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chal de France. — Son fils aîné, Louis-Joseph-Timoîéon de Cossé-Brissac, fut tué en 1757 à la bataille de Rosbach, ne laissant pas de postérité. — Louis-Hercule-Timoléon de Cossé-BriSsac, frère du précédent, né en 1734, pair et grand panetier de France, gouverneur de Paris, colonel des cent-suisses de la garde du roi et chevalier de ses ordres, commandait, en 1791, la garde constitutionnelle de Louis XVI. Il fut massacré à Versailles en septembre 1792.

BRISSAGO (îles de), deux petites îles du lac Majeur, canton du Tessin, — à 9 kilom. S.-O. de Locarno, près de la côte occidentale et du village suisse de même nom. Ces deux îles, voisines l’une de l’autre, renferment une population de 500 hab.

BR ISS ART HE (Brieserta), bourg de France (Maine-et-Loire), arrond. et à 33 kilom. E. de Segré, sur la rive droite de la Sarthe, qui forme en cet endroit de nombreuses îles ; 997 hab., composés en grande partie de pêcheurs et de mariniers. L’église de ce bourg est une des plus anciennes de ce département ; la nef est attribuée tout entière au vue siècle. Robert le Fort fut tué devant cette église en 866, en combattant contre les Normands. Le clocher, qui date de 1741, est orné aux quatre angles de colonnes corinthiennes.

BRISSE s. m. (bri-se — du gr. brissos, hérisson de mer). Echin. Genre d’échinides formé aux dépens des spatangues.

— Entom. Genre de coléoptères pentamères, de la famille des curculionides.

BB1SSEAU (Pierre), médecin, né à Paris en 1631, mort à Douai en 1717. Il exerça la médecine successivement à Mons. À Tournai et à Douai, et composa plusieurs ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Traité des mouvements sympathiques (Valence, 1682) ; Dissertation sur la saignée (1692) ; Lettre touchant les remèdes secrets (1707) ; Traité de la cataracte et du glaueoma (1709), dans lequel il montra que le siège de la cataracte est dans le cristallin.— Son fils, Michel Brissbau, né à Tournai, mort en 1743, a laissé, entre autres écrits : Observations anatomiques(Douai, 1716), et la Buvette des philosophes, ode bachique (172G, in-S").

BRISSET (Roland), sieur de Sauvage, littérateur français, né à Tours au xvie siècle. 11 fut avocat au parlement de Paris et consacra ses loisirs à l’étude des poëtes grecs et latins. Brisset fit paraître, sous le titre de Premier livre des œuvres poétiques de R. B. G. T. (Tours, 1586), cinq tragédies : Hercule furieux ; Thyeste ; Agamemnon ; Octavie, traduites librement de Sénèque, et la Calomnie, traduite du latin de Buchanan. On lui doit, en outre : la Diéromène ou le Repentir d’amour, traduite de l’italien (1591) ; Alcée, traduite de l’italien. On lui attribue les Etranges et merveilleuses traverses d’amour (1605).

BUISSET (Joseph-Mathurin), littérateur et auteur dramatique français, né en 1792, mort à Paris en 1853. D’abord garde du corps de la compagnie d’Havre, puis officier d’infanterie sous le règne des deux derniers souverains de la branche aînés des Bourbons, il prit part, en 1823, à la campagne d’Espagne, et obtint la croix de chevalier de première classe de l’ordre de Saint-Ferdinand. Après la révolution de 1830, il quitta l’armée et entra, avec son ami M. de Lourdoueix, à la rédaction de la Gazette de France, où il a publié des articles politiques, des comptes rendus de la Chambre et fait la critique théâtrale. À partir de cette époque, Brisset, qui s’était déjà fait connaître dans certaines régions par des poésies royalistes, s’adonna exclusivement aux travaux littéraires. Royaliste sincère, il conserva jusqu’au bout sa foi religieuse et politique, et se fit estimer même de ses adversaires. Voici la liste des œuvres principales de Brisset : les Dames du lis, poëine dédié à la duchesse d’Angoulême (1816, in-8°) ; la Statue d’Henri 'IV, ode (1818, in-8°) ; la Messe de la délivrance (1S2Q, in-8°) ; Y Entrée de Ferdinand VII à Madrid, stances présentées à Sa Majesté (1824, in-8») ; Madrid ou Observations sur les mœurs et les usages des Espagnols au xixe siècle (1825, 2 vol. in-12). Il a publié beaucoup de romans, pour la plupart historiques : le Mauvais œil (1833, in-8°) ; les Concini (1834, 2 vol. in-8°) ; les Templiers (1837, 2 vol. in-8°) ; le Génie d’une femme (1837, 2 vol. in-8<>) ; la Maréchale de SaintAndré (2 vol. in-8°) ; Françoise de Guise (1840, 2 vol. in-so) ; le Balafré (1841, 4 vol. in-so) ; le Cabinet de lecture (1843, 2 vol. in-8°) ; la Femme d’un ministre, Mme Roland (1844. 2 vol. in-8») ; le Béarnais (1844, 2 vol. in-soj, etc. Il a écrit plusieurs articles dans les Français peints par eux-mêmes, entre autres : les Enfants à Paris et le Pécheur à la ligne. 11 a donné au théâtre : la Traité de paix, vaudeville en un acte, avec Achille Dartois (Vaudeville, 1821} ; Honneur et séduction, mélodrame en trois actes, avec Caigniez (Ambigu, 1822) ; le Zodiaque de Paris, a propos du zodiaque de Denderah, vaudeville épisodique en un acte, avec Théaulon et Ferdinand Langlé (Gymnase, 2 septembre 1822) ; le Départ d’une diligence, vaudeville en un acte, avec Rochefort et Ménard (Vaudeville,

