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■ Comment mourut le marquis de Bièvre ? Il mourut d’une myriade de calembours rentrés. 11 aimait trop le calembour, c’est le calembour qui l’a tué. Du reste, cette fin tragique avait été prédite à sa mère dès sa naissance, et voici à quelle occasion. Lorsque l’enfant vint au monde, toutesles matrones du pays — le lieu natal de M, de Bièvre est resté totalement inconnu ; c’est un mystère profond, aussi impénétrable que le secret des sources du Nil ; toutefois, le Grand Dictionnaire soupçonne.que ce pays (levait appartenir à l’ancienne Auvergne, et l’on verra tout à l’heure que cette supposition n’est pas sans fondement

— toutes les matrones du pays, disonsnous, félicitaient la sage-femme de l’heureuse délivrance. Tout à coup on entendit une sorte de bruissement, de vagissement, si l’on veut, qui pouvait se traduire par ces mots : ■ Oui, cela n’a pas été tiré par les cheveux. > Il se cachait sous ces mots un calembour renforcé, et l’on sait que l’Auvergne n’est pas la patrie du calembour. Qui donc avait pu commettre celui-là dans un moment aussi solennel î II y avait certainement quelque chose de mystérieux dans la naissance de cet enfant. Or, à cette époque, s’ouvrait, à environ 50 stades de Riom, au pied du mont Dore, une caverne profonde, obscure, redoutable, environnée d’une sainte terreur. C’était l’antre d’une sibylle renommée dans tout le pays. On l’appelait la sibylle du mont Dore. Elle était déjà célèbre au temps de César, car voici ce que rapportent les Chroniques de Frédégaire :

■ Un jour que, la serpe d’or à la ceinture et la feuille de chêne mêlée à ses noirs cheveux, la sibylle parcourait une forêt épaisse plantée d’arbres séculaires, elle rencontra, sur les bords d’un lac limpide, un jeune chasseur qui mirait sa tête blonde dans les eaux, que le cerf aux abois venait de teindre de son sang.

« Enfant, lui dit-elle, tu as été cruel, on sera

« sans pitié pour toi, et cette tête qui se reflète si belle et si lière dans le lac transparent, un jour viendra où elle sera tranchée par la main d’un vit esclave et livrée aux

« applaudissements de la populace romaine. » Ce chasseur, ce jeune homme, cet enfant, était le dernier rejeton d’une noble famille des Arvernes : il s’appelait Vercingétorix ! •

On va voir comment ces tronçons historiques se relient aux péripéties du drame que nous esquissons. Mme de Bièvre s’en alla consulter la sibylle du mont Dore ; elle arriva vers le soir.

Excisum Arvernœ latus ingens rujii’s m antrum Quo loti ducunt aditus centum, oslia centum, Vnde ruunt totidem voce), responsa Sibyltœ.

Cui taïia fanti

Ante fores, subito non vullus, non color unus, Non comptée mansere cornai, scd pectua anhelum. Et rabie fera corda tument.....

« Là est un autre immense, creusé dans le roc auvergnat : cent larges avenues y conduisent : on y trouve cent portes d’où se précipitent cent voix qui donnent les réponses de la sibylle, .., La prêtresse lutte d’abord contre l’influence du dieu qui va parler par sa bouche ; mais elle se laisse enfin entraîner par l’inspiration. — Elle s’écrie : Le dieu vient, voici le dieu 1 Deus, ecce deusJ Et tandis qu’elle parle devant le sanctuaire, soudain ce ne sont plus sur son visage les mêmes traits, ce n’est plus dans son teint la même couleur ; ses cheveux en désordre se hérissent, son sein haletant se soulève, la fureur transporte ses farouches esprits, sa taille semble grandir, et quand le dieu l’anime enfin de son souffle puissant, elle n’a plus rien de mortel dans la voix. »

Une terreur glacée court dans les os de Mme de Bièvre, qui adresse à la sibylle une

courte, mais fervente prière Cependant

celle-ci, farouche, lutte encore contre l’esprit prophétique qui la presse ; elle s’agite au fond de son autre pour le repousser ; mais plus elle résiste, plus le dieu fatigue sa bouche écumante, s’imprime dans son cœur rebelle et la soumet enfin docile à ses inspirations. Déjà les cent portes de l’antre s’ouvrent, et ces paroles retentissent dans les airs : Quand tu auras été vaincu par tes propres armes, malheur à toi si tu retournes au combat !

