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par Salicetti et Albitte d’examiner les papiers saisis, et il le fit avec une bonne grâce et une loyauté dont Napoléon a toujours conservé la plus vive reconnaissance.

Bonaparte, dans les premiers moments de sa détention, fut mis au secret au fort Carré d’Antibes ; mais le secret fut levé peu après son emprisonnement, et Junot, son aide de camp, ayant été admis à le voir, il lui dicta, pour les représentants qui l’avaient fait arrêter, une lettre dans laquelle il rappelle d’abord ses services et ses titres à la confiance des républicains, et où il procède presque d’un bout à l’autre par interrogations et par apostrophes. Il y dit :

« Vous m’avez suspendu de mes fonctions, arrêté et déclaré suspect.

« Me voilà flétri sans avoir été jugé, ou bien jugé sans avoir été entendu.

« Dans un état révolutionnaire, il y a deux classes : les suspects et les patriotes.

« Lorsque les premiers sont accusés, ils sont traités, par forme de sûreté, de mesures générales.

« L’oppression de la seconde classe est l’ébranlement de la liberté publique ; le magistrat ne peut condamner qu’après les plus mûres informations, et que par une succession de faits.

« Déclarer un patriote suspect, c’est an jugement qui lui arrache ce qu’il a de plus précieux : la confiance et l’estime.

« Dans quelle classe veut-on me placer ?

« Depuis l’origine de la Révolution, n’ai-je pas toujours été attaché aux principes ?

« Ne m’a-t-on pas toujours vu dans la lutte, soit comme citoyen contre les ennemis intérieurs, soit comme militaire contre les étrangers ?

« J’ai sacrifié le séjour de mon département ; j’ai abandonné mes biens ; j’ai tout perdu pour la République.

« Depuis, j’ai servi sous Toulon avec quelque distinction, et j’ai mérité à l’armée d’Italie une part des lauriers qu’elle a acquis à la prise de Saorgio, d’Oneille et de Tanaro.

« À la découverte de la conspiration de Robespierre, ma conduite est celle d’un homme accoutumé à ne voir que les principes.

« On ne peut donc me contester le titre de patriote,

« Pourquoi donc me déclare-t-on suspect sans m’entendre ? m’arrête-t-on huit jours après que l’on avait la nouvelle de la mort du tyran ?

« On me déclare suspect, et l’on met les scellés sur mes papiers.

« On devait faire l’inverse : mettre les scellés sur mes papiers, m’entendre, me demander des éclaircissements et ensuite me déclarer suspect, s’il y avait lieu.

« On veut que j’aille à Paris avec un arrêté qui me déclare suspect ; on doit supposer que les représentants ne l’ont fait qu’en conséquence d’une information, et l’on ne me jugera qu’avec l’intérêt que mérite un homme de cette classe.

« Innocent, patriote, calomnié, quelles que soient les mesures que prenne le Comité, je ne pourrai me plaindre de lui.

« Si trois hommes déclaraient que j’ai commis un délit, je ne pourrais pas me plaindre du jury qui me condamnerait.

« Salicetti, tu me connais. As-tu rien vu, dans ma conduite de cinq ans, qui soit suspect à la Révolution ?

« Albitte, tu ne me connais point ; on n’a pu te prouver aucun fait ; tu ne m’as pas entendu ; tu connais cependant avec quelle adresse quelquefois la calomnie siffle. (Il ne parle pas ici de La Porte, le moins influent des trois).

« Dois-je donc être confondu avec les ennemis de la patrie, et des patriotes doivent-ils inconsidérément perdre un général qui n’a point été inutile à la République ? Des représentants doivent-ils mettre le gouvernement dans la nécessité d’être injuste et impolitique ?

« Entendez-moi, détruisez l’oppression qui m’environne et restituez-moi l’estime des patriotes.

