Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 3, part. 1, Ca-Cap.djvu/14

Cette page n’a pas encore été corrigée
Gaîment je reprends ma musette,
Et m’en retourne au cabaret.
Béranger.

Calment fe.rep/twods ma musette, Et m’en retourne au cabaret-

Socrate, cet homme discret Que toti^e la terra révère. Allait dîner au cabaret Quand sa femme était en colère.

Panard.

—* Par anal. Demeure passagère : Les Orientaux regardent la vie comme un voyage, et leur maison comme un cabaret. (J.-J. Rouss.)

—r- Par dénigr. Restaurant mal servi, mal eJlu : II m’a mené dîner dans un vrai cabaket.

Biner-, vin de cabaret, Mauvais dîner, mauvais vin. il Pilier de cabaret, Ivrogne qui passe tout son temps au cabaret, qui a en ttouge pas.

—■ Cabaret borgne, Cabaret mal tenu, mal famé, mal fréquenté ; S’égarer dans un cabaret

BOKGNB.

— Êcon. domest. Petite table ou plateau mobile sur lequel on dispose des tasses, des carafes, des verres et autres vases usités pour prendre le thé, le café, le chocolat et diverses liqueurs ; assortiment de ces divers objets : Un beau cabaret. Un riche cabaret. Un cabaret de Chine. Charles X a cru le récompenser par ce cabaret de Sèvres. (Balz.) On était auprès de plusieurs cabarets de thé et de café ; en prenait qui voulait. (St-Sim.)

—* Jeux. Ancien nom de la raquette. Il À la trinquette, Tierce au valet, réunion dans une main de trois cartes qui se suivent depuis le valet. Il Panier ou corbillon qui est spécialement destiné à recevoir les mises pour cette chance du jeu ; Mettez un-jeton au cabaret.

— Ornîth. Nom vulgaire d’une espèce de linotte, appelée aussi picaveret. Il On a aussi donné ce nom au steerin, espèce de gros-bec.

— Bot. Nom vulgaire du genre asareê, de la famille des aristolochiêes. Il Cabaret de muraille, Nom vulgaire do la cynoglosse printanière. n Cabaret des oiseaux, Nom vulgaire de la cardère sauvage.

— Syn. Cnlinrel, nnberge, gargote, etc.

V. AUBERGE.

— Encyei, Admin. et écon. soc. Dans tous les pays, les cabarets sont l’objet d’une règlementation spéciale, tant au point de vue de la sécurité publique que de la morale sociale. Partout, les cabarets sont une des grandes préoccupations de l’administration et du moraliste. En France, d’après la décret du 29 décembre 1851, aucun café, cabaret ou débit de boissons à consommer sur place, ne peut être ouvert sahs la permission préalable de {’autorité administrative. Le préfet peut ordonner la fermeture de ces établissements soit après une contravention aux lois et règlements^ soit par mesuréde sûreté publique. Tout individu qui ouvre un établissement de cette nature sans autorisation préalable, ou contrairement à un arrêté de fermeture, encourt une amende de 28 fr. À 500 fr. et un emprisonnement de six jours à six mois. Dans certains départements, les cabarets sont soumis en outre à diverses mesures de police prescrites par arrêtés préfectoraux. Ainsi, il est défendu de recevoir dans les cabarets les jeûnas gens qui n’ont pas atteint l’âge de vingt et un ans, de servir des boissons aux individus, dont la santé est altérée par suite d’excès ; mais il est rare que ces prescriptions soient observées, l’autorité municipale nésite a verbaliser, et, malgré les mesures prises pour écarter des cabarets les ivrognes connus pour tels, il ne se passe pas de dimanche où les cabaretiers ne s’empressent de les recevoir et de las exploiter,

