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mconomus) a le pelage gris jaunâtre sur le dos et pin» pâle sous le ventre ; sa présence en Europe n’est pas bien constatée ; mais il est très-commun en Sibérie, où il habite les pâturages humides et les lies formées par les fleuves ; sa demeure est encore plus curieuse que celle des autres campagnols ; voici comment la décrit M. Paul Gervais : ■ C’est une chambre de trois ou quatre pouces de hauteur, et d’un pied de largeur, garnie d’un lit de mousse, et plafonnée par le gazon même. De cette chambre principale part un bon nombre de boyaux, ouverts latéralement, a quelque distance l’un de l’autre, par des trous du diamètre du doigt. D’autres boyaux plus profonds conduisent de la chambre d’habitation à d’autres chambres plus vastes que celle-ci, et qui sont de véritables magasins, où l’économe apporte, pendant toute la belle saison, des graines et de petits morceaux de racines taillées convenablement pour le transport et l’empilage. Ce travail est ordinairement l’œuvre de deux individus seulement, d’un mâle et d’une femelle, quelquefois même d’un seul qui vit solitaire. » C’est à ces habitudes que 1 espèce doit son nom d’économe. Les magasins renferment quelquefois plus de trente livres de provisions ; aussi les Sibériens vont-ils souvent les dévaliser, en ayant soin de ne pas les dépouiller complètement, et de laisser quelque chose à ce singulier fournisseur, qui, sans cela, disent-its, se tuerait de désespoir. Ces animaux ne sont pas moins remarquables par leurs migrations. On les voit, au Kamtchatka, se rassembler au printemps en grandes troupes, et se diriger-vers l’ouest ; les rivières, les lacs, les bras de mer même ne sont pas des obstacles. Beaucoup se noient ou deviennent la proie des poissons, des plongeons ou des mammifères carnassiers ; d’autres arrivent à terre, si fatigués, qu’ils sont obligés de s’arrêter pour reprendre des forces. Les habitants dui les trouvent en cet état les réchauffent et les protègent. « Il y en a, dit M. Paul Gervais, des colonnes si nombreuses qu’il leur faut au moins deux heures pour défiler. Au moisd’octobre, ils reviennentau Kamtschatka. Ijuur retour est une fête pour le pays. Outre l’escorte de carnassiers à fourrures dont ils ramènent une chasse abondante, ils présagent encore une année heureuse pour la pêche et les récoltes. *

Parmi les autres espèces du même groupe, nous citerons le campagnol roux (arvicoia rutilus), qui habite la Sibérie, et qui, seul de tous ses congénères, pénètre dans les maisons, où il est aussi nuisible que le rat ; le campagnol des hauteurs (arvicoia greaalis) et le campagnol social (arvicoia socialis), qui se nourrissant, le premier des bulbes de lis, le second de ceux de tulipe. Dans la section des campagnols nageurs, nous trouvons d’abord le rat d’eau (arvicoia amphibius), qui habite l’Europe, et une grande partie de l’Asie et de l’Amérique du Nord ; il vit sur le bord des eaux, pour y recueillir les racines des plantes aquatiques, qui forment sa principale nourriture ; il y creuse un boyau peu profond, parallèle au sol, et offrant de nombreuses sorties ; ■ quand il y est inquiété, il se jette à l’eau. Le campagnol destructeur { arvicoia destructor ) est très-répandu dans le midi de la France et en Italie, où il fait de grands ravages ; dans les travaux hydrauliques des maremmes de Toscane, il nuit, non-seulement en faisant périr les plantes que l’on cherche à propager sur les digues, mais encore en ouvrant des passages a l’eau par ses longues galeries. En 1837, dit M. Savi, les plaines semées de grains et les collines voisines furent envahies par une multitude innombrable de ces animaux, qui dévorèrent les fèves et ensuite le blé. Le prince Bonaparte ajoute que ce campagnol est nuisible aux vignobles et aux jardins potagers. Le schermaus (arvicoia paludosus) n’a été trouvé jusqu’à présent qu’en France, aux environs de Strasbourg.

CAMPAGNOLA (Dominique), peintre et graveur italien, né à Padoue en 1482, mort en 1550. Il imita la manière du Titien. Padoue possède ses principaux tableaux, parmi lesquels on peut citer le Sauveur entre Aaron et Melchnêâech, dans la sacristie de la cathédrale. Il se distingua aussi dans la gravure à l’eau-forte et sur bois. Ses eaux-fortes les plus recherchées des amateurs sont l’Adoration des mages, la Madeleine aux pieds du Sauveur, une Sainte Famille, une Vénus, etc.

