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on s’amusa, on se récréa sur le chanoine, sur le saint qui combattait, qui s’escrimait pour nous. Si le bon homme nous eût entendus ! s’il eût su comme j’étais dévot !

« Nous allions nous mettre en route ; je désirais lui laisser un souvenir, un témoignage de satisfaction pour l’accueil qu’il nous avait fait ; mais quoi ? qu’offrir hors de la légende ? je me creusais inutilement la tête, je ne trouvais rien, lorsqu’il me vint tout à coup l’idée que je pouvais disposer d’une croix de Saint-Étienne. Je dictai quelques mots à Berthier, l’estafette partit. Nous fûmes embrassés, bénis par le hoc vieillard, qui, quelques jours après, reçut la décoration. »

Une autre anecdote, et c’est par là que nous terminerons ces préliminaires généalogiques, milite encore en faveur de l’origine toscane.

À huit milles de Florence, sur la route de Sienne, au-dessus d’une colline agréable et bien cultivée, s’élève le gros bourg de San Casciano, célèbre par cette auberge de la Campana habitée par Machiavel, et sur le seuil de laquelle on le voyait en sabots et en habits de paysan, demander aux voyageurs des nouvelles de leur pays, jouer, crier, se disputer avec l’hôte, le meunier et le boucher de l’endroit ; c’est ainsi, comme il l’a dit lui-même, qu’il calmait l’effervescence de son cerveau. À une vingtaine de milles plus loin, est Certaldo, qui se vante d’avoir donné naissance à Boccace. Entre ces deux points illustrés par les souvenirs de ces deux hommes de génie, dans une vallée riante, est un village inconnu, tellement il est peu considérable ; une église sans renommée, tellement elle est dépourvue de toutes les merveilles des arts qui fourmillent en Italie.

Il y avait là, en 1807, à l’époque la plus brillante de l’empire français, un curé qui se nommait Bonaparte. Il était pauvre et obscur, comme si un homme de son nom, n’avait pas tiré un pape du Vatican pour se faire sacrer à Notre-Dame ; doux et sans ambition, comme s’il n’était pas l’oncle de Laetitia et le grand-oncle du jeune général qui avait si glorieusement conquis l’Italie, salué les pyramides, et qui faisait et défaisait les rois en Europe. C’était un autre Alcinoüs dans les jardins de son presbytère, taillant ses arbres, mariant ses quelques vignes aux cinq ou six ormeaux de son petit domaine, et qui, comme le père d’Ulysse, portait un manteau troué et une chaussure rapiécée. Tout le bruit que faisait son petit-neveu dans le monde avait passé par-dessus sa tête sans qu’il l’entendît.

Personne autour de lui ne se doutait de sa glorieuse parenté ; il paraissait avoir tout oublié, pour ne songer qu’à ses paroissiens simples et ignorants comme lui ; derrière l’église serait son tombeau ; dans sa maison curiale était un fusil qui donnait quelquefois du gibier à sa table, quelques lignes avec lesquelles il péchait dans un étang voisin. Si l’on ajoute à ces moyens de distraction la culture de quelques fleurs et la dîme qu’il allait recueillir deux fois par an, on aura un résumé exact des occupations temporelles du curé Bonaparte, qui, quant au spirituel, n’innovait jamais, disait la messe deux fois par semaine, et prêchait tous les dimanches après vêpres. Cependant il y avait trois personnages que le curé distinguait, et dont il s’occupait plus particulièrement que de ses autres paroissiens : une jeune fille, un jeune garçon et… une poule. La poule était blanche et familière, excellente couveuse, et quand le curé déjeunait sous une petite tonnelle devant sa porte, la poule chérie venait becqueter les miettes de sa table. Elle allait à lui quand il l’appelait, se laissait caresser, et poussait quelquefois la condescendance jusqu’à pondre ses œufs quotidiens dans les plis poudreux de sa soutane ; avec celle-là l’intimité était complète.

Il n’en était pas tout à fait de même de la jeune fille Mattéa ; il l’avait vue naître, il l’avait baptisée et catéchisée, et c’était avec un plaisir innocent qu’il la voyait grandir et s’embellir tous les jours. Mattéa, avec ses beaux yeux, sa taille leste et dégagée, et cette finesse italienne qui s’allie à la naïveté et au naturel, était l’orgueil du village. Le bon curé rêvait sans cesse au bonheur à venir de la jeune fille ; il avait arrangé pour elle un mariage superbe ; il voulait la donner à Tommaso, son sacristain, le troisième objet de ses affections. Celui-ci, grand et vigoureux garçon, était un hôte habituel du presbytère, factotum du curé ; il cultivait le jardin, faisait la cuisine, répondait à la messe et chantait au lutrin, parait l’autel et garnissait les burettes ; c’était un bon jeune homme, un peu tapageur, mais honnête, toujours le premier et le plus ardent aux querelles du village ; au temps de Dante, il eut été guelfe ou gibelin, jamais neutre. Il aimait Mattéa avec une vivacité qui aurait effrayé le curé, si la froideur de la jeune fille n’eût rassuré le vieux prêtre.