Cette aventure fut exactement racontée au jeune de Bièvre lorsqu’il eut atteint l’âge de dix ans. Quelques années plus tard, il cultitivait le calembour avec frénésie, et comme il avait toujours présente à la mémoire la fatale prédiction de la sibylle, il s’attachait à river e clou à tous ceux qui osaient se mesurer avec lui et à ne jamais rester court. Un jour, le roi Louis XVI ne craignit pas de le provoquer en lui disant : • A quelle secte, monsieur le marquis, appartiennent les puces ? — Parbleu 1 s écria celui-ci, voilà qui est bien malin ! & la secte d’Épicure. A votre tour, sire : De quelle secte sont les poux ? • Sa Majesté resta coite, et le marquis triomphant ajouta : « De la secte d’Epictete. »

La supériorité du marquis ne se démentit pas un seul instant pendant près de trente années, et il comptait vivre éternellement ; mais il comptait sans le peintre Carie Vernet, qui maniait le calembour aussi bien que le pinceau. On connaît celui qu’il fit contre son émule le baron Gros. Ce dernier était d’une humeur noire qui présageait à ses amis la triste fin de l’illustre auteur des peintures qui décorent la coupole du Panthéon. Vernet faisait tout son possible pour le dérider un peu, mais sans y réussir. Un jour que, suivant sa

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coutume, " le baron était arrivé dans la salle de l’Institut une demi-heure avant la séance, et qu’il se tenait tout morose dans un coin, Vernet s’approche et lui dit gaiement, en lui frappant familièrement sur le ventre ; « Bonjour, ma vieille. » Pour toute réponse, Gros articula en grognant : «Laisse-moi, tu me scies. — C’est bien, repartit Vernet, alors tu es Gros scié (grossier). •

Or, c’est avec ce même Vernet que M. de Bièvre se trouva un soir à souper chez le fameux comte de Lauraguais. « Messieurs, dit celui-ci en s’adressant à ses convives, il y a quarante-huit heures que je n’ai mangé, et je me mets à table avec une faim canine.-Vous voulez dire une faim de comte, reprit à l’instant M. de Bièvre. — Allons donc, riposta Vernet, puisqu’il y a quarante-huit heures

3ue Monsieur n’a rien pris, c’est une faim (fin) e non-recevoir. Tout le monde applaudit, excepté M. de Bièvre, bien entendu. Voulant reprendre l’avantage et frapper un grand coup, il montra à Vernet un énorme morceau de pain placé sur son assiette, en lui disant : « Voilà qui est bien peint (pain). — Cela, riposta dédaigneusement le peintre, ce n’est qu’une croûte. » Ce jeu de mots, qui renchérissait de nouveau sur la sien, impressionna vivement notre faiseur de calembours et lui fit l’effet d’un coup de poing dans l’estomac. Il se remit cependant. Quand on en fut au rôti, le chef de service apporta sur la table un magnifique lièvre qui avait été criblé de grains de plomb. « Voilà, dit M. de Bièvre, un lièvre qui a été bien piqué. — Il n’y a rien là de surprenant, répliqua Vernet, c’est un effet de l’art (lard). » M. de Bièvre fut abasourdi : il était vaincu, et, jusqu’à la fin du repas, il n’ouvrit plus la bouche, pas même pour déguster un excellent moka. De retour chez lui, rouge de colère et bien résolu à verser sa mauvaise humeur sur quelqu’un, il ne trouve au logis que sa servante : » Inès de Casse trop, cria-t-il, apporte-moi le mémoire du’ mois... ■ À l’article tait, le marquis lit : Laitière, 30 fr, < Comment ! je dois 30 fr. À ma laitière !-Eh !

pardîne, riposta Ignés, monsieur ignore

donc qu’il n’y a rien qui monte comme le lait ? » Vaincu par sa servante 1 c’était le coup de grâce. M. de Bièvre vit flamboyer dans son esprit la prédiction de la sibylle, et il prit avec lui-même l’engagement de ne plus commettre un seul calembour,

À partir de ce jour, sa vie ne fut plus qu’un supplice. Comme personne n’était dans le secret de sa résolution, on s’obstinait à vouloir trouver un double sens dans ses moindres paroles. C’est ainsi qu’un jour qu’il demandait des épinards à table, la maitresse de la maison fit la sourde oreille en s’opiniâtrant à découvrir un calembour dans cette demande banale, et lui dit : « Ma foi, monsieur, en voilà un que je ne comprends pas. • Ses gens eux-mêmes paraissaient être de la conspiration. ■ Potiron, dit-il un jour à son valet, apportemoi ma robe de chambre. — Monsieur, répondit Potiron, ceci demande réflexion.» Tout cela poussa l’exaspération de M. de Bièvre jusqu’àu paroxysme. Les humeurs noires s’en mêlèrent, et la Faculté jugea prudent d’envoyer le marquis à Spa. La devait s’accomplir de point en point la prédiction de la sibylle. Les amis du marquis se pressaient autour de son lit ; un commencement de délire annonçait la gravité du mal. L’un d’eux lui demandant comment il se trouvait, le naturel revint au galop, et le marquis répondit d’une voix mourante : î Mes amis, je m’en vais de ce pus (Spa). » L’imprudent ! la fièvre lui avait fait oublier l’oracle ; il risquait un dernier calembour ! Cinq minutes après, il rendait le dernier soupir.