CAMPAGHOTJL S. m. OU CAMPAGNOULE

s, f. (kan-pa-gnou-le, gn mil. — du lat. campana, cloche). Bot. Nom vulgaire de quelques champignons du genre agaric.

CAMPAGUS s. m. (kan-pa-guss). Antiq.

V. CAMPACB.

CAMPAtGNAC (Antoine-Bernard), ingénieur français, né en 1792 à Montgeard (Haute-Garonne). À sa sortie de l’École polytechnique, il entra dans le génie maritime. Lorsqu’il eut acquis ses droits à la retraite, i) fut nommé, en 1843, directeur de l’École des arts et métiers d’Aix. On lui doit : Atlas du génie maritime (in-fol.) ; De l’état actuel de la navigation par la vapeur (1842), et diverses notices dans U Journal des mines.

CAMPAILLA (Thomas), philosophe et naturaliste italien, né en 1668 à Modica (Sicile), mort en 1740. Il étudia successivement le droit, l’astrologie, la philosophie, et, après avoir cultivé quelque temps la poésie, il finit par s’adonner entièrement à l’étude des scien CAMP

ces naturelles et de la médecine. Enclin à la bizarrerie, Campaitla ne sortait jamais de chez lui tant que durait l’hiver, et, pendant les grandes chaleurs, U se couvrait de vêtements doublés de soie. On a de lui : Discorso del moto degli animait (Palerme, 1710) ;Problemi nalurali (Palerme, 1727) ; deux poSmes ; VAdamo ovvero il mondo ereato (Catane, 1709), son meilleur ouvrage ; Apocalisse del apostolo san Giovanni (1738) ; Opuscoli filosojici (1738), etc.


CAMPAL, ALE adj. (kan-pal, a-le — du lat. campus, champ). Qui est dans les champs. || Vieux mot.


CAMPAN s. m. (kan-pan). Comm. Variété de marbre qu’on tire des carrières de Campan, dans les Hautes-Pyrénées : Le campan vert et le campan rouge sont des marbres fort estimés.


CAMPAN, ville de France (Hautes-Pyrénées), ch.-l. de canton, arrond. et à 7 kilom. S.-E. de Bagnères-de-Bigorre, surl’Adour, à l’entrée de la vallée de son nom ; pop. aggl. 2,768 hab. — pop. tôt. 3,655 hab. Belle église bâtie en 1567 ; restes d’un ancien cloître soutonus par des piliers de marbre monolithes du xvie siècle ; aux environs, nombreuses curiosités, but d’excursions ou de promenades très-agréables.


CAMPAN (Jeanne-Louise-Henriette Genet, dame), célèbre éducatrice, née à Paris le 6 octobre 1752, morte à Mantes le 16 mars 1822. Fille d’un premier commis aux affaires étrangères, qui, durant les loisirs que lui laissaient les devoirs de sa charge, s’adonnait avec quelque succès à l’étude des lettres, elle eut pour premier précepteur son père ; mais celui-ci appela bientôt à son aide Albanèse pour apprendre le chant à sa fille, Goldoni pour lui enseigner l’italien, et, pour la lecture, Rochon de Chabannes, Duclos, Barthe, Marmontel lui-même,

À quatorze ans, Henriette Genêt était un petit prodige d’intelligence, et ses maîtres le dirent tant qu’elle obtint la charge de lectrice de Mesdames Victoire, Sophie et Louise, filles de Louis XV, et bientôt, en 1775, celle de femme de chambre de Marie-Antoinette d’Autriche, épouse du dauphin.

Il faut lire dans les mémoires de Mme Campan, car ce n’est pas le lieu de transcrire, quoique pleines d’intérêt et de charme, les pages où elle raconte son départ de chez son père et sa présentation à la cour. Il y a des larmes dans ses yeux, certes, des regrets, mais des sourires aussi, de la joie, la joie de mettre pour la première fois et à quinze ans une robe à queue, des paniers. Elle est éblouie à Versailles : « Tout cet appareil, dit-elle, produisit un tel effet sur mes sens que je pouvais à peine me soutenir lorsqu’on m’introduisit chez les princesses. »

C’est chez Mesdames, où elle aimait à se retirer loin du bruit de l’orgie et du contact des maîtresses du roi, que Marie-Antoinette rencontra Henriette Genêt. « Souvent, raconte cette dernière, la dauphine la pria de l’accompagner sur la harpe pour chanter les airs de Grétry. » Elle voulait qu’elle n’interrompît point sa lecture quand elle entrait ; elle apprécia ses talents, elle aima son caractère et voulut elle-même la marier à M. Campan, fils du secrétaire intime de la reine. Louis XV la dota d’une pension de 5,000 livres.

