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autrichienne, aussi bien que son incapacité notoire, l’avaient rendu fort impopulaire. Dans l’affaire du collier, il servit maladroitement la reine, et commit des fautes graves, entraîné par sa haine pour le cardinal de Rohan. Il sortit du ministère en 1788, y rentra un moment (12 juillet 1789), pour être le témoin impuissant de la prise de la Bastille, émigra, chargé secrètement des pleins pouvoirs du roi pour traiter avec les cours étrangères du rétablissement de l’autorité royale en France, revint à Paris en 1802, obtint de Napoléon une pension de 12,000 fr., et se fit le courtisan le plus assidu du nouveau régime.


BRETEUIL (Achille-Charles-Stanislas-Émile le Tonnelier, comte de), administrateur, né à Paris en 1781, mort en 1864, fils d’un maréchal de camp, de la même famille que le précédent. Il fut employé dans la diplomatie, sous l’Empire, nommé ensuite intendant de la Styrie, puis de la basse Carniole, entra au conseil d’État, occupa successivement plusieurs préfectures, et fut élevé en 1823 à la dignité de pair de France. Écarté des affaires par la révolution de Février 1848, il a été appelé à siéger au nouveau sénat en 1852.


BRETEUIL-SUR-NOYE, ville de France (Oise), ch.-l. de cant., arrond. et à 40 kilom. N.-E. de Clermont, sur le parcours du chemin de fer du Nord, près des sources de la Noye ; pop. aggl. 2,778 hab. — pop. tot. 2,942 hab. Fabriques de cuirs, chaussures, lainages, papeterie, faïences, taillanderie, machines agricoles ; commerce de bestiaux, blé, cidre, bois de construction. Ruines de l’abbaye de Sainte-Marie, où l’on voit encore une chapelle du XIIe siècle, qui a conservé des pavés curieux. En 1355, les Anglais assiégèrent vainement Breteuil, qui, dans la suite, fut le siège d’une seigneurie appartenant à la maison de Montmorency. Sous Henri IV, le prince de Condé la vendit à Sully.


BRÉTIGNY, hameau de France (Eure-et-Loir), arrond. et à 9 kil. S.-E. de Chartres ; 127 hab. C’est dans un petit château de ce village que fut signé, le 8 mai 1360, le traité humiliant par lequel le roi Jean recouvra sa liberté, après quatre ans de captivité en Angleterre.


Brétigny (traité de), signé entre Édouard III et Jean le Bon en 1360. Le roi Jean s’ennuyait fort à la Tour de Londres, où il avait été conduit après le désastre de Poitiers. Il signa donc avec le roi d’Angleterre un traité, par lequel il cédait en toute souveraineté à ce prince et à ses héritiers Calais, Guines, Boulogne, le Ponthieu, la Normandie, la mouvance de la Bretagne, l’Anjou, le Maine, la Touraine, le Poitou, la Saintonge, le Rochellois, la Guyenne, le Périgord, le Limousin, le Quercy, l’Agénais et le Bigorre. Ainsi, toute la partie occidentale de la France, tous les ports, toute la région maritime allaient payer la rançon du vaincu de Poitiers. Jean avait promis de plus 4 millions d’écus d’or. Heureusement, le fils de Jean, et le père de Charles VI, était ce Charles V, qui fut, depuis, appelé le Sage, et qui gouvernait la France en l’absence de son père. Celui qui, aidé de Duguesclin, devait chasser les Anglais du sol national, s’indigna à la lecture de ce pacte infâme, qui courbait la patrie sous les pieds de ses plus mortels ennemis, et il le déchira. À cette nouvelle, Édouard entra en fureur ; le 28 octobre 1359, il débarqua à Calais, à la tête d’une armée redoutable, traversa l’Artois, le Cambraisis, le Vermandois, le Laonnais, et ne s’arrêta que devant Reims, où il prétendait se faire sacrer roi de France, comme l’affirme le continuateur de Nangis. Il assiégea inutilement cette ville pendant six semaines, espérant toujours que le régent, accourant au secours de la ville du sacre, lui fournirait l’occasion d’une nouvelle journée de Crécy. Mais Charles, nature prudente, froide, calme et astucieuse en même temps, n’était pas de ces hommes qui livrent le sort d’une nation au hasard d’une bataille ; il se tint à Paris, où d’ailleurs Marcel et le roi de Navarre, Charles le Mauvais, lui fournissaient assez de sujets d’inquiétudes. Édouard manifesta alors hautement l’intention de marcher sur Paris et de faire le siège de la capitale ; rien ne pouvait l’arrêter dans cette entreprise ; aussi Charles dut-il enfin se résigner à négocier sur les dures bases du traité de Londres. D’ailleurs, il voyait la Bourgogne d’accord avec ses ennemis, la France totalement épuisée, incapable du moindre effort, et il se résigna à reprendre les négociations. Froissart assure qu’Édouard voulait absolument se faire roi de France, et qu’il ne consentit à négocier que grâce aux instances de son cousin, le duc de Lancastre. Ce fut sur d’aussi redoutables prétentions que les négociateurs français et anglais se réunirent au hameau de Brétigny, à deux lieues de Chartres. Le roi d’Angleterre, suivant l’expression d’un chroniqueur, fut dur à entamer ; mais un incident extraordinaire brisa sa volonté. Un orage terrible, comme on n’en avait jamais vu, éclata sur son armée : « Il chéoit si grosses pierres et grêles qu’elles tuoient hommes et chevaux, et en furent les plus hardis tout ébahis. Adonc regarda le roi d’Angleterre devers l’église Notre-Dame de Chartres, et voua dévotement à Notre-Dame qu’il s’accorderoit à la paix. » (Froissart.)

