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des deux métaux, et par la pression au rouge qui leur est donnée, chacune des plaques doubles ne forme plus qu’un seul métal, qui est le doublé proprement dit. Ces plaques de doublé ont une force de cohésion telle que, d’une épaisseur qui d’abord égalait à peu près 2 millimètres et demi, on peut les amener, sous le laminoir, à la minceur du papier a lettres le plus fin. La fabrication des bijoux en doublé d’or ou en or doublé a atteint un degré de perfection qui sera difficilement dépassé ; elle embrasse tous les genres de bijoux, et ses produits ont presque autant d’éclat que ceux de la bijouterie en or. On compte à Paris 154 fabricants de bijoux en or doublé, parmi lesquels se trouvent compris les garnisseurs, qui ont pour spécialité les pommes de cannes, de cravaches, etc.

Après la bijouterie en doublé, on peut placer ta bijouterie d’imitation, de chrysocale ou de cuivre doré qui vient originairement de l’Italie. Ce n’est guère que sous Louis XIV que l’on commença à porter des bijoux de cuivre doré en même temps que des pierres fausses. A. cette époque, les diamants étant devenus un objet indispensable de parure pour les classes riches, les actrices qui figuraient aux spectacles de la cour se crurent obligées de copier ce luxe éblouissant, et elles se couvrirent de.pierres fausses qui imitaient plus ou moins bien les pierres fines : nous possédons aujourd’hui le strass, pierre qui a presque l’éclat du diamant et qui a pris le nom de son inventeur ; nous avons aussi le brillant de Paris, qui est encore une imitation plus parfaite du véritable-diamant. L’usage de porter des pierres fausses a amené celui des bijoux faux ou d’imitation, dont la fabrication a acquis de nos jours une importance considérable. Loin, d’être un obstacle aux progrès de la véritable bijouterie, cette fabrication a été pour elle un véritable stimulant. Les bijoux sont devenus un besoin universel, du moment où il y a eu des bijoux pour toutes les bourses : et les bijoutiers en or ont dû redoubler d’efforts pour inventer des formes de plus en plus élégantes, lorsqu’ils voyaient leurs plus beaux produits devenus bientôt vulgaires par les copies parfaitement imitées qu’on en répandait à profusion dans les classes les moins favorisées de la fortune. Souvent même il est arrivé que de simples bijoux dorés surpassaient en élégance les bijoux d’or, et la vraie bijouterie, se piquant d’honneur, ne tardait pas à se relever par des créations nouvelles. Lu. bijouterie dorée compte, à Paris, 428 fabricants auxquels on peut en joindre 52 qui travaillent en bronze doré, qui montent des nécessaires, des albums, des garnitures de cheminées, etc.

Tous les bijoux qui se fabriquent en or, en doublé ou en cuivre doré peuvent aussi se faire en argent blanc ou bruni et en argent doré. La bijouterie d’argent comprend un genre spécial connu sous le nom de petite partie d’argent ; sans rentrer dans l’orfèvrerie, elle fait des ouvrages qui ne sont pas destinés à la parure proprement dite : des tabatières, des hochets, des boucles, des ressorts de sacs et de bourses, des agrafes, etc. Il y a, pour les ouvrages d’argent, deux titres légaux : le premier est à 950 millièmes, et le second à 800 millièmes. Chacun de ces titres est marqué au moyen d’un poinçon portant une tète de Minerve, avec le numéro l ou 2 selon le degré d« pureté de l’argent. Il y a à Paris 141 fabricants de bijoux d’argent, qui peuvent être ainsi répartis : 97 font tout ce

?ui concerne la parure proprement dite ; 33

ont l’article de religion (croix, chapelets) ; 11 ont la spécialité des ordres français et’ étrangers ; les Croix d’honneur, crachats, étoiles, symboles maçonniques, etc., sortent de leurs ateliers.

Dans ces dernières années, deux nouveaux métaux sont venus se placer à côté de l’or et de l’argent : l’aluminium, blanc comme l’argent, mais beaucoup plus léger, et le bronze d’aluminium, presque aussi brillant que l’or. Mais ces deux industries ne font que de naître, et l’avenir seul peut nous apprendre à quels développements elles sont destinées.

