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de la princesse fut profondément blessé par cette mort. (Boss.)

Par de pareils objets les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées.

Molière.

11 Affligé, piqué, offensé, outragé : Être blessé dans ses affections. Être blessé dans son honneur, dans sa dignité. Une envie basse est blessée de la prospérité d’autrui. (Mass.) Lorsque l’honneur est blessé mortellement, on ne doit songer à garder aucune mesure. (Mol.) Une femme laide est blessée par le seul aspect d’une belle femme. (Balz.)

D’une vive douleur elle paraît blessée.

Corneille.

Seul d’un honteux affront notre frère blessé A-t-il droit de venger fiûn amour offensé.

Bacise.

— Atteint de quelque folie t de quelque manie : Avoir le cerveau blesse. Sur cet article, leur imagination est blessée comme celle de Pascal, qui voyait continuellement un précipice auprès de son fauteuil. (Volt.)

Monsieur, ce galant homme a le cerveau blessé.

Molière.

Jadis certain bigot, d’ailleurs homme sensé. D’un mal assez bizarre eut le cerveau blessé.

Boileau.

— Substantiv, Personne qui a reçu une ou plusieurs blessures : Soigner ’ les blessés. Donner des secours aux blessés. Les blessés étaient emportés dans des litières, et ceux qu’on ne pouvait enlever étaient recouverts d’un peu de terreet devenaient d’ordinaire la proie des loups. (Suger.) Lés malades et les blessés manquent de force. (Fén :) Un blessé entend la raison mieux qu’un homme bien portant. (Scribe.) Les Anglais comptaient onse cents morts ou blessés, sur cinq mille qui avaient débarqué. (Thiers.)

— Fig. Personne dont l’âme a reçu quelque atteinte : Le.premier soir de l’inauguration de notre tendresse, je n’avais point l’air d’un blessé de l’amour. (H. Castille.)

— Encycl. Chir. Le sens du mot blessé, pris substantivement, est au moins aussi vague que celui du mot blessure. Dans le langage vulgaire, on réserve souvent cette dénomination à ceux qui portent des plaies provenant de violences extérieures : en médecine légale, en jurisprudence et en hygiène publique, le blessé est un individu qui s’est trouvé victime accidentellement, non-seulement de plaie, mais de contusion, de fracture, luxation, brûlure, etc. ; dans les ambulances militaires, ce sont ceux que Je combat a mis hors d’état de porter les armes pendant un temps plus ou mojns long ; dans les hôpitaux, on désigne sous le nom de blessés tous ceux qu’une affection chirurgicale retient dans les salles, par opposition aux malades qui sont atteints d’affections internes, ou du moins du domaine de la pathologie interne. Les femmes, pendant la période menstruelle, sont dites blessées, et les individus atteints de hernies se désignent de même dans le langage vulgaire.

Nous ne mentionnerons dans cet article que ce. qui se rapporte aux soins dont les blessés sont ou doivent être l’objet, nous réservant de nous étendre davantage a propos des blessures. Trois points priacipaux appelleront notre attention : i» Les secours à donner aux blessés en cas d’accident survenu sur la voie publique, ou, tout an moins, en l’absence d’un homme de l’art ; 2° le transport des blessés ; 3° la disposition à donner aux lits qui doivent recevoir les blessés.

1" Soins et secours à donner aux blessés. Nous conformant à la marche que nous avons cru devoir suivre à propos 3e l’asphyxie, nous ne pouvons mieux faire que de rapporter ici, en l’abrégeant, VInstruction du conseil de salubrité sur les secours à donner aux blessés, publiée par le préfet de police pour le département de la Seine, le 17 septembre 1850, et qui peut recevoir partout une utile application. « Lorsqu’une personne est trouvée blessée, sur la voie publique, les premiers secours a lui donner, en attendant l’arrivée de l’homme de l’art, qu’il faut toujours appeler immédiatement, sont : ï» dans tous les cas, relever le blessé et le faire porter, avec les précautions nécessaires, dans le lieu où il pourra recevoir les secours ; 2° en cas de plaie, si le médecin tarde à arriver, découvrir la blessure et la laver avec une éponge ouun linge imbibé d’eau fraîche ; 3" s’il n’y a qu’une simple coupure, rapprocher et réunir les bords de la plaie à l’aide d’un taffetas adhésif tel que le taffetas d’Angleterre, ou à l’aide de bandelettes de sparadrap : 4° en cas de bosse ou contusion, appliquer des compresses d’eau blanche (20 gouttes d’extrait de Saturne pour un verre d’eau), ou d’eau fortement salée ; envelopper la partie lésée d’un mouchoir ou d’un bandage modérément serré, et arroser fréquemment les compresses ; 5° s’il y a hémorragie ou perte de sang abondante, on cherchera à arrêter cet écoulement en appliquant des compresses d’amadou ou des gâteaux de charpie, soutenus au moyen d’un mouchoir, de la main, ou de quelque bandage qui comprime suffisamment et sans exagération. Si le sang s’échappe par un jet rouge, saccadé, vermeil, ce qui indique la lésion d’une artère, on comprimera assez, fortement sur le point lésé ann d’empêcher tout écoulement, surtout si le blessé est pâle, abattu, défaillant. Cette compression s’exerce à l’aide de la main ou d’un tampon d’amadou, de charpie, de linge, etc., maintenu par un

