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traite profonde, protégée par le respect et la sympathie de toute l’Europe, portant avec une dignité admirable, et pendant plus de vingt ans encore, le poids de ses souffrances physiques (elle s’était cassé la cuisse), de ses angoisses morales et de ses immenses douleurs. Elle mourut en 1836, âgée de plus de quatre-vingt-cinq ans, d’une fièvre gastrite, emportant dans sa tombe la déchirante pensée que la France était à jamais fermée à tous les siens, et exprimant le désir qu’ils n’y rentrassent jamais qu’appelés par la volonté nationale.

Quelques dissidences passagères avaient existé entre le fils et la mère. Napoléon se rappelait avec une certaine amertume qu’elle s’était vivement opposée à ce qu’il prît le titre d’empereur, et oubliait difficilement sa préférence pour Lucien, qu’elle avait sans cesse soutenu, en disant.avec une grandeur d’âme toute cornélienne : « Celui de mes enfants que j’aime le plus, c’est toujours le plus malheureux. » Il se montrait aussi blessé de son aversion pour Marie-Louise. Cependant, en 1820, lorsque les fautes de la Restauration suscitèrent des révolutions en Espagne et en Italie, et qu’il se forma une conspiration bonapartiste, accusée de répandre des millions pour fomenter un mouvement en faveur de son fils, elle répondit noblement : « Je n’ai pas de millions ; mais si je possédais les trésors qu’on me suppose, je les emploierais à armer une flotte pour enlever mon fils de l’île de Sainte-Hélène, où la plus odieuse déloyauté le retient prisonnier. » En effet, quoi qu’on ait dit de ses immenses richesses, elle ne laissa qu’une fortune de 80,000 fr. de rente et environ 500,000 fr. de bijoux. Le plus bel héritage qu’elle légua à ses enfants fut l’exemple de sa modération dans la prospérité, de sa grandeur d’âme dans l’adversité.

Bonaparte (STATUE DE MARIE-LAETITIA), par Canova. L’attitude donnée à la mère de Napoléon par le célèbre statuaire est celle de l’Agrippine assise du Capitole. Quatremère de Quincy, à qui Canova avait envoyé d’Italie un carton gravé de sa statue, ayant témoigné par lettre à l’artiste la crainte qu’on ne l’accusât d’avoir copié servilement l’antique, Canova lui répondit : « Vous verrez un jour ma statue à Paris. Eh bien, je vous défie, vous et qui que ce puisse être, d’y trouver même un seul pli emprunté à quelque ouvrage que ce soit. Si j’ai posé ma figure à peu près comme l’est l’épouse de Germanicus, il ne s’y trouvera aucune autre espèce de ressemblance, je n’entends pas seulement dans la tête (ce qui va sans le dire), mais dans son ensemble, dans sa coiffure, dans le mouvement des jambes, dans le parti général des draperies, dans leur ajustement, dans les proportions du tout et dans les moindres détails. » L’objection faite par Quatremère fut reproduite par d’autres amateurs lorsque la statue arriva à Paris ; mais Visconti y répondit péremptoirement, par l’exemple même de l’antique, où l’on trouve, pour un grand nombre de sujets, la même attitude et la même composition répétée nombre de fois. Quatremère ne tarda pas à reconnaître lui-même ce qu’il y avait eu de précipité dans son observation. « Ceux qui connaissaient la statue d’Agrippine, dit-il dans son livre sur Canova, virent bien que l’artiste moderne avait fait asseoir sa figure sur un siège à dossier semblable, et dans la position qu’un pareil siège peut tout naturellement suggérer à la personne qui l’occupe ; mais on reconnut en même temps que sur ce siège était assise une tout autre personne ; qu’à cela près de certains rapprochements que produit le petit nombre d’attitudes prescrites par une position donnée, il n’existait pas la moindre similitude entre les deux personnes, soit dans la dimension et les proportions, soit dans les détails de l’ajustement, soit dans le caractère de l’ensemble, et surtout de la tête, portrait en quelque sorte vivant qui donnait la vie à tout le reste, soit pour la nature des étoffes et leur exécution. Le spectateur, en tournant autour de la statue, observait que chaque côté ou chaque aspect offrait, dans un parti de plis naturels et variés, comme une figure toujours nouvelle, sans cesser d’être toujours la même. Il n’y eut qu’une voix sur cet ouvrage. On disait que ce n’était plus une statue : elle semblait parler et prête à se lever. »

Le musée de "Versailles a deux portraits de Mme  Laetitia peints par Gérard : dans l’un, elle est représentée assise près d’une table sur laquelle est une lettre ; le buste de Napoléon est placé au fond.


