Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 2, part. 3, Bj-Bo.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se retira à Lausanne. Apprenant alors que Louis XVIII avait érigé en duché la terre de Saint-Leu, et que le traité de Fontainebleau garantissait à la famille impériale une rente de 2,500,000 fr., il fit insérer une protestation dans le journal d’Aarau, et se rendit à Rome. Là il força juridiquement sa femme à lui remettre son fils aîné, et se sépara d’elle. Bien qu’il eût résisté à toutes les instances de rapprochement pendant les Cent-Jours, il fut, comme les autres membres de sa famille, frappé par la loi d’exil du 12 janvier 1816. Il se retira à Florence avec l’autorisation du grand-duc de Toscane. En 1830, il se rencontra à Bolsena avec sa femme, qui s’inquiétait, comme lui, de l’avenir de leurs enfants. La mort de son second fils, en 1831, ébranla profondément sa santé, à laquelle la captivité de son fils à Ham, après les affaires de Strasbourg et de Boulogne, porta le dernier coup. Il écrivit alors aux différents ministres de Louis-Philippe pour obtenir l’autorisation d’embrasser son fils ; mais le prince captif refusa les garanties que l’on exigeait de lui. Après l’évasion de Ham, Louis partit pour Livourne, n’ayant pas perdu tout espoir ; mais le ministère anglais refusa un passe-port à celui qui est aujourd’hui Napoléon III, et priva ainsi le roi Louis de la dernière joie qu’il se promettait. Ce fut le coup de grâce ; Louis n’y survécut pas. Frappé d’une attaque d’apoplexie le 24 juillet 1846, il s’éteignit doucement le lendemain, loin de sa patrie et de sa famille. L’année suivante son corps fut transporté à Saint-Leu.

Il avait eu de son mariage avec Hortense de Beauharnais trois fils : Napoléon-Charles, né à Paris le 10 octobre 1802, mort à La Haye le 5 mai 1806 ; Napoléon-Louis, né à Paris le 11 octobre 1804, mort à Forli le 17 mars 1831 ; Charles-Louis-Napoléon, l’empereur actuel des Français.

Philosophe, méprisant le faste, ami des lettres, ne désirant qu’une vie tranquille, Louis Bonaparte, porté au trône malgré lui, n’eut qu’une ambition, celle de régner dans le calme, en faisant le bonheur de ses sujets. Les circonstances ne permirent pas la réalisation de ces projets bienveillants pour la Hollande, et il fut aussi malheureux roi que malheureux époux. Le plus beau titre de gloire de Louis aux yeux de l’histoire, c’est de n’avoir pas hésité à lutter contre la volonté de son frère, une fois qu’il fut monté sur le trône. Devenu Hollandais de cœur, il maintint les droits de ses sujets et, par dévouement pour leurs intérêts, perdit l’affection presque paternelle que l’empereur lui avait toujours témoignée. Napoléon se souvenait de lui avoir donné des leçons ; il le regardait comme l’enfant de ses œuvres, et il ne put le voir sans une vive irritation résister à sa volonté puissante, devant laquelle se courbaient les plus puissants monarques. Louis, certain de marcher dans la voie de l’équité, refusa de suivre la route que l’empereur voulait lui tracer, et, regardant la Hollande comme un dépôt que la Providence lui avait confié par l’intermédiaire de son frère, désira rendre ce dépôt non-seulement intact, mais encore amélioré. C’était la politique d’un homme de cœur ; mais c’était moins du cœur qu’une obéissance passive que Napoléon exigeait de ses frères. Néanmoins, dans son testament, l’empereur, entraîné par son ancienne sympathie, fit passer les enfants de Louis avant ceux de Lucien et de Joseph dans l’ordre de sa succession.

Le roi Louis a laissé quelques ouvrages : Marie ou les Peines de l’amour (1808), peinture exacte des mœurs hollandaises ; des Odes en 1813 ; un Mémoire sur la versification, dans lequel il propose la substitution des vers rhythmiques aux vers rimés. Il ajoutait, comme essai : Ruth et Noémi, opéra ; Lucrèce, tragédie, et l’Avare, de Molière, mis en vers ; Histoire du parlement anglais depuis son origine jusqu’à l’an VII, avec des notes par Napoléon (1820) ; Documents historiques et réflexions sur le gouvernement de la Hollande (1820), livre que Napoléon Ier, dans son testament, a appelé « un libelle plein d’assertions fausses et de pièces falsifiées » ; Réponse à Walter Scott sur son histoire de Napoléon (1828) ; Nouveau recueil de poésies (1828) ; Observations sur l’histoire de Napoléon de M. de Norvins (1834).