1822) ; le Magasin de lumière, scènes en prose, mêlées de vaudevilles, à propos de l’éclairage au gaz, avec Théaulon, Ferdinand Langlé et Ramond de la Croisette (Gymnase, 14 février

1823) ; le Joueur d’orgues, mélodrame en trois

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actes, sous le pseudonyme d’Auguste, avec Rigaud (Ambigu, 1823) ; le Retour à la ferme, vaudeville en un acte, avec Achille Dartois (Vaudeville, 1824) ; les Singes ou la Parade dans le salon, vaudeville en un acte, avec Rochefort et Cassagne (Vaudeville, 1825) ; les Rendez-vous, vaudeville en un acte (Vaudeville, 1825), repris au théâtre des Nouveautés en 1827, avec succès ; la Pêche de Vulcain ou Vile des fleuves, vaudeville-parodie de Mars et Vénus, ballet de l’Opéra, avec Rochefort et Cassagne (Vaudeville, 1826) ; le Coureur de veuves, opéra-comique en trois actes, imité de l’espagnol, musique de Blangini (théâtre des Nouveautés, 1er mars 1827), ouvrage réduit en deux actes et mis en vaudeville le 29 mars 1827 ; la Petite mendiante, vaudeville en un acte (théâtre des Nouveautés, 8 mars 1827) ; Paris et Londres, vaudeville en deux actes et

?uatre tableaux, avec Achille Dartois et Joly

théâtre des Nouveautés, 21 avril 1827) ; les Dernières amours, vaudeville en un acte (théâtre des Nouveautés, 13 juin 1827) ; le Peintre et le courtisan, vaudeville anecdotique en un acte, avec Letellier (théâtre des Nouveautés, 1827) ; VAnneau de la fiancée ou le Nouveau don Juan, drame lyrique en trois actes, musique de Blangini (théâtre des Nouveautés, 28 janvier 1828) ; Àngiolina ou VEpouse du doge, drame en trois actes, mêlé de chant, avec Théaulon (théâtre des Nouveautés, 1829) ; les Deux Raymond ou les Nouveaux Ménechmes, roman en six chapitres, avec Victor Ducange etRuben (Porte-Saint-Martin, 1829) ; Lavater, drame en cinq actes et en prose, avec Edmond et Rochefort (Comédie-Française, 14 septembre 1835). On reprocha à cette pièce d avoir les allures et le style du mélodrame, sans offrir l’espèce d’intérêt qui s’attache d’ordinaire à la mise en scène d’une individualité fameuse. Le premier héros venu eût pu remplacer Lavater, dont le nom n’était là que pour enseigne ; aussi l’ouvrage n’obtint que trois représentations. Perrier joua avec talent le rôle de Lavater.

BRISSET (Pierre-Nicolas), peintre, né à Paris en 1810. Élève de Couder et de Picot, il remporta le grand prix de peinture historique en 1.840, envoya d’Italie un Saint Laurent montrant les trésors de l’Église, qui a figuré à l’Exposition de 1847, exécuta depuis divers portraits et sujets religieux, et seconda M. Picot dans ses travaux à l’église Saint-Vincent-de-Paul.

BRISS1A, nom latin de la Bresse.

BRISSITE s. m. (bri-si-te — rad. brisse). Echin. Brisse fossile.

