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BLEU

coup.de cas, une annexe de la fabrication des sels ammoniacaux.

La calcination terminée, on jette la masse dans une chaudière remplie d’eau, qu’on échauffe pour dissoudre la partie soluble, le prussiate jaune de potasse. On filtre la liqueur, et on précipite ie-bleu de Prusse au moyen d’une dissolution de trois parties d’alun et une de sulfate de fer. On obtient un précipité d’un beau bleu. On le lave, on le Mitre, on le laisse égoutter, et, après l’avoir soumise à l’action de la presse, on divise la pâte obtenue en petites masses tabulaires, qu’on sèche dans l’obscurité, à une douce chaleur. La dissolution de prussiate jaune dont on précipite le bleu de Prusse renferme encore du carbonate de potasse, de sorte que, outre ce bleu, il se précipite de l’oxyde de fer qui s’unit à la couleur, en même temps que peuvent se former les bleus solubles signalés plus haut. Dans la fabrication des bleus de Berlin, le carbonate de potasse est neutralisé par l’alun ; dans la fabrication des bleus’de France, on ajoute, peu de temps après la précipitation, de l’acide azotique.

Depuis quelques années, on a essayé différents autres modes de production du bleu de Prusse, que nous devons signaler. C’est ainsi que MM. Possoz et Boissière se sont proposé de le fabriquée par l’absorption de l’azote de l’air en présence du charbon et du carbonate de potusse chauffés au rouge. Un autre procédé, breveté en Angleterre, substitue dans le même cas à l’air l’emploi de l’ammoniaque. On fabrique aussi le bleu de Prusse en formant d’abord du cyanhydrate d’ammoniaque. Ce cyanure d’ammonium, produit en faisant passer du gaz ammoniac sur du charbon chauffé au rouge, est ensuite transformé en ferrocyanure de potassium. C’est également aux mêmes transformations que M. Gauthior-Bouchard a recours dans sa fabrique d’Aubervilliers, pour utiliser les résidus de la fabrication du gaz de l’éclairage à la production du bleu de Prusse. Ce procédé a déjà pris une importance qui mérite de nous arrêter. Dans la distillation des matières qui fournissent le gaz, il se produit toujours du sulfhydrate ou du cyanhydrate d’ammoniaque : ces composés solubles et volatiles restent dissous en partie dans les liqueurs ammoniacales que l’on condense et que l’on recueille. Une autre partie est entraînée par le courant gazeux et est enlevée dans l’épuration du gaz. Dans cette épuration, par le procédé de M. Mallet, on fait passer le gaz à travers un mélange de sulfate de fer, de sesquioxyde de fer et de sable siliceux. 11 se forme du soufre libre, du protoxyde de fer et du cyanure de fer. Le protoxyde de fer, transformé à l’air en sesquioxyde, . permet de se servir de la même matière un nombre considérable de fois. Pour nous, les produits importants qui s’accumuleront ainsi seront le sulfate d’ammoniaque, qu’on séparera par l’eau, et le sulfoferrocyanure de fer, qu’on enlève par des lavages appropriés. On mélange ensuite avec de la chaux vive, et on traite à froid dans le cuvier de lessivage, par dé l’eau qui s’est chargée de prussiate de chaux. On pourrait obtenir ce produit à l’état cristallin et le substituer au prussiate de potasse ; maison peut aussi le transformer en prussiate de potasse, au moyen du carbonate de potasse. Pour transformer le prussiate de chaux en bleu de Prusse, on opère, comme d’ordinaire, par une suroxydation accompagnant l’action d’un sel de fer, le sulfate de fer le plus souvent.

On voit, en résumé, que les efforts des chimistes tendent, par des raisons d’économie, à substituer la formation des cyanures, ou si l’on veut de l’ammoniaque, par l’azote de l’air, à la production de cette ammoniaque et des cyanures par l’emploi des.matières azotées. En d’autres termes, suivant ces idées, la production économique de l’ammoniaque doit précéder celle du bleu de Prusse et des autres produits accessoires. On essaye aussi, par la même raison d’économie, comme MM. Marguerite et Sourdeval, comme M. Gauthier-Bouchard, de substituer l’emploi de la chaux et de la baryte à celui de la potasse.