Quoique toujours attachée à Mesdames comme lectrice, mais femme de chambre de la dauphine, dès lors et pendant vingt ans, elle ne quitta point Marie-Antoinette et montra le dévouement le plus absolu à la famille royale au milieu des orages de la Révolution. Au 10 août, lors de l’envahissement des Tuileries, elle courut de grands dangers, ne put obtenir de partager la captivité de la reine, et se retira à Coubertin, dans la vallée de Chevreuse,

Mais le 9 thermidor, qui venait de la sauver de l’échafaud devant lequel déjà elle inclinait sa tête, ne lui rendit pas ce que la Révolution lui avait fait perdre. La misère menaçait de frapper à la porte de Mme Campan, et d’autant plus grande, inexorable, que près d’elle la jeune femme avait sa mère, âgée de soixante et dix ans, les filles de sa sœur Mme Augière, qui s’était donné la mort dans les prisons de la Terreur, son mari malade, son fils âgé de neuf ans. « Il fallait vivre, dit-elle, et je n’avais plus rien au monde qu’un assignat de 500 francs. J’avais signé pour 30,000 francs de dettes pour mon mari. Je choisis Saint-Germain pour y établir une pension : cette ville ne me rappelait pas, comme Versailles, et les temps heureux et les premiers malheurs de la France ; elle m’éloignait de Paris, où s’étaient passés nos terribles désastres et où résidaient des gens que je ne voulais pas connaître. Je pris avec moi une religieuse de l’Enfant-Jésus pour donner la garantie non douteuse de mes principes religieux (le Directoire fit fermer la chapelle que Mme Campan avait cru pouvoir ouvrir dans son pensionnat). Je n’avais pas le moyen de faire imprimer mes prospectus : j’en écrivis cent et les envoyai aux gens de ma connaissance qui avaient survécu à nos affreuses crises. »

« Au bout d’un an, j’avais soixante élèves, bientôt après cent. Je rachetai des meubles ; je payai mes dettes. J’étais heureuse d’avoir retrouvé cette ressource si éloignée de toute intrigue. » (Extrait d’un mémoire dont Napoléon, pendant les Cent-Jours, a ordonné le dépôt aux archives des relations étrangères.)

Un jour, Mme de Beauharnais vint remettre à ses soins sa fille Hortense et sa nièce Émilie, et un an après environ, lorsque Bonaparte voulut fonder pour les filles de ses soldats la maison d’éducation d’Écouen, c’est à Mme Campan, dont il avait su apprécier les hautes qualités, et à M. de Lacépède, grand chancelier de la Légion d’honneur, qu’il en confia l’organisation et la direction.

On raconte que Napoléon disait un jour à Mme Campan : « Les anciens systèmes d’éducation ne valent rien ; que manque-t-il aux jeunes personnes, pour être bien élevées en France ? — Des mères, répondit Mme Campan. — Le mot est juste, reprit Napoléon. Eh bien ! madame, que les Français vous aient l’obligation d’avoir élevé des mères pour leurs enfants. »

« Créer des mères, » ces mots sont à la fois bien doux, bien profonds ; ils résument le but de l’éducation des femmes, ils sont tout un système et le seul vrai.

Le retour des Bourbons fut pour elle la source des chagrins les plus amers. Calomniée, desservie, pour les faveurs qu’elle avait reçues du gouvernement impérial, on alla plus loin encore : on l’accusa d’ingratitude, de perfidie même envers la famille royale : « Elle, dit M. de Lally, en faveur de qui Marie-Antoinette a écrit en 1792 une disposition de volonté dernière si honorable pour le dévouement de la sujette et pour la bonté de la souveraine ; à qui Louis XVI, dans la cellule des Feuillants, le 10 août 1792, a confié les papiers les plus secrets, les plus périlleux, pour qui il a détaché deux mèches de ses cheveux, lui en donnant une pour elle, une autre pour sa sœur, tandis que la reine, jetant alternativement ses bras autour de leur cou, disait : « Malheureuses femmes, vous ne l’êtes qu’à cause de moi, je le suis plus que vous. »

Mme Campan vit supprimer l’établissement d’Écouen et alla ensevelir sa douleur dans la retraite, à Mantes, près d’une de ses anciennes élèves, Mlle Crouzet, devenue la femme d’un médecin de mérite, M. Maignes. C’est entre les bras de ses amis, restés fidèles à sa mauvaise fortune, que, le 16 mars 1822, elle mourut d’une maladie de poitrine et d’un cancer au sein. Elle a laissé des nouvelles et des comédies à l’usage de la jeunesse, des ouvrages médiocres sur l’éducation, et des Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette (1822) qu’on lit avec un vif intérêt et qui sont écrits d’un style nature). On a publié sa Correspondance avec la reine Hortense (1835).