CALEMBOURISTE s. m. (ka-lam-bou-ri-ste

— rad. calembour). Personne qui fait, qui a la manie ou le talent de faire des calembours : Le pire de tous les saltimbanques de salon, c’est le calembouriste. (Bottard.) Le calembouristb et son bagage ennuyeux ne sont plus de mise que dans la petite bourgeoisie. (Boitard.) De nos jours, le célèbre peintre Carie Vernet et le romancier Balzac ont eu une grande réputation de calembobristes. (Bouillet.) tl On dit aussi calembourdier : Nous ne saurions voir dans cet être joufflu, calembourdier, risur, payant ses contributions, noire employé de Paris. (Bulz.)

CALEMBREDAINE s. f. (ka-lam-bre-dè-ne

— rad. calembour). Fam. Bourde, vain propos, faux-fuyant ; se dit surtout au pluriel : Lire des calembredaines. On lui parle sérieusement, et il répond par des calembredaines.

Vous éludes mes questions par des calembredaines. (Acad.) Partout où il y a ignorance et impossibilité de faire accepter une calembredaine comme vérité, il y a anarchie. (Colins.)

Il Sottisis, action folle et légère : Il vous raconte je ne sais quoi et fait des calembrkdai- nes. (H. Castille.)

CALÉM1YÊ s. m. (ka-lé-mi-ié). Administr. ottom. Droit de 10 pour 100 qui se perçoit sur les fermes à vie. Il Bureau de perception du même droit.

CALEN s. m. (ka-lain — rad. caler). Mar. Grand carreau que Ton place à l’avant d’un petit navire, et que l’on peut retirer à volonté au moyen d’un contre-poids. Il On l’appelle aussi VENTCRON.

CALENCAR s. m. (ka-lan-kar). Comm. Sorte de toile peinte des Indes. Il On dit aussi

CALENCAS.

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CALENCE s. I. (ka-lart-se. — Ce mot est peut-être une corruption de carence, du lat. | carere, manquer). Argot typogr. Action de caler, de ne pas travailler : N’entre pas dans cette maison, il y a trop de calence. Cette quinzaine, la banque a été médiocre, j’ai eu quatre jours de calence. Il II est bon de faire remarquer que la calence ne vient jamais de la faute de l’ouvrier ; elle est produite par le manque de copie ou de caractères, ou par toute autre cause indépendante de sa volonté,

CALENDA s. f. (ka-lain-da). Chorégr. Danse lascive en usage chez les Espagnols en Amérique.

calendaire s. m. (ka-lan-dè-re — lat. ealendarium, même sens, formé de calendœ, calendes). Ancienne et véritable forme du mot calendrier, qui n’est que la forme corrompue.

— Antiq. rom. Officier (en lat. calendarius) qui était sous les ordres du curateur du calendrier.

— Ane. liturg. Registre où l’on inscrivait les noms des bienfaiteurs d’une église, et ceux des abbés et des religieux.