BRISSON (Barnabe), magistrat et jurisconsulte, né en 1531, était fils d’un lieutenant royal au siège de Fo’ntenay-le-Cointe, fut avocat général au parlement de Paris en 1575, et président à mortier en 15S3, conseiller d’État, puis ambassadeur en Angleterre. A son retour, il composa, par ordre du roi, le recueil connu sous le nom de Code de Henri III. Après la journée des barricades et l’emprisonnement d’Achille de Harlay, il accepta des ligueurs les fonctions de premier président par intérim (1589), mais tint une conduite double et protesta secrètement par-devant notaires qu’il n’agissait que par contrainte. Savant jurisconsulte, mais homme d’un faible caractère, Brissou eut le sort de tous ceux qui veulent nager entre deux eaux, suivant lexpression de Mézeray. Enveloppé par la surveillance ombrageuse des Seize, il fut soupçonné de correspondre avec les royalistes en même temps qu’il affectait un grand zèle pour la Ligue et qu’il s’était fait la créature du duc de Mayenne, en demandant pour lui la lieutenance générale du roj’aume. Averti secrètement que les Seize et les plus furieux de la faction en voulaient k sa vie, il ne put cependant se décider à fuir et consomma sa perte par ses irrésolutions, comme il l’avait préparée par sa duplicité. Arrêté le 15 novembre 1591, sur le pont Saint-Michel, comme il se rendait au palais, il fut conduit au Petit-Châtelet, condamné deux heures après par une commission improvisée et pendu sur-le-champ à une poutre de la chambre du conseil, II montra beaucoup de faiblesse à ses derniers moments. Les conseillers Tardif et Larcher eurent le même sort. Le lendemain, les cadavres de ces malheureux furent pendus à trois gibets en Grève, avec des écriteaux qui les flétrissaient comme fauteurs d’hérésie. Mayenne, à son tour, punit ces excès des fanatiques de son parti en faisant étrangler de sa seule autorité quatre des principaux du conseil des Seize. On a du président Brisson quelques ouvrages sur la jurisprudence, sur le droit romain, sur les antiquités de la Perse, etc., qui ont été réunis en 1606 (Paris), sous le titre d’Opéra varia, et réimprimés à Leyde en 1749.

Brisson (MORT DU PRÉSIDENT), tableau de

M. Alexandre Hesse ; musée de Versailles. On Ht dans une lettre de Pasquier : « Assailli par les factieux, Barnabe Brisson fut conduit au Petit-Châtelet. Il y trouva des hommes couverts d’un roquet noir, sur lequel il y avait une grande croix rouge... Ameline lui dit : « Tu sais que tu es un traître, il faut que tu meures. » Brisson lui demanda quelle juridiction il avait sur lui, et ajouta qu’il ne connaissait d’autre juge de ses actions, après Dieu, que la cour du parlement ; sur quoi Cronier lui dit qu’il n’était plus question de l’interroger, sa sentence étant déjà prononcée ;

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et il commanda à Hugues, sergent, de se saisir de sa personne. Le greffier lui lut sa sentence, et on le mit entre les mains du bourreau... Le président, revêtu de sa robe de palais, fut lié et garrotté ; alors il pria ces furieux de le confiner entre quatre murailles pour achever un livre de droit qu’il avait commencé ; mais Cronier lui commanda de penser à sa conscience, et qu’il n’y avait plus en lui de répit... On fit donc monter Brisson dans une chambre haute, où, après lui avoir donné quelques instants pour se confesser, on le pendit à une poutre. » M. Hesse a reproduit avec exactitude, avec netteté, cette scène terrible ; mais, plus préoccupé de se montrer bon dessinateur et habile coloriste que de nous émouvoir, il n’a rendu avec chaleur ni la rage des assassins ni l’expression attendrissante de la victime. Il a perdu de vue, en

j un mot, cet excellent précepte de Boileau,

I renouvelé d’Horace :

Pour riie tirer dès pleura, il faut que vous pleuriez.

’ La finesse minutieuse de la touche, naturellement déplacée dans un tableau dont les personnages sont de grandeur naturelle, nuit . encore à l’effet dramatique de la scène ; on voudrait plus de largeur, plus de laisser-aller, î plus d’imprévu dans la peinture d’un pareil sujet. Des formes correctes, des têtes savamment modelées, une couleur harmonieusement fondue ne sauraient compenser le manque dé verve, l’absence d’inspiration. Mais si &Mort du président Brisson n’est pas un chef-d’œuvre, c’est du moins un tableau estimable et qui met en relief des qualités d’exécution peu communes. Cette toile a été exposée au Salon de 1840.