Les applications des bleus de Prusse sont nombreuses et variées. Nous avons déjà signalé la préparation des encres bleues. Le bleu de Prusse est employé dans la peinture à l’aquarelle, dans la fabrication des papiers peints, etc., etc. ; son application principale se rapporte à la teinture et à l’impression des tissus. Delormois fut le premier à l’appliquer à l’impression des tissus : il employa, pour le fixer, la dissolution du bleu de Prusse dans l’acide ehlorhydrique, dont on fait encore usage dans certains cas particuliers ; mais c’est k J.-M. Haussmann qu’on doit d’avoir introduit dans l’industrie des procédés pratiques et variés d’application du bleu de Prusse sur les tissus. Il le produisit directement sur l’étoffe, en fixant d abord un mordant de fer, qu’on teignait ensuite dans un bain faiblement acidulé de prussiate jaune de potasse, ou bien il employait une dissolution acide de chlorure stanneux de bleu de Prusse. C’est par des moyens analogues que Raymond produisit directement sur les étoffes le bleu auquel il a laissé son nom : bleu Raymond. Ce procédé Raymond consiste à mordancer l’étoffe par un mordant composé de :

Eau 300 litres

Acide sulfurique 30 kilogi

Acide azotique 30 Sulfate di protoxyde de fer. 180 BLEU

On mélange les acides et l’eau, et on y projette le sulfate de fer jusqu’à ce que 1 effervescence terminée indique la dissolution complète du sel. On fait ensuite bouillir le liquide, et on y ajoute le mélange suivant : Crème de tartre... 75 kilogr. Acide sulfurique... 33-Eau 50 litres.

On laisse refroidir et on décante.

Quand les pièces ont été imbibées de ce mordant, on les lave, on les rince et on procède à leur teinture en les plongeant dans une cuve contenant une dissolution de prussiate jaune de potasse. On voit que c’est une continuation des procédés de Haussmann, que nous avons décrits avec quelques détails, parce que c’est généralement 1 origine de la propagation des procédés de teinture au bleu de Prusse, et que le nom de bleu Raymond a subsisté dans l’industrie, bien que ces procédés soient abandonnés. Aujourd’hui, la production des bleus dits bleus de France vient de l’emploi du prussiate d’étain, produit de la précipitation du prussiate jaune de potasse par un sel d’étain. On décompose alors, au moyen d’acides énergiques en présence de ce sel d’étain, les prussiates jaune et rouge de potasse. Il se forme un ferrocyanure double de fer et de potassium, qui se fixe sur le tissu combiné avec un ferrocyanure d’étain ; il se dépose de la potasse, qu’on enlève par des lavages, et il se dégagéde l’acide cyanhydrique. C’est vers 1836 qu’a commencé cette industrie des bleus de France, qui a pris depuis une si grande importance. On trouvera les détails pratiques aux mots teinture et impression sur étoffes. Nous ajouterons seulement un mot, pour indiquer ces procédés d’impression. On peut distinguer deux manières de procéder. La première, qui est la plus ancienne, et qu’on emploie rarement aujourd’hui, consiste à immerger dans une dissolution de bleu de Prusse avec l’acide chlorhydrique. C’est le procédé de Haussmann. La seconde, qui s’emploie pour former les bleus d’impressions dits bleu de Fr’ance, bleu Marie-Louise, bleu Napoléon, etc., etc., consiste dans l’emploi d’uiwnordant ferrugineux, et en une teinture au prussiate jaune. C’est le procédé que nous avons indiqué avec quelques détails. La formation du bleu, dans ce cas, se produit de la même manière que pendant la teinture des tissus, ’ par la décomposition du ferrocyanure de potassium par les acides et la chaleur.

BLEU (fleuve). V. Bahr-el-Azrek et Yang-

Tsé-Kiang.

BLEUÂTRE adj. (bleu-â-tre — rad, bleu). Dont la couleur tire sur le bleu : Clarté bleuâtre. Flamme bleuâtre. Lapleine lune, à l’orient, s’élevait sur un fond bleuâtre, aux planes rives de l’Euphrate. (Volney.) La vue n’est bornée que par les riches coteaux du Cher, horizon bleuâtre, chargé de parcs et de châteaux. (Balz.) Ses tempes bleuâtres semblaient ardentes et concaves. (Balz.) Les nuits de Syrie ne sont qu’un jour bleuâtre. (Gér. de Nerv.) ■

C’est le vieux IsusWeuâtre où tu guidais Elvire.

—TuRQUETY.

Et tout à coup le nocturne séjour Sembla rempli d’une clarté bleuâtre.

MlLLEVOYE.

Tandis qu’au haut des ceps les jeunes gens folâtres.

Font pleuvoir les raisins bleudtres, ■ Les filles au-dessous tendent leurs tabliers.