« Il n’est pas mal, pensait le grand-oncle de l’empereur, que Mattéa conserve l’égalité de son âme : les vierges folles ne sont pas dignes de l’époux. »

Quand Mattéa venait au presbytère, le curé s’amusait quelquefois à demeurer dans sa chambre, et à travers le rideau grossier de la fenêtre, il regardait dans sa cour et observait le manège de Tommaso auprès de Mattéa.

« Mattéa, je priais pour vous ce matin en sonnant l’Angelus. Que faisiez-vous dans ce moment ? disait le galant sacristain. — Je pensais à la Vierge, » répondait la jeune fille, dont le regard de feu n’avait rien d’ascétique. Tommaso lui reprochait son indifférence, sa cruauté, puis il voulait l’embrasser, et la jeune fille rieuse s’échappait des bras de son amoureux et courait après la poule du curé ; alors celui-ci descendait, et il protégeait à la fois Mattéa et Bianca, sa poule.

C’est ainsi que le bon curé vivait doucement au milieu dé ses paroissiens et des êtres qu’il aimait, quand, un jour d’été, un bruit inaccoutumé remplit le village ; les pas de chevaux sonnaient sur le chemin qui le traversait, et en un moment la cour du presbytère se trouva pleine de cavaliers. Un des lieutenants de l’empereur, tout chamarré d’or, le chapeau orné de plumes blanches, se présenta devant le curé ; celui-ci, tremblant, avança un siège et se tint debout, les mains croisées sur sa poitrine, ne sachant encore à quel martyre il était réservé. « Rassurez-vous, monsieur le curé, dit le général de l’empire, rassurez-vous ; vous vous nommez Bonaparte, et vous êtes l’oncle de Napoléon, empereur des Français, roi d’Italie ? — Oui, monsieur, » murmura le curé, qui savait confusément la fortune de son neveu, mais qui la regardait comme une de ces choses lointaines dont il était séparé par des pays sans nombre, par d’incommensurables distances.

« La mère de Sa Majesté… — Laetitia, dit le curé. — Madame Mère, reprit le général, a parlé de vous à Sa Majesté. — Au petit Napoléon ? dit encore le curé. — À l’empereur, monsieur le curé. Il n’est pas convenable qu’un parent aussi proche que vous l’êtes, qu’un homme aussi recommandable que vous, languisse ignoré dans une pauvre cure de village, tandis que sa famille gouverne l’Europe, tandis que votre neveu, monsieur le curé, remplit le monde de son nom et de ses hauts faits. L’empereur m’envoie vers vous ; vous n’avez qu’à parler, vous n’avez qu’à vouloir. Quel siège épiscopal vous tente ? Voulez-vous un évêché en France ou en Italie ? Voulez-vous échanger votre soutane noire contre la pourpre d’un cardinal 7 L’empereur a trop d’amitié et trop de respect pour son oncle pour lui refuser quelque chose ; l’empereur peut tout. »

Le plus grand personnage que le pauvre curé eût vu dans sa vie était l’évêque dé Fiesole, qui venait une fois par an dans le village pour confirmer les petites filles et les petits garçons. Après cette visite épiscopale, le curé restait ébloui pendant quinze jours, au souvenir de l’anneau du pêcheur, de la mitre d’or et du rochet de dentelle. Pour le moment, on faisait briller à ses yeux de bien plus grandes richesses, on dorait son avenir d’une puissance bien supérieure. Il hésita un instant ; il se recueillit devant le général, qui s’inclinait.

« Monsieur, dit-il, cela est-il bien vrai ? Ma nièce Lœtitia est impératrice ?… Et moi qui ai entendu sa première confession !… il y a bien lontemps !… quand elle était petite fille !… »

Le général sourit.

« Monsieur, continua le curé, permettez-moi de m’examiner un instant ; il faut y réfléchir avant de changer si subitement de fortune. »

Le général était aux ordres du curé, et celui-ci monta dans cette petite chambre où il y avait une fenêtre donnant sur la cour.