■ Tous les moralistes, tous ceux qui ont étudié l’influence des habitudes sur la conduite, et par suite sur le bien-être des populations, s’accordent à reconnaître le danger qu’il y aurait pour la société à laisser s’accroître indéfiniment le nombre des cabarets. « L’influence du cabaret, dit M. Le Play, est funeste au bien-être moral et matériel des populations, industrielles et agricoles ; elle trouble la paix du ménage, anéantit l’autorité du père de famille et rend l’épargne impossible j elle fait perdre à l’adulte le goût du travail, affaiblit son intelligence, lorend incapable de remplir les devoirs de chef de famille. Enfin, cette influence regrettable pousse les enfants mineurs à la désobéissance et à l’insubordination ; elle les.détache de leurs parents et détruit leurs facultés et leurs farces au moment de la croissance. » Un homme d’État, aussi remarquable par 1’ élévation de ses sentiments que parla vaste portée.déson Intelligence, M.Gladstone, «’est montré beaucoup plus Indulgent pour les Cabarets :• Mieux vaut, disait-il en 18S3, dans une. réunion agricole, une distraction prise avec modération que l’absence totale de distraction. Les cœurs et les esprits les meilleurs «ont ceux qui savent.et peuvent se régler. Il est des distractions, des compagnies que l’ouvrier ne peut trouver qu’au cabaret, des choses qu’il ne peut apprendre-que là ; c’est donc à son bon sens et à son honnêteté qu’il faut s’en rapporter pour savoir comment en pareil lieu il doit se conduire, et mieux valent encore les écarts de la liberté d’action que l’affaiblissement moral et intellectuel qui résulte d’une tutelle indéfinie. »

Mais, si l’autorité ne doit pas proscrire les tabarets, s’il ne faut pas jeter trop facilement la pierre à l’ouvrier qui va se distraire de temps en temps en se réunissant à ses compagnons de travail autour d’une tabla où on leur

sert une bouteille da vin, une canette de bière, une tasse de café, il n’en est pas moins vrai que îe cabaret est une chose dont l’ouvrier abuse trop souvent, et que l’autorité publique doit mettre tous ses soins à prévenir les abus de cette nature.

En France et en Allemagne, on s’est efforcé de réagir contre la funeste influence du cabaret en organisant des distractions pour les classes ouvrières. À Paris et dans les grandes villes, les sociétés chorales ont déjà contribué àdiminuernotablementle nombre des ouvriers faisant le lundi. Dans le nord de l’Europe et dans l’Amérique du Nord, l’action funeste du cabaret est encore plus grande et plus active qu’en France ; mais, dans ces contrées, les classes supérieures ne se reposent pas sur l’administration du soin de porter remède au mal ; elles s’en chargent elles-mêmes, et n’ont qu’à se féliciter du résultat de leurs efforts. Voici à cet égard ce que dit encore M. Le Play : « En Angleterre, en Norvège, aux États-Unis, les désordres dont le cabaret est la cause sont aussi très-grands ; ces désordres, qui tiennent beaucoup a l’influence du climat, ainsi qu’à une disposition particulière de la race, y ont même développé, encore plus qu’en France, le nombre des cabarets ; mais par compensation les chefs d’industrie y regardent, pour la plupart, comme un devoir de conjurer le mal en donnant aux ouvriers l’exemple des pratiques religieuses. En outre, et sans réclamer d’autres auxiliaires que la force des mœurs privées, ils ont combattu d’une manière encore plus directe l’influence des cabaretiers par la création des sociétés de tempérance. Ainsi, en Norvège, surtout dans la partie méridionale, les sociétés de tempérance contre-balanceni l’influence des cabarets en en interdisant l’entrée à leurs membres ; dans cette voie, elles ont atteint des résultats fort remarquables. Cette influence est souvent visible pour le voyageur, par le contraste qui existe dans les habitudes qe villages contigus, dont les uns ont adhéré en masse aux principes de ces sociétés, tandis que les autres ont conservé les anciennes habitudes d’ivrognerie, •

Nulle part les désordres dont le cabaret est la source ne sont aussi terribles par leurs conséquences que parmi les populations que l’appât des mines d’or a attirées dans les placer s de l’Australie et de la Californie. Nulle part les efforts de la loi pour réprimer ces désordres n’ont été aussi inutiles. Cette impuissance de la loi tient évidemment à la nature des éléments complètement désordonnés et dévoyés qu’elle entendait contrôler. En Europe, la loi et l’action de l’autorité publique ont un peu plus de force. Mais ce n’est pas à elles seules qu’il faut demander le remède du mal, s’il est vrai que ce mal soit aussi grand que le dit l’auteur de la Réforme sociale. C’est en répandant de plus en plus les bienfaits de l’instruction publique, c’est en moralisant par l’instruction les classes pauvres, en.leur apprenant à s’estimer elles-mêmes et à comprendre la force du devoir qui leur commande d’éviter tout ce qui peut les rendre méprisables, qu’on doit chercher, à détruire dans leur source des abus qui, comme tous les abus, ont pour cause principale l’ignorance.

— Hist. Nous venons de traiter au point de vue le plus sérieux la question des cabarets : qu’il nous soit permis maintenant de l’envisager sous une face moins sévère, et de raconter, un peu eu souriant, l’histoire très-intéressante et très-ancienne des cabarets.