La bijouterie d’acier a été en faveur pendant assez longtemps. Par sa dureté, l’acier est susceptible d’un beau poli, qui lui donne beaucoup d’éclat, sans toutefois lui permettre d’égaler celui des métaux plus précieux. Les bijoux d’acier offrent aussi l’avantage d’une grande solidité ; ils durent plus longtemps que lés autres bijoux, mais cette longue durée n’a

Ïieut-être pas une bien grande importance orsqu’il s’agit d’objets de parure soumis aux changements si rapides de la mode. La matière employée est tantôt du fer malléable dont on acière la surface par une trempe en paquet, tantôt de l’acier qu’on adoucit en le maintenant au rouge au milieu de la limaille de fer et qu’on durcit de nouveau par cémentation après le travail. Des laminoirs, portant en creux l’empreinte des reliefs qu’on veut obtenir, ou des matrices d’acier trempé servent a travailler cette matière ; on ébarbe ensuite, on termine chaque pièce à la lime ou à la meule ; on soude par la brasure, ou bien on emploie les assemblages à rivets. Pour polir, on emploie l’émeri et le rouge d’Angleterre appliqués sur des meules de bois ou d’étain pour les parties saillantes, et au moyen de brosses rudes pour les parties creuses ; cependant, on remplace quelquefois ce polissage par des moyens mécaniques semblables à ceux qui sont appliqués dans la fabrication des aiguilles. En 1855, Paris ne possédait que 42 fa BUO

bricants de bijoux d’acier ; en 1865, le nombre s’en est élevé à 97.

Nous devons encore parler de la bijouterie d’écaillé et de celle d’ivoire. L’écaillé a longtemps servi presque uniquement à faire des peignes ; on en fait aujourd’hui toutes sortes d’objets pour la parure, et il en est de même de 1 ivoire. L’art d’incruster l’or et l’argent sur l’écaillé est ancien, parce que cette substance peut aisément supporter un assez haut degré de chaleur et de pression ; quant à l’ivoire, c’est seulement depuis quelques années qu’un jeune artiste, graveur sur métaux, a trouvé l’ingénieux procédé qui permet de le soumettre à une véritable incrustation, ainsi que la nacre : jusque-là, on ne savait que pla

? ; uer sur l’ivoire des filets d’or ou d’argent

ormant toujours saillie. La bijouterie d’écaillé ne comptait, il y a une dizaine d’années, que cinq ou six fabricants ; on peut aujourd’hui en porter le nombre a 42.

Les idées lugubres qu’inspirant la mort sembleraient devoir repousser tout désir de parure ; il existe pourtant une bijouterie de deuil, quoique ces deux mots offrent une de ces contradictions dont le cœur humain offre <, ant d’exemples. Nous sommes loin du temps où, pour témoigner sa douleur, on se croyait obligé de déchirer ses habits et de se couvrir de cendres ; ce sont des robes neuves qu’il faut à nos veuves, et, si la couleur en est sombre, l’étoffe n’en est pas moins très-précieuse ; au lieu de cendres, il leur faut, pour orner leur tête, des bijoux de couleur sombre encore, mais toujours fort chers et toujours choisis de manière à faire ressortir les grâces d’un visage dont la douleur peut éloigner pour quelque temps le sourire, mais sans défigurer des traits qu’on n’a pas du tout envie de cacher à tous les regards. 58 fabricants ont, à Paris, la spécialité des bijoux de deuil. Nous pouvons y ajouter 23 fabricants d’ouvrages en cheveux ; car la plupart de ces ouvrages ont pour objet la conservation des seules reliques corporelles qu’on puisse porter sur soi pour perpétuer le souvenir de ceux qui nous ont été enlevés par la mort,

Ouvriers en bijouterie. Dans la classe si nombreuse des travailleurs, c’est-à-dire des hommes qui ne doivent rien a la fortune et qui sont obligés de gagner chaque jour par un travail manuel le pain qui doit les nourrir, les ouvriers bijoutiers ont toujours joui d’une certaine considération, qui n’est pas due seulement à la difficulté de leur art, à l’habileté de main qu’il exige, mais encore et surtout à leur réputation de probité généralement reconnue. S’ils n’étaient pas probes, ils succomberaientnéoessairement aux tentations que le

maniement journalier des matières les plus précieuses rendrait pour ainsi dire continuelles, et ils seraient chassés honteusement d’une profession qui ne peut être exercée qu’à la condition d’être honnête. Cette profession peut sembler moins utile que celle des maçons, des charpentiers, des cordonniers, des pâtres, des bouviers ; mais on ne peut mer qu’elle rapproche l’ouvrier des classes supérieures en lui inspirant le goût du beau, et en le mettant en contact plus ou moins direct avec les personnes chez qui l’éducation et la pratique de la vie ont développé les facultés de l’âme, en restreignant les grossiers appétits de la matière. Nous n’avons pas besoin de dire que toutes les branches dans lesquelles se divise la bijouterie constituent pour les ouvriers autant de genres différents de travaux, et que chacun de ces genres exige un apprentissage particulier. Généralement les apprentis restent cinq ans chez leur maître ; ils ne sont reçus qu’après quinze jours ou un mois d’essai, et si le maître juge qu’ils sont en état d’apprendre le métier, il se charge souvent de les nourrir et de les coucher pendant le temps de l’apprentissage. Sous la Restauration et sous