Bonaparte (PORTRAITS DE LOUIS). Gérard a exécuté un portrait du roi de Hollande, en 1800 ; Cartellier a fait un buste de ce prince, en 1806, et une statue qui le représente en costume de connétable et qui a été exposée en 1810. Ces trois ouvrages ornent les galeries historiques de Versailles.


BONAPARTE (Marie-Pauline), seconde sœur de Napoléon Ier, née à Ajaccio le 20 septembre 1780, suivit en 1793 sa famille à Marseille, où le conventionnel Fréron demanda sa main, qui lui fut refusée. Le général Duphot, assassiné à Rome dans une émeute, le 29 décembre 1797, ainsi que Junot, qui en était passionnément épris, ne furent pas plus heureux. Elle aimait le général Leclerc, qu’elle épousa à Milan en 1801 ; mais leur bonheur fut de courte dorée. Le général, après avoir soumis le Portugal, fut chargé par le premier consul, l’année même de son mariage, de faire rentrer sous la domination française l’Île de Saint-Domingue, où il fut envoyé avec le titre de capitaine général. Pauline, à peine relevée de couches, s’embarqua à Brest avec son enfant et son mari, au mois de décembre. L’expédition avait été menée à bonne fin ; la conquête était presque achevée, lorsque les noirs, auxquels s’adjoignit un terrible auxiliaire, la fièvre jaune, se révoltèrent. Le général voulut faire embarquer sa femme et son fils, mais elle adressa cette noble réponse aux dames de la ville qui la pressaient de partir:« Vous pouvez pleurer, vous; vous n’êtes pas, comme moi, sœur de Bonaparte. Je ne m’embarquerai qu’avec mon mari ou je mourrai. » On voulait la sauver de force, lorsqu’un aide de camp arriva annonçant la compression de la révolte : « Je savais bien, dit-elle sans s’émouvoir, que je ne m’embarquerais pas ; retournons à la résidence. » Mais le vainqueur, atteint de la fièvre jaune, dut partir pour l’île de la Tortue, où il expira, le 2 novembre 1802, entre les bras de sa femme, qui ramena en France sa dépouille mortelle. Leur fils mourut deux ans après.

Le 28 août 1803, Napoléon maria sa sœur avec le prince Camille Borghèse, le chef d’une des plus illustres familles de Rome, mais d’une déplorable faiblesse de caractère. Cédant à des insinuations malveillantes, il ne tarda pas à se séparer de sa femme, et se retira à Florence jusqu’en juillet 1807, époque où Napoléon, après la paix de Tilsitt, l’établit à Turin avec le titre de gouverneur général des départements français au delà des Alpes. Nommée duchesse de Guastalla, Pauline, abandonnée de son mari, habita tantôt la France, tantôt l’Italie, dans un magnifique château à Neuilly, ou à la fameuse villa Borghèse, dont son époux lui avait laissé la jouissance. En 1810, la princesse Pauline, ayant manqué publiquement à l’impératrice Marie-Louise à Bruxelles, fut éloignée de la cour par son frère, encore plus affligé qu’irrité. L’abdication de Napoléon, en 1814, fit partir la princesse de Nice pour Rome, et de là pour l’Île d’Elbe, où, avec Mme  Laetitia, elle adoucit par sa présence les douleurs de l’exil de son frère. C’est à ses instances que Murat dut son pardon, et le prince Lucien sa réconciliation avec l’empereur déchu. Pendant les Cent-Jours, la princesse Pauline séjourna à Naples, puis à Rome, d’où elle envoya tous ses bijoux à l’empereur, dont les finances étaient épuisées. Ils furent trouvés à Waterloo dans une des voitures de Napoléon ; les alliés s’en emparèrent, et on ignore qui, parmi eux, se les est appropriés.

Malgré les bontés du pape, reconnaissant des soins que la princesse avait eus pour lui lors de sa captivité en France, elle se disposait à rejoindre sa famille à Paris, lorsque Napoléon, vaincu, fut relégué sur le rocher de Saint-Hélène. Elle tomba dans une maladie de langueur, qu’activa encore la nouvelle de la mort de Napoléon, que les puissances coalisées n’avaient pas voulu l’autoriser à aller soutenir de son amitié dans son triste exil. Le 9 juin 1825 elle expira à Florence entre les bras de son mari, avec lequel elle s’était réconciliée depuis sa maladie. Sa dépouille mortelle fut inhumée à Rome en l’église Sainte-Marie-Majeure, dans la chapelle de la famille Borghèse. Le prince acquitta généreusement tous les legs qu’elle avait faits à son lit de mort, sans réfléchir à l’insuffisance de sa fortune. Elle ne lui laissait point d’enfants.