Ceux qui disent tant de mal des cabarets ne savent pas toujours de quoi ils parlent, ou bien ils ont oublié qu’eux aussi, en leur temps, ils ont hanté les cabarets, les cafés ; et on est tenté de leur dire ce que disait de Ninon de Lenclos le poète Chapelle :

Il ne faut pas qu’on s’étonne Si parfois elle raisonne De la sublime vertu Dont Platon fut revêtu ; Car, à bien compter son âge, Elle doit avoir vécu Avec ce grand personnage.

Platon 1er mais nous ne jurerions pas qu’il n’ait été vu plus d’une fois dans les cabarets du Pnix, devant une assiette de boudins an poivre et un cotyle de vin mêlé de miel. Socrate son maître, Socrate le sage y allait bien 1

Car, encore une fois, à ce mot cabaret ne s’est pas toujours rattaché — nous l’allons voir — et de nos jours tout le monde n’attache pas l’idée libertine, débauchée, que d’abord nous avons dû noter.

Nous venons de parler de Socrate se mêlant volontiers à la foule athénienne qui fréquentait les cabarets du Pnix. Il serait peut-être instructif et, à coup sûr, intéressant de suivre le célèbre philosophe et d’entrer avec lui dans les a ; em’es d’Athènes, aussi nombreuses sans doute, aussi fréquentées que les xénies de Paris ; car au peuple athénien comme au

Seuple parisien il fallait le grand jour, la pu-Ucité, la vie de la rue, les émotions de la place publique, les causeries, les disputes.de la taverne, du cabaret... Mais eeserait nous tracer une trop longue carrière. Cependant, pour l’édification dé ceux qui ne connaissent pas l’histoire, rappelons, .avant.de quitter l’antiquité, les noms de quelques hauteurs de cabaret.

Nous avons nommé Socrate et Platon ; voici maintenant Athénée de Naucrate, un grammairien, ni plus ni moins, qui s’en va se délasser de ses travaux dans le cabaret de Stra CABÂ

lambos, et non-seulement il L’avoue lui-même, mais encore, reconnaissant de la bonne cuisine et du bon vin qu’il y a trouvés, il recommande à ses amis d’y aller à leur tour.

Passons à Rome, une enjambée suffît. Entrons chez le cabaretier Coranus. Quels sont ces jeunes hommes auprès desquels l’hôtelier parait si empressé ? Celui qui parle, celui qui semble le plus gai, c’est Horace : écoutez-le vantant son Aurea mediocritas, sa bonne vie, sa vie heureuse dans la villa qu’il tient de la générosité d’Auguste et de l’amitié de Mécène, .. Mais ses amis ne l’écoutent point... Celui qui est a sa droite rêve, il rêve de son infidèle Néère, c’est Tibulle ; celui qui est à sa gauche rêve aussi de ses amours, de sa Cynthie, c’est Properce ; enfin, celui qui se trouve en face d’Horace rêve comme ses amis, de qui ? peut-être de celle dont il devait payer les bonnes f races par un long et douloureux exil... de la lie d’Auguste, c’est Ovide.

Si nous cherchions bien, nous trouverions aussi Virgile dans quelque cabaret de la campagne de Rome, en compagnie de Gallus, de son i cher Gallus, • un autre poète aussi. Et savez-vous ? ce poète s’était épris d’amour, d’un violent amour, pour qui ? pour Lycoris. Mais qu’était cette Lycoris ? une servante de cabaret : Et cet amour malheureux et cette fréquentation de cabaret nous ont valu la dixième églogue de Virgile, la dernière :

Exlremum hwic, Arcthusa, miki concède laborem.

Pauca meo Gallo, scd quai légat ipsa Lycoris,

Carmina sunt dieenda

Nous poumons bien encore vous faire apercevoir le compétiteur de César au trône du monde, Antoine ; l’accusateur de Verres et de Catilina, Cicéron, oui, Cieéron lui-même, làbas attablé chez Macula, renommé pour son vin (voy. sa correspondance avec Lepta), .. Mais c’est assez pour avoir prouvé que les hommes éminents d’Athènes et de Rome n’avaient point du cabaret l’idée que s’en font aujourdhui quelques ennemis du franc rire, du rire gaulois, et qu’ils ne se cachaient point pour se réunir autour d’une coupe et sa livrer au plaisir de la causerie intime.