« Les conditions du traité de Brétigny, signé le 8 mai 1360, ne furent encore que trop dures pour la France, quoique le malheur des temps en justifiât l’acceptation. Édouard renonça au trône de France et aux anciennes possessions des Plantagenets au nord de la Loire, moyennant l’abandon en toute souveraineté du duché de Guyenne et Gascogne, y compris l’Agénais, le Périgord, le Rouergue, le Quercy et le Bigorre ; plus, la cession du Poitou, de la Saintonge, de La Rochelle, de l’Angoumois, du Limousin, de Montreuil-sur-Mer, de Calais, de Guines et leurs dépendances, et la restitution du Ponthieu. Les comtes de Foix, d’Armagnac, de Comminges, de Périgord, de l’Isle-Jourdain, le vicomte de Limoges et tous les seigneurs des Pyrénées et les barons d’Aquitaine, devaient renoncer à la suzeraineté du roi de France pour celle du roi d’Angleterre. L’antique héritage d’Éléonore retournait tout entier à ses descendants, libre de tout lien de vassalité envers la couronne de France. La rançon du roi Jean fut fixée, de plus, à 3 millions d’écus ou francs d’or, payables en six termes égaux, d’année en année : le roi Jean devait être provisoirement amené à Calais, et recouvrer sa liberté au payement des premiers 500,000 écus, échéant dans les quatre mois après son débarquement à Calais ; il devait fournir des otages pour garantir le payement intégral. » (Henri Martin.) Telles furent, avec quelques autres stipulations secondaires, les conditions de ce fatal traité de Brétigny, qui n’en fut pas moins regardé comme un bienfait du ciel, car il terminait une période de guerre qui n’avait été qu’une longue suite de désastres pour le royaume, lutte fatale dont la France ne sortit que saignante et mutilée.

Un semblable traité révèle assez le profond abaissement où les Valois avaient précipité la France. Eh bien, les mots ont une telle puissance dans la bouche des souverains, qu’il n’a fallu qu’une phrase du roi Jean pour faire oublier le traité de Brétigny, phrase noble et royale, il est vrai, mais qui ne saurait faire absoudre ce prince de sa profonde incapacité politique. Après quatre ans de captivité, il était enfin rentré en France, en laissant comme otages aux Anglais les « seigneurs des fleurs de lis, » c’est-à-dire les princes du sang, un grand nombre des principaux barons et des notables bourgeois choisis dans les dix-huit principales villes du royaume. Mais les ducs d’Orléans, d’Anjou, de Berry et de Bourbon ne tardèrent pas à s’ennuyer de leur exil, et ils offrirent à Édouard de remettre entre ses mains leurs forteresses et leurs villes pour prix de leur liberté. Ils furent aussitôt conduits à Calais, d’où le duc d’Anjou, fils du roi, s’échappa avant l’exécution de cette convention antinationale. Le roi Jean, à cette nouvelle, repartit pour Londres, en disant que si la justice et la bonne foi étaient bannies du reste de la terre, elles devraient se retrouver dans le cœur et dans la bouche des rois. Il mourut en captivité, l’an 1364, et dans ce généreux pays de France, un beau mot et les malheurs d’un souverain sans patriotisme ont suffi à faire oublier ses fautes et son ineptie.