La princesse Pauline se faisait remarquer par une inépuisable bienfaisance. Une partie de sa fortune passa entre les mains des malheureux ou fut employée à l’établissement de maisons de charité pour l’éducation des orphelins. Elle était passionnée pour les arts et les lettres, aimait le luxe et les plaisirs, et sa prodigalité avait tellement épuisé ses ressources que, après la chute de l’Empire, sans la bienfaisance de son mari, dont elle s’était rapprochée, elle aurait risqué de justifier les prédictions de sa mère en mourant à l’hôpital.

Sa statue a été sculptée par le célèbre Canova. Ce chef-d’œuvre est aujourd’hui la propriété de la reine d’Angleterre. Lord Gadwor en possède une copie sous la forme d’une nymphe couchée sur une peau de lion, exécutée par Canova lui-même. V. l’art. suivant.

Bonaparte Borghèse (statue en marbre de la princesse Pauline), un des chefs-d’œuvre de Canova ; villa Borghèse, à Rome. La belle Pauline Bonaparte, princesse Borghèse, sœur de Napoléon Ier, est représentée sous l’image de Vénus Victorieuse, tenant à la main la pomme d’or, prix de sa victoire. Elle est étendue sur un lit, la tête relevée. Le bras droit, dont le coude s’appuie sur deux coussins superposés, vient rejoindre le derrière de la tête par l’extrémité des doigts. La coiffure, retenue par un ruban, tient le milieu entre celle des Vénus antiques et celle des dames françaises de l’époque. Une légère draperie couvre la partie inférieure du corps, moins une des jambes, et fait valoir adroitement, par le contraste, la beauté du nu dans la partie supérieure. Le torse, délicatement modelé, a une flexibilité de forme et de contours des plus séduisantes. « Ce qu’on doit admirer dans cette statue, a dit M. Quatremère de Quincy, c’est le succès avec lequel Canova sut, grâce aussi à son modèle, produire la fidélité de la ressemblance, exigée par la nature du portrait dans la tête, et l’idéal dans le développement des formes du corps; le tout dans un tel accord que ce qu’il y a de vérité positive et de vérité imaginative, loin de se combattre, se prête un mutuel agrément. » Cette gracieuse statue, exposée pendant un certain temps au palais Borghèse, obtint un véritable triomphe et attira un concours considérable d’amateurs, tant de Rome que de l’étranger. Le jour ne suffisant pas à leur admiration, ils obtinrent de pouvoir la considérer la nuit, à la lumière des flambeaux, qui, comme l’on sait, accuse et fait découvrir les plus légères nuances du travail, et en accuse aussi les moindres négligences. On fut enfin obligé d’établir une enceinte, au moyen d’une barrière, pour protéger la belle Vénus contre la foule qui ne cessait de se presser à l’entour.


BONAPARTE (Caroline-Marie-Annonciade), troisième sœur de Napoléon, née à Ajaccio le 25 mars 1782, avait à peine onze ans, lorsqu’elle quitta la Corse pour venir habiter Marseille. Elle y resta jusqu’en 1796, époque à laquelle Mme  Lætitia vint se fixer à Paris. Napoléon, qui l’aimait tendrement, lui fit épouser l’un de ses plus braves lieutenants, Joachim Murat, le 20 janvier de l’année 1800. Successivement grande-duchesse de Berg et de Clèves et placée sur le trône de Naples le 15 juillet 1808, Caroline se montra digne de sa haute position par son intelligence, ses talents, le tact fin qu’elle montra dans les affaires. Radieuse de grâce et de beauté, douée d’un esprit cultivé, elle exerça un grand ascendant sur son époux, suppléa aux qualités qui manquaient à ce vaillant soldat pour l’exercice de la souveraineté, et tint elle-même, en qualité de régente, les rênes de l’État avec une remarquable habileté. Son avènement au trône fut signalé par des actes de justice et d’humanité. Elle fit rappeler les exilés et rendre la liberté aux condamnés politiques. Prenant une part très-active au gouvernement du royaume, pendant un règne de sept années seulement, elle réalisa à Naples d’immenses progrès, fonda des établissements utiles qui subsistent encore, protégea les sciences, les lettres et les arts, appela à la direction des affaires des hommes éminents, et veilla avec sollicitude à l’extension de l’instruction populaire. Douée d’une grande fermeté d’âme et de caractère, on la vit, après le combat naval de Milucola, pour ranimer ses sujets, se promener impassible sur le quai de la Chiaja au milieu d’une pluie de boulets anglais. Chargée en 1810 par son frère d’organiser la maison de Marie-Louise, Caroline se rendit au-devant d’elle à Braunaw, mais ne tarda pas à s’aliéner ses bonnes grâces par ses prétentions orgueilleuses. Elle regarda comme un outrage d’avoir été obligée de porter le manteau de l’impératrice aux cérémonies du mariage, et retourna à Naples mal disposée contre la cour de Paris. Aussi, en 1813, lorsque la fortune commença à se lasser de favoriser Napoléon, caressa-t-elle l’ambition de Murat, qui rêvait la couronne des rois lombards et la souveraineté de la péninsule italique, et ne s’opposa-t-elle point aux traités des 6 et 11 janvier 1814, conclus avec l’Autriche et l’Angleterre, traités qui jetaient son mari dans les rangs ennemis de la France et de son bienfaiteur. Cette ingratitude révolta d’autant plus l’opinion publique que Caroline abandonnait son frère, elle qui n’avait eu qu’à se louer de lui, et cela au moment des revers, lorsque les membres de sa famille qui avaient eu le plus à se plaindre de son despotisme se rapprochaient de lui spontanément. Aussi Madame mère irritée ne voulait plus la voir et l’écrasa de ces énergiques et généreuses paroles:« Vous avez trahi votre bienfaiteur, votre frère ; il aurait fallu que votre mari passât sur votre cadavre avant d’arriver à une félonie pareille. » Joseph Bonaparte prétendit même que, chargée par le général Miollis d’une somme considérable pour l’empereur captif à l’île d’Elbe, elle négligea de la lui faire passer.