« Une heure après, si les méchants veulent ma vie, je l’estime si peu, je l’ai si souvent méprisée ! Oui, la seule idée qu’elle peut être encore utile à la patrie m’en fait soutenir le fardeau avec courage. »

Tout cela était écrasant ; on ne trouva rien de compromettant dans ses papiers, et les commissaires eux-mêmes, il faut bien le dire, furent les premiers à regretter leur précipitation : dans une lettre du 20 août, adressée au comité de Salut public, ils avouèrent franchement qu’on avait toutes les raisons de maintenir le général Bonaparte dans son grade et son commandement.

Voici l’ordre d’élargissement que le général en chef Dumerbion mit un grand empressement et un grand plaisir à signifier au jeune prisonnier :

« Après avoir scrupuleusement examiné les papiers du citoyen Buonaparte, suspendu provisoirement des fonctions de général d’artillerie de l’armée d’Italie, et mis en état d’arrestation après le supplice du conspirateur Robespierre, par forme de sûreté générale ;

« Après avoir pris connaissance des ordres à lui donnés, le 25 messidor, par le représentant du peuple Ricord pour se rendre à Gênes, où il devait remplir une mission spéciale précisée par l’arrêté dudit jour, et reçu de lui un rapport par écrit du résultat de sa mission ; après avoir pris les renseignements les plus exacts sur la conduite antérieure dudit général et cherché la vérité dans plusieurs interrogatoires qui lui ont été faits par eux-mêmes, n’ayant rien trouvé de positif qui pût justifier les soupçons qu’ils avaient pu concevoir de sa conduite et de ses dispositions ;

« Prenant en outre en considération l’utilité dont peuvent être à la République les connaissances militaires ou locales dudit Buonaparte, et voulant recevoir de lui tous les renseignements qu’il peut donner sur la situation antérieure de l’armée et ses dispositions ultérieures ;

« Arrêtent que le citoyen Buonaparte sera mis provisoirement en liberté pour rester au quartier général, et qu’il sera nécessairement rendu compte au comité de Salut public de l’opinion que l’examen le plus approfondi a donnée aux représentants du peuple de la conduite dudit Buonaparte, pour, après la réponse du comité de Salut public, être statué définitivement.

« Signé : Albitte, Salicetti.

« Collationné conforme à l’original,

« Signé : Cavenez.

« Certifié conforme. Le général en chef de l’armée d’Italie,

« Signé : Dumerbion. »

Dans leur lettre du 7 fructidor an II (24 août 1794) au comité de Salut public, les mêmes représentants disaient :

« Chers collègues,

« Par le courrier que nous avons envoyé de Barcelonnette, conjointement avec notre collègue La Porte, et par lequel nous vous instruisons de nos mesures concertées, et des soupçons graves que nous avions sur Ricord et Buonaparte, général d’artillerie, nous vous annoncions que l’un et l’autre vous seraient envoyés ; vous avez rappelé le premier ; le second, comme nous vous l’avons déjà mandé, a été mis par nous en état d’arrestation. Par l’examen de ses papiers, et tous les renseignements que nous avons pris, nous avons reconnu que rien de positif ne pouvait faire durer sa détention plus longtemps.

« Surtout quand nous avons trouvé l’arrêté de Ricord, dont nous vous envoyons copie, par lequel ce représentant envoyait à Gênes le général Buonaparte, et que nous avons été convaincus de l’utilité dont peuvent être les talents de ce militaire, qui, nous ne pouvons le nier, devient très-nécessaire dans une armée dont il a, mieux que personne, la connaissance, et où les hommes de ce genre sont extrêmement difficiles à trouver ;

« En conséquence, nous l’avons remis en liberté, sans cependant l’avoir réintégré, pour tirer de lui tous les renseignements dont nous avons besoin, et nous prouver, par son dévouement à la chose publique et l’usage de ses connaissances, qu’il peut reconquérir la confiance et rentrer dans un emploi qu’au demeurant, il est très-capable de remplir avec succès, et où les circonstances et la position critique où se trouve l’armée d’Italie pourraient nous obliger de le remettre provisoirement, en attendant les ordres que vous pourrez donner à cet égard.