BONAPARTE (Joseph), frère aîné de Napoléon, né à Corte ie 7 janvier 1768, mort à Florence le 28 juillet 1844. Doué de toutes les qualités qui rendent un homme estimable, il eût été le particulier le plus honnête de son temps, et, au besoin, eût fait un assez bon monarque dans un État bien tranquille ; mais, jeté par les circonstances au milieu des révolutions et des guerres, il ne se montra pas toujours à la hauteur de sa position. Après avoir terminé ses études au collège d’Autun, où s’était déjà révélée sa philanthropie sentimentale, il revint en Corse, s’occupa de sa famille, que la mort de son père laissait sans protecteur, et se fit recevoir avocat. Ses opinions républicaines le firent nommer président du district d’Ajaccio en 1791, et il publia, pour éclairer ses concitoyens, un livre élémentaire sur la constitution. Député vers Paoli pour l’engager à débarquer à Ajaccio, il se sépara de lui lorsque ce général rompit avec la France, et, au lieu d’occuper le poste de juge au tribunal d’Ajaccio, auquel il avait été appelé, il partit pour le continent. Il venait d’y organiser une expédition contre la Corse, lorsque le soulèvement de Toulon nécessita la présence du corps d’armée dont il faisait partie devant la ville rebelle, au siège de laquelle il seconda son frère, en remplissant les fonctions de chef de bataillon à l’état-major général. Les talents administratifs dont il fit preuve en cette circonstance lui valurent le poste de commissaire provisoire des guerres à Marseille, où il épousa, le 1er août 1794, Marie-Julie CLARY, fille d’un riche négociant. Loin de s’endormir dans les douceurs du mariage, il tenta contre la Corse une seconde expédition, qui eut le sort de la première. Pendant ce temps, son frère, plus heureux que lui, venait de gagner sur les marches de Saint-Roch le grade de général en second de l’armée de l’intérieur, qu’il devait échanger, deux mois plus tard, contre celui de général en chef de l’armée d’Italie. Joseph le rejoignit, et, après l’armistice de Cherasco, se rendit auprès du Directoire pour presser la conclusion de la paix avec le Piémont. Il refusa l’ambassade de Turin, pour retourner près de son frère, et composa, chemin faisant, en une nuit, au sujet d’un soldat blessé, une pastorale intitulée Moina, qu’il fit imprimer. Les succès de son frère lui permirent enfin de réaliser le rêve de toute sa vie ; la Corse fut reprise aux Anglais, et il s’appliqua à la réorganiser. Quelque temps après, il fut nommé successivement résident de la République auprès du duc de Parme, et ministre plénipotentiaire, puis ambassadeur à la cour de Rome ; là, il se trouva dans une position fort difficile, entre les méfiances du pape et les menées des révolutionnaires. Les 28 et 29 décembre 1797, à la suite d’une émeute, il courut de grands dangers en compagnie du général Duphot, qui fut massacré. Il demanda immédiatement ses passe-ports, et revint à Paris recevoir les félicitations du Directoire. On lui proposa l’ambassade de Berlin, mais il préféra entrer au conseil des Cinq-Cents, dont il venait d’être élu membre par le département de Liamone (Corse). Il en sortit en 1799, pour aller jouir de la vie de famille à sa propriété de Mortfontaine, où une lettre du directeur Gohier lui apprit que son frère, de retour d’Égypte, venait de débarquer à Fréjus, nouvelle qui le surprit peu, puisqu’il avait fait secrètement tenir à Napoléon le conseil de revenir. Joseph joua un rôle important dans les préparatifs du 18 brumaire, en gagnant Moreau et Sieyès, s’abstint de paraître au moment décisif, n’osa se charger d’un ministère après l’événement, et consentit avec peine à être membre du Corps législatif et bientôt après du conseil d’État. Propre par les qualités de son esprit à concilier les partis et à représenter la France à l’étranger, il fut nommé, en 1800, membre de la commission chargée de rétablir la bonne harmonie entre la France et les États-Unis, négocia avec M. de Cobentzel la paix de Lunéville, conclue le 9 février 1801 avec l’Autriche, et signa dans son hôtel du faubourg Saint-Honoré le concordat avec le pape. Il arrêta encore, avec lord Cornwallis, la paix d’Amiens, signée avec l’Angleterre le 25 mars 1802.