La défection de l’ancien volontaire de 1792 ne sauva pas son trône. Murat parut néanmoins revenir à de plus nobles sentiments; en 1815, il voulut seconder le retour de l’empereur, mais il fut battu et forcé de se réfugier en France. L’énergie de Caroline ne l’abandonna pas dans les péripéties de cette catastrophe. Victime de la trahison à son tour, menacée par les lazzaroni, dont elle essayait de réprimer les violences, et par les partisans de Ferdinand IV, elle stipula, avant de partir, avec le commodore Campbell, chef de la flotte anglaise, la conservation des propriétés de ses anciens sujets, et ne s’occupa de ses intérêts personnels qu’après avoir obtenu des garanties pour les intérêts du pays. Elle s’embarqua sur le Tremendous, vaisseau anglais, qui salua de vingt et un coups de canon le retour de Ferdinand. Au mépris de la capitulation, elle fut dépouillée de ses propriétés et emmenée prisonnière à Trieste avec ses quatre enfants, qu’elle avait été chercher à Gaëte. On lui permit de se fixer au château de Haimbourg, près de Vienne, où elle apprit par un journal la fin tragique de son malheureux époux, fusillé au château de Pizzo. Elle obtint plus tard l’autorisation d’habiter près de sa sœur Élisa, à Trieste, avec le titre de comtesse de Lipona, anagramme de Napoli, nom italien de Naples. Là elle éleva ses enfants avec peine, n’ayant plus aucune fortune, et épousa secrètement le général Macdonald, ancien ministre de son mari. En 1830, Madame mère étant tombée malade à Rome, la princesse Caroline alla la soigner, puis retourna à Trieste. Après la révolution de Juillet, ses deux fils, Achille et Lucien, se réfugièrent aux États-Unis, où ils embrassèrent la profession d’avocat, et elle revint en Italie, auprès de ses deux filles, la marquise de Pepoli et la comtesse de Rosponi. Caroline fit un voyage à Paris pour réclamer une indemnité au sujet de l’Élysée-Bourbon et du château de Neuilly, dont Murat avait été dépossédé par l’empereur sans compensation. Les chambres lui votèrent, le 2 juin 1838, une pension viagère de cent mille francs, dont elle ne jouit pas longtemps, car, à son retour de Paris, elle mourut à Florence d’un cancer à l’estomac, le 18 mai 1839, entre les bras de la comtesse de Rosponi et de Jérôme Bonaparte,

Née avec une tête forte, un esprit souple et délié, de la grâce, de l’amabilité, séduisante au delà de toute expression, il ne lui manquait que de savoir cacher son amour pour la domination. « C’était, dit M. de Talleyrand, la tête de Cromwell sur le corps d’une jolie femme. »

La princesse Caroline avait eu de son mariage avec Murat quatre enfants : 1° Napoléon-Achille-Charles-Louis Murat ; 2° Lætitia-Josèphe, née le 25 avril 1802, mariée au marquis de Pepoli à Bologne ; 3° Lucien-Charles-Joseph-François-Napoléon Murat; 4° Louise-Julie-Caroline, née le 22 mars 1805, mariée au comte de Rosponi, à Ravenne.