Dans la cour, tout était tumulte et confusion. L’escorte du général avait débridé ses chevaux, et les cavaliers fumaient et riaient entre eux ; Mattéa, cachée dans un coin, considérait ce spectacle nouveau pour elle, tandis que Tommaso était tout occupé des grands sabres et des brillants uniformes, et que la poule Bianca courait effarouchée à travers les pieds des chevaux.

Peu à peu les yeux de Mattéa se familiarisèrent avec ce qu’elle voyait ; de son côté, un dragon aperçut la jeune fille ; il s’avança vers elle ; il était jeune, beau et galant ; Mattéa, coquette et nullement amoureuse de celui que lui destinait le curé. Ce qu’ils se dirent, par quelles paroles le soldat français séduisit l’Italienne, c’est ce que nous ne savons pas ; mais ce qui est certain, c’est que quand Tommaso voulut aller au secours de la jeune fille, celle-ci le repoussa rudement, en lui rappelant qu’il était midi et qu’il devait aller sonner l’Angélus. Tommaso s’emporta, le dragon le prit par une oreille, le fit pirouetter sur lui-même, et l’envoya tomber au milieu d’un groupe de camarades. « C’est donc toi, grand nigaud, lui dirent les soldats, qui sonnes l’Angélus ici et qui réponds aux patenôtres du curé, au lieu d’être un homme et de servir l’empereur. Tu seras bien avancé quand tu auras atteint le grade de bedeau dans ce maudit village. Crois-nous, mon garçon, laisse là ta clochette et viens avec nous ; nous te donnerons un bel uniforme, un grand sabre et un beau cheval. C’est cette fille qui te retient, dirent-ils en désignant Mattéa, qui, dans un coin de la cour, était en conversation réglée avec son nouvel amoureux ; c’est cette fille ? regarde-la bien, elle ne t’aime pas ; elle aime le Parisien ; vois donc, il l’embrasse. »

Tandis que ces choses se passaient, un gros dragon, qui n’en était plus à la saison des amours et à qui, sans doute, la ration du régiment ne suffisait pas, faisait la chasse aux poules du curé, et la pauvre Bianca s’efforçait vainement d’échapper au ravisseur,

« Mattéa, retournez chez votre mère, criait le curé par la fenêtre de sa chambre ; monsieur le dragon, laissez Bianca tranquille, je vous en prie. »

Hélas ! la voix débile du curé n’avait pas la puissance de la voix de Napoléon. Le Parisien continuait à courtiser la jeune fille ; le gros dragon poursuivait toujours Bianca ; Tommaso, le petit gibelin, étendait une main sur la croupe d’un cheval, de l’autre il caressait la poignée d’un sabre. Enfin le Parisien fit avancer son cheval, il s’élança dessus d’un bond ; puis, tendant les mains à Mattéa, il la plaça en croupe derrière lui, et, sans respect pour la maison du curé, il piqua des deux et disparut avec l’Italienne. Au même moment, le gros dragon s’emparait de Bianca. « Mattéa, Mattéa… Monsieur le dragon, laissez cette poule, » criait le curé d’une voix tremblante.

Alors Tommaso, entendant enfin la voix de son maître, courut au secours de la poule ; le pauvre garçon n’avait pu défendre sa maîtresse, il sauva Bianca.

Le curé Bonaparte quitta sa chambre et alla rejoindre le général : le pauvre homme était pâle, défait.

« Qu’avez-vous, monseigneur, lui dit le général, quel chagrin peut vous agiter ainsi ? — Monseigneur ! Monsieur, répondit tristement le curé, laissons cela. Il y avait une fille sage, honnête et bonne, et depuis que vous êtes arrivés, elle est perdue. — Perdue ? expliquez-vous, s’il vous plaît. — Oui, monsieur le général, Mattéa, ma filleule, a suivi un de vos soldats ; elle vient de s’enfuir sous mes yeux. — Un rapt dans votre maison ! s’écria le général, dans la maison de l’oncle de l’empereur ! le coupable sera puni, il sera fusillé sur l’heure… Holà !… brigadier, quel est celui de vos hommes qui vient de se rendre coupable de ce crime ? — Oh ! point de sang, je vous en prie, monsieur le général, point de sang ; mais si cet homme est un bon sujet, qu’il épouse Mattéa et qu’il la rende heureuse. »

Le brigadier raconta le fait ; il n’y avait point eu de violence, et le ravisseur, le nouveau Pâris de cette Hélène florentine était le Parisien, un bon soldat, qui allait être élevé au grade de maréchal des logis, et qui était désigné pour avoir la croix.