Calendai, poëme en patois provençal, publié à Avignon en 1867, par Frédéric Mistral. Comme dans Mireille, c’est encore la Provence que chante Je poète. Au début, nous voyons le héros de l’épopée, Calendai, implorant l’amour d’une jeune et belle femme, ’ et, comme d’autant de bagues, lui couvrant chaque doigt d’un bouquet de baisers. • Mais la jeune femme résiste à ses douces paroles et refuse de s’unir à lui. Egaré par la douleur, Calendai croit voir en elle la fée Estérelle, cette fée qui donne la fécondité aux femmes, et se plaît à allumer dans le cœur et dans les sens des hommes un feu qu’elle ne veut pas assouvir. Il va l’immoler, lorsqu’elle se jette dans ses bras et arrête sa main. « Tu veux savoir pourquoi je ne puis être à toi, dit-elle, c’est que sur mon cou pèse une lourde chaîne qui m accable et m’empêche de te suivre : je suis mariée ! • Puis, entraînant Calendai dans une grotte à stalactites, elle lui apprend I qu’elle est la descendante des princes de Baux, les premiers parmi les plus nobles de la j Provence, et lui raconte sa jeunesse en quelques pages belles comme une description antique. « Presque tous les jours, au saut du lit, dit-elle, à travers les campagnes je volais à cheval, je venais hardiment surprendre l’épanouissement des fleurs et éveiller les lièvres dans leur £Îte. Fière, animée par la course, j’allais, libre, heureuse, dégagée, mêler ma joie à la grande fête, qui n’a pour célébrants que les arbres de Dieu. Et des forêts frôlant audacieusement l’odorante ramée, je secouais avec mon front la rosée du matin, et mon coursier troublait la sainte Vierge, qui filait, comme l’on dit, et suspendait les perles de l’aurore à son fil de satin, » Elle repousse tous les hommages, la belle néritière de Provence ; « se savoir belle, être adorée et croire à la durée des roses, où est la femmé que n’étourdirait point un grain d’ivresse ? Plus la perle est recherchée, plus elle est précieuse. ■ Mais une nuit d’orage un cavalier frappe à la porte et demande l’hospitalité. C est un capitaine faisant la guerre au roi de France, le comte Sévéran. Il touche ce cœur jusqu’alors insensible, et obtient la main de la châtelaine. Tout à coup, au milieu du repas de noces, arrive un mendiant qui dit à la princesse de Baux : « Cet homme vous a trompée ; ce n’est pas un capitaine d’armes, c’est un capitaine de brigands, un bandit infâme. ■ La fiancée éperdue s’enfuit à travers les plaines, les landes et les monts ; allant devant elle sans reconnaître sa route, et prise partout par la fée Estérelle. Calendai ému jure de venger la jeune châtelaine, d’aller surprendre le bandit au milieu de sa troupe et de le mettre à mort. Sans retard, il part à travers la Provence, et ses courses ouvrent à nos yeux un immense panorama, dont les paysages semblent étinceler de rubis et d’é- ! meraudes. Il rencontre enfin le fourbe dans les gorges de l’Esteron, se vautrant dans l’orgie, et il le provoque en lui racontant sa vie, ses aventures et ses amours. C’est un récit à la façon d’Homère. Sévéran, pour se venger, tente de corrompre sa vertu en l’invitant à un festin sardanapalesque dans le château même qu’il a volé à sa femme. Il faut voir Fortunette, une des odalisques du brigand, danser le pas des abeilles. » En émoi pour éviter l’insecte qui bourdonne à son oreille, elle arrache son chapeau bordé d’un galon d’or, sa blanche coiffe catalane ; les tresses de ses cheveux roulés flottent en boucles pendant qu’elle se débat. Mais elle a beau courir, elle sent sa petite tête se glisser sous son vêtement. Affolée par la terreur, elle arrache sa mantille, et ses épaules, veloutées comme une pêche, provoquent le regard avide. Le bourdonnement de l’insecte semble lui donner des ailes. Il n’y a qu’un cri et qu’un éclair, quand, brusquement elle porte la main à son corsage onde, se délace impétueusement et laisse rebondir • une éclosion voluptueuse. • L’auteur a eu le bou goût de ne pas s’avancer plus loin sur ce terrain glissant.

Loin d’être tenté par le plaisir, Calendai se révolte à la vue de cette orgie dans le château de celle qu’il a laissée gémissante au milieu des champs. Au moment où il provoque le traître Sévéran, les coupe-jarrets du bandit le saisissent et le plongent dans une prison. Mais la danseuse aux abeilles s’est éprise de

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lui et le sauve. Le bandit est teé, et là no. ble tille des princes de Baux est délivrée pai Calendai, que, moins cruelle que la fée Esté» rel le elle ne laissera pas se consumer des feux de l’amour. « Voilà comment, dit Mistral en terminant, un enfant du pays, un simple pêcheur d’anchois, pour avoir été de Vence à Arles l’homme le plus vaillant de la Provence, devint prince de la jeunesse, possesseur d’Estérelle et consul de Cassis-la-Blanche. «

En somme, le récit, composé sans art, est un tissu inextricable où il est fort difficile de se reconnaître, et où l’on ne trouve qu’une pâle imitation des anciens troubadours et des poèmes d’aventure. Les détails valent mieux que l’ensemble, et sont les seuls qui attestent le talent du poète.