Louis-Philippe, la journée de l’ouvrier était de onze heures et demie pleines. En été, il venait à 6 heures, déjeunait à l’atelier à 10 h, (une demi-heure lui était accordée pour ce repas) ; de 4 à 5 heures il quittait l’atelier pour aller dîner et revenait travailler jusqu’à

7 heures. En hiver, la journée commençait à

8 heures du matin et ne finissait qu’à 9 heures du soir. Dans les moments de presse, l’ouvrier donnait une heure ou deux de son temps en plus ; mais ces heures lui étaient payées sur le même pied que celles de la journée. Depuis la révolution de 1848, la journée n’est plus que de 10 heures ; les ouvriers ne déjeunent plus à l’atelier, et ils ont une heure entière pour le repas du matin, qui se fait généralement à 11 h. Leur santé y gagne, elle y gagnerait surtout s’ils pouvaient aller prendre leurs repas dans un lieu aéré ; car l’air de l’atelier est saturé de vapeurs malsaines provenant des’ substances employées pour le traitement de l’or, et l’ouvrier qui reste toujours assis n’a pas assez de mouvement pour entretenir la vigueur de ses organes : aussi, la plupart d’entre eux sont aisément reconnaissantes par la pâleur du visage et la faiblesse de leur complexion. En moyenne, on peut évaluer à 4 fr. 50 cent, la journée des simples ouvriers bijoutiers en or ; il y en a 3,000 environ dans la capitale, outre 400 polisseuses. Leur corporation avait autrefois ses prérogatives et ses fêtes symboliques, celle, par exemple, de la réception de l’ouvrier qui venait de terminer son temps d’apprentissage : ce jour-là, on attachait à sa boutonnière une patte de lièvre et une paire de petites pinces appelées brucelles ;

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on le promenait en triomphe, et tout se terminait par un joyeux banquet. De toutes ces coutumes, qui sont tombées avec les corporations, il ne reste plus guère que celle du pâté, de veille, ainsi nommé parce qu’on y mange ’ un énorme pâté le jour’de la fête de saint Cloud, et qu’à partir de ce moment les veillées commencent dans tous les ateliers de bijouterie pour ne finir qu’au jour de Pâques de l’année suivante ; mais cette dernière-coutume elle-même est loin d’être observée partout.

Les ouvriers en doublé d’or peuvent être assimilés presque entièrement à ceux qui travaillent sur l’or, sauf qu’ils gagnent un peu moins depuis que le travail est devenu plus facile et plus rapide par l’emploi des matrices d’acier poli, des outils à découper, des laminoirs à cannelures et d’une foule d autres machines que l’on perfectionne chaque jour. Les ouvriers attachés à cette branche de la bijouterie sont au nombre d’environ 1,200 avec 760 polisseuses.

Il y a trois classes d’ouvriers bijoutiers en cuivre doré : les blantieçs, les monteurs et les façonniers, qui travaillent en blanc chez eux pour le compte des fabricants. Les monteurs sont ceux qui gagnent le plus- la journée des plus habiles peut produire jusqu à 7 fr. ; elle est en moyenne de 6 fr. ; celle des blantiers est de 5 fr. Autrefois, la journée de ces ouvriers ne dépassait pas en moyenne 3 fr. 50 cent. Ce progrès tient à l’extension extraordinaire qu a prise la vente des bijoux faux, dans une classe à laquelle ce luxe était toujours resté inconnu, tant que les bijoux n’étaient pas descendus à un prix abordable pour elle. Paris compte plus de 3,000 ouvriers dans cette branche, qui occupe, en outre, environ 400 brunisseuses ; car le cuivre ne se polit pas, on le dore et ensuite on le brunit. Les cinq années d’apprentissage sont ordinairement réduites à quatre, toutes les autres conditions restant d’ailleurs les mêmes.

Dans la bijouterie d’acier, les ouvriers se divisent en blantiers, qui soudent et préparent les carcasses ; en riveurs, qui couvrent ces carcasses de petites pointes à facettes d’acier poli, et en monteurs, qui assemblent toutes les pièces : leur journée est payée comme celle des bijoutiers en cuivre, et ils sont au nombre de 1,500.

