, soit la vie et les miracles d’un saint. Les plus importants et les plus nombreux des

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cantiques spirituels sont consacrés à la naissance de Jésus-Christ, et portent le nom de noêts (v. ce mot). Parmi les autres, il en est beaucoup d’oubliés ou de perdus. Quelquesuns sont restés dans la bibliothèque du colportage et sont encore répandus chaque année dans nos campagnes. On les chante en chœur aux veillées, et il n’esc pas rare d’entendre les bergères et les laboureurs les psalmodier d’une voix traînante et monotone.

Ces cantiques, sous leur forme actuelle, ne remontent guère au delà du xvuc siècle ; mais ils conservent l’empreinte de la foi du moyen âge. Ils sont curieux à étudier comme témoignage de la naïveté de nos pères et comme spécimen des œuvres de grossière crédulité dont on nourrit encore, de nos jours, l’esprit d’une partie de la populatipn.

Les plus répandus sont les Cantiques de Notre-Dame de Liesse, de Sainte Geneviève de Brabant, du Grand saint Hubert, de Saint Alexis, de Sainte Marie-Madeleine, de Sainte Marguerite, de Sainte Heine, de Saint Eustache, le Sacrifice d’Abraham, l’Enfant prodigue, Joseph vendu par ses frères, l’Histoire de Judith.

Ces cantiques sont trop connus et trop facilos à rencontrer pour que nous nous y arrêtions. Il suffit d’y jeter un coup d’œil pour voir qu’il faudrait bannir ces livrets barbares de la bibliothèque du colportage. Quand on’ est si sévère pour les ouvrages contemporains qui cherchent à répandre parmi le peuple les idées nouvelles, n’est-il pas déplorable de laisser aux mains des faibles d’esprit de pareilles productions, que ne recommande aucune qualité littéraire, et qui répandent d’âge en âge des idées fausses, des erreurs ridicules et de puériles superstitions ?

Il existe d’autres cantiques plus modernes, que les prêtres catholiques font chanter aux enfants du catéchisme, aux jeunes filles qu’ils attirent dans les confréries de la Vierge, aux personnes dévotes qui assistent aux fêtes pompeuses du mois de Marie, etc. La plupart de ces cantiques ont été" composés par les missionnaires de la Restauration, et, quoiqu’ils respirentdes sentiments religieux très-exaltés, ils sont en général très-médiocres comme poésie, ce qui peut sembler étrange quand on se rappelle que, chez les anciens, la religion fut longtemps 1 unique inspiratrice des postes les plus sublimes. Quoi qu’il en soit, les missionnaires, après avoir fait composer leurs cantiques par de jeunes adeptes dont la ferveur semblait devoir se traduire en vers brillants et quelquefois sublimes, ne crurent pas prudent de choisir un des leurs pour le charger de la composition des airs : la connaissance approfondie du plain-chant ne leur parut pas une garantie suffisante. Ils appliquèrent donc • à leurs cantiques les airs les plus profanes, ceux des opéras et des vaudevilles les plus renommés, ceux même des chants les plus révolutionnaires, et quelques-uns de ces airs, qui se chantent encore aujourd’hui dans toutes nos églises, sont vraiment fort beaux. Mais sont-ils bien religieux ? sont-ils en harmonie parfaite avec les paroles 1 11 est permis d’en douter, et nous croyons que le plain-chanrest encore ce qui répond le mieux à l’esprit des cérémonies catholiques. Nous nous rappelons avoir éprouvé un singulier saisissement, en entendant un jour, dans une église de campagne, des jeunes filles entonner une de ces plates élucubrations sur l’air de la Marseillaise. D’autres fois, le procédé est plus primitif encore ; on prend un chant ultrarévoiutionnaire, tel que le Chant du départ, on y introduit quelques variantes comme dans certains duos d’opéra, mais on respecte religieusement la musique de Méhul, qui hurle avec les paroles. Voici, par exemple, un refrain dont nous pouvons garantir la parfaite exactitude, et que beaucoup de nos lecteurs connaissent, sans aucun doute :

! République

«... nous appelle,

Reugion rr

Sachons vaincre ou sachons périr.

I Français...

chrétien d0, t ïlvre POUr ellé

Français

Pour elle un j, ... doit mourir

(chrétien

Nous nous figurons l’ébahissement de Méhul s’il entendait sa musique ainsi travestie ; assurément, il ne manquerait pas de s’écrier comme Lulli, en entendant un de ses airs les pins pro. fanes joués dans une église : « Mon Dieu, je vous demande bien pardon, mais je ne l’avais pas fait pour vous l »

Ce qui frappe, nous le répétons, dans tous ces cantiques qu’on chante dans le cours des missions, des retraites, aux grandes cérémonies religieuses, les jours de fêtes solennelles et même les simples dimanches, c’est l’absence complète d’inspiration et de rhythme poétiques. Toutefois, pour observer les lois d une sévère impartialité, nous devons reconnaître que la poésie des cantiques ne dépasse guère en prosaïsme, en fadeur et en platitude les libretti de la plupart do nos opéras, et surtout les paroles de ces insipides romances que ceux et celles qui aiment ù voir lever 1 aurore se plaisent tant à roucouler. U est donc bien vrai, hélas I que ce qui ne vaut pas la peine d’être- dit, on le chante ; mais les cantiques, ces malheureux cantiques, ils no valent pas même la peine d’être chantés.

Cantique dos cantique* (LE). L’expression

de Cantique des cantiques, sous laquelle on