Tout en faisant les affaires du pays, Joseph voulut faire les siennes, et, comme son frère, sur le point de prendre le titre d’empereur, allait avoir à régler la question d’hérédité, la perspective du trône lui fit un peu oublier son abnégation philosophique. En qualité d’aîné, il soutint énergiquement ses droits et se fit déclarer héritier de la couronne, que Napoléon aurait désiré léguer au fils de Louis. Il était même allé jusqu’à l’emportement contre son frère et Joséphine, qu’il conseillait à Napoléon de répudier. Après avoir accepté Joseph comme son successeur éventuel, Napoléon exigea, pour qu’il fût à même de soutenir un aussi lourd héritage, qu’il apprît l’art de la guerre, et l’envoya avec le grade de colonel dans un régiment de ligne ; puis lui offrit, à la condition de renoncer à ses droits au trône de France, la couronne de Lombardie, que Joseph refusa, ainsi que la présidence du sénat. L’année suivante, chargé du gouvernement par intérim, il s’occupait de l’organisation des finances, lorsqu’il reçut l’ordre d’aller conquérir le royaume de Naples pour lui-même. Secondé par Masséna, Reynier et Saint-Cyr, il y réussit promptement ; mais, au lieu d’employer la rigueur, comme le lui conseillait Napoléon, il voulut jouer au roi philosophe. Investi du pouvoir à Naples par un décret en date du 30 mars 1806, tout en conservant son titre de grand électeur et en réservant ses droits à la succession au trône de France, loin de conquérir la Sicile, il laissa reprendre l’île de Capri par les Anglais, et apprit, tandis qu’il assiégeait Gaëte avec Masséna, la défaite de Reynier par le général anglais Stuart, et le soulèvement des Calabres. Il était temps que Gaëte se rendît pour que Masséna pût aller secourir Reynier, arrêter les massacres des Français, soumettre les Calabres et refouler les Anglais en Sicile. Désormais tranquille possesseur de la partie continentale des Deux-Siciles, Joseph essaya d’y faire régner l’ordre et la justice sous un gouvernement paternel, que les conspirations fomentées par la reine Caroline ne purent décider à la rigueur, bien qu’on fût allé jusqu’à miner et faire sauter le palais du ministère de la police.

Napoléon, qui venait de conclure la paix de Tilsitt, eut une entrevue avec Joseph à Venise, et le chargea de ménager un rapprochement entre lui et Lucien, négociation qui échoua complètement. Tout à coup, le 21 mai 1808, Joseph reçoit de son frère l’ordre de venir s’asseoir sur le trône d’Espagne. « Telle était, dit M. Thiers, la manière simple et expéditive avec laquelle se donnaient alors les couronnes, même celle de Charles-Quint et de Philippe II. » Le 6 juin, un décret, s’appuyant sur les déclarations du conseil de Castille, proclamait Joseph roi d’Espagne et des Indes, et lui garantissait l’intégrité de ses États d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie. N’osant désobéir, Joseph partit, la mort dans l’âme, mais fut agréablement surpris de la foule d’adhésions qu’il recueillit, entre autres celle de Ferdinand lui-même. Passant d’une extrême méfiance à une extrême confiance, il n’en trouva que plus affreux le revers de la médaille. Si, à Bayonne, tout le monde lui faisait fête, ses sujets se préparaient à le recevoir à coups de fusil. Une insurrection formidable et victorieuse nécessita l’envoi de 50,000 hommes de renfort, qui purent à peine soutenir sa couronne chancelante. Des revers successifs, couronnés par la malheureuse capitulation de Baylen, épouvantèrent le nouveau roi, qui écrivait lettre sur lettre pour qu’il lui fût permis d’aspirer à descendre et de retourner à Naples. L’empereur, comprenant sa faute, aurait peut-être écouté ses prières, s’il n’eût pas promis le royaume de Naples à Murat, et ne se fût cru assuré du concours de la Russie. Néanmoins, sentant la nécessité de sa présence dans des conjonctures aussi graves, il prit la peine de venir en personne battre les Espagnols et forcer les Anglais à se rembarquer. Après avoir tenu son frère à l’écart, tandis qu’il changeait de fond en comble la constitution espagnole, il lui permit enfin de se souvenir qu’il était roi et de rentrer à Madrid. Une série de succès, qui semblaient devoir consolider le trône de Joseph, causa sa perte. Vaincus en bataille rangée, les Espagnols s’éparpillèrent en guérillas et devinrent invincibles. Les dissidences des généraux et leur manque d’obéissance à l’égard de Joseph doublèrent les périls de la situation. Par la faute de Soult, le roi ne put que rendre indécise la bataille de Talavera, et lui, qui seul avait fait son devoir, fut blâmé par son frère. Néanmoins, plusieurs victoires consécutives effrayèrent les Espagnols et rendirent l’espoir à Joseph, qui s’empara de l’Andalousie et allait réussir à pacifier le pays, lorsque des mesures imprudentes de Napoléon remirent tout en question. Joseph envoya alors à Paris deux de ses ministres, et l’empereur promit de différer le démembrement qu’il projetait des provinces de l’Èbre ; mais, pendant ce temps, ses généraux continuaient d’accabler le pays, que désolaient leurs luttes contre les Anglais et les Espagnols. Voyant refuser sa démission pour la quatrième fois, Joseph se décida à partir pour la capitale, exposa avec sagacité à Napoléon la situation, et lui annonça prophétiquement que, s’il persistait dans son système actuel de politique, l’Espagne deviendrait le tombeau de ses armées, la confusion de sa politique, peut-être même le terme de sa grandeur et la ruine de sa famille. Par malheur, Joseph joua en cette circonstance le rôle de la pauvre Cassandre.