Nous ne connaissons pas exactement le nombre des ouvriers bijoutiers employés à travailler l’écaillé, l’ivoire, la nacre ; tout ce que nous pouvons dire, c’est que le prix de leur journée est à peu près le même que pour la bijouterie en cuivre doré. Ceux qui font les bijoux de deuil se partagent en deux classes : les blantiers et les monteurs ; les blantiers ne font guère que préparer des carcasses, de cuivre noirci ou de fer ; ce sont presque toujours des femmes qui sont chargées de la monture, et leur travail consiste presque uniquement à assembler des pièces qu’elles collent avec de la cire noire sur les carcasses préparées par les blantiers. On peut, dans cette partie, compter 400 ouvriers et 500 monteuses,

À toutes ces catégories d’ouvriers, il faut encore ajouter, comme exerçant une profession qui se rattache essentiellement à la bijouterie, 103 estampeurs, 332 graveurs, ciseleurs et guillocheurs, qui travaillent chez eux et occupent des ouvriers plus ou moins nombreux, 97 graveurs sur pierres fines, camées et mosaïques, et enfin 23 faveurs de cendres.

Ces derniers nous amènent naturellement à parler du soin avec lequel tous les bijoutiers cherchent à tirer parti des moindres parcelles d’or et d’argent que le travail journalier fait tomber des mains des ouvriers sous forme de poussière. Les balayures de l’atelier sont d’abord triées avec soin, brûlées ensuite sur une grille, et les cendres sont conservées précieusement. Rien ne se perd chez les fabricants de bijoux ; quand les creusets ne peuvent plus servir, on les pile dans un mortier de fer, et on les lave ensuite dans une sébile de bois ; cette opération s’appelle faire le meimgros. Les eaux dans lesquelles les ouvriers lavent leurs mains sont tirées au clair, filtrées au chapeau, et leurs résidus sont séchés et brûlés comme les balayures de l’atelier. Il n’est pas jusqu’aux petits morceaux de drap dont on s est servi pour polir les bijoux, les petites brosses même, qui ne soient conservés avec un soin extrême, pour être brûlés avec beaucoup de précautions : c’est ce qu’on appelle faire les poncés, brûler les poncés ; car, lorsqu’on polit les bijoux, soit au moyen de brosses ou de morceaux de drap, soit avec de la pierre ponce en poudre ou du tripoli, on en enlève toujours une petite couche, quelque mince qu’elle soit : voilà ce qui explique la valeurréelle de ce qu’on appelle tes poncés, qui sont toujours la partie la plus riche des cendres. Lorsque le fabricant se trouve avoir une certaine quantité de cendres (il y en a quelquefois plusieurs tonneaux), elles sont mises dans un moulin de fer par les soins du faveur de cendres. On y mêle de l’eau et du mercure, et on fait tourner le moulin pendant vingt-quatre heures, en n’en prenant qu’une petite quantité chaque fois : cette opération demande plusieurs jours. Pendant qu’on agite ainsi les cendres, il arrive que le mercure absorbe la quantité d’or et d’argent que les cendres contiennent. Ensuite, on fait passer tout ce mercure à travers une peau, en la pressant fortement avec les deux mains. Il ne reste donc plus, dans l’intérieur de cette peau,

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qu’une boule informe et qui n’est qu’un amalgame de mercure et d’or. Quand il ne reste plus de cendres, on réunit toutes les boules qu’on a obtenues et on les enferme dans une cornue de fer appropriée à cette opération. Cette cornue de fer est mise sur un fourneau, et on la dispose de manière que l’extrémité du col trempe dans un vase plein d’eau : c’est alors que se produit la séparation du mercure avec l’or : le mercure, à mesure que la cornue reçoit l’action du feu, vient se précipiter par petites quantités dans te vase où il y a de l’eau ; après quoi, l’on ouvre la cornue, on en retire les matières d’or et d’argent, qui sont comme calcinées, et on les fond au creuset.

À propos des cendres, voici un fait qui, depuis^ oien des années, se raconte dans la bijouterie et qui se passa sous la Restauration : Un fabricant de bijouterie d’or de la rue Saint-Martin, qui occupait annuellement près de quarante ouvriers dans son atelier, up des

F lus importants de Paris à cette époque, avait habitude de ne faire laver ses cendres qu’à la fin de chaque année.