BRÉTIGNY (dame de), une des héroïnes du siège de Beauvais. Un peu mise dans l’ombre par la grande et rayonnante figure de Jeanne Hachette, sa compagne, elle a droit cependant à un souvenir. C’était le 6 juillet 1472 ; la ville de Beauvais, dernière étape pour arriver à Paris, était assiégée par quatre-vingt mille Bourguignons commandés par Charles le Téméraire. On se battait à la porte de Bresle, on se battait à la porte du Lymaçon, avec acharnement, avec désespoir, sans merci ; hommes, femmes, enfants jouaient de l’arbalète, lançaient des pierres contre les assiégeants, vidaient sur eux l’huile bouillante, la résine, le plomb fondu ; c’était une tuerie effrayante, horrible.

Cependant, monté sur son palefroi, suivi de valets eux-mêmes suivis d’autres valets, qui faisaient escorte à des bidets porteurs de la vaisselle d’argent, se dirigeait vers la porte de Paris, la seule libre, monseigneur l’évêque Jean de Bar, comte de Beauvais, vidame de Gerberoy, pair de France, etc., etc. Notre trop prudent prélat, pressant un peu le pas de sa monture, allait être hors de la ville assiégée, lorsqu’il fut aperçu de la dame de Brétigny, qui aussitôt cria aux gardes de la porte de Paris : « Fermez, fermez ! voici M. de Beauvais qui s’en veut fuir. » Puis, s’étant précipitée à la tête du cheval qui portait le fuyard, elle s’écria : « Honte ! ne devez-vous pas vivre et mourir avec nous ? » La honte, en effet, monta au front non pas du prélat, mais du grand seigneur, qui, suivi de ses laquais et de sa vaisselle, rentra dans la ville, d’où il avait cru bon un instant de sortir.

Les auteurs des Femmes militaires de la France, après avoir raconté le fait que nous venons de dire, ajoutent : « L’attitude de Jean de Bar, dans cette circonstance, était d’un exemple d’autant plus funeste que les évêques de Beauvais passaient alors, en quelque sorte, pour rois dans leur comté, et se montraient si jaloux de leur puissance qu’ils savaient, au besoin, la défendre le glaive à la main. »

On sait que l’évêque de Beauvais était comte de Beauvais, vidame de Gerberoy et pair de France, Il possédait voix délibérative dans les affaires les plus graves de l’État ; il portait manteau royal au sacre et aux funérailles des souverains, où il avait la préséance sur les autres prélats. La conduite de la dame de Brétigny eut donc sur l’issue du siège de Beauvais une influence qui ne saurait être contestée.


BRÉTIGNY (Charles Poncet de), aventurier normand, mort en 1645. Nommé en 1643 gouverneur de la Guyane, il débarqua à Cayenne avec environ trois cents hommes, femmes et enfants. Ambitieux et violent, Brétigny s’arrogea aussitôt sur ses compagnons un pouvoir despotique, et rêva de se créer une sorte de puissance indépendante. Les officiers qu’il avait sous ses ordres, las de sa tyrannie, s’emparèrent de lui et l’enfermèrent dans une prison qu’il avait fait construire (1644) ; mais il ne tarda pas à s’échapper, ressaisit le pouvoir, et promulgua, le 22 août 1644, le code draconien et sanguinaire qu’il avait résolu d’imposer à la colonie. Il livra aux supplices ceux qui lui déplaisaient, fit abattre les armes du roi pour les remplacer par les siennes, et périt bientôt après, massacré par une troupe d’indigènes, qui l’assaillirent pendant qu’il poursuivait deux sauvages fugitifs.


BRETIN (Philibert), médecin et poète français, né à Auxonne en 1540, mort en 1595. Agrégé en 1574 au collège des médecins de Dijon, il a publié plusieurs ouvrages, notamment : Poésies amoureuses réduites en forme d’un discours de la nature d’amour (Lyon, 1576, in-8°). Le médecin s’y montre beaucoup plus que le poète. Il a donné aussi des traductions des Œuvres de Lucien (1583, in-fol.) ; de l’Histoire de Bourgogne de Pontus Heuterus, etc.


BRETIZEL (BOREL DE). V. Borel.


BRETOG (Jean), sieur de Saint-Sauveur, poète français, né à Saint-Laurent en Dyne, au XVIe siècle. On a de lui : Tragédie française à huit personnages, traitant de l’amour d’un serviteur envers sa maîtresse et de ce qui en advint (Lyon, 1561).


BRETOISCHE s. f. (bre-toi-che). Forme ancienne du mot BRETÈCHE.