A. Barbier.

BLEUE (mer). V. Orientale (mer).

BLEUES (montagnes), nom commun à plusieurs chaînes de montagnes, situées : dans l’île de Melville, au milieu de la mer Polaire d’Amérique ; dans la Jamaïque ; dans les États-Unis d’Amérique, et dans la partie orientale du continent australien.

Les montagnes Bleues de l’Amérique du Nord (Blue-Ridge) composent la chaîne la plus orientale des monts Apalaches ou Alléghanys, et s’étendent du S.-O. au N.-E., depuis la source du grand Cataiyba, dans la Caroline du Nord, jusqu’à la moitié du cours de la Delaware, c’est-à-dire sur la Virginie, le Maryland et la Pensylvanie ; le point culminant est à Otterpik, 1,300 m. Il Les montagnes Bleues de l’Australie s’élèvent à l’extrémité occidentale de la plaine de Sidney, qu’elles séparent.du plateau de Bathurst, et forment une chaîne, élevée d’environ 1,000 m., très-escarpée et traversée par deux routes : le défilé du Mont-York, découvert en 1813, et celui de Bell au N., ainsi nommé du nom de celui qui le découvrit en 1822. Il Dans la lamaïque, la chaîne qui porte ce nom traverse l’île de l’E. À l’O., et ses sommets les plus élevés ne dépassent pas 2,000 m.

BLEUET s. m. (bleu-è — rad. bleu). Ornith. Nom vulgaire du martin-pêcheur d’Europe, oiseau de couleur bleue.

— Bot. V. bluet.

bleuette s. f. (bleu-è-te — rad. bleu). Syn. peu usité de bluette.

— Comm. Bleuette du Rhin, Laine allemande, de qualité inférieure.

bleueur s. m. (bleu-eur— rad. bleu). Techn. Ouvrier qui trempe la pointe des aiguilles, et lui fait prendre une teinte bleuâtre.

bleui, ie (bleu-i) part. pass. du v. Bleuir. Devenu, rendu bleu : Ses livres.

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étaient bleuies par le froid. (E. Sue.) Jeanne, assise sur son lit, les joues bleuies et les yeux étincelants, caressait son chien. (G. Sand.) Un froid et blanc rayon de jour pénétrait dans l’antre et glissait sur les dalles bleuies. (V. Hugo.) Tout le monde a remarqué combien les montagnes éloignées sont bleuies par l’interposition de l’air. .(Babinet.)

BLEUINE s. f. (bleu-i-ne-rad. bleu). Techn. Substance colorante artificielle, découverte en 18G0 par les chimistes français Girard et Delaire, et qui sert pour la teinture en bleu. On l’obtient en chauffant, pendant plusieurs heures, et à une température de 150° à 155», un mélange de fuchsine (4 parties) et d’anifine (l à 1/2 partie), et purifiant le produit de l’opération des principes étrangers qu’il renferme, au moyen de lavages et d’ébullitions successifs, avec l’acide chlorhydrique.

BLEUIR v. a. ou tr. (bleu-ir — rad. bleu). Rendre bleu : Vous rougirez la première de votre laid carnaval, dont le froid bleuit les. joues. (Balz.)

— Techn. Bleuir un métal, Le chauffer jusqu’à ce qu’il ait pris une couleur bleue : Les doreurs bleuissent leurs ouvrages d’acier avant d’y appliquer les feuilles d’or ou d’argent.

— v. n. ou intr. Devenir bleu : Quelle que soit la quantité d’eau employée pour délayer

la gomme adragante vermiculée, il en reste toujours environ la moitié qui ne se dissout pas, et qui bleuit fortement par l’iode. (A. Mangin.) La journée avait été orageuse, et de grands éclairs faisaient, par intervalles, bleuir la verdure des marronniers. (G. Sand.)

L’œil embrasse au matin l’horizon qu’il domine, Et regarde, à travers les branches de noyer. Les bois lointains bleuir et la plaine ondoyer.

Lamartine.

— Apparaître "dans le lointain, en parlant d’un objet de couleur bleue : À ma gauche, derrière une colline sombre, l’orient bleuissait vaguement. (V. Hugo.) Dans le lointain bleuit l’archipel de Vile des Princes. (Th. Gaut.)

Loin des cités, l’auberge et l’atelier des crimes. Tu regardes, couché sous les grands lauriers verts, Des Alpes tout iù-bas bleuir les hautes cimes. Théophile Gautier.