« Il l’épousera, dit le général ; il l’épousera, je vous en réponds. »

Le curé jetait çà et là des regards incertains et effarés ; évidemment il cherchait sa poule, il voulait sa poule ; mais la sévérité du général, qui avait parlé de faire fusiller le ravisseur de Mattéa le retenait, et il n’osait pas compromettre la vie d’un homme par amour pour un animal, lorsque Tommaso entra, tenant dans ses bras la poule chérie ; Bianca était évanouie, ses paupières bleuâtres recouvraient ses yeux ronds, et ses pattes roidies ne pouvaient plus la soutenir. Le curé s’en empara, il lui ouvrit le bec et y versa quelques gouttes de vin ; Bianca revint à elle, doucement, peu à peu, comme une petite maîtresse après une attaque de nerfs ; elle entr’ouvrit ses paupières, releva sa crête, étendit ses pattes et agita ses ailes. Tommaso saisit ce moment pour prendre la parole.

« Monsieur le curé, dit-il, j’ai perdu Mattéa. Ils m’ont promis que je serais un jour capitaine, colonel, maréchal de France, que sais-je, moi ? Je me fais dragon. »

Le curé regarda d’un air triste le général ; tout en caressant sa poule, il lui dit :

« Je remercie mon neveu l’empereur, monsieur le général, et je reste curé de ce pauvre petit village inconnu, où j’ai été si longtemps heureux. J’ai hésité un moment, et, vous le voyez, Dieu m’a puni… Dites à Laetitia que j’espère {et je le crois fermement) qu’elle a toujours la même bonne conscience qu’elle avait étant jeune fille… Embrassez pour moi mon neveu, le petit Napoléon ; Dieu leur conserve à tous leurs trônes, ce sont de braves enfants d’avoir songé à leur vieil oncle ; je ne veux point d’évêché, point de robe rouge, ni de barrette de cardinal… Allez, monsieur le général, et si vous respectez les volontés de l’oncle de votre empereur, ne revenez plus. »

Lorsqu’on recevait un ordre de l’empereur, il fallait l’exécuter et réaliser la pensée impériale, cet arrêt du destin qui a si longtemps fait la loi en Europe. Si Napoléon disait : Vous prendrez cette ville ! il était nécessaire de la prendre, il était écrit qu’on la prendrait, et cette parole fatidique a été une des mille causes des grands succès de l’empereur. Or, il avait dit au général N*** : « Vous tirerez mon oncle de sa cure, et le ferez venir à Paris, ou vous le conduirez à Rome. Que mon oncle soit auprès de moi ou auprès du pape, n’importe, il sera toujours bien ; mais il ne peut être ailleurs : il faut qu’il devienne au moins évêque. » Le général insista donc ; il pria, supplia, puis menaça : il ne pouvait comprendre comment on refusait la croix, apanage des évêques, les revenus d’un diocèse, ou l’influence qu’exerce toujours un cardinal. Le curé demeura ferme dans sa résolution, il résista aux prières, et quand vint le tour des menaces, il répondit avec l’amertume d’un Corse irrité et la ténacité d’un Bonaparte. Le général, désappointé, fut forcé de se retirer sans avoir rien obtenu, et sa turbulente escorte évacua le village.

Quand l’empereur apprit le mauvais succès de son ambassadeur et le peu d’ambition de son vieil oncle, il se contenta de sourire, et jamais ne reparla plus de cette circonstance.

Mattéa épousa le Parisien, et, avec le temps, elle se trouva la femme d’un colonel.

Tommaso prit du service, et, à la Restauration, il était capitaine dans la garde impériale. Le bon curé Bonaparte mourut dans sa cure avant la fin de l’Empire. Hélas ! il a été le plus heureux de sa famille.

Cette réflexion, bien entendu, s’arrête respectueusement aux frontières de l’année 1848.

Ces détails anecdotiques, charmants et très-intéressants quand il s’agit d’une telle personnalité, sont extraits d’un excellent ouvrage de M. de Coston, comme nous le dirons tout à l’heure plus explicitement, à l’article consacré au général Bonaparte.