CAMPANA, bourg du royaume d’Italie, dans la Calabre Citérieure, district et à 18 kilom. S.-E. de Rossano, ch.-I. de canten ; 3,667 hab. Commerce de manne.

CAMPAN A (VIA), nom d’une petite voie romaine qui allait de Rome au Port de Claude.

CAMPANA (César de), historien italien, né à Aquiîa vers 1540, mort en 1506. On peut citer, parmi ses nombreux travaux historiques  : lstoria del mondo dal 1570 al 1596 ; Délie famiglie di-Baviera e délie reali di Spatina (lE9ï) ; Storia délie guerre di Flandria dal 1559 ai 1600 ; Vita del re Filippo II (1608), etc.

CAMPANA (Pierre), graveur italien, né en 1727, mort en 1765. Élève de Rocco Pozzi, il grava plusieurs portraits pour le Musée florentin et pour divers recueils d’estampes. Ses gravures les plus estimées sont : la Délivrance de saint Pierre, d’après Preti ; Saint François de Pauls, d’après S. Gonca, etc.

CAMPANA (Antoine-François), médecin itar lien, né à Ferrare en 1751, mort en 1832. Il se fit recevoir docteur en médecine et fut attaché à l’hôpital de Sainte-Marie à Florence. Il s’appliqua surtout à la physique et se livra à de nombreuses expériences. Nommé professeur de physique à Ferrare, il s’uequitta de ces fonctions avec éclat. Privé de sa chaire par la Révolution, à cause de ses opinions rétrogrades, il publia plusieurs ouvrages : Pharmacopée ferraraise (en italien, 1799) ; Catalogue des plantes du jardin botanique de Ferrare (1812), etc. La Restauration lui rendit sa place. U recommença ses cours de physique et professa en outre la botanique, la chimie et l’agriculture. Il publia, en 1824, en italien, un traité des Causes des fièvres intermittentes attribuées au mauvais air, et laissa plusieurs ouvrages manuscrits.

CAMPANA (François-Frédéric), général au service de la France, né à Turin en 1771, mort en 1807. Il fut élevé à l’École militaire de Turin, servit dans l’armée d’Italie, fut blessé à Loano, fit ensuite les campagnes d’Allemagne, de Prusse et de Pologne, et fut tué à la bataille d’Ostrolenka.

CAMPANA (François). V. Campanus.

Campai» (COLLECTION OU MUSÉE). C’est Une

histoire assez triste que celle du marquis Campana et de sa fameuse collection. Le marquis Campana était un Italien de beaucoup de goût et d un grand savoir. Il avait pour les objets d’art et de curiosité une passion effrénée, et il adorait en particulier tout ce qui venait des anciens. Aussi était-il connu et choyé des innombrables brocanteurs de la péninsule, et il ne sortait pas le moindre objet antique de dessous terre qui ne lui fût immédiatement présenté. Pour encourager les

chercheurs, le marquis achetait à peu près tout ce qui lui était offert, sauf, après avoir fait son choix, à revendre ce qui ne valait pas la peine d’être conservé. Il parvint ainsi à former, à grands frais, une collection excessivement précieuse d’objets étrusques, grecs et romains, en or, en bronze, en marbre et en

terre cuite, collection qui fui toujours accessible aux étrangers et aux amateurs sérieux, comme la plupart des autres galeries des grands seigneurs italiens. Après s’être attaché principalement aux antiquités, le marquis Campana eut l’idée d’ajouter à son musée des objets d’art et de curiosité appartenant aux époques du moyen âge et de la renaissance italienne, tels que raapliques, tableaux, sculptures, meubles, etc. Il acheta, à cet effet, la collection formée par un certain Gillis, qui avait entrepris de faire une histoire de l’art, en réunissant les spécimens les plus intéressants en toutes matières, et il développa ce premier fonds par de nouvelles et nombreuses acquisitions. À force d’acheter, il finit par épuiser sa fortune, et ne trouva pas d’autre moyen, pour se tirer de la gêne, que de mettre sa collection... au mont-de-piété de Rome, dont il était justement directeur. Il fut autorisé à se prêter sur ce gage jusqu’à concurrence de quatre millions ; mais il eut, paraît-il, le très-grand tort de dépasser d’uno somme assez considérable le crédit qui lui avait été consenti. Un beau jour, Campana fut accusé de concussion, «C’était sévère, a dit M. Ferdinand de Lasteyrie, c’était même jusqu’à un certain point exagéré, car le gage répondait, et bien au delà, de la valeur des sommes empruntées. Dans tout autre pays, ou se fût contenté de saisir le gage, de réaliser les fonds dus à la caisse et de destituer le fonctionnaire. À Rome, on fit mieux : Campana