Se bleuir v. pron. Se mettre du bleu : Se bleuir en touchant de l’indigo.

BLEÙ1SSAGE s. m. (bleu-i-sa-je — rad. bleuir). Techn. Action de bleuir et résultat de cette action : Le bleuiSsaqe de l’acier.

BLEUISSANT (bleu-i-san) part. prés, du v. Bleuir : Cet acide, bleuissant au contact de l’air, doit être conservé dans un flacon bien bouché’. Leurs paniers leur coupent les bras, qui se gonflent en bleuissant. (Champfléury.) L’éloignement, bleuissant les objets, rend gracieuses les choses les plus tristes. (G. Sand.) Mais au sud monte bleuissant le cap de Circé, avec sa lointaine chapelle dédiée à la Vierge de la Garde. (Ad. Meyér.)

BLEUISSANT, ANTE adj. (bleu-i-san, an-te — rad. bleuir). Qui bleuit, qui prend une nuance bleue : On pouvait déjà voir l’horizon bleuissant. Le lecteur ne se prenait qu’à un hameçon amorcé d’un petit cadavre déjà bleuissant.’ (Th. Gaut.)

bleuissement s. m. (bleu-i-se-man-rad. bleuir). Passage d’une couleur à la couleur bleue. » Peu usité.

BLEUISSOIR s. m. (bleu-i-soir — rad. bleuir). Techn. Outil qui sert à faire prendre la couleur bleue à l’acier : Passer un ressort

au BLEUISSOIR.

BLEULAND (Jan ou Janus), médecin hollandais, né à Utrecht vers le milieu du xvme siècle. Il professa l’anatomie, la chirurgie et l’obstétrique à Harderwyck et à Leyde, et publia en latin plusieurs ouvrages, notamment : De difficile aut impedita alimentorum depuisione (1780)  ; De sana et morbosa œsophagi structura (1785) ; Icon hepatis fœtus octimestris (1789).

BLEU-MANTEAU s. m. Ornith. Nom vulgaire du goéland à manteau gris ou larus

vert.

BLEU-PRUSSIATE S. m. (de bleu ev prussiate). Techn. Toute couleur bleue obtenue avec le bleu de Prusse. Les bleus-prussiates sont produits directement par voie chimique sur la laine, la soie et le coton. Le bleu Raymond, le bleu Marie - Louise, le bleu de France, etc., sont des bleus-prussiates.

BLEUS. V. BLANCS ET BLEUS.

BLEUS ET LES VERTS (les), en lat. Veneti et Prasini. On appelait ainsi, à Constantinople, . deux factions auxquelles avait donné naissance la couleur des vêtements des conducteurs de chars dans le Cirque. Bornées d’abord à l’intérêt qu’elles prenaient au triomphe des cochers bleus ou des cochers verts, ces factions devinrent bientôt politiques. Justinien s’étant déclaré pour les premiers, en 538, il en résulta une sédition formidable, excitée par les Verts, qui, s’appuyant sur le mécontentement causé dans le peuple par les exactions de Jean, préfet du prétoire, et du questeur Tribonius, proclamèrent Hypatius empereur et assiégèrent Justinien dans son palais. Bélisaire et Mundus, préfet d’Illyrie, assurèrent son triomphe par le massacre de trente mille des séditieux. Hypatius fut décapité, et son cadavre jeté dans le Bosphore.

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BLEUTÉ, ÉE adj. (bleu-té — rad. bleu). Néol. Légèrement coloré en bleu : Des besicles bleutées. C’est le plus frais épanouissement de tons blancs, roses, bleutés blonds, transparents. (Th. Gaut.)

BLEU-VERT s. m. (bleu-vèr). Ornith. Nom vulgaire du guêpier à croupion bleu. ’ blève s. f. (blè-ve). Ancienne forme du mot BLÉ.

BLEV1LLE (Jean-Baptiste-Thomas), économiste français, né en 1692 à Abbeville, mort en 1783. Ses principaux ouvrages sont : le Banquier ou la Pratique des lettres de change, etc. (1724) ; Traité des banques (1754) ; Traité des changes et comptes faits (1754) ; le Banquier et négociant universel (1760, 2 vol. in-4o).

BLey-Fahlerz s. m. (blé-ï-fà-lèrz). Miner. Sulfure d’antimoine, de plomb, de cuivre et de fer.

BLEYMAKD. V. Blaymard.

bliaud s. m. (bli-6). Sorte de blousé en usage au moyen âge, et commune aux deux sexes.

BLIAUX s. m. (bli-ô). Robe, justaucorps, manteau, il Vieux mot.