Indépendamment de cette faiblesse du fond, que rachètent à peine de belles descriptions et d’heureuses pages, Calendai a un défaut

F lus grand, défaut qui le condamnerait à oubli, fût-il aussi parfait que la Jérusalem délivrée ou l’Enéide : celui d’être écrit dans une langue qui n’en est pas une. Si, imitant Chatterton, Mistral eût écrit dans l’ancienne langue des troubadours, c’eût été un tour de force inutile, mais son œuvre eût pris place à côté de celles qui restent de cet idiome disparu, souvenir historique d’une nationalité éteinte ; il n’en est pas ainsi : la langue qu’il parle lui appartient en propre, c’est lui gui lui a donné sa règle, la souplesse nécessaire pour se plier à tous ses caprices, et ses compatriotes aux-mêmes ne reconnaissent pas ce patois qu’on a voula transformer en langue poétique. Sans doute, il appartient aux grands postes de former et d’enrichir une langue, mais il faut que ce soit pour le besoin de tous ; quand ils sont seuls à la parler et à la comprendre, ils courent grand risque d’être aussi les seuls à la lire, malgré la traduction qu’ils ont le soin de mettre en regard.

CALENDARIO (Philippe), sculpteur et architecte vénitien, florissait vers le milieu du xiv» siècle. Chargé par le doge Marino Faliero de la construction du palais ducal, il exécuta les magnifiques portiques, soutenus de colonnes de marbre, qu’on voit sur le quai des Esclavons, ainsi que les six premières arcades en retour sur la Piazzetta, et il fit orner les chapiteaux du premier ordre de belles figures allégoriques sculptées. En récompense de ces travaux, qui excitèrent une admiration générale, Calendario fut largement rétribué par la république, et le doge n’hésita pas à l’honorer de son alliance par un mariage. Calendario paya cher cet honneur. Accusé d’avoir trempé dans la conspiration de son protecteur, il périt sur l’échafaud en 1355.

CALENDEAU s. m. (ka-lan-do — mot provençal qui signifie bûche des calendes). Nom donné à une grosse bûche de chêne, qu’on arrose de vin et d’huile et qu’on fait brûler dans la cheminée la veille de Noël. On criait autrefois en la plaçant : Caleneven, tout ven ben, c’est-à-dire : Calénde vient, tout va bien. Il On dit aussi calionab.

— Encycl. Les fêtes du calendeau sont un souvenir des anciennes libations, transportées, comme tant d’autres cérémonies païennes, dans les pratiques des chrétiens. Il n est pas étonnant d’en retrouver les traces dans cette Provence, où fleurit pendant si longtemps la civilisation antique, que la croisade des Albigeois extirpa impitoyablement. C’est le chef ou le plus âgé de la famille qui doit mettre le feu a cette bûche. La flamme qui jaillit du bois ainsi arrosé s’appelle caco fuech, c’est-à-dire feu d’amis. La Noël est, en effet, chez les Provençaux, la fête de l’amitié, par l’entrain et la gaieté qui y régnent.

CALENDE ou plutôt CALENDES s. f. pi. (ka-lan-de — lat, calendœ, de calandus, devant être appelé, parce que, avant la publication des fastes, on convoquait solennellement le peuple de Rome, chaque 1er du mois, pour lui faire connaître les jours fériés). Chronol. Premier jour du mois, chez les Romains, servant à compter les derniers jours du mois précédent, depuis les ides (13" ou 15e jour du mois) : Lé jour des calendes de mars. La veille des calendes de septembre. Le sixième jour avant les calendes de juin. Vous faites un bel éloge du jour de l’an, mais je vous aime toute l’année, et toits les jours sont pour moi les calendes de janvier. (Volt.) Les calendes étaient consacrées à Junon et considérées comme des jours de fête. (Bouillet.)

— Loc. fam. Calendes grecques, Époque à venir imaginaire, qui ne doit jamais arriver, les Grecs n’ayant pas fait usage des calendes dans leur chronologie : Renvoyer ses créanciers aux calendes grecques. Ma commission de capitaine ne me fut délivrée que quatre mois après ; je courus même risque d’être renvoyé aux calendes grecques. (Le Sage.) Ce payement, que l’on croyait remis aux calendes grecques, va s’effectuer. (Alex. Dum.) il Renvoyer aux calendes, Envoyer ou laisser bien loin de soi :

Notre lièvre n’avait que quatre pas à Taire, J’entends de ceux qu’il fait lorsque, près d’être atteint, Il s’éloigne des chiens, les renvoie aux calendes, Et leur fait arpenter les landes.

La Fontaine.

Il Inus, Cet emploi, dérivé du précédent, nous en paraît trop éloigné par le sens ; il est difficile d’admettre que le mot calendes puisse figurer un nom de lieu. Quant au sens de tromper, ruser, que l’on a voulu voir dans cette