« Salut et fraternité,

« Signé. Salicetti, Albitte. »

On ne pouvait justifier en termes plus explicites et plus honorables que ne le faisaient là Salicetti et Albitte la conduite du jeune général ; et l’on sent, au ton d’estime et de considération avec lequel ils parlent de lui, qu’ils ne lui garderont pas longtemps rigueur, et que les circonstances ne vont pas tarder à les obliger à le faire rentrer plus que provisoirement dans cet emploi qu’ils lui avaient ôté, et, qu’au demeurant, il est très-capable de remplir avec succès. C’était dire en propres termes, malgré les circonlocutions : le général Bonaparte est à lui seul l’âme de toute l’armée, et nous sommes perdus si nous le perdons.

Le comité de Salut public, qui, lui, n’avait autorisé aucune mesure contre Bonaparte, et qui n’avait désapprouvé ni approuvé celles que les représentants avaient cru devoir prendre, les laissa faire, et nous voyons, peu après sa sortie de prison, Bonaparte agir comme auparavant en qualité de commandant en chef de l’artillerie. Il n’eut, du reste, qu’à se louer, en cette crise, de ses camarades. Tous lui témoignèrent la plus grande bienveillance, à commencer par le général en chef Dumerbion. Pendant sa captivité au fort Carré d’Antibes, son ancien camarade, le général Dujard, qui avait été mis à sa place par les représentants, ne prit aucune disposition, et lui rendit, avec le plus honorable empressement, l’emploi qu’il n’avait occupé un moment que par devoir.

Aussi voyons-nous, dès le commencement du mois de septembre 1794, Bonaparte rentré pleinement dans ses anciennes attributions, et nous le verrons exerçant ses fonctions de général pendant la campagne suivante.

La position de l’armée d’Italie était devenue en effet critique après le 9 thermidor, comme l’avaient mandé Salicetti et Albitte au comité de Salut public. Une sorte de torpeur s’était emparée d’elle. L’armée piémontaise avait repris courage ; elle se renforçait tous les jours par l’arrivée de nouveaux bataillons autrichiens.

Les deux armées françaises qui investissaient le Piémont étaient dans un état déplorable. La première, l’armée des Alpes, campée par détachements sur les crêtes de la chaîne supérieure, et formant une ligne de 240 kilom. de développement, du mont Blanc aux sources du Tanaro, périssait de misère et de maladie. « Les communications étaient difficiles, dit un historien militaire, les vivres rares et fort coûteux, les chevaux exténués. L’air vif, les eaux crues de ces régions élevées occasionnaient dans les hôpitaux une mortalité qui, tous les trois mois, aurait pu suffire à la consommation d’une grande bataille. Cette défensive était plus onéreuse pour les finances et plus désastreuse pour les hommes qu’une campagne offensive. »

La seconde armée, commandée en chef par Dumerbion, décrivait un immense demi-cercle depuis le mont Viso jusqu’au-dessus d’Albengo, et ne souffrait pas moins par les mêmes causes. Les divers corps ainsi campés sur ces sommités, séparés par des vallées souvent profondes, ne pouvaient se secourir en cas d’attaque. On les croyait perdus, et l’ennemi chantait déjà victoire : le 9 thermidor avait ranimé toutes ses espérances. Les armées austro-sarde et anglaise combinées, dont la jonction devait se faire dans les plaines méridionales du Piémont, et qui avaient pour alliées la faim, la misère et les maladies de nos soldats, comptaient nous attaquer sur plusieurs points à la fois, et, par l’envahissement de la France, prêter main-forte aux contre-révolutionnaires, qui se remuaient partout en faveur du prétendant. Mais on calculait sans le génie de la République, et, il faut bien le dire, celui de Bonaparte.

Le comité de Salut public désirait qu’on prît l’offensive. Mais il fallait consulter ses forces, ne point attaquer si l’on n’était point en mesure de vaincre ; et la victoire devenait difficile dans la situation où se trouvaient nos troupes. Agir de concert avec l’armée des Alpes eût seulement permis à l’armée d’Italie d’espérer la victoire ; il fallait s’entendre avec elle : Dumerbion chargea Bonaparte de ce soin. Celui-ci eut à ce sujet, avec les officiers de cette armée, des conférences à Colmars, près de Digne ; mais on ne tomba pas d’accord, parce que, pour marcher ensemble utilement, il eût fallu que les deux armées fussent placées sous le commandement d’un seul général en chef, et que cela dépendait du comité de Salut public. Un péril était cependant à conjurer.