BRISSON (Pierre), historien français, né à Fontenay-le-Comte, mort en 1590, était frère du précéde-nt. Il a publié : Histoire et vrai discours des guerres civiles es pays de Poictou, Aulnis, Xainctonge et Angoumois, depuis 1574 jusqu’en 1576 (Paris, 1578, in-8°), et ('Instruction et nourriture du prince, départie en huit livres (1583, in-fol.), traduit de Jérôme OsOrio.

BRISSON (Mathurin-Jacques), naturaliste et physicien, né à Fontenay-le-Comte en 1723, mort en 1806. Il succéda à Nollet dans sa chaire de physique, au collège de Navarre, entra à l’Académie des sciences et devint, en 1796, professeur aux écoles centrales de Paris. Sur la fin de sa vie, il fut frappé d’une attaque d’apoplexie qui altéra à tel point ses facultés intellectuelles qu’il avait oublié la langue française. On ne l’entendait plus prononcer que quelques mots du patois poitevin, qu’il parlait étant enfant. Brisson a composé des ouvrages extrêmement remarquables, entre autres une Ornithologie (Paris, 1760, 6 vol. in-4°), le plus complet des ouvrages de ce genre avant l’Histoire des oiseaux, de Buffon ; Histoire de l’électricité, traduite de Priestley, avec de savantes notes (1771, 3 vol.) ; Pesanteur spécifique des corps (1787, in-4»), livre resté classique pour les physiciens et les minéralogistes. Citons encore : le liègne animal (1756, iu-4») ; Dictionnaire raisonné de physique (1781, 2 vol.) ; Observations sur les nouvelles découvertes aérostatiques (1784, in-8°) ; Principes élémentaires de l’histoire naturelle et chimique des substances minérales (1797), etc.

BRISSON (Pierre-Raymond de), voyageur, né à Moissac en 1745, mort en 1820, était employé dans la marine française du Sénégal lorsque, en 1785, il fit naufrage sur la cote d’Afrique, près du cap Blanc. Tombé entre les mains des Mores, il parvint, au bout de plusieurs années, à gagner le Maroc. Les géographes ont trouvé des renseignements curieux dans la relation qu’il a publiée sous ce titre : Histoire du naufrage et de la captivité de M. de Brisson, avec la description des déserts d’Afrique, depuis le Sénégal jusqu’à Maroc (1789, in-8»).

BRISSON (Barnabe), ingénieur, né à Lyon en 1777, mort en 1828. II étudia à l’École polytechnique et fut l’élève de prédilection de Monge. Ingénieur en chef à trente ans, il a montré un génie fécond dans les travaux du canal de Saint-Quentin et daDS ceux qui furent entrepris pour garantir le département de l’Escaut contre les marées de l’Océan. 11 fut chargé des études d’un canal de Paris à Tours et à Nantes. Nommé vers la même époque professeur de construction à l’École des ponts et chaussées, Brisson devint, en 1824, inspecteur divisionnaire. Cet éminent ingénieur était à peine âgé de vingt ans lorsqu’il publia avec son ami, Dupuis de Torcy, un Mémoire sur ia configuration de la surface du globe et sur la détermination des points départage des canaux, mémoire qui a été inséré dans le quatorzième volume du Journal polytechnique. Dans cet ingénieux travail, Brisson proposait une méthode sûre et facile a la place des anciens procédés, aussi longs que coûteux, employés jusqu’alors pour tracer les canaux de navigation. Grâce a sa méthode, qui avait pour point de départ ce problème : « Les directions des cours d eau étant données, en déduire la configuration nécessaire du sol, » Brisson, à la seule vue des cartes, détermina avec précision le point le plus propre au passage d’un canal destiné à relier la Sarre et le Rhin, et, depuis lors, il fit toujours avec succès usage de sa méthode. Outre divers autres mémoires, on a de Brisson un Traité des ombres, inséré k la suite de la Géométrie iiescriptive de Monge, et un Essai sur la navi-

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gation intérieure de la France (in-4°), livre remarquable dont M. Ch. Dupin a fait un brillant éloge à l’Académie des sciences.