BRETOLIUM, nom latin de Breteuil.


BRETON (club), nom du premier club qui fut formé à Paris, en 1789, par des membres de la députation de Bretagne, et qui devint la société fameuse des Jacobins.


BRETON, ONNE s. et adj. (bre-ton, o-ne). Géogr. Habitant de la Bretagne ; qui appartient à cette province ou à ses habitants : Vous me feriez aimer l’amusement de nos Bretons, plutôt que l’indolence parfumée de vos Provençaux. (Mmc de Sév.) C’était une vieille Bretonne à casaquin et à bonnet breton. (Balz.) Les blondes sont assez rares parmi les Bretonnes. (Balz.) L’on voyait aussi dans ces herbages des bœufs, des vaches, et surtout grand nombre de chevaux de l’infatigable race bretonne, rude au travail, ardente à la guerre. (E. Sue.) Jamais Breton ne fit trahison. (E. Sue.) Carmélite n’avait aucune disposition à devenir une bergère bretonne en sabots. (Fr. Soulié.) Volney naquit à Craon, sur la limite extrême où la mollesse angevine s’efface devant l’ûprelé bretonne. (Ste-Beuve.) L’hospitalité des montagnards bretons est renommée. (E. Souvestre !)

— s. m. Hist. Nom que l’on donnait, au moyen âge, aux témoins de ceux qui se battaient en duel.

— Numism. Monnaie des ducs de Bretagne.

— s. f, Ornith. Nom vulgaire do la passerinette.

En breton, Loc. fldv. Mar. Manière d’arrimer un objet, qui consiste à le placer en travers, au lieu de le mettre en long, par rapport à la figure de la cale.

— Encycl. Linguist. Avant de passer à l’examen grammatical de la langue bretonne, nous allons rapidement retracer les diirérentes phases de développement et de décadence par lesquelles elle a successivement passé. Nous prendrons pour guide principal/dans cette esquisse historique, l’excellent Essai sur l’histoire de la langue bretonne, dont M. Hersart de la Villemarqué a fait précéder le Dictionnaire français-breton de Legonidec. La langue bretonne appartient, comme on le sait, à la grande famille des idiomes celtiques, avec le gallois, le gael, l’irlandais, etc. Nous indiquerons avec plus de détails, au mot Celtiques (langues), la place exacte qu’elle occupe dans le groupe-, relativement a ses congénères. M. de la Viltemarqué partage l’histoire de la langue bretonne, depuis ses origines les plus reculées jusqu’à nos jours, en quatre grandes périodes, et nous reproduirons également ces quatre divisions.

La première période s’étend depuis une époque indéterminée, antérieure à l’ère chrétienne, jusqu’au ve siècle après Jésus-Christ. Comme ces premières origines du breton se confondent avec celles des idiomes collatéraux dont l’ensemble constituait l’idiome celtique, nous ne nous en occuperons pas ici, et nous ne perdrons pas notre temps a discuter si les anciens Bretons parlaient hébreu ou grec, comme on l’a prétendu ; ou si leur langage était celui dans lequel s’exprimaient les anciens dieux, selon l’opinion de Dom Pezron. De telles rêveries ne méritent pas un examen sérieux.

Nous passerons donc immédiatement à la seconde période, qui commence au vo siècle après Jésus-Christ, pour finir au xn«. C’est à ce moment que les Bretons, fuyant la Grande BRET