BONAPARTE (Charles-Marie), père de Napoléon, né à Ajaccio en 1744, fut envoyé à Pise pour étudier le droit, et épousa à son retour Laetitia Ramolino. C’est de ce mariage que naquit toute une génération de rois. En 1768, Charles Bonaparte fut du nombre de » patriotes qui secondèrent les deux Paoli dans leur lutte armée pour l’indépendance de la Corse. Non-seulement il se distingua par son courage, mais c’est lui qui rédigea, dit-on, l’adresse à la jeunesse corse, publiée à Corte en juin 1768. Sa femme l’accompagna partout, bien qu’elle fût enceinte de sept mois de Napoléon, et partagea avec lui tous les périls de la guerre, jusqu’au moment où Paoli, dont le patriotisme ombrageux ne comprit pas les grandes idées de la Révolution française, se réfugia en Angleterre. Alors, après l’établissement définitif de la domination française, Charles Bonaparte revint s’établir dans ses foyers, et, grâce à la protection du comte de Marbeuf, gouverneur de l’île, fut reconnu noble et nommé successivement assesseur de la ville et province d’Ajaccio en 1774, député de la noblesse de Corse à la cour de France en 1777, et enfin, en 1781, membre du conseil des douze nobles de l’île. Pendant qu’il remplissait à Paris sa mission, il obtint trois bourses:une pour Joseph, son fils aîné, au collège d’Autun ; la seconde, pour Napoléon, à l’école de Brienne; la troisième, à la maison royale de Saint-Cyr, pour sa fille Marie-Anne-Élisa. Il lui fut en même temps donné gain de cause contre un ingénieur au sujet du dessèchement d’un marais lui appartenant, dans lequel son adversaire lui faisait éprouver de graves pertes par l’interruption des travaux. Charles Bonaparte mourut en 1785, à Montpellier, où il était venu pour se faire traiter d’un squirre à l’estomac. Ses restes furent transportés plus tard à Saint-Leu, par les soins de son fils Louis. Il eut de son mariage treize enfants, dont huit lui survécurent, cinq fils et trois filles, savoir: 1° Joseph Bonaparte ; 2° Napoléon Bonaparte ; 3° Marie-Anne-Élisa Bonaparte; 4" Lucien Bonaparte ; 5° Louis Bonaparte ; 6° Marie-Pauline Bonaparte ; 7° Marie-Annonciade-Caroline Bonaparte ; 8° Jérôme Bonaparte.

Bonaparte (PORTRAITS DE CHARLES-MARIE). Le musée de Versailles a deux portraits du père de Napoléon Ier:l’un est une peinture exécutée par Girodot-Trioson, en 1805, et qui représente Charles-Marie Bonaparte en pied, debout devant une table sur laquelle se trouvent des livres et des papiers ; l’autre est un buste en marbre, sculpté par M. Élias Robert, en 1855.


BONAPARTE (Mme Marie-Laetitia RAMOLINO), épouse du précédent, mère de Napoléon Ier, née à Ajaccio le 24 août 1750, d’une famille patricienne. Bien qu’au milieu des discordes civiles qui déchiraient son pays, elle n’eût pu recevoir qu’une éducation médiocre, elle se fit toujours remarquer par la pénétration de son esprit et la rectitude de son jugement, autant que par l’élévation de son caractère. Elle était d’une beauté pleine d’éclat, dont la gravité mélancolique et la dignité sévère rappelaient à l’esprit le type idéal de la matrone romaine. En 1767, elle épousa Charles Bonaparte, dont elle partagea les périls lors de la résistance armée contre la conquête française ; elle le suivait à cheval, même pendant ses grossesses, dans ses expéditions et ses fuites à travers les montagnes. Devenue veuve en 1785, elle déploya le plus ferme caractère et veilla seule à l’éducation de ses enfants. Lorsque, en 1793, la Corse eut été livrée aux Anglais, elle fut obligée de fuir au milieu de mille dangers, et se réfugia avec son fils Lucien et ses trois filles à Marseille, où elle fut réduite aux subsides que la République accordait aux patriotes réfugiés, et où elle vécut dans un dénûment extrême jusqu’au moment où Bonaparte, devenu général en chef de l’armée d’Italie, put améliorer le sort de sa famille. Dès lors, elle suivit la fortune extraordinaire de son illustre fils ; reçut, en 1804, le titre de Madame Mère, eut un palais, une cour, dont les charges étaient remplies par les plus grands noms de l’ancienne monarchie; mais conserva, au milieu de cette grandeur inouïe de sa race, l’austère simplicité de sa vie passée. Il paraît même que, malgré le désir de l’empereur, elle poussait sa répugnance pour le faste et l’éclat jusqu’à la parcimonie, et qu’elle s’attachait moins à jouir du présent qu’à se prémunir contre les éventualités de l’avenir. Par une prévoyance de mère de famille dont la vie avait été douloureusement éprouvée, elle disait parfois, avec une gaieté pleine do mélancolie : Qui sait si je ne serai pas un jour obligée de donner du pain à tous ces rois ? On sait qu’en effet, plus tard, les économies accumulées par la sollicitude maternelle ne furent pas inutiles à tous ces rois devenus des proscrits. Après les désastres de Waterloo et la seconde abdication de Napoléon, Madame Mère se retira à Rome, où elle vécut dans une re-