BLICHER (Steen, Steensen), un des plus célèbres poètes nationaux du Danemark, né dans le Jutland, en 1782, mort en 1848. Après avoir terminé ses études à l’université de Copenhague, il occupa pendant deux ans l’emploi- de précepteur dans une famille de l’île de Fjilster. Cette circonstance eut une grande influence sur Sa vie. L’exercice de la chasse, auquel il se livra avec ardeur dans ce pays giboyeux, lui procura, en même temps que des émotions, une foule d’aventures qu’il décrivit plus tard ; il put ensuite, à la faveur de la solitude dont il jouissait, faire une étude assidue des poètes, se familiariser avec leur langue harmonieuse et se nourrir de leur génie. Ossian, surtout, avait pour lui un charme inexprimable. À son retour à Copenhague, V. en publia une traduction danoise, qui n’a pas encore été surpassée. Vivant dans la capitale au milieu des livres et des bibliothèques, suivant les cours de théologie, sans abandonner ses études de prédilection, auxquelles il joignit celle de la langue anglaise, il y fut surpris, en 1807, par le bombardement qui détruisit tout ce qu’il possédait. Il retourna alors dans sa famille, où il vécut^quelque temps ; puis, après avoir exercé les fonctions de vicaire, dans une.paroisse du Jutland, il fut enfin, en 1819, nommé pasteur. Sa vie, dès ce moment, ne fut plus qu’une suite de vicissitu"des douloureuses. Prêtre sans vocation, il remplit sans goût les devoirs de son état. Il se maria, devint père de onze enfants, et eut, dans une situation voisine de la misère, la douleur de trouver dans sa compagne une épouse infidèle. Ses chagrins domestiques, sa santé délabrée, ses dettes, tout contribua à le faire tomber dans une sorte de sauvagerie. U lui arrivait souvent d’errer longtemps au hasard à travers les régions incultes et solitaires du Jutland. C’est alors qu’il commença à composer des romans et des nouvelles, qui devaient lui mériter le surnom de Walter Scott danois. Vers la fin de sa vie, il adhéra avec passion aux idées, alors très-populaires, de l’union politique des Scandinaves et parcourût dans ce but la Suède et le Danemark en faisant de la propagande par ses éloquentes improvisations. Il finit par perdre presque entièrement ses facultés intellectuelles, et mourut au milieu des rigueurs de cette triste destinée, le 26 mars 1848. Blicher était déjà d’un âge avancé lorsqu’il aborda la carrière poétique, et les obstacles contre lesquels il eut à lutter n’ont pas été étrangers, sans doute, à ce caractère sombre, grave et élégiaque qui distingue ses poésies. Publiant ses œuvres dans une province éloignée, il eut d’abord beaucoup de peine à se faire connaître. L’attention ne se porta guère sur lui qu’en 1827, grâce a un journal mensuel fondé à Banders, sous le titre de : la Lumière du Nord, dans lequel il publia un grand nombre de chants et de récits nationaux d’un éclat incomparable. Mais sa réputation grandit vite à l’apparition de son Recueil de nouvelles (1833-1836, 5 vol.), recueil qui fut aussitôt dans toutes les mains. Puis vinrent son Recueil de poésies (1835-1836, 2 vol.) ; ses Poèmes en dialecte jutlandais (1842-1854), ouvrage resté jusqu’ici sans rival ; enfin des récits de voyages en Suède et dans les duchés, parmi lesquels le Profil occidental de la presqu’île cimbrique eut un succès considérable. Blicher est le poète par excellence de la vie nationale. Avec quelle vérité, quelle profondeur, et en même temps avec quelle grâce, quelle fraîcheur, quel sentiment naturel et simple il peint les landes, les prairies, la mer, les vastes et anciens domaines, tout ce qui se rattache à la vie des champs, au foyer domestique ! C’est dans le Jutland qu’il se plaît de préférence, et il l’avait étudié avec amour dans ses excursions de voyages et dans ses chasses. Sa langue est demeurée classique. Ses poésies, cependant, de même que ses nouvelles, sont loin d’être toutes d’une perfection égale. On y rencontre parfois de l’embarras, de la lourdeur, un plan mal conçu, une trame brisée. Pouvait-il en être autrement au milieu de cette détresse implacable qui a désolé sa vie ?

BLIDAH, ville d’Algérie, prov. et à 50 kil. S. d’Alger, au pied du petit Atlas, et sur la Msière méridionale de la fertile et fameuse