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bandage plus serré, sans cependant étrangler le membre ; 6» si le blessé crache ou vomit du sang, il faut le placer sur le dos ou sur le côté correspondant a la blessure, la tête et la poitrine élevées, doucement soutenues, et lui faire prendre par petites gorgées de l’eau fraîche. On pourra encore appliquer des com Presses froides sur la poitrine et le creux de estomac ; 7" dans les cas de brûlure, il faut conserver et replacer avec le plus grand soin les parties d’épiderme-soulevées, ou en partie arrachées. On percera les cloches ou ampoules avec une épingle et l’on en fera sortir. le liquide. On couvrira ensuite la partie brûlée d’un linge fin enduit de cérat ou trempé dans l’huile d’amandes douces, et l’on placera par-dessus des compresses imbibées d’eau fraîche, que l’on arrosera fréquemment ; 8» dans les cas de foulure ou d entorse, il faut plonger, s’il est possible, la partie blessée dans un vase rempli d’eau fraîche, et l’y maintenir pendant très-longtemps, en renouvelant l’eau à mesure qu’elle s’échauffe. Si la partie lésée ne peut être plongée dans l’eau, on la recouvrira de compresses imbibées du liquide, et on arrosera continuellement pour entretenir la fraîcheur ; 9" dans les cas de luxations ou de déboîtement, il faut éviter de faire exécuter au membre blessé le moindre mouvement brusque ou étendu. On se contentera de placer le membre dans la position la plus supportable pour le malade, en attendant l’arrivée du médecin ; 10° dans les cas de fracture, on prendra les mêmes précautions de ne pas imprimer au membre blessé un mouvement Drusque et violent. Si c’est au bras ou à l’avant-bras que siège la lésion ; on rapprochera doucement le membre supérieur du corps et on le soutiendra, légèrement plié, à l’aide d’une écharpe. Si la fracture existe a la cuisse où à la jambe, on placera le blessé sur un lit ou sur le brancard, le membre malade appuyé sur un oreiller, et, & l’aide de quelques liens modérément serrés, on fixera 1 oreiller au membre fracturé. Dans d’autres cas, on pourra, à l’aide de mouchoirs, lier ensemble le membre sain et le membre malade, de manière à soutenir l’un par l’autre ; en tous cas, on soutiendra le pied de manière à éviter son renversement en dedans ou en dehors ; 11° dans les cas de syncope ou de perte de connaissance, il faut d’abord desserrer le cou et ouvrir les vêtements et tout ce qui peut gêner les mouvements de la poitrine ou du ventre. On couchera ensuite le blessé horizontalement, la tête peu élevée, et on s’efforcera de le ranimer au moyen d’aspersions d’eau fraîche sur le visage, et en tamponnant les tempes et les joues au voisinage du nez avec du vinaigre. On pourra passer un flacon d’ammoniaque sous les narines, sans l’y laisser séjourner ; on frictionnera la région du cœur avec l’alcool camphré ou tout autre liquide spiritueux. Si le malade a perdu beaucoup de sang et s’il est froid, il faut pratiquer sur tout le corps des frictions avec la flafielle, le couvrir avec soin et réchauffer son lit. ïl ne faut pas perdre de vue que ces soins doivent être prodigués aux blessés quelquefois pendant un temps assez long avant de les rappeler à la vie. »

Nous pensons que les prescriptions formulées dans cette instruction sont très-suffisantes et peuvent répondre à toutes les exigences, lorsqu’un accident imprévu met en présence d un blessé quelques personnes peu expérimentées, et nous sommes persuadé que l’observation rigoureuse et raisonnée de ces prescriptions rendrait d’importants services, si elles étaient connues et vulgarisées ; c’est ce qui nous a engagé à les reproduire ici.