Cet homme jouissait d’une haute considération, qu’il devait à son intégrité de commerçant. On était alors dans les derniers jours de décembre, époque à laquelle avait lieu ordinairement le fameux lavage des cendres.

Quelques mois auparavant, Françoise, jeune Bourguignonne robuste et d excellente volonté, avait quitté son village pour venir chez le commerçant en qualité de servante. La veille du premier de l’an, les ateliers furent fermés dès quatre heures du soir, et tous les ouvriers eurent congé jusqu’au sur lendemain. Quant au fabricant et à sa femme, depuis leur mariage ils avaient l’habitude, d’aller célébrer cet anniversaire chez leurs parents, qui demeuraient à la campagne. Au moment du départ, la dame dit à Françoise : • Ma fille, vous allez être ici la maîtresse pendant deux jours, et je m’en rapporte à votre activité pour que la maison soit nettoyée de fond en comble.-Ohl soyez tranquille, madame, vous pouvez compter que tout sera net à votre retour. » Les maîtres étaient à peine partis que voilà Françoise qui se met à la besogne. Elle fait d’abord les appartements ; puis ce fut le tour de la cuisine, où bientôt fourneaux et casseroles brillèrent d’un éclat sans pareil. « Voyons, se dit Françoise en se croisant les bras, que peut-il me rester encore à faire ?» Et la voilà parcourant les ateliers, balayant, frottant et mettant tout en ordre. Au fond, elle avise un cabinet qui ne prenait jour que sur uno allée obscure, eff Françoise recule épouvantée en voyant un tas de cendres capable de remplir plusieurs tonneaux. « Ah ben I s’écria-t-elle, j’allions en faire de belles 1 et qu’est-ce que ma maîtresse m’aurait dit à son retour ? » Et Françoise n’a plus de repos que toutes les cendres ne soient dans la rue. La pauvre tille y passa une partie de la nuit. Puis, se livrant au repos, elle s’endormit de ce paisible sommeil qui est le partage d’une conscience tranquille. Le lundi matin, le maître était de retour, les ateliers étaient ouverts, et la lime et le marteau résonnaient à qui mieux mieux. Tout à coup le bijoutier dit à sa femme : « C’est aujourd’hui que l’on va s’occuper du grand lavage annuel ; dans huit jours tombe la fameuse traite de 15,000 fr. que nous avons à payer ; mais comme les poncés vont en donner au moins 20,000, c’est 5,000 qui resteront pour que tu puisses enfin te payer les meubles de bois de rose et cette parure après lesquels tu soupires depuis si longtemps. » C’était son cadeau d’étrennes. Cela dit, il se rend tout joyeux et en se frottant les mains dans le cabinet aux cendres, dans le jardin des Hespérides. Il faut renoncer à peindre son étonnement, sa stupéfaction en contemplant le nettoyage de la trop zélée Françoise. Ne pouvant en croire ses yeux, il appelle la servante, qui arrive avec son visage toujours souriant. • Vous avez nettoyé ici hier, lui dit-il ; où avez-vous donc mis toutes les cendres qui remplissaient ce réduit ? — Mais, monsieur, j’ai nettoyé et jeté tout dans la rue, répond imperturbablement la naïve servante.

— Malheureuse 1 s’écrie le fabricant dans le paroxysme de la colère, vous m’avez ruiné. • Et, hors de lui, il se précipite sur la pauvre fille, qu’il aurait mise en piteux état sans l’intervention des ouvriers qui étaient accourus au bruit. L’infortuné bijoutier se mit au lit, et l’on craignit un moment une congestion cérébrale. Toutefois, comme il avait un esprit droit, il comprit qu’il était le premier coupable, et que la pauvre Françoise, tout à fait étrangère aux petits détails de ce métier spécial, Savait péché que par un excès de zèle et de propreté. Elle resta à la maison, et ses maîtres n’eurent qu’à se louer de leur généreuse résolution ; car, trois années plus tard, cette brave fille était assez heureuse pour sauver, au péril de ses jours, la vie à 1 enfant de ses maîtres, charmante petite fille de cinq ans qui était sur le point de se noyer. Ce fut le fabricant, à son tour, qui lui dut de la reconnaissance. Françoise s’était acquittée en un seul jour, et, à partir de ce moment, elle fut considérée comme faisant partie de la famille.

BIJOUTIER, 1ÈRE s. (bi-jou-tié, iè-rerad. bijou). Celui ou celle qui fait ou vend des bijoux : A peine ai-je écrit une ligne, que je suis interrompu-par ma marchande de modes et mon BUOoxrER. (Étienne.)