Sauf le stérile honneur de tenir le roi de Rome sur les fonts baptismaux, Joseph ne put rien gagner sur la volonté de son frère, et se vit même, de retour dans ses États, lorsque le mal empirait, accuser d’être cause des revers des armes françaises. Cependant Napoléon, avant de s’engager dans la désastreuse campagne de Russie, éclairé enfin par l’expérience, remit entre les mains de Joseph le droit de tout diriger par lui-même. Il était trop tard ; les généraux, peu habitués à lui obéir, n’exécutèrent pas l’ordre qu’il leur donna de concentrer leurs forces, et la perte de la bataille des Arapiles, amenée par un fâcheux défaut d’entente entre les généraux, força Joseph à abandonner Madrid le 10 août 1812. Obligé de se replier sur Valence, il éprouva la douleur de se voir accuser de trahison près de son frère par le maréchal Soult, dont le mauvais vouloir l’avait empêché d’exterminer l’armée anglo-portugaise. Néanmoins ses demi-succès lui avaient rendu l’espoir de reconquérir son royaume, lorsque Napoléon fit avorter tous ses plans : le sort de l’Espagne venait de se décider en Russie. Au lieu d’envoyer des renforts à son frère, l’empereur lui retira ses meilleures troupes pour réparer les brèches faites à son armée en Russie, et, n’espérant plus le maintenir sur le trône, mais n’abandonnant pas l’idée de conserver les provinces de l’Èbre, lui ordonna, au mois de mars 1813, de transférer sa cour de Madrid à Valladolid. Comme fiche de consolation, il consentit au rappel du maréchal Soult. Concentrer immédiatement ses troupes et se retirer en bon ordre, telle était la seule planche de salut ; Joseph le comprit sur les sages avis de Jourdan, mais il n’apporta pas assez de promptitude dans l’exécution. Coupé dans sa retraite par le général Wellington, qui avait une armée supérieure en nombre, il essuya le 21 août 1813, dans le bassin de Vittoria, une défaite désastreuse, à la suite de laquelle il put enfin déposer le fardeau de cette royauté qui n’avait été qu’une guerre continuelle, et aller se reposer à Mortfontaine. Napoléon, peu favorisé en Allemagne, traita avec l’Espagne, sans même consulter son frère, qui, cependant, n’hésita pas à se ranger noblement à ses côtés, pour le soutenir contre l’Europe coalisée. Installé au Luxembourg le 25 janvier 1814, il tenta vainement d’éclairer l’empereur sur la situation. L’indomptable volonté du conquérant refusa de fléchir et le conduisit à l’abdication du 4 avril. On imputa, dans le premier moment, à la faiblesse de Joseph cette catastrophe inévitable, lui reprochant : 1° le départ pour Blois de Marie-Louise et du roi de Rome ; 2° l’insuffisance des préparatifs de défense ; 3° l’autorisation de capituler donnée aux maréchaux Mortier et Marmont, et son départ précipité. Sur le premier chef d’accusation, la défense est facile : Joseph obéissait, malgré lui, à un ordre formel de l’empereur ; sur le second, les ressources étaient insuffisantes, et Joseph ne fut coupable que d’irrésolution ; quant au troisième grief, il découle naturellement du second : ne pouvant plus lutter, il fallait bien capituler pour sauver Paris, et fuir pour ne pas tomber entre les mains des ennemis.