Transport des blessés. La pratique militaire a sanctionné des règles et des habitudes qu’adopte aujourd’hui la pratique civile. Hors les cas d’urgence, toute opération doit se faire au domicile du blessé où dans un endroit où ne pourront manquer ni les soins ni les secours en cas d’accident. Il est donc nécessaire de transporter les blessés, soit à leur domicile, soit dans un hôpital ou ambulance, et ce transport doit s’effectuer avec toutes les précautions nécessaires pour ne pas aggraver la blessure par de fausses manœuvres.

Sur.les champs de bataille, les blessés sont enlevés par les ambulances volantes et portés, à l’aide de brancards, au dépôt de l’ambulance active placée derrière les lignes, à une distance qui les met à l’abri des projectiles, et cependant assez rapprochée pour que le transport soit facilement exécutable. C’est également à l’aide des brancards déposés dans les postes de secours que les blessés ramassés sur la voie publique à Paris sont portés à leur domicile ou aux hôpitaux. Lorsque les blessés doivent être amenés plus loin, comme il arrive pour les militaires blessés qu’on évacue des ambulances actives sur les réserves ou sur les hôpitaux, c’est à l’aide de voitures, de fourgons d’ambulances, de litières et de cacolets portés à dos de mulets que s’opère ce transport. Le fauteuil des blessés de Tober et les cacolets ne peuvent servir que lorsqu’il n’y a pas de blessures au tronc ou aux membres inférieurs ; en toute autre circonstance, le malade doit être transporté couché.

Les brancards sont les moyens vecteurs les plus usités. On en distingue de plusieurs sortes : le brancard de Coercke se compose d’une pièce de coutil garnie de deux coulisses, dans lesquelles on introduit deux pièces de bois que l’on maintient ensuite écar BLES

tées h l’aide d’un double crochet ; le brancard d’Assalini est une simple table de bois percée à ses angles de quatre trous pour pouvoir être portée ; le brancard de Percy se compose de deux pièces de coutil, garnies, d’un côté, d’une coulisse destinée à recevoir les bras du brancard, et de l’autre, d’un certain nombre d’oeillets recevant les lacets qui réunissent les deux pièces ; le brancard de Crichton est composé d’un cadre garni d’une sangle et suspendu à l’aide de cordes qui lui permettent d’osciller dans tous les sens ; il est porté sur les épaules à l’aide de • deux montants auxquels sont appendues les cordes ; le brancard des hôpitaux est un cadre sanglé portant quatre pieds et quatre bras ; une portion de la sangle est relevée à une extrémité et forme un plan incliné destiné à recevoir la tête du blessé.

Quel que soit le moyen de transport adopté, le blessé sera toujours porté avec précaution, la tête plus élevée que le corps et bien couché sur le dos ou le côté. Les montées et les descentes demandent une disposition telle, que le brancard reste horizontal entre les mains des brancardiers. Si le blessé est gravement malade, il peut être nécessaire de le faire reposer de temps en temps ou de le soutenir par l’administration de quelques cordiaux. S’il survient en route un accident qui demande de prompts secours, ’le brancard devra s’arrêter jusqu’à ce que le 6/essé ait pu les recevoir.

Lit de blessés. La nature de certaines blessures exige très-souvent que le blessé soit couché sur un lit spécial et qui permette do lui donner tous les soins médicaux et tous les soins de propreté que réclame son état. Il est certain que ces sortes de lits, compliqués et d’un prix élevé, ne sont pas a la disposition de tous les blessés, surtout dans les campagnes éloignées ; mais il suffit cependant de se rendre compte de leur mode de construction, pour réussir à les imiter plus ou moins parfaitement. C’est cette considération qui nous a décidé a en dire un mot dans cet article.