fut condamné aux galères. Là où tout le monde prévarique du plus au moins, on est impitoyable pour qui s’y prend maladroitement. Cependant, par cela même que la sentence était excessive, elle ne fut point exécutée. Le gouvernement romain trouva plus d’avantage à composer’ avec le condamné. Remise entière lui fut faite de sa peine, moyennant qu’il abandonnerait ses collections à 1 État en échange des cinq millions qu’il lui devait. Elles lui en avaient coûté presque le double. » Ce qui avait aggravé la position du marquis, c’est qu’au moment de son arrestation, une partie des bijoux qu’il avait déposés en nantissement avait été envoyée par lui à l’étranger pour y être montrée, comme spécimen, aux personnes qui pouvaient faire l’acquisition de la collection entière. On répandit même le bruit que ces bijoux avaient été vendus à Paris ou en Angleterre ; mais l’homme de confiance qu’il avait chargé de cette mission ne tarda pas à les remettre entre les mains du gouvernement ; celui-ci prouva que, durant son séjour à Paris, il avait eu la précaution de les mettre en dépôt chez le nonce du pape, ce qui excluait toute idée de vol.

Les faits que nous venons de raconter se passaienten 1858. Le gouvernement pontifical, qui, alors comme aujourd’hui, avait plus besoin d’argent que de collections, offrit au gouvernement français de lui vendre le musée

Campana. La France fit attendre un peu sa décision. Peu s’en fallut même que la Russie ne nous soufflât l’affaire : elle acquit, pour une somme d’environ 600,000 francs, quelques morceaux de premier choix, entre autres un magnifique casque antique en argent, et un superbe vase connu sous le nom de vase de Cumes. L’Angleterre elle-même acheta différents objets du moyen âge et de la Renaissance. Il est fort regrettuble assurément que des préemptions aient été effectuées, alors qu’il nous eût été si facile d’acquérir la collection en bloc ; mais on a beaucoup exagéré l’importance de ces prélèvements, qui ne se sont exercés que sur certaines catégories de la collection, et précisément sur celles qui étaient représentées d’une façon assez complète dans nos propres musées. Un savant du plus grand mérite, M. Léon Rénier, et un artiste estimable, M. Sébastien Cornu, furent chargés, par le ministère d’État ; d’aller traiter de l’acquisition de tout ce qui restait de la collection Campana. Ils firent cet achat au prix de 4,264,000 francs et moyennant la remise des droits de sortie qui, sur les objets d’art, est de 25 pour 100 ad valorem. Avec les frais accessoires et de transport, le total de la dépense s’éleva à 4,800,000 francs. En relisant le rapport de la commission chargée par le Sénat d’exiiminer la loi portant ouverture au ministère d’État, sur l’exercice 1861, d’un crédit extraordinaire de cette- somme de 4,800,000 francs, nous trouvons ce passage qui explique parfaitement l’importance de 1 acquisition : ■ Nos musées possèdent déjà beaucoup d’œuvres précieuses de l’antiquité. Une savante direction imprimée depuis longtemps avait su rassembler au Louvre une quantité considérable de ces riches ouvrages qui marquent la succession et l’enchaînement des civilisations diverses à travers les siècles. Mais, tout riche qu’il était, notre Musée comptait des lacunes regrettables ; l’acquisition Campana est destinée à en combler une partie. C’est donc principalement à ce point de vuo qu’il faut envisager cette belle conquête, qui donne à toutes nos richesses archéologiques un ensemble laissunt désormais très-peu à désirer.»

Les trésors du musée Campana, transportés à Paris en 1861, furent installés provisoirement au Palais de l’Industrie, où ils attirèrent une grande affluence de visiteurs et excitèrent l’admiration de tous les connaisseurs. Ces trésors se composaient de plus de dix mille pièces, dont environ six cents tableaux de maîtres primitifs de l’Italie, cinq Cents bronzes, autant de verres antiques, plus de trois mille vases peints, dix-huit cents oV