Après l’abdication de son frère, Joseph s’était retiré en Suisse. À la nouvelle de son débarquement à Cannes, il courut lui offrir son épée, et le servit fidèlement jusqu’au désastre de Waterloo. Il quitta le même jour que lui la France et se réfugia à New-York, où il vécut tranquillement sous le nom de comte de Survilliers, avec ses deux filles, Zénaïde et Charlotte, et son neveu, le prince Charles Bonaparte.

Lors de la révolution de Juillet, il protesta, au nom de Napoléon II, contre le nouveau gouvernement, puis se rendit en 1832 en Angleterre, où il vécut respecté. Le 2 mars 1834, d’accord avec Lucien, il adressa au duc de Dalmatie, président du conseil des ministres, une protestation contre le maintien de la loi d’exil envers la famille Bonaparte. Il envoyait en même temps une pièce conçue dans le même sens aux signataires des pétitions pour le retrait de la loi de bannissement. Ce fut son dernier acte officiel ; il portait un cachet de libéralisme prononcé. De 1837 à 1839, Joseph habita de nouveau l’Amérique. En 1839, il retourna en Angleterre ; puis, en 1841, le roi de Sardaigne lui ayant permis de se rendre à Gênes, il fut autorisé par le grand-duc de Toscane à séjourner à Florence, où il mourut le 28 juillet 1844, précédant de quelques mois sa femme dans la tombe.

Il avait épousé à Marseille, le 1er août 1794, Marie-Julie CLARY, fille d’un négociant, née le 26 décembre 1777, morte le 7 avril 1845, dont la sœur cadette, Eugénie-Bernardine-Désirée, épouse de Bernadotte, devint reine de Suède et de Norvège. De son mariage étaient issues deux filles : 1° Zénaîde-Charlotte, née à Paris le 8 juillet 1801, morte à Rome le 8 août 1854 ; elle avait épousé à Bruxelles, le 29 juin 1822, son cousin germain Charles Bonaparte, prince de Canino. Elle a traduit les chefs-d’œuvre de Schiller, et aidé son mari dans ses travaux d’histoire naturelle ; 2° Charlotte, née à Paris le 31 octobre 1802, mariée à son cousin germain Napoléon-Louis, second fils du roi Louis, veuve le 17 mars 1831, morte sans enfants à Sarzane, le 2 mars 1839.

Le roi Joseph était un homme honnête et de mœurs simples, rempli de bonnes intentions et de bon sens, mais qui n’a pas été servi par les circonstances, se trouvant toujours sacrifié à l’ambition de Napoléon, et dépourvu d’ailleurs, il faut l’avouer, des qualités nécessaires aux fonctions élevées dont les circonstances l’avaient investi.

Bonaparte (PORTRAITS DE JOSEPH). Une Statue en marbre, exécutée par F. Delaistre et exposée au Salon de 1808, représente le frère de Napoléon en costume de grand électeur de l’Empire. Cette statue est au musée de Versailles, qui possède, en outre, un portrait de Joseph, peint par Gérard en 1810, et un buste de ce prince par Bartolini.

Bonaparte (PORTRAITS DES PRINCESSES ZÉNAÏDE et CHARLOTTE, filles de Joseph), tableau de David ; musée de Toulon. Ce tableau représente les deux filles que Joseph Bonaparte eut de son mariage avec Julie-Marie Clary : la première née à Paris et morte à Rome, la seconde née dans la même ville et morte à Sarzane. David, exilé à Bruxelles par la Restauration, peignit les deux sœurs en 1822. Elles sont assises à droite sur un canapé de velours rouge. L’aînée, âgée de dix-huit ans, est placée au premier plan ; elle est vêtue d’une robe de velours noir, sans manches, d’une écharpe rayée de jaune, de blanc et de bleu, et d’un petit châle rouge qui a glissé au bas de la taille. Un diadème en corail est posé sur ses cheveux noirs. Elle appuie son bras droit sur l’épaule de sa sœur et tient dans la main gauche une lettre en tête de laquelle on lit : Philadelphie... Mes chères petites... et plus bas : Lolotte et Zénaïde. À l’époque où ces portraits furent exécutés, Joseph Bonaparte habitait les États-Unis sous le nom de comte de Survilliers. Lolotte ou Charlotte, la plus jeune des deux princesses, porte une robe de soie grise dont les manches descendent jusqu’au poignet, un petit col tuyauté, un diadème enrichi de pierreries. Ses cheveux sont châtains ; sa physionomie, douce et timide, contraste avec l’air assuré et impérieux de sa sœur dont elle entoure la