BRISSOT (Pierre), médecin français, né à Fontenay-le-Comte en 1478, mort en 1522. Après avoir professé la philosophie à Paris, il étudia la médecine, se fit recevoir docteur en 1514, et se livra à l’enseignement. S’étant efforcé de substituer en médecine la doctrine d’Hippocrate à celle des Arabes, alors universellement suivie dans les écoles, il se fit de nombreux ennemis dans la faculté et partit pour le Portugal. Il s’établit à Evora, où, tout en pratiquant son art, il se livra à des études de botanique ; mais il ne tarda pas à avoir des démêlés avec Denys, médecin du roi, au sujet du traitement de la pleurésie. Contrairement à l’opinion de ce dernier et des médecins de cette époque, Brissot prétendit qu’il fallait pratiquer la saignée du même côté que le mal. Il appliqua sa méthode au roi, qui guérit. Brissot mourut bientôt après de la dyssenterie, laissant, sous le titre de Apologetica disceptatio de vena secanda in pleuritide (Bâle, 1529), un livre qui raviva la controverse qu’il avait soutenue avec Denys, et qui fait époque dans l’histoire de la médecine pratique. Les médecins de l’université de Salamanque se prononcèrent pour Brissot ; mais Denys obtint un décret ordonnant que tout pleurétique fût saigné du côté opposé à son mal. La querelle n’en continua pas moins, et l’affaire fut portée devant Charles-Quint, qui s’abstint prudemment de trancher la question.


BRISSOT DE WARVILLE (Jean-Pierre), conventionnel et publiciste, né en 1754, près de Chartres, au village de Ouarville, dont plus tard il prit le nom en lui donnant une forme anglaise, exécuté le 31 octobre 1793. Il était fils d’un riche aubergiste, qui lui fit donner une assez bonne éducation. Auteur et publiciste presque au sortir du collège, il vint à Paris, où il s’occupa tout à la fois de sciences, de jurisprudence et de littérature ; entraîné dans l’irrésistible mouvement philosophique du siècle, il poursuivit la réforme des lois criminelles, de concert avec les esprits distingués du temps, et publia en 1780 sa Théorie des lois criminelles, qui le classait parmi les criminalistes philanthropes. Deux ans plus tard, il commençait la publication de l’importante collection qui a pour titre : Bibliothèque des lois criminelles, en même temps que, par divers écrits, il se signalait à l’attention publique comme réformateur et comme ennemi des inégalités sociales. Dès cette époque, il était lié non-seulement avec les jurisconsultes et les littérateurs les plus célèbres, mais encore avec une pléiade d’hommes ardents qui cherchaient leur voie, et auxquels la Révolution allait bientôt donner une orageuse célébrité. Il suffit de nommer Sergent, Chasles, Pétion, Robespierre, Marat, etc. Jeté deux fois à la Bastille comme auteur présumé de pamphlets anonymes qui, au reste, n’étaient pas de lui, il alla dans les intervalles séjourner en Angleterre et aux États-Unis, autant pour son instruction que pour échapper aux persécutions dont il était l’objet. La révolution de 1789 le trouva préparé aux grandes luttes qui allaient renouveler le monde ; ses opinions étaient alors un constitutionnalisme fortement imprégné d’idées américaines, et, ce qui est moins connu, un ensemble, un amalgame si l’on veut, d’idées très-aventureuses sur la propriété, dont le seul titre, suivant lui, est le besoin, et qui ne peut s’étendre au delà. En s’appuyant sur le droit naturel, il légitimait même le vol, et reconnaissait à l’homme le droit de s’approprier ce qui est nécessaire à la satisfaction de ses besoins. Bien plus, s’enfonçant plus avant encore dans le paradoxe, il émettait hardiment la proposition suivante : « Les êtres ont le droit de se nourrir de toute matière propre à satisfaire leurs besoins. Si le mouton a droit d’avaler des milliers d’insectes qui peuplent les herbes des prairies, si le loup peut dévorer le mouton, si l’homme a la faculté de se nourrir d’autres animaux, pourquoi le mouton, le loup et l’homme n’auraient-ils pas le droit de faire servir leurs semblables à leurs appétits ? » Pour concilier la vie sociale avec un tel principe, il n’y a, dit-il, qu’une méthode ; c’est « que la société donne à l’homme un moyen de satisfaire ses besoins. »

Ces théories, perfidement exhumées d’un des ouvrages de sa jeunesse par de Pange et André Chénier, lui furent cruellement reprochées au plus fort de sa polémique contre la cour.

On sait aussi que ce rapprochement des idées de vol et de propriété a fait accuser Proudhon d’avoir pris à Brissot sa fameuse proposition : La propriété, c’est le vol. Mais le célèbre publiciste, qui tenait à son axiome plus qu’à la vie, s’est vivement défendu, arguant de son ignorance complète des idées émises par Brissot sur ce sujet, ainsi que de la différence de leurs doctrines. En réalité, les paradoxes du girondin sont plutôt des boutades ultraphilosophiques sans beaucoup de consistance, tandis que les systèmes de Proudhon forment un corps de doctrines dont nous n’avons pas à discuter en ce moment la valeur, mais dont on ne saurait nier l’importance et l’originalité.

Toutefois, il y a quelques points de contact entre les deux publicistes ; tous deux, notamment, professaient un système d’individua-