BONAPARTE (Jérôme), le plus jeune des frères de Napoléon Ier, né à Ajaccio le 15 novembre 1784, était âgé de huit ans, lorsque sa famille se réfugia en France pour échapper à la proscription dont Paoli frappait tous les notables habitants de la Corse qui s’étaient prononcés contre le parti anglais. Il venait à peine d’achever ses études au collège de Juilly, lorsque, après le 18 brumaire, Napoléon le fit entrer comme simple soldat dans les chasseurs à cheval de la garde consulaire. À la suite d’une campagne à l’île d’Elbe, qui plus tard devait servir de prison à son illustre frère, il fut nommé, le 29 novembre 1800, aspirant de seconde classe à bord du vaisseau l’Indivisible, sur lequel il prit part à la capture du Swiftsure dans la Méditerranée. Le février 1802, il assista à la prise de Port-au-Prince en qualité d’aspirant de première classe. Nommé un mois après enseigne de vaisseau, il fut chargé d’une mission auprès du premier consul par Villaret-Joyeuse, et ne rejoignit la flotte qu’à l’automne de 1802. Commandant alors le brick l’Épervier avec le grade de lieutenant de vaisseau, Jérôme, après avoir relevé les atterrissements de Sainte-Lucie, la Guadeloupe, la Martinique et la Dominique, conformément aux instructions de son frère, voyant que le chemin direct vers la France lui était fermé par les croisières anglaises, tenta le retour par les États-Unis, et réussit à aborder le 20 août à Norfolk, l’un des ports de la Virginie. Il visita Washington et Boston, où il recueillit de nombreux témoignages de sympathie, et fut reçu par le président des États-Unis, Jefferson. C’est alors qu’une vive passion lui fit braver tous les obstacles pour épouser miss Elisa Paterson, fille d’un riche négociant de Baltimore ; le mariage eut lieu le 24 décembre 1803, et Bonaparte résida aux États-Unis jusqu’en 1805. Napoléon refusa de reconnaître ce mariage, accompli malgré les réclamations de M. Pichon, consul de France ; Madame mère protesta à son tour par acte notarié, et un décret impérial du 2 mars 1805 interdit à tous les officiers de l’état civil de recevoir sur leurs registres la transcription de l’acte de célébration de ce mariage contracté par un mineur en pays étranger, sans le consentement des parents et sans publication dans le lieu du domicile de l’époux. Un nouveau décret du 21 du même mois déclara cette union nulle et les enfants qui en sortiraient illégitimes. Aussi lorsque, après la mort du prince Jérôme en 1861, Jérôme Bonaparte, issu de son mariage avec Mlle  Paterson, réclama sa légitimation et une partie de la succession paternelle, fut-il débouté de sa demande par le conseil de famille impérial, le tribunal de première instance de la Seine et la Cour impériale de Paris qui maintinrent la nullité du mariage. Elle fut confirmée par une sentence de l’officialité métropolitaine de Paris, le 6 octobre 1866. Le 8 avril 1805, entrait en rade à Lisbonne le navire qui ramenait en France les deux époux. Jérôme se dirigea vers Turin, et de là sur Alexandrie, où le 6 mai il eut une entrevue avec son frère, qui le courba sous sa puissante volonté. Pendant ce temps, Mlle  Paterson, amenée à Amsterdam, et se voyant interdire la permission de débarquer, se décidait à gagner l’Angleterre, où elle accoucha un mois après d’un fils inscrit sous la nom de Jérôme Bonaparte. Après son départ, l’empereur ne garda pas rancune à son frère, et, le 18 mai 1805, quoique simple lieutenant de vaisseau, Jérôme reçut le commandement d’une escadre composée de la Pomone, des bricks le Cyclope et l’Endymion, et de deux frégates de quarante-quatre canons, l’Uranie et l’Incorruptible. Après avoir croisé quelques jours devant Gênes, Jérôme, par sa fermeté et ses menaces, força le dey d’Alger à rendre à la liberté plus de deux cents prisonniers français et génois, qu’il ramena à Gênes en passant habilement au milieu des croisières anglaises. La récompense de cet exploit fut le grade de capitaine de vaisseau et le commandement en second de huit vaisseaux de ligne sous les ordres de l’amiral Willaumez, chargé de ravitailler nos ports des Antilles. Si l’élévation de sa position paraissait en désaccord avec sa jeunesse, du moins Jérôme justifia-t-il ce que son avancement présentait d’irrégulier. Il se montra toujours plutôt au-dessus