Tout blessé qui ne peut pas être remué sans éprouver de vives douleurs, tous ceux qui sont atteints de fractures du tronc et qui doivent, pour arriver à une prompte guérison, conserver l’immobilité la plus parfaite, tous ceux enfin qui sont atteints d’infirmités qui les mettent dans l’impossibilité de se mouvoir pendant un temps fort long, et qui cependant appellent des soins de propreté de tous les instants, seront placés sur un lit de blessé dont la construction se rapprochera plus ou moins de ceux que nous allons succinctement décrire.

Le lit de Dunjon est un coutil percé au niveau du siège d’une ouverture circulaire de six à huit pouces de diamètre ; ce coutil est fixé sur un cadre de bois que supportent quatre cordes ; ces cordes s’enroulent sur deux treuils a manivelle supportés par un échafaudage. Le malade repose sur le coutil, ou sur un matelas troué placé sur le coutil ; au-dessous est une literie ordinaire. Lorsque le malade demande a être changé ou à satisfaire ses besoins, on fait agir les manivelles qui le suspendent au-dessus du Ht, et on peut lui donner les soins qu’il réclame. On peut substituer au matelas ordinaire le matelas d’eau d’Arnott, en caoutchouc, pour les malades qui salissent trop fréquemment leur literie. Enfin, au lit précédent on peut substituer celui-ci : deux matelas sont repliés en deux et laissent entre eux un intervalle que remplit une boule à air en caoutchouc ; une plaque de caoutchouc percée d’un trou repose sur cette boule et le blessé est placé sur ce lit, le siège correspondant à l’intervalle des deux matelas. En cas de nécessité, rien n’est plus facile que de retirer la boule à air qui comble l’anfractuosité et de nettoyer le siège du malade,

— Chir. milit. En général, on nomme blessé tout soldat atteint un jour de bataille par les coups de l’ennemi ; en terme d’hôpital, un soldat ayant une maladie chirurgicale, survenue tout à coup. Son billet d’hôpital est timbré du mot blessé, ce qui le met dans une catégorie spéciale, différente de celles des fiévreux et des vénériens.

Dès l’origine, on a perfectionné à la guerre les moyens offensifs et aéfensifs, mais peu les moyens de secours. Pourtant, on peut certainement dire avec Odier que le respect des morts et les soins des mourants sont, pour les vivants, des causes incroyables de valeur et de dévouement.» (Cours d’administration.) Bien plus, l’histoire est pleine de ces mots de blesses vaillants, que la souffrance n’affaiblit pas ; de ces mots étonnants qui frappent d’autant plus l’imagination et exaltent plus le courage, que l’état de celui qui les prononce est Quelquefois désespéré. Je citerai ce chasseur, ont le nom mériterait d’être connu, auquel un boulet autrichien emporta le bras au combat de Binche (20 avril 1794) : « Canonniers, s’écria-t-il, mettez ce bras dans la bouche du canon, et envoyez-le aux Autrichiens, pour qu’il les frappe encore une fois. »

Les Athéniens emportaient les blessés sur des lances croisées ; les Spartiates, sur leuirsboucliers ; les Celtes, sur la croupe de leur cheval ; les Francs, sur leurs pavois, comme un véritable trophée j les Romains, dans leurs bras, comme un dépôt précieux : un peu plus. tard, le préfet du camp fut chargé de surveil BLES

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1er le transport des hommes tombés dans la bataille, et il avait sous ses ordres des soldats choisis dans les cohortes. À côté de ce respect antique et de ces pieux soins, on voit les bouges, les coutelas, les mails, les masses, les miséricordes, etc., dont la destination principale était le massacre des blessés, qu’on dépouillait alors plus facilement. On peut lire les ordonnances de Jean V, duc de Bretagne, à la date de 1425, qui arment l’infanterie d une bouge. Un prince catholique, l’évêque Yangalen, forcé en 1672 de lever le siège de G-roningue, n’hésite pas à faire égorger sous ses yeux tous les blessés qu’il abandonnait sur le champ de bataille, cruauté bien inutile et indigne d’un chrétien. Ne pouvant prendre Perpignan (1473), une armée de Louis XI mit le feu au camp, et, dit Barante a livra aux flammes une quantité de pauvres malades et blessés, n’ayant nul moyen de les emmener. > Et, s’il faut en croire M. Ballyet (1817) parlant dé la guerre de Russie, combien ne devrions-nous pas être étonnés en lisant ce passage : « Avant tout, on voulait du canon ; on eut de l’artillerie, mais point d’ambulances. Nos blessés, abandonnés sur les routes après la victoire, envièrent le sort des vaincus recueillis par leur arrière-garde. » Le général de Ségur raconte, ce qui n’a besoin d’aucun commentaire, qu’à Borodino, un malheureux, privé de ses deux cuisses, s’est traîné vivant, pendant cinquante jours, sur un lit deçadavres. Nous avons choisi ces faits entre mille ; mais après ces quelques paroles qui n’ont pour but que de montrer combien il était besoin d’établir un service de santé en campagne, et combien il serait peut-être besoin de le perfectionner même de nos jours, nous allons indiquer comment il a été peu à peu organisé.