Le 12 septembre, on avait appris qu’une division autrichienne, sous les ordres du général Wallis, s’était rassemblée sur les bords de la Bormida et avait porté ses magasins à Dego. Une division anglaise devait débarquer à Vado, et les deux armées combinées occuper Savone et forcer la république de Gênes à se déclarer contre la France. Il était de la plus haute importance d’empêcher que les forces anglaises, réunies aux forces austro-sardes, n’obtinssent contre nous le concours de la république de Gènes. Ce fut Bonaparte qui appela l’attention du général Dumerbion sur ce péril, et qui l’engagea à entreprendre, malgré tout, une campagne pour le conjurer. Il en était arrivé à ce point de considération, que le vieux général, qui pourtant ne manquait ni de bravoure ni d’initiative, lui répondit : « Mon enfant, présente-moi un plan de campagne, tel que tu sais les faire, et je l’exécuterai de mon mieux. » On n’a jamais vu, on ne verra jamais un pareil exemple de la supériorité du génie.

Il s’agissait surtout d’empêcher la jonction des armées ennemies, de les rompre et de leur imposer par quelque coup hardi. Le 19 septembre, Dumerbion, à la tête de 18,000 hommes et avec 20 pièces de montagne, se mit en mouvement, accompagné de son général d’artillerie. Ce mouvement, est-il besoin de le dire, était le premier du plan de Bonaparte ; il consistait à s’emparer des positions de Saint-Jacques, de Montenotte et Vado, et à appuyer ainsi la droite de l’armée aux portes de Gênes. L’exécution répondit à l’excellence du plan.

Une première division autrichienne, sous les ordres du général Colloredo, occupait Carcare et une partie de la vallée de la Bormida ; le général Mercy-Argenteau, avec une forte division autrichienne, était à Mondovi ; une troisième division autrichienne, sous les ordres du général Wallis, était placée en réserve vers Dego et devait appuyer les deux premières.

Dumerbion fit mine d’attaquer la division Argenteau pour agir plus fortement sur celle de Colloredo vers les sources de la Bormida.

L’armée française était ainsi disposée :

1o  À droite, le général Masséna, de Loano à Bardinello ;

2o  Au centre, le général Macquart, tenant Limone et Tende ;

3o  À gauche, les généraux Sérurier et Garnier, s’étendant jusqu’au col de Fenestrelle.

« La troisième sans-culottide (19 septembre), dit le rapport du général en chef au comité de Salut public, lu à la Convention et inséré au Moniteur du 4 octobre 1794, le poste de Saint-Jacques, situé sur la partie de l’Apennin qui sépare les forteresses de Savone et de Finale des vallées de la Bormida occupées par l’ennemi, et fortifié par un double retranchement, a été enlevé à la baïonnette avec une telle bravoure, que la terreur nous a précédés dans les postes de Bormida, Mallere, Paltere et Altare.

« Le 4 (quatrième jour complémentaire ou quatrième sans-culottide, comme on disait alors, de l’an II, 20 septembre 1794), une de nos colonnes, dérobant sa marche à l’ennemi, arriva très-précipitamment au château de Cossaria, força ce poste redoutable, et l’armée autrichienne allait être coupée et renfermée dans les gorges de la Bormida, lorsqu’une fuite précipitée est devenue son unique salut. »

Le général rend compte ensuite de l’affaire de la Roquette de Cairo.

« La cinquième sans-culottide (21 septembre), les républicains poursuivirent leur marche et rencontrèrent l’ennemi à la Roquette de Cairo ; la cavalerie et l’artillerie ennemies y avaient des positions avantageuses, et l’infanterie y était protégée par des hauteurs d’un difficile accès. Il ne restait qu’une heure et demie de jour ; une attaque aussi prompte que bien combinée les a culbutées sur tous les points. »

Dans cette journée du 21 septembre, les généraux Bonaparte et Masséna dirigeaient, sous le général Dumerbion, les soldats de la République.