Avant d’arriver chez nous, en France, et afin que notre notice sur les cabarets, les hauteurs de cabaret, ne soit pas trop incomplète, notons hors de chez nous quelques-uns do ceux qui appartiennent à l’histoire.

À Londres, dans la Cité, on remarque le cabaret auquel un cygne sert d’enseigne. C’est là que Shakspeare, au milieu du bruit et du cboe des verres, à Composé la Vie et la mort de Benri IV. À Londres encore, et dans le Strand, un autre cabaret, le Lion rouge, est célèbre pour avoir entendu la voix de Cromwell disputant avec ses amis Price le charretier et Harisson le boucher. Vous le voyez, même les puritains, et quels puritains I vont au cabaret. À Londres toujours, dans CornhiH et à la taverne de la -Sirène, se rendaient Dryden, Ben Johnson, Beaumont, etc.

À Orle monde et dans son cabaret de l’Ourse noire, on était toujours certain de rencontrer Luther ; Gestheàl Auer6acA-A’ei/eT, kLeipzig, où il écrivit sa Ballade à la puce.

Enfin, et pour en finir, qui ne sait qu’Hoffmann passa presque sa vie entière dans les cabarets, dans les tavernes, si vous voulez, de Leipzig et de Dresde, et que c’est là qu’il écrivit ses contes fantastiques ? « Notre public, dit M. Loeve-Veimars, et cette citation trouve parfaitement sa place ici, notre public est si élégant et si pur, nos écrivains si rangés dans leur délire, si raffinés dans leurs écarts I nos illustrations littéraires ont eu beau descendre, depuis Racine et Boileau, de la cour où elles vivaient, pour s’établir dans les bons hôtels de la ville comme aux beaux jours où le dîner de d’Holbach attroupait toutes les gloires de la France ; en vain, de notre temps, les auteurs moins choyés encore ont-ils été heureux de se glisser dans les salons de la finance ; notre littérature n’est pas encore gltée entre les barreaux du cabaret, et l’on ne conçoit guère qu’il puisse se trouver du génie sous les tables mal étayées d’une taverne. C’est là cependant qu’Hoffmann a puisé le sien... •

Le plus ancien des cabarets célèbres qu’en revenant chez nous nous rencontrons, c’est la Pomme de Pin. Hélas ! quand je dis : « Nous rencontrons, » je me trompe. Il serait par trop miraculeux, par ce temps où règne en souverain l’amour de la ligne droite, en fait de rues, qu’on pût voir encore une maison bâtie sous Charles VH. La Pomme de Pin était située non loin de Notre-Dame, rue de la Juiverie, et en face de l’église de la Madeleine, laquelle fut démolie en 17S9. C’est là qu’avait coutume d’aller s’enivrer Villon avant que, devenu vieux, il eût songé h se repentir et à écrire le

Ïietit chef-d’œuvre de grâce qui s’appelle es Belles dames du temps jadis.

C’est aussi à la Pomme de Pin que Rabelais, et cette fois l’illustration devient grande et sérieuse, écrivit son épopée de Gargantua. C’est encore là que nous rencontrons les poètes et poëtereaux qui ouvrent le xviie siècle, au bruit charmant de leurs verres et de leurs chansons. C’est Théophile, l’ennemi de ce vilain jésuite nommé Garasse ; c’étaient Bergeron, Du Rosset, Desbarreaux, Guillaume Colletet, SaJut-Pavin et Luillier, etc.

« Guillaume Colletet, raconte M. Emile Colombey.sur le retour, alors qu’il avait commencé l’expiation de ses travers de jeunesse, avait composé un poèm^ intitulé ; les Couches

CABA

sacrées de la Vierge, et qui lui valut do Mgr François de Harlay un Apollon d’argent, cadeau quelque peu païen... Or, un jour, à ceux qui s’étonnaient et s attristaient du silence navrant de « sa lyre, «Colletet répondit, le cœur, gonflé d’amertume :

Si..

Je ne compose plus de vers, C’est que, pour subsisteret nourrir mon ménage, J’ai mis mon Apollon et mes muses en gage Pour dire vrai, il avait troqué Apollon contre Baechus. Le cadeau de Mgr François de Harlay était devenu un des ornements de la Pomme de Pin. Colletet avait bu le dieu, a

Mats les libertins que nous venons de nommer avaient cabaret de ville et cabaret de campagne. Quand le temps était venu de respirer les roses, ils disaient adieu à la Pomme de Pin, et n’allaient plus visiter le Cormier, un autre cabaret qu’ils har4aient ; rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois ; ils suivaient les bords de la Seine, et s’arrêtaient à Saint-Cloud, au cabaret du Petit More,

Qu’à cause du bon vin tout biberon honore,

et qu’un des poètes de la bande a chanté dans une charmante et naïve chanson, qui commence ainsi ;

Que j’aime ces petits rivages Semés de fleurettes sauvages ! Beaux yeux a l’amour destinés, Je le connais, vous en venez.