Avant Henri IV, les armées n’avaient pas d’ambulances : c’est à ce roi populaire que revient l’honneur de les avoir créées ; Sully en fit l’essai au siège d’Amiens en 1597, siège que l’on nomma, a cause de cela, le siège de velours. Sous son règne, on secourait tous les estropiés par suite de blessures reçues dans les combats, et on ne les abandonnait pas à la charité des passants quand ils avaient été mutilés au service de la patrie. Ce prince avait l’intention de créer un signe distinctif pour eux, projet qui fut imparfaitement réalisé par la création de l’ordre de Saint-Louis.

C’est sous Louis XIII qu’on vit les premiers hôpitaux ambulants. On les plaçait trop loin du champ de bataille ; et il en fut ainsi jusqu’à la fin du siècle dernier. Percy et Larrey eurent la douleur de voir périr plusieurs de ceux qu’ils soignaient, a cause des retards occasionnés par l’éloignement de ces hôpitaux. Chacun de ces deux médecins célèbres imagina alors un système de service de santé, dont on peut voir la description dans les ouvrages de l’époque.

Pour établir un bon service de santé en campagne, il faut compter sur un nombre de blessés égal au douzième de l’armée. Ce chiffre n’a rien d’exagéré :• À la bataille de la Trebia, où il y avait 30,000 combattants environ, à peu

Frès un corps d’armée, nous avons laissé à ennemi 4,000 blessés ; àWagram, un peu plus du dixième de notre effectif ; à Eylau encore plus : un corps d’armée fut écrasé dans cette dernière bataille, et on pouvait lire sur une tombe : Les officiers du quatorzième régiment. En campagne, chaque bataillon a ses officiers de santé avec ses cantines d’ambulance ; chaque division, une ambulance divisionnaire, composée d’un personnel d’officiers de santé et d’infirmiers proportionné au nombre d’hommes dont elle est formée. Chaque division d’infanterie, dans la dernière guerre d’Italie, avait 50 officiers de santé, 17 infirmiers et 4 ou 5 caissons d’ambulance, contenant 2,000 pansements. Chaque corps d’armée possède une section d’ambulance, organisée comme pour une division. Dans certains cas, il peut avoir son personnel et le matériel pour un hôpital de 500 lits. Enfin, auprès du général en chef se trouvent les chefs du service de santé, avec des moyens proportionnés aux besoins du service, tant en personnel qu’en matériel, en pansements, médicaments, ustensiles et effets mobiliers.

Dès qu’une rencontre est prévue, le général en chef, réunit tous les chefs de service : on discute, on donne des ordres. Pour ce qui le concerne, le médecin en chef procède tout de suite à la recherche des locauxles plus convenables pour recevoir et abriter les blessés : couvent, ferme, égltse, château, caserne, en un mot tous les bâtiments qui se trouvent dans le voisinage de l’endroit ou le combat sera livré. Un drapeau rouge est placé sur le point le plus élevé de ces habitations. Il annonce à l’ennemi la présence d’un personnel d’ambulance. Cette recherche se fait souvent au milieu de l’action : dès qu’un homme est frappé dans les rangs, il se rend de lui-même, s’il le peut, dans les ambulances volantes, ou on l’y transporte au moyen de brancards. Point n’est besoin de billet d’entrée, comme pour entrer à l’hôpital en temps de paix. Tous sont reçus, admis ; tous sont soignés, secourus et nourris ; on comprend qu’aucune formalité n’est à exiger, aucune formalité n’est donc exigée. Seulement, le lendemain, les commis aux écritures se rendent avec une main-courante auprès des malades, et recueillent tous les renseignements qu’il est possible d’obtenir sur le nom, le domicile, les parents et le régiment de ceux qui sont arrivés la veille.

Les ambulances volantes, une par régiment.