Le lendemain 22 septembre, au moment où l’on se disposait à livrer un nouveau combat à l’ennemi en arrière de Dego, où il avait été rejeté, on apprit sa fuite à plus de 20 kilom. de cette ville, pour se porter sur Alexandrie et rejoindre sa réserve. Le général Wallis, harcelé le même jour par le général Cervoni, qui commandait notre avant-garde, prit position à Acqui, où le général en chef Dumerbion ne jugea pas à propos de le suivre, pour ne pas attirer sur lui toutes les forces sardes et autrichiennes ; il se contenta de cette reconnaissance, se replia par Montenotte sur Savone, et, conservant un poste dans cette vallée, il prit position sur les hauteurs de Vado, qu’il fit lier aux hauteurs du Tanaro par de forts ouvrages et par des postes de communication.

C’est à cela qu’avaient servi les cartes et les plans que, dans sa prévoyance, le général Bonaparte avait ordonné au citoyen Chantron de lever, par l’ordre que nous avons cité plus haut (29 mai).

Le général Dumerbion disait encore vers la fin de son rapport daté de Cairo le 2 vendémiaire an III (23 septembre 1794) :

« L’affaire de Cairo a coûté à la République quatre-vingts de nos frères d’armes et autant de blessés. La perte de l’ennemi est de plus de mille hommes, tant tués que blessés et prisonniers, et il nous a laissé dans ses magasins de quoi nourrir l’armée pendant un mois. »

Puis ces mots :

« C’est ainsi, citoyens représentants, que l’armée d’Italie a célébré la cinquième sans-culottide et le 1er vendémiaire de l’an III de la République française !

« Vive la République ! Dumerbion. »

Les représentants du peuple près l’armée d’Italie disaient aussi dans leur lettre à leurs collègues du comité de Salut public, en leur rendant compte des mêmes faits :

« La cinquième sans-culottide a été célébrée par une portion de l’armée d’Italie d’une manière digne de la République et de la Convention nationale. »

Cette victoire, en effet, éloignait les Autrichiens de la mer, empêchait le débarquement des troupes anglaises, qui cherchaient à se joindre à leurs alliés, et permettait ainsi le rétablissement des relations commerciales entre Gênes et Marseille. Les batteries que l’on construisit sur toute la côte, sous la direction du général Bonaparte, protégèrent le cabotage et interceptèrent, comme nous venons de le dire, tout rapport entre les Autrichiens et les Anglais. L’armée française, maîtresse de toute la rivière du Ponant jusqu’à Savone, maintenait dans sa neutralité vacillante la république de Gênes, dont les chefs aristocratiques étaient assez mal disposés pour les Français ; elle donnait, par le prestige même de son voisinage, une plus grande influence au parti déjà très-nombreux des amis de la République française. C’était beaucoup dans l’état des choses ; et un conseil de guerre, malgré l’avis de Bonaparte, qui voulait qu’on profitât de l’entrain des troupes pour enlever le camp retranché de Civa, et qu’on se précipitât à l’improviste sur le Piémont, par la gauche, en appelant à soi l’armée des Alpes, jugea prudent de s’arrêter aux avantages obtenus, jusqu’à nouvel ordre. Le combat de Cairo fut ainsi, dans cette campagne, la dernière opération de l’armée d’Italie ; et si l’on n’exécuta pas le plan d’invasion du Piémont proposé par Bonaparte, la République n’en eut pas moins à se féliciter des avantages de toutes sortes que le succès de nos armes nous assura dans cette partie de l’Italie.

Déjà le jeune officier rêvait la conquête de l’antique Péninsule.

Plus tard, quand le géant sera arrivé au faîte de la gloire et de la puissance, et qu’aucun horizon, si vaste qu’il soit, ne sera plus capable de caresser son regard, il se plaira à reporter ses souvenirs sur ce temps-là, et à dire que c’est un matin, au soleil levant, du haut