Bretagne envahie par la conquête saxonne, vinrent chercher un refuge dans l’ancienno Armoricrue, à laquelle ils imposèrent leur nom, et où ils introduisirent leur langue, leurs mœurs, leur race, leur nationalité en un mot. Pendant deux siècles, ce courant d’émigration entre la grande île et le continent continua sans relâche. Les nouveaux venus présentèrent d’abord une masse compacte, dont la cohésion résista victorieusement aux efforts de voisins qui appartenaient à d’autres familles ethnographiques, et parlaient d’autres langues. Cependant, dès le viuu siècle, des signes de désorganisation ne tardent pas à se montrer dans cette nationalité jusque-là si fortement constituée. Il se forme, au contact des idiomes étrangers, dans la partie de la Bretagne ! a plus rapprochée du dehors, un dialecte gael, parfaitement distinct des autres dialectes bretons. Au xn« siècle, les- habitants de la Bretagne se partageront, suivant leur idiome, en gallos, parlant une espèce de patois roman, et en Bretons bretonnants. L invasion des Normands avait accéléré ce démembrement, qui fut achevé par l’émigration des habitants, fuyant le pillage et le massacre. Lorsqu’ils revinrent plus tard dans leurs foyers déserts, ils rapportèrent avec eux la langue et les mœurs des contrées qui les avaient accueillis. Seuls, les habitants de la basse Bretagne, qui passèrent de nouveau dans les lies Britanniques, leur patrie primitive, et surtout les habitants du comté de Léon, qui opposèrent a l’invasion une résistance énergique et couronnée de succès, maintinrent à peu près pur l’élément celtique, aussi bien dans leur langue que dans leurs institutions. Aussi le dialecte léonard est-il aujourd’hui encore pris par les philologues comme le type par excellence de l’idiome breton. Le bilan littéraire de cette période féconde en vicissitudes comprend, entre autres choses : les poésies du barde Gweznou (460-520) ; du barde Taliezin (520-570) ; du barde Merzin ou Merlin (530-600) ; du barde Ancurin ou saint Gildas (516-560) ; du barda Sulio ou saint Y-Sulio (660-720) ; une grammaire écrite par Ghéraint, dit le Barde bien, en 880 ; un vocabulaire de l’an 882, et des actes latins-bretons de la même époque ; des dictons poétiques du x" et du xie siècle. Comme le fait fort judicieusement remarquer M. H. de la Villemarqué, la seule énumérution de ces monuments littéraires, qui ont une incontestable valeur, prouve la culture intellectuelle des Bretons a l’époque qui nous

occupe. Un peuple possédant à la fois grammaire, vocabulaire et textes poétiques, a une littérature à lui. L’élément étranger dont nous avons parlé plus haut a exerce une grande influence sur le vocabulaire breton, qui, pendant cette période, s’est incorporé une foule de termes latins fortement modifiés par des contractions, des suppressions de finales, des permutations de lettres, etc.

La troisième période s’étend du xne au xv« siècle. La décadence de l’idiome national continua surtout dans la haute Bretagne, à cause des perturbations causées par les croisades et par les querelles sanglantes des Blois et des Montfort. La basse Bretagne résista mieux, et le bilan littéraire de cette époque est encore, grâce à cette exception, assez satisfaisant ; nous citerons particulièrement, parmi les ouvrages principaux, le Brud er brenined enez Bretaen, ou la Chronique des rois de l’île de Bretagne, dont la première rédaction est du vmc siècle et la seconde du XIIe ; lu Bnkez santez Nonn (v. ce mot), ou Vie de sainte Nonne (xme et xive siècle) ; enfin, différents autres travaux de philologie ou de religion.

La quatrième époque s’ouvre au xve siècle par le passage des Bretons sous l’autorité immédiate des rois de France. Ici commence pour le breton une nouvelle et plus profonde phase de déclin. Cessant graduellement, dit M. de la Villemarqué, d’être, en basse Bretagne, la langue usuelle des classes supérieures, méprisé des populations urbaines, persécuté jusque sous le chaume, il resta livre au peufile des campagnes, qui n’abandonna jamais le angage qu’il avait parlé depuis les temps les plus reculés. Enfin, au commencement du xvno siècle, une véritable croisade en faveur de l’idiome national est entreprise par un homme doué de facultés peu communes, Michel le Nobletz de Kerodern. Il sut retrouver le talent populaire des anciens bardes, et, parcourant les campagnes, faire aimer et protéger la langue dans laquelle ils avaient chanté. Cette vigoureuse initiative, qui avait son point d’appui dans le peuple, imprima une vigoureuse impulsion a la langue et aux idées nationales en basse Bretagne. Un disciple dévoué, Julien Mannoir, poursuivit l’œuvre commencée par son maître, et Marzin lui Succéda dans Cette tâche patriotique. Plus tard, ’des livres nombreux furent publiés pour enseigner au peuple sa langue maternelle, des textes furent édités, des Itevues périodiques fondées. Les savants tournèrent leur attention sur cette langue vivace, qui résistait si énergiquement a la puissance envahissante d’une rivale plus heureuse, et ils y trouvèrent une source féconde d’observations du plus haut intérêt pour la philologie.

Passons maintenant a l’examen grammatical de la langue bretonne, telle qu’elle est actuellement parlée ; du breyzad ou brezonnecq, comme l’appellent les bas Bretons. La langue bretonne s’écrit au moyen de l’alphabet latin, ainsi modifié : a, b, A, d, e, f, g, h, cli, c’k, i, j, l, m, n, o, p, r, t, t, u, v, w, s. Il faut