Hélas 1 tous ces joyeux cabarets ont été démolis, et tous ces gais poètes, nous parlons des derniers, ont été oubliés ; ils sont dédaignés aujourd’hui. Et cependant, quand on ouvre un recueil de l’époque, et que sous les yeux tombe une Muette, une chanson, un rien écrit par un de ces sans-souci sur la table du cabaret ou sur les genoux d’une famine, un sourire vient aux lèvres, le contentement h l’esprit, la satisfaction au cœur.

Presque à la même époque, un peu plus tard seulement, un établissement du même genre jouissait d’une grande renommée... de libertinage : c’était le cabaret de z>.Fo$se-aux-Lion$, tenu par Le Coiffier, rue du Pas-de-la-Mule. Et pour vous eu donner tout de suite une idée, « on y vend, disait Beautru, la folie en bouteilles ; « et si, par hasard, cet avertissement ne vous effraye pas, lisez avant d’entrer les quatre vers écrits sur la porte :

Profanes, loin d’ici 1 que pas un homme n’entre Qui soit du rang de ceux qui trahissent leur ventre. Qui fraudent leut génie, et d’un cœur inhumain Remettent tous les jours a vivre au lendemain.

N’ayez crainte cependant ; poussez la porte, et vous vous trouverez en bonne compagnie. Voici Saint-Amand, le duc d’Harcourt, surnommé Cadet fît Perle ; Retz le bonhomme, do Gêvres le brave, du Fargis, Villamoul, de Tiîly, Marigny-Malienoé, du Hausier, Nerveze, Puylaurens. Pontmenard, Deslandes-Payen, Megrin, Delatre, Butte, Giîot, Desgranges, Dufour, le bon Falot, l’abbé de MarolYes, Molière le tragique, Sallard le paillard,

Chateaupers, gardien des treilles. Au nez a crocheter bouteilles ;

le pâle Bilot, le bon Faret, Colletet, des Yveteaux, Maricourt,

Franc Picard à la rouge trogne ;

enfin Voiture atTallemant des Réaux, lequel, dans ses Historiettes, nous raconte maintes anecdotes, maintes algarades, maints bons mots et bons vers des libertins que nous venons de nommer, et qoi, sans plus de façon qu’en aurait mis Rabelais, appelaient leur société : la Société des goinfres.

Un jour, la Société des goinfres, puisque c’est ainsi qu’elle-même a voulu être désignée et passer à la postérité, alla, on ne sait pour quelle cause, de la Fosse-aux-Lions à YEpée royale, et, dans le cabaret nouvellementchoisi, voici un personnage que nous ne devions pas nous attendre à y rencontrer, un menuisier. Un menuisier au milieu des gentilshommes de la plume et de l’épée ! Oui, mais ce menuisier se nommait Adam Billaut, et Saint-Arnaud, en échange de ses Chevilles, dit M. Emile Colombey, lui avait décoché ce quatrain :

On dira par tout l’univers, En voyant les écrits que maître Adam nous offre, Qu’il est propre a faire des vers Comme il est propre à faire un coffre.

Mais tout passe ici-bas, même et surtout ce qui devrait subsister toujours, et les beaux jours de ï’Epée royale eurent leur fin comme avaient eu leur fin les beaux jours de la Fossaauco-Lions, du Petit More et de la Pomme de Pin. Un jour, raconte Emile Coiombey que nous venons de citer, un jour Saint-Amand, résignant ses fonctions de conseiller d’État à la cour de Marie de Gonzagues, revient en France et va frapper à la porte de i’Epée royale. Mais tout y avait changé d’aspect ; les anciens habitués avaient fait place à de nouveaux. On le reçut presque comme un étranger. Il était loin le temps où Suint-Arnaud se représentait avec la chevelure frisée d’un

. Gros comte allemand,

Le teint frais, tes yeux doux et la bouche vermeille.

Citons encore le cabaret de maître Le Faucheur, à la Chapelle-Saint-Denis. C’est là qus Mézeray aimait à s’attabler avec le maître du. lieu, avec les rouliers’